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De l’homo-numericus au philistin consommateur de sécurité

Dans le document La surveillance diffuse : entre Droit et Norme (Page 166-178)

Introduction générale

Paragraphe 1: De l’homo-numericus au philistin consommateur de sécurité

187. L’homo-numericus est d’abord un homme fasciné par les technologies de l’information et de la communication (A). Il a progressivement été préparé à la normalisation et à la banalisation des systèmes socio-techniques, des nouvelles technologies de l’information et de la communication. Placé dans une position de consommateur de technologies, il en devient progressivement aliéné par ces dernières. L’analyse de Hannah Arendt concernant la crise de la culture prend alors tout son sens (B).

A. L’homo-numericus ou la fascination pour les technologies de l’information et de la communication

188. Adaptable, l’homo-numericus est un acteur essentiel (1) dans l’apparition de la culture de la surveillance diffuse. Poussé par ce que les sociologues appellent « la croyance en la toute puissance libératrice543 » des technologies de l’information et de la communication (2), l’homo numericus a en effet permis à la surveillance de se diffuser pleinement dans sa vie quotidienne.

1. Un acteur essentiel et adaptable…

189. Très tôt, les relations qu’entretiennent, dans les sociétés industrielles, l’individu et la Technique ont été analysées. Georges Friedmann a élaboré, dès 1966, ses sept études sur l’homme et la technique544. Dans cette analyse, l’auteur distingue le « milieu naturel » et le « milieu technique », ce « nouveau milieu » que le progrès et la technique ont permis de développer. Selon lui, avec la fin du 18ème siècle, le « milieu naturel » subit de nombreuses mutations, qui engendreront le « milieu technique », et un développement qualitatif du milieu social de manière globale. Dans son étude, Friedmann décrit les conditions de production de ce nouveau milieu social et évoque le conditionnement spécifique de l’homme sur le plan de sa mentalité, ses modes de

En ce sens, voir BRETON Philippe, L’utopie de la communication - le mythe du village planétaire, Collection

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Essais, Editions La Découverte / Poche, 1997

FRIEDMANN Georges, Sept études sur l’homme et la technique, Collection Bibliothèque Médiations, Gallimard

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pensée, sa perception. Cette dernière étant de plus en plus guidée par l’interprétation, l’intellectualisation, la rationalisation. L’individu passe alors, selon l’auteur, du vital au rationnel. Ces descriptions ne sont pas sans rappeler les mots de Max Weber lorsqu’il évoquait le sauvage et l’homme moderne. Weber écrivait ainsi que « il ne s'agit plus pour nous, comme pour le sauvage qui croit à l'existence de ces puissances, de faire appel à des moyens magiques en vue de maîtriser les esprits ou de les implorer mais de recourir à la technique et à la prévision. Telle est la signification essentielle de l'intellectualisation545 ». Friedmann ajoute néanmoins un élément fondamental de compréhension des relations qu’entretiennent l’homme et son nouveau milieu technicisé. L’individu s’adapte, certes, à son nouveau milieu par sa capacité à être malléable; mais il change également ses comportements dans ce nouveau milieu, et donc, opère une transformation de ce milieu. L’individu doit donc être considéré comme un acteur central des modifications issues du progrès, de la technique, de la société de l’information et de la connaissance, mais également, plus loin, de la diffusion de la surveillance.

190. On sait par exemple que la société de l’information et de la communication a dématérialisé546 les échanges, notre représentation du monde; qu’elle a numérisé547 la connaissance, la culture. En 1988, le président Reagan aux Etats-Unis déclarait déjà que « l’invention humaine rend de plus en plus obsolètes les ressources matérielles548 ». A travers ces lignes la faculté d’adaptation de l’individu à son monde, ainsi que sa faculté à façonner son nouveau monde sont compréhensibles. Omniprésence de l’informatique, dématérialisation et numérisation de l’information, de la communication et de la culture ont transformé l’individu et le citoyen comme un consommateur, un client dépendant des technologies de l’information et de la communication. Alors qu’il décrivait cette « société computationnelle » devenue « automatique549 », Bernard

Op. Cit.

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Qui transforme le matériel en immatériel.

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La numérisation est souvent assimilée à la dématérialisation dans notre histoire moderne. Toutefois, il est nécessaire

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par précision de langage de noter que la numérisation est l’acte de transformation en codification numérique binaire, ce qui produit une donnée informatique, résultant de la dématérialisation.

In. TURNER Fred, Aux sources de l’utopie numérique - de la contre-culture à la cyberculture, Stewart Brand, un

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homme d’influence, C&F éditions, décembre 2012, p. 277.

STIEGLER Bernard, La société automatique - 1. L’avenir du travail, Editions Fayard, 2015, p. 32

Stiegler esquisse une conclusion particulièrement éclairante quant au nouveau paradigme550 de la surveillance diffuse. Selon lui, tout se passe aujourd’hui « comme si la data avait pris la place du Coca-cola dans l’Amérique d’Andy Warhol551 ». En 2009, Eric Sadin évoque quant à lui le nouveau paradigme de la surveillance diffuse qui permet de « cerner l’humain par l’entrelacs du marketing et de la sécurité552 ». Selon lui, la situation actuelle peut se résumer en ces termes: « une collecte ininterrompue d’informations en vue de définir des profils les plus individualisés, précis et « collés » à la multiplicité de nos actions quotidiennes (achats, déplacements, actes médicaux, communications…). Ces « portraits hautement détaillés » déterminent des usages divers selon des objectifs d’ordre prioritairement sécuritaire et marketing. L’enjeu ne consiste plus à circonscrire les individus distribués sur un territoire, à fixer les limites de leurs actions, et à en vérifier le respect (charge revenant historiquement aux préfets disposant des forces de police), mais à se tenir à distance des personnes en vue de recueillir des données à flux tendu, destinées à être analysées et traitées de façon à pénétrer les pratiques, et à dessiner les cartographies relationnelles. Constats qui pourront être utilisés en vue d’estimer le degré de « dangerosité » des personnes, ou dans le champ commercial, les pratiques de consommation dans l’objectif d’offrir les offres les plus adaptées à la singularité de chaque consommateur553 ».

191. Permettant de mettre sur le même plan d’analyse la sécurité, la lutte contre le terrorisme et la délinquance, et le marketing, le marché du numérique, ce « recueil de données à flux tendus » décrit

Selon Thomas Kuhn, , un paradigme naît « d’une découverte scientifique universellement reconnue qui, pour un

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temps, fournit à la communauté de chercheurs des problèmes type et des solutions » (in. KUHN Thomas, La structure des révolutions scientifiques, Flammarion, Paris, 1970, p. 11). Et de préciser que « l’utilité d’un paradigme est de renseigner les scientifiques sur les entités que la nature contient ou ne contient pas et sur la façon dont elles se comportent. Ces renseignements fournissent une carte dont les détails seront élucidés par les travaux scientifiques plus avancés. En apprenant un paradigme, l’homme de science acquiert à la fois une théorie, des méthodes et des critères de jugement, généralement en un mélange inextricable. (…). Il (le paradigme) détermine la légitimité des problèmes et aussi des solutions proposées » (p. 155). On notera que selon l’auteur, l’étude du paradigme doit être conçu dans la

dimension globale d’une révolution scientifique. Le paradigme, une fois établi, permet à, ce qu’il appelle « la science normale », d’opérer et de comprendre la situation en place. Dans cette conception, les paradigmes se succèdent par l’effet des révolutions. Les changements de paradigmes aboutissent selon lui « à des révolutions dans la vision du

monde » (p. 157). Ces éléments d’analyse du terme paradigme semble donc bien correspondre à la situation

contemporaine liée à la surveillance diffuse. Aidée par la révolution numérique, la surveillance est devenue diffuse et culturellement intégrée, et c’est ce changement de paradigme qu’il faut analyser dans ses différences, sa complexité et ses ressemblances avec le précédent. Pour une étude approfondie de l’étude de Thomas Kuhn, voir: JUIGNET Patrick, « Les paradigmes scientifiques selon Thomas Kuhn », Philosophie, science et société [en ligne], 2015, https:// philosciences.com/Pss/philosophie-et-science/methode-scientifique-paradigme-scientifique/113-paradigme-scientifique-thomas-kuhn (dernière consultation: 5 mars 2018)

Op. Cit. p. 110.

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SADIN Eric, « Le nouveau paradigme de la surveillance. Cerner l’humain par l’entrelacs du marketing et de la

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sécurité », Multitudes, 2010/1 (n°40), p. 60 - 66, En ligne: https://www.cairn.info/revue-multitudes-2010-1-page-60.htm (dernière consultation: 5 mars 2018), Voir également: SADIN Eric, Surveillance Globale - enquête sur les nouvelles

formes de contrôle, Flammarion, Climats, 2009

Ibid. p. 60

par Sadin tend à mettre en données le monde et les individus y consentants. Ainsi que le démontre Sadin en 2015 dans son ouvrage consacré à la vie algorithmique, après s’être attaqué à la numérisation des « différents champs symboliques554 » de notre vie tel que l’écrit, le son et l’image, un « mouvement de numérisation post-symbolique555 » est massivement à l’oeuvre depuis les années 2000. Ce nouveau mouvement tire sa puissance de capteurs présents dans la sphère publique et privé qui collectent et traitent des données variés556 « à la source même de notre quotidien557 ».

192. C’est donc bien la faculté d’adaptation des individus qui permet à la surveillance diffuse de saisir aujourd’hui en temps réel, de manière permanente et en tous lieux, à la fois l’ensemble de ce qu’intentionnellement ils lui permettent (son, écrit, vidéos, billet d’humeur, images), mais également de scruter l’ensemble de nos actions non intentionnelles (gestes, prédiction de comportements d’achats, prédiction du sommeil…). Tout, aujourd’hui peut devenir une donnée, une trace, qui peut être capter, qu’il s’agisse du simple fait de prendre l’ascenseur connecté, de se peser sur une balance connectée, de conduire, de réaliser un achat, ou encore de passer devant une caméra de vidéo-protection. Nos usages, nos comportements intentionnels et non intentionnels sont numérisés, captés, traités et utilisés afin de les analyser. Toutes les données de notre environnement (individuelles et collectives) devient source d’information pour la garantie d’une sécurité, ou d’un marché.

2. … Poussé par la croyance en la toute puissance libératrice des technologies de l’information et de la communication

193. Entièrement tourné vers la communication, l’individu partage un peu plus son intimité, ses compétences, ses connaissances, son temps. Ce dernier utilise des pseudos, des représentations virtuelles, des avatars dans un but affiché d’interactivité, d’instantanéité, de communauté et de solidarité. Pour un bénéfice quelconque, il rend disponible pour les Etats, les entreprises et les autres individus, des traces, des informations, des données personnelles, sa vie privée, son identité.

SADIN Eric, La vie algorithmique -Critique de la raison numérique, Editions L’échappée, Collection Pour en finir

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avec, 2015. Voir spécialement l’ensemble du chapitre 1 consacré à la « totalisation numérique » Ibid.

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A travers son ouvrage, Sadin en donnent quelques exemples: météorologiques, de transports, de présence, d’activité

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dans les domiciles, les lieux professionnels … et finis par les regrouper sous l’évocation suivante: « ce sont des (…)

phénomènes du réel (…) captés et transformées en données, saisis sous forme numérique à la source ». Ibid.

Ibid.

En réalité, cet ensemble permet l’interconnexion des individus.

194. Cette mise en relation numérique et ces services collaboratifs transforment l’individu en ce que Philippe Breton nomme l’homo-communicans558, ou encore en ce que Nicholas Negroponte559

nomme l’homo-numericus, l’homme numérique. De manière plus globale, Breton affirme l’apparition d’une utopie de la communication par le développement de trois facteurs clés: « une société idéale, une autre définition anthropologique de l’homme, la promotion de la communication comme valeur. Ces trois niveaux se concentrent autour du thème d’un homme nouveau que l’on appellera ici l’Homo-communicans. (…). L’Homo-communicans est un être sans intériorité et sans corps, qui vit dans une société sans secret, un être tout entier tourné vers le social, qui n’existe qu’à travers l’information et l’échange, dans une société rendue transparente grâce aux nouvelles « machines à communiquer »560 ». Plus qu’un simple acteur individuel de la société de l’information et de la communication, l’individu devient un « réacteur561 » qui prend place dans la société de l’information et de la communication où la « transparence sociale562 » est de rigueur. L’analyse de Breton conclut à l’avènement par cette nouvelle utopie d’une « illusion majeure, celle de la toute-puissance libératrice de la communication563 » qui « s’articule autour de deux croyances. D’une part, le seul fait de communiquer serait suffisant pour vivre harmonieusement en société. D’autre part, la communication pourrait s’instrumentaliser, c’est-à-dire être l’objet d’un savoir pratique aisément manipulable. « Parlez et tout ira mieux » est devenu un lieu commun moderne564 ». Negroponte, quant à lui, présente les avantages de cette révolution technologique, dont l’homme numérique sera le premier bénéficiaire. Bien que son analyse souffre d’une prise de

BRETON Philippe, L’utopie de la communication - le mythe du village planétaire, Collection Essais, Editions La

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Découverte / Poche, 1997, p17 mais surtout p. 50 et suivantes

Informaticien américain. Il a participé, en collaboration avec Jean-Jacques Servan-Schreiber, à la création en France

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du Centre mondial informatique et ressource humaine en 1980. Il créé aux Etats-Unis en 1982 le Media Lab, un laboratoire de recherche sur la communication et les nouveaux médias, au MIT. Ce laboratoire est selon lui le meilleur endroit pour faire « de l’individu le pilote des nouvelle technologies » (in. TURNER Fred, Op. Cit. p. 183). Il occupera une place importante dans la fondation du magazine Wired lancé par Stewart Brand, l’acteur principal de la cyber-culture aux Etats-Unis. Negroponte tient une chronique du numérique dans ce magazine. Les idées qu’il développe dans le cadre de ces chroniques seront affinées dans le cadre de l’ouvrage intitulé en anglais « Being Digital » paru en 1995. NEGROPONTE Nicholas, L’homme numérique, Robert Laffont, 1995.

BRETON Philippe, Op. Cit. p. 50

560 Ibid. p. 60 561 Ibid. p. 58 562 Ibid. p. 157 563 Ibid. p. 157 - 158 564

partie technophile565 quant aux implications de la révolution numérique, son concept d’homme numérique ou homo numericus marquera notamment les esprits politiques566 à l’international, en Europe mais également en France.

195. Les analyses de Negroponte, et plus particulièrement les analyses de Breton ont le mérite de renvoyer le lecteur attentif à son propre comportement d’individu, de citoyen, de client et de consommateur. Le projet de société lié à l’information et à la communication a pour objectif la modification du comportement des individus567. Ainsi que le rappelle Barbara Cassin568, en 2007, dans son ouvrage intitulé « Google-moi, la deuxième mission de l’Amérique », « la notion contemporaine d’information a, qu’on l’oublie ou non, pour horizon explicite un comportementalisme étayé sur du feed-back569 ». Mis en parallèle avec les mots de Breton

On notera l’intitulé de l’épilogue de son livre « une ère d’optimisme », ou encore d’un chapitre dédié aux « légendes

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et les marottes du numérique ». Negroponte est un informaticien, un technicien. Ainsi que le rappelle Jacques Ellul dans

sa description de la fascination des individus à l’égard des technologies: « Quand on proclame que l’homme peut et doit

maîtriser et conduire à son gré la technique, j’avais posé la question bête, quel homme? L’Homme en soi? Il n’existe pas. Vous, moi, le citoyen quelconque? Je peux refuser le téléphone ou le magnétoscope, qu’est ce que ça changera? L’homme politique? Il n’y connaît rien et ne peut rien. Le cadre supérieur? Il n’a de pouvoir que sur son domaine, et non l’ensemble de la technique. Le technicien? Lui aussi est limité dans sa sphère, et il a bien trop intérêt à appliquer

au mieux, en la perfectionnant, sa technique. Ici joue pleinement le jeu de la technostructure: l’application de la technique renforce le statut social (et pécuniaire) du technicien. Le renforcement l’induit à appliquer plus encore sa technique. Enfin le scientifique? Mais le plus souvent ce scientifique ne sait pas quelles peuvent être les conséquences

techniques de sa « découverte » (voir l’affaire d’Einstein), et l’intérêt passionné pour la recherche scientifique l’empêche de s’autolimiter. Donc, personne ». in. ELLUL Jacques, Le bluff technologique,Op. Cit., p. 581

Il est intéressant de trouver la mention de ce concept d’homo-numericus dans le cadre de rapport d’information

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français, notamment: DETRAIGNE Yves, ESCOFFIER Anne-Marie, Rapport d’information n° 441 fait au nom de la

commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale par le groupe de travail relatif au respect de la vie privée à l’heure des mémoires numériques, Sénat, Session ordinaire

de 2008 - 2009, Annexe au procès verbal de la séance du 27 mai 2009, En ligne: http://www.senat.fr/rap/r08-441/ r08-4411.pdf (dernière consultation: 5 mars 2018). Ce rapport consacre une section entière sur la possibilité de faire du

citoyen un « homo numericus » libre et éclaire, protecteur de ses propres données (p. 67 à 79).

Le comportementalisme ou béhaviorisme est une branche de la psychologie qui étudie uniquement les aspects

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visibles et observables des comportements, et les analyse en relation avec des événements environnementaux immédiats. Evoquer le comportementalisme dans le cadre des relations qu’entretient l’individu avec la société de l’information et de la connaissance semble donc approprié puisqu’il est au coeur de cette doctrine psychologique qui s’efforce à analyser le comment des comportements humains. Les tenants de cette doctrine sont Pavlov; Watson et Skinner. Pour ce dernier par exemple, nous vivons dans une société punitive où l’homme est soumis à la punition afin qu’il apprenne à être meilleur et à se perfectionner. D’où des résultats décevants. Son ouvrage débute par ces mots: « quand nous cherchons à résoudre les problèmes terrifiants auxquels nous sommes confrontés dans le monde

d’aujourd’hui, nous nous tournons tout naturellement vers les choses que nous faisons le mieux. Nous jouons sur nos points forts, et nos points forts, ce sont la science et la technologie ». in. SKINNER Burrhus, Par delà la liberté et la dignité, traduit de l’américain par Anne-Marie et Marc Richelle, Collection Libertés 2000, Editions Robert Laffont,

1971, p. 11. Ces mots ne sont pas sans rappeler l’idéologie du solutionnisme technologique précédemment développée. Barbara Cassin, docteur ès-lettres en philosophie, directrice de recherches émérite au Centre National de la

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Recherche Scientifique à Paris. Sur les pratiques issues du nouveau management public sous Sarkozy, ainsi que sur la crise de la culture de nos sociétés modernes, voir un article paru dans le journal Le Monde le 28 février 2009, mis à jour le 2 mars 2009, intitulé « Sarkosy « m’à tuer » », qui comporte la chapeau introductif suivant: « Les fautes

d'orthographe qui parsèment le site de l'Elysée seraient anecdotiques si elles ne témoignaient d'une inquiétante désinvolture à l'égard de la culture », En ligne:

http://www.lemonde.fr/idees/article/2009/02/28/sarkosy-m-a-tuer-par-barbara-cassin_1161665_3232.html (dernière consultation: 5 mars 2018)

CASSIN Barbara, Google-moi, La deuxième mission de l’Amérique, Collection Banc Public, Editions Albin Michel,

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concernant l’utopie de la communication, et sa « toute puissance libératrice570 », on comprend l’influence sur les choix et comportements de l’individu par ce nouveau milieu. En croyant en cette liberté individuelle et absolue promue par cette utopie571, les citoyens se sont pleinement insérés dans le projet de société de l’information et de la communication, et ont, par la suite, transformé ce milieu allant vers toujours plus de techniques, de technologies, d’informations, de communications. Ils ont permis à la surveillance de se diffuser pleinement. Notons en guise de propos conclusifs les mots de Skinner, « notre culture a produit la science et la technologie dont elle a besoin pour se sauver elle-même. Elle dispose des richesses nécessaires à une action efficace. Elle a, à un haut degré, le souci de son propre avenir. Mais elle s’obstine à considérer la liberté ou la dignité plutôt que sa propre survie. Rien n’exclut dès lors qu’une autre culture fasse une contribution plus importante au futur. Le défenseur de la liberté et de la dignité peut alors, comme le Satan de Milton, continuer à se réciter qu’il possède « un esprit que rien ne peut changer ni dans le temps ni dans l’espace » et une identité personnelle satisfaite d’elle-même (« qu’importe où je suis, si je reste le même? »); mais il se retrouvera néanmoins en enfer sans autre consolation que l’illusion qu’ici au moins nous serons libres572 ».

196. Pour paraphraser les mots de Skinner, notons qu’aujourd’hui nombreux sont ceux qui, sous

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