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3 Discussion

3.3 Dans quel environnement les enfants évoluent-ils ?

L’espace extérieur privé  apparaît comme un environnement privilégié dans lequel l’enfant peut assez rapidement évoluer avec une certaine liberté que ce soit au domicile des parents ou dans les structures d’accueil. L’analyse statistique montre que le facteur qui influence le plus la fréquence d’IEE dans l’espace privé familial est la dimension de cet espace, qui dépend elle-même de la présence ou non d’un jardin et du type d’habitation. L’autonomie laissée à l’enfant apparaît également comme un facteur important. L’enquête confirme que cette autonomie dans l’espace privé augmente rapidement avec l’âge, mais dépend aussi d’éléments perçus comme dangereux par les parents : un espace mal fermé, un risque de chute ou la présence d’éléments pouvant blesser ou entraîner une noyade comme la présence d’une piscine ou d’une pièce d’eau. De manière intéressante, l’IEE privé dans l’accueil 0-3 ans n’est influencé ni par la taille de l’EE ni par la présence d’un jardin. C’est avant tout la confiance du professionnel à gérer les activités extérieures qui semble déterminer si les enfants vont sortir régulièrement à l’extérieur, ou pas. Le rôle joué par cette confiance de l’encadrant est souligné dans la littérature (Dyment, 2005). L’importance accordée par les professionnel·le·s aux activités extérieures a également une influence sur l’IEE des enfants. Ces deux éléments peuvent être améliorés à travers les formations qui ne doivent pas se limiter à des contenus théoriques mais également prendre en considération l’importance de l’expérience pratique, pouvant agir sur le savoir-faire et notamment sur la gestion des activités extérieures avec les enfants. L’enquête adressée aux parents montre qu’en dehors du domicile, l’enfant pourra difficilement sortir à l’extérieur s’il n’est pas accompagné d’un adulte et ce jusqu’à approximativement 10-12 ans. C’est à cet âge que nous observons une augmentation extrêmement rapide de l’autonomie laissée à l’enfant dans l’espace public extérieur . L’évolution de l’autonomie avec l’âge est conforme à ce qui est décrit dans la littérature (Prezza et

l’importance de l’accompagnement adulte dans les premières années qui vise à assurer la sécurité de l’enfant, mais qui veille aussi à éduquer l’enfant à devenir progressivement de plus en plus autonome (Benwell, 2013). Il est intéressant d’observer que le score d’autonomie totale de l’enfant calculé dans notre recherche est davantage influencé par la dangerosité perçue du trafic et la connaissance du voisinage que par le contexte d’urbanisation. Ces éléments sont également en conformité avec les observations d’études précédentes qui confirment qu’une bonne connaissance du voisinage, une bonne intégration sociale (Prezza et al., 2001 ; Veitch et al., 2006) et un faible trafic routier (Veitch et al., 2006 ; Xu et al., 2017) sont des éléments qui favorisent la mobilité indépendante et l’autonomie des enfants dans l’espace public. Plusieurs études récentes soulignent l’importance d’une réflexion globale sur l’aménagement urbain (Heath et al., 2006 ; LaRocca, 2010 ; Whitzman et al., 2010), mais aussi au niveau du développement social des quartiers, afin de les rendre plus adaptés aux enfants (Xu et al., 2017). Des travaux récents mettent par ailleurs en évidence que les éléments qui influencent le plus l’autonomie accordée à l’enfant sont l’âge, la perception de dangers de l’environnement (social et physique) et la perception des bénéfices pour l’enfant d’être autonome dans son environnement (Prezza et al., 2005 ; Alparone et Pacilli, 2012). L’étude de Burdette et al. (2005) montre que plus les mères perçoivent leur environnement de vie insécurisé et plus les enfants passent du temps devant les écrans, renforçant le déséquilibre entre sédentarité et activité physique mais aussi entre le temps passé à l’intérieur et le temps passé à l’extérieur.

Selon l’enquête-parents le principal moyen de locomotion utilisé pour se rendre dans l’espace extérieur public les plus fréquentés est la marche à pied (65%). Une plus faible proportion s’y rend en vélo ou en trottinette. Un résultat étonnant est le grand pourcentage d’enfants (38%) qui sont conduits en voiture à cet espace extérieur public. Une analyse de variance montre que cette pratique est davantage présente en milieu semi-urbain et rural (KW ; p<0,001), qui peut s’expliquer par l’éloignement plus important des espaces de jeux publics adaptés aux enfants. Paradoxalement, habiter dans un environnement moins urbanisé pousse davantage les parents à conduire les enfants dans des espaces aménagés. Le questionnaire ne permettait cependant pas de connaître la fréquence à laquelle chaque moyen de locomotion était utilisé et plusieurs moyens peuvent être utilisés pour se rendre dans l’espace de jeu extérieur.

Les espaces publics les plus fréquentés varient selon le contexte d’urbanisation et l’âge des enfants. En milieu urbain, ce sont davantage des espaces aménagés et construits comme les parcs/squares, les rues et trottoirs et les places qui sont investis alors qu’en milieu rural ce sont davantage des espaces naturels comme les bois, les champs, les rivières, mais aussi les chemins et Ravels qui sont investis par les enfants. Ces observations étaient attendues et correspondent simplement aux espaces directement disponibles dans l’environnement de vie des enfants. Quel que soit le lieu de vie, les plaines de jeux restent l’espace extérieur le plus fréquenté par les enfants, montrant l’importance fondamentale d’espaces extérieurs aménagés pour les enfants et permettant le jeu, l’éveil moteur, la découverte de sensations, mais aussi le développement social. Si les espaces extérieurs investis par les enfants sont généralement perçus comme accessibles, adéquats et sécurisés, une analyse statistique de nos données montre que les parents

économiquement défavorisés se plaignent davantage du manque d’adéquation et de sécurité des espaces extérieurs dans lesquels les enfants jouent. Ce résultat met en évident l’existence d’inégalités déjà rapportées par d’autres auteurs dans la littérature (Kamel et al., 2014 ; Hoffimann

et al., 2017). Pour remplir toutes leurs fonctions sociales et développementales, tous les espaces

publics destinés aux familles, y compris les plaines de jeux, devraient être réfléchis afin d’être adaptés aux différents âges et d’offrir un cadre stimulant, accessible et sécurisé. Une attention particulière devrait être fournie dans les milieux socio-économiques défavorisés qui généralement disposent de peu d’espaces privés. Cela confirme l’importance fondamentale d’avoir une réflexion globale dans l’urbanisation et faire en sorte qu’elle soit adaptée aux familles et aux enfants (Whitzman et al., 2010 ; Biggs et Carr, 2015 ; Jansson et al., 2016). Certaines études soulignent l’intérêt d’écouter la voix des enfants lorsque l’on souhaite développer un environnement qui leur soit adapté. En effet, plusieurs travaux montrent que les points de vue, les centres d’intérêt et les préoccupations déclarées par les enfants diffèrent parfois de ceux perçus par les adultes et qu’il est intéressant de les entendre (Rasmussen, 2004 ; Nordström, 2010).