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3.2.1 Spécificités des TICE dans la démarche expérimentale

Dans la plupart des pays, les programmes de mathématiques mettent de plus en plus l’accent sur la dimension expérimentale de l’activité mathématique ainsi que sur l’aide que peuvent apporter les TICE à la mise en place effective de pratiques expérimentales dans les classes. C’est le cas de la création d’une épreuve pratique au baccalauréat scientifique en France en 2007. Dans cette partie, nous tenterons de préciser en quoi consiste une démarche expérimentale et les aides qu’apportent les TICE à une telle démarche.

Au niveau de recherche, le rôle des approches expérimentales utilisant des TICE pour la conceptualisation a été mentionné. Par exemple, Yerushalmy (1999) nous rappelle que les concepteurs des outils technologiques ont toujours visé à fournir des moyens pour une meilleure approche expérimentale comme un soutien pour la conceptualisation des élèves. Lagrange (2005b) a discuté comment les choix dans la conception des outils technologiques peuvent fournir aux élèves des approches expérimentales et les aider à la conceptualisation. Il a considéré les limites de la transposition des approches expérimentales des pratiques de recherche aux pratiques de la classe. Il a analysé une relation entre le curriculum, la pratique de la classe et la conception des outils technologiques et comment une réflexion sur le curriculum et les pratiques peut apporter une aide pour la conception des outils logiciels dédiés à des situations expérimentales pour l’apprentissage des fonctions.

Concernant une démarche expérimentale dans le cas spécifique des mathématiques, la question générale est : quelle expérimentation en classe de mathématiques ? Selon Lombard (2008), les expérimentations sont le plus souvent faites pour vérifier des hypothèses. Pour Perrin (2007), la démarche expérimentale est caractérisée par des activités comme « expérience, observation de l’expérience, formulation de conjectures, tentative de preuves, production éventuelles de contre exemples, … ». Nous pouvons déduire de ces travaux de recherche qu’une démarche expérimentale est un type d’activité en classe modélisant le travail exploratoire des chercheurs dont l’objectif est d’offrir aux élèves une nouvelle pratique aussi proche que possible des pratiques mathématiques réelles. La démarche expérimentale se compose souvent des tâches suivantes :

 Formuler un problème

 Expérimenter (réaliser, observer)

 Conjecturer

 Tester la conjecture (éprouver, évaluer)

 Prouver

Gueudet & Vandebrouck (2010) s’intéressent à deux moments clefs de la démarche expérimentale : celui de la conjecture et celui de la validation de cette conjecture.

 Le moment de la conjecture : Le moment de la conjecture apparaît comme essentiel dans la démarche expérimentale. Les technologies semblent apporter des potentialités intéressantes permettant aux élèves des activités de conjectures qu’il ne leur serait pas possible de développer dans un environnement papier/crayon. L’exemple ci-dessous est extrait d’une fiche élève dans le cadre des expérimentations de notre thèse. Il montre les apports du logiciel Casyopée (les outils de déplacement et de calcul géométrique) pour le travail d’observations et de conjectures des élèves.

Figure 3.1. Copie d’une fiche d’élèves de Terminale sur la résolution d’un problème d’optimisation

 Le moment de la preuve : Le deuxième moment clef est celui de la vérification de la conjecture émise. Les potentialités variées des TICE permettent aux élèves de vérifier la conjecture formulée et de les aider dans la réalisation de la preuve. Par exemple, dans le cas ci-dessus, les outils de déplacement et de calcul géométrique de Casyopée aident les élèves à vérifier la conjecture sur les variations de l’aire de la partie colorée. Les fonctionnalités spécifiques de Casyopée (voir le chapitre 4) facilitent également une preuve algébrique chez les élèves.

Selon Vandebrouck et al. (2010), la démarche expérimentale est une occasion pour les élèves de mettre en fonctionnement des connaissances non nécessairement explicitées (au niveau disponible (Robert & Rogalski, 2002)) et en dépassant les applications immédiates de ces connaissances. En ce sens, l’intégration des TICE au sein de la démarche expérimentale doit être une occasion supplémentaire d’enrichir l’activité des élèves en facilitant des adaptations de connaissances qui ne seraient pas permises par une activité en environnement papier/crayon. D’une part, l’usage de l’outil peut permettre l’activité de conjecture plus facilement qu’en environnement papier/crayon mais il peut d’autre part permettre à l’élève d’entrer en activité face à une démonstration qui lui demande de nombreuses adaptations de connaissances, comme des introductions d’intermédiaires ou bien des choix de méthodes. C’est là que réside l’intérêt d’articuler des activités nouvelles mettant en jeu les TICE avec l’activité mathématique des élèves. Cette articulation entre le travail expérimental et le travail de conjecture et de preuve pose encore des questions intéressantes. Par exemple, comment une approche expérimentale peut faciliter la conceptualisation des élèves ? Comment le travail avec les technologies peut-il susciter l’entrée dans la preuve mathématique ? Comment concevoir des outils technologiques appropriés aux curriculums pour aider la démarche expérimentale ?

3.2.2 Démarche expérimentale et épreuve pratique en Terminale S

L’importance de la démarche expérimentale dans l’enseignement des mathématiques trouve son aboutissement dans la mise en place en 2007, dans certains établissements, d’une épreuve pratique au baccalauréat scientifique. L’objectif est de tester les capacités des élèves à s’engager dans une démarche expérimentale avec l’aide des TICE. Dans cette épreuve, il est attendu des élèves qu’ils utilisent un outil informatique afin de résoudre un exercice mathématique dont le degré d’ouverture nécessite une démarche expérimentale, c'est-à-dire, plus ou moins selon les exercices proposés, une activité autonome de problématisation, de modélisation avec l’outil TICE, d’observation, de conjecture et de démonstration. A travers cette épreuve pratique, au-delà de l’acquisition stricte de connaissances, on cherche à développer les aptitudes des élèves à poser des problèmes, les explorer, élaborer des conjectures et les tester, produire des argumentations convaincantes et des preuves, communiquer leur travail et les résultats obtenus. Le type de tâche « observer – conjecturer – tester – prouver » est dominant dans les sujets proposés pour cette épreuve pratique. La page suivante montre un exercice extrait de bande d’exercices pour l’épreuve pratique en Terminale S.

Figure 3.2. Un exercice extrait de bande d’exercices pour l’épreuve pratique en Terminale S

La démarche expérimentale est explicitement utilisée dans cet exercice. Pour la question 1, il est demandé aux élèves d’utiliser un logiciel de géométrie dynamique pour construire la figure et d’observer les propriétés géométriques de la figure. Après

l’exploration de la figure avec le logiciel, les élèves doivent formuler des hypothèses sur les lieux des points I et B. Finalement, les élèves ont à faire une preuve pour trouver la solution et valider les hypothèses émises.