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2. Les différentes approches d'estimation d'efficacité et la justification du choix de la

2.3 DEA versus SFA

L’approche DEA possède un certain nombre d’avantages (Kalaitzandonakes et al., 1992) par rapport à la méthode paramétrique. Ceux-ci ont été suffisamment rappelés dans la littérature (Coelli et al., 1998 et Amara et Romain, 2000). Borodak (2007) synthétise certains avantages de la méthode DEA : un premier atout consiste au fait qu’elle ne requiert aucune hypothèse à priori concernant la forme fonctionnelle de la fonction de production, ni une restriction quant à la distribution du terme d’inefficacité. Elle est de ce fait une méthode d’estimation des frontières de production, particulièrement adaptée en cas d'incertitude sur la forme fonctionnelle de la technique de production étudiée. Ceci fait élargir le champ de la mesure de l'efficacité technique aux firmes qui ont des fonctions de productions difficiles à estimer. En revanche, pour les frontières stochastiques (SFA), leur utilisation peut dans ce cadre s‘avérer risquée puisque la forme fonctionnelle choisie nécessite des hypothèses spécifiques sur la distribution des termes d‘erreur.

La méthode DEA permet également de détecter les intrants utilisés en excès (Ghali et al., 2014). Cependant, en utilisant moins d’informations que dans l’approche paramétrique, les résultats dans l’approche non paramétrique devraient être moins précis. Par ailleurs, cette méthode a l’avantage, entre autres, de n’imposer aucune structure préconçue aux données dans le calcul des scores d’efficacité. Ainsi, elle offre à l’analyste la latitude de choisir les variables (inputs et outputs) en fonction des objectifs des dirigeants (Berger et

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Humphrey, 1997; Avkiran, 1999). Ainsi, elle montre une grande sensibilité au nombre de DMUs, à la qualité des données et au nombre de variables d’output et d’input (Thiam et al., 2001; Piot, 1994; Piot et Vermersch, 1993).

De plus, la méthode DEA permet d’intégrer plusieurs inputs et plusieurs outputs différents qui peuvent ne pas posséder la même unité de mesure. Cette approche se révèle particulièrement intéressante par rapport à la frontière stochastique (SFA), étant donné le caractère multidimensionnel de l’agriculture.

Néanmoins, la méthode DEA présente également quelques limites, lesquelles peuvent avoir des conséquences sur la nature des résultats obtenus. L’une des critiques majeures, auxquelles on fait face lorsqu’on utilise cette méthode, consiste à l’abstraction des erreurs de mesure et de l’influence des facteurs exogènes sur la frontière d’efficacité. Ainsi, cette méthode ne permet pas de prendre en compte les erreurs statistiques, les chocs aléatoires ou les bruits (Jacobs et al. 2006). Dans ce cas, la fiabilité des résultats peut être fortement remise en cause.

Ensuite, la méthode DEA ne permet pas de faire des tests statistiques et de vérifier des hypothèses (Amara et Romain, 2000), étant donné qu’il s’agit d’une méthode non paramétrique où la frontière est déterminée par les données.

En outre, la fonction frontière estimée à l'aide de cette approche est très sensible aux observations extrêmes, qui tracent cette frontière. Toutefois, il peut exister hors de l’échantillon des unités plus efficientes que la meilleure de l’échantillon.

Le tableau 1 résume les principaux éléments de comparaison entre les deux approches d’estimation :

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Tableau 1 : Comparaison de l’approche paramétrique et non paramétrique

Approche SFA

(Stochastic Frontier Analysis)

Approche DEA (Data Envelopment Analysis) ▪ Méthode paramétrique : On peut

procéder à des analyses et des tests statistiques grâce aux propriétés statistiques de la fonction de production.

▪ Méthode non paramétrique : On ne peut pas tester les hypothèses. Ne prend pas suffisamment en compte les erreurs statistiques.

▪ Utilise des estimations

économétriques par la méthode du maximum de vraisemblance pour estimer les paramètres du modèle et tester leur significativité.

▪ Fondée sur la programmation mathématique linéaire.

▪ L‘approche paramétrique englobe les deux frontières, déterministe et stochastique

Elle Tient compte des facteurs aléatoires (frontière stochastique).

▪ Aucune variation aléatoire n'est possible. Elle est toujours

déterministe donc elle considère que toute déviation de la frontière de production est une source d’inefficacité.

▪ La décomposition de différentes composantes de l’inefficacité n’est pas toujours possible, en particulier pour les technologies multi-produits (l’estimation ne concerne en général qu’un seul produit).

▪ Elle permet l’estimation des fonctions de production frontière dans des situations de multi-produits et de multi-inputs différents.

▪ La forme fonctionnelle doit être spécifiée. Elle nécessite de représenter la technologie par une forme

paramétrique particulière.

▪ Pas de spécification de relation fonctionnelle particulière pour la technologie.

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La comparaison des deux approches paramétrique et non paramétrique met en exergue les avantages et les limites de chaque approche. On peut repérer dans la littérature plusieurs études qui ont combiné les deux approches pour des fins de comparaison (Chahtour, 1999; Murillo-Zamorano et Vega-Cervera, 2001; Filali, 2008, Chemak et Dhehibi, 2010; Hossain et al., 2012; Kamiyama et al., 2016; Chebil et al., 2016). Leur application conjointe a pour objectif une meilleure appréciation des résultats. Presque dans toutes ces études, les résultats des deux approches prouvent leur complémentarité et semblent être en concordances en termes d’analyse des scores d’efficacité.

Force toutefois est de constater que le choix entre les deux approches n’est pas toujours facile et il n’existe pas un cadre d’analyse standardisé pour l’estimation de l’efficacité technique et ceci malgré la diversité des modèles proposés dans la littérature.

Bosman et Frecher (1992) recommandent de se baser sur la connaissance que l’on a de la technologie du secteur étudié pour faire le choix méthodologique. Cependant, Romain et Lambert (1995, p. 45) indiquent que « le choix de la méthode d’estimation n’est pas primordial lorsque l’objectif de l’étude est d’identifier les facteurs qui caractérisent les entreprises efficaces et non de rechercher leur niveau absolu d’efficacité ».

Compte tenu des limites inhérentes à la méthode DEA, l’approche paramétrique stochastique est privilégiée par rapport à l‘approche non paramétrique, dans notre étude, en tant qu’outil de mesure de l’efficacité.

Le choix de cette méthode nous est dicté, d’une part, par la prise en compte des facteurs aléatoires hors du contrôle des firmes qui affectent leur performance productive et d’autre part, la prise en compte d’un cadre d’analyse avec un processus de production mono-output. Donc, le recours à la frontière de production stochastique permet d'isoler le terme d'erreur purement aléatoire de celui reflétant l'inefficacité technique et devrait par conséquent conduire à une mesure plus précise de l'efficacité technique.

❖ Un regard sur les travaux antérieurs d’études d’efficacité dans le secteur oléicole.

Cette section fait une récapitulation non exhaustive des différentes études qui ont été réalisées dans les pays méditerranéens afin d’analyser l’efficacité du secteur oléicole. Afin de faciliter l’analyse, nous allons mettre l’accent sur les principaux facteurs qui nous semblent

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importants et qui ont eu un impact sur l’efficacité technique des exploitations oléicoles. Le survol de la littérature a montré que quelques études ont été réalisées afin d’analyser l'efficacité et la performance productive des exploitations oléicoles.

Tzouvelekas et al. (1999) et Tzouvelekas et al. (2001) ont estimé l'efficacité technique et le changement technologique de la production (des procédés organiques et conventionnels) dans les exploitations grecques à travers une frontière de production stochastique.

Plusieurs autres études, notamment celles de Giannakas et al. (2000), Karagiannis et Tzouvelekas (2001, 2009), ont étudié la question de l’efficacité technique du secteur oléicole en Grèce. Artukoglu et al. (2010), Cukur et al. (2013), Ozden et Dios-Palmores (2016) ont fait la même chose pour la Turquie.

Dans son étude sur la performance du secteur oléicole en Turquie, Ozden et Dios-Palmores (2016) se sont intéressés à l'effet de la structure de propriété sur la performance et la sensibilité des producteurs à l’égard de la qualité et de l'environnement du secteur oléicole. Les facteurs favorables à la performance mis en exergue dans ces études renvoient, pour l’essentiel, à des aspects qui concernent la gestion.

Cukur et al. (2013) ont suggéré qu'il existe d'énormes différences d'efficacité technique dans les exploitations oléicoles et que la plupart des exploitations oléicoles ne fonctionnent pas dans leur niveau optimal. Un sondage en face-à-face a été effectué auprès de 66 exploitations oléicoles et l’estimation de l'efficacité de ces exploitations a été déterminée en utilisant la méthode DEA.

Pour les exploitations oléicoles espagnoles, Lambarraa et al. (2007 ; 2009), Alcaide-López- de-Pablo et al. (2014) et Lambarraa et al. (2007) ont évalué l'efficacité technique du secteur oléicole espagnol. Ils ont utilisé dans leur analyse un modèle de frontière stochastique sur un échantillon d'exploitations agricoles espagnoles, à l'aide d'un panel de données, de 1999 à 2002. Les résultats indiquent que les exploitations oléicoles espagnoles sont moins efficaces par rapport aux autres fermes de l'UE. Parmi les facteurs exogènes retenus par l’auteur, l'âge de l’exploitant, les régimes fonciers et l’adoption de l'agriculture biologique affectent les niveaux d'efficacité.

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Encore en Espagne, Amores et Contreras (2009) ont réalisé une analyse l'efficacité du secteur oléicole, sur un échantillon de 3000 fermes en Andalousie. Ils ont estimé l’efficacité en utilisant l'analyse des enveloppes de données (DEA) appliquée à ces exploitations oléicoles. Les résultats de cette étude ont suggéré que l'efficacité est liée positivement à la taille de la ferme, et les améliorations d'efficacité observées dans les grandes exploitations proviennent de l'adoption de l'irrigation et des arbres nouvellement plantés. Les autres facteurs susceptibles d’influencer l’efficacité sont l'âge des oliviers, l'irrigation, l'intensité de l'agriculture et la pente.

Beltrán-Esteve (2013) a également évalué dans son étude l'efficacité des exploitations oléicoles en Andalousie (Espagne). Les résultats mettent en évidence les avantages du système de culture olivier dans les plaines par rapport à celui dans les montagnes.

En Tunisie, Lachaal et al. (2005 ; 2004), Kashiwagi et al. (2013) et Kamiyama et al. (2016) ont analysé la productivité et l’efficacité technique des exploitations oléicoles.

Lachaal et al. (2005) ont examiné l'effet de l’efficacité technique de production et ses déterminants au niveau d’un échantillon de 178 exploitations oléicoles dans la région de Sfax (Tunisie) en utilisant un modèle d’estimation simultanée de la frontière stochastique de production et des effets de l’inefficacité technique. Les résultats suggèrent qu’une utilisation plus efficace des facteurs de production permettrait une augmentation de la production d’olive de l’ordre de 18 %. Par ailleurs, l’examen des déterminants de l’efficacité technique de production a révélé que cette dernière est positivement affectée par la proportion de plantations productives, la proportion de la main d’œuvre qualifiée et la formation agricole. Cependant, elle est négativement associée à la pratique de l’amandier en intercalaire.

Quant aux Kashiwagi et al. (2013), ils ont étudié l'effet de l'introduction d'une technique d'irrigation sur l'efficacité technique de l'olivier en Tunisie. À cet effet, ils ont estimé une frontière de production stochastique de forme Cobb-Douglas sur un échantillon de fermes oléicoles tunisiennes. Leurs résultats démontrent que l'efficacité technique des exploitations oléicoles irriguées varie selon les fermes et qu’elles sont moins efficaces que les exploitations non irriguées. Cette découverte suggère que l'introduction de l'irrigation dans les fermes non irriguées détient le potentiel d'augmenter les niveaux de production ; de plus, l’accumulation de l'expérience et les connaissances des exploitants et la sélection de l'olivier contribuent de manière significative à l'amélioration de l'efficacité technique.

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Récemment, Kashiwagi (2017) a examiné l'efficacité technique des exploitations oléicoles en Palestine en utilisant un échantillon de 176 exploitations oléicoles. À cet effet, ils ont estimé une fonction de production stochastique de type Cobb-Douglas. Les résultats suggèrent que plus le niveau d'éducation du chef des ménages agricoles est élevé, plus l’efficacité technique s’améliore. En plus, les fermes avec une plus grande densité d'oliviers sont associées à une plus grande efficacité technique. L'introduction de l'irrigation a eu un effet marginal sur l'amélioration de l'efficacité et l'élargissement de la zone irriguée en a eu un négatif, mais l'augmentation du nombre d'années d'irrigation a impacté positivement l'efficacité. En plus, bien que l'impact de l'accès aux marchés d'exportation sur l'efficacité technique soit négatif et que les exploitations agricoles orientées vers la consommation domestique d'huile d'olive aient affiché une efficacité réduite, l'accès aux marchés par des presses d'olive et des intermédiaires a contribué à améliorer l'efficacité.

Le tableau présenté dans l’annexe 5 fait une synthèse des études antérieures qui ont estimé l’efficacité technique du secteur oléicole dans certains pays producteurs. Notre survol de la littérature a démontré que la mesure de l'efficience technique est un domaine de recherche très dynamique qui a bénéficié de nombreuses avancées. L’analyse des études antérieures a enrichi notre travail et nous a permis de choisir le modèle paramétrique, SFA, pour étudier la question d’efficacité technique au niveau des exploitations oléicoles dans la région de Chbika.

À la suite de la revue de littérature, l’analyse des différentes techniques d’évaluation de l’efficacité technique et le choix méthodologique qui sera utilisé dans le cadre de notre analyse, il serait pertinent de s’attarder sur les principales variables utilisées dans les travaux consultés, qui peuvent expliquer les écarts d’efficacité entre les producteurs d’olives à Chbika.

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3. Le choix de l’output, les inputs et les variables explicatives de