F.2 Résolution de la structure magnétique
F.2.1 Détermination du vecteur de propagation
On a vu que les neutrons sont sensibles à la projection du moment magnétique sur le plan perpendiculaire
au vecteur de diffusion. L’apparition d’un ordre magnétique à longue portée va donc faire apparaître des pics de
diffraction supplémentaires. Or la structure magnétique n’est autre qu’une sur-structure de la structure
cristallogra-phique, la maille magnétique étant un multiple de la maille élémentaire cristallographique. Les pics de diffraction
magnétique sont repérés dans l’espace réciproque par le vecteur de diffusion :
~
Q=Q~
hkl±~k, (F.5)
où Q~
hklsont les noeuds du réseau réciproque et~k le vecteur de propagation de la structure magnétique. Il
représente en fait la direction dans laquelle les moments magnétiques sont modulés. Dans les cas les plus simples,
il n’y a qu’un vecteur de propagation associé à la structure magnétique, mais certaines structures peuvent être
décrites par plusieurs vecteurs. Quand les coordonnées du vecteur de propagation sont des nombres rationnels,
on parle de structure commensurable, puisque la maille magnétique correspond à un multiple entier de la maille
élémentaire cristallographique. Dans le cas contraire, on parle de structure incommensurable. La détermination du
vecteur de propagation est la première étape dans la méthode de résolution de la structure magnétique puisqu’il
permet d’indexer tous les pics magnétiques. Inversement, la position des satellites est suffisante pour identifier le
vecteur de propagation.
BNFS a été étudié à l’ILL par diffraction des neutrons sur poudre, sur l’instrument D1B, avec Olivier Isnard,
et sur monocristal, sur l’instrument D15 avec Eric Ressouche.
Diffraction neutronique sur poudre
F
IG. F.11:Évolution du diagramme de diffraction neutronique sur poudre mesuré sur l’instrument
Chapitre F - Étude du composé Ba
3NbFe
3Si
2O
14Sur D1B, la poudre mesurée provenait de la troisième synthèse de BNFS, comprenant environ 3% d’impureté
Ba
2FeNbO
6, pour une masse totale de produit de 5.9 g. Des scans longs (somme de 6 scans de 20 min) ont été
effectués à plusieurs températures : au-dessus (30 K) et au-dessous (20 K) de la température de transition (T
N= 26
K), et à la plus basse température accessible (1.5 K). De plus, l’évolution thermique du diagramme de diffraction a
pu être observée en mesurant 75 scans de 10 minutes chacun pendant une rampe en température de 0.42 K/min. La
longueur d’onde utilisée était deλ= 2.52 Å. La différence des diagrammes réalisés à 30 K et 1.5 K (figureF.12)
illustre bien l’apparition des pics de diffraction magnétique, et la décroissance avec|Q~|des intensités de ces pics,
modulées par le facteur de forme magnétique.
F
IG. F.12:Diagramme de diffraction de la phase magnétique, réalisé par différence des spectres à 1.5
K et 30 K.
Diffraction neutronique sur monocristal
Le monocristal utilisé pour la diffraction de neutrons sur D15 (voir le paragrapheA.2.2) provenait de la
pre-mière synthèse dans le four à image. La forme du cristal est cylindrique, avec un diamètre de 3 mm et une longueur
de 2 cm. La longueur d’onde du faisceau de neutrons incidents était sélectionnée àλ= 1.1743 Å. Le cryostat utilisé
était un displex, autorisant l’utilisation du 4-cercles avec toutes ses rotations (contrairement à un crysostat orange
classique qui ne peut pas être manoeuvré aussi facilement) jusqu’à une température de 10 K. La matrice
d’orien-tation a été obtenue en trouvant et mesurant 20 pics nucléaires à 35 K (pour éviter d’être gêné par d’éventuels
pics magnétiques). Puis à 10 K, le travail a consisté à trouver les pics magnétiques et notamment leur position par
rapport aux pics nucléaires proches, afin d’en déduire le vecteur de propagation de la structure magnétique. La
figureF.14représente des scans dans l’espace réciproque, le long de la direction de l’axe~c
∗, et centrés sur d’une
part le pic nucléaire (0,-1,0), et d’autre part le pic nucléaire (1,-1,1).
On observe que les pics nucléaires sont chacun entourés de deux pics satellites ajustables comme des
gaus-siennes dont les positions des centres sont situées en l = -0.14245(5) et l = 0.14253(1) pour le scanF.14(a), et l =
F
IG. F.13:Cartes d’intensités autour du pic nucléaire (1,-1,1) et de ses deux satellites en±~k. L’étendue
du signal correspond à la trace de l’ellipsoïde de résolution.
Chapitre F - Étude du composé Ba
3NbFe
3Si
2O
14F
IG. F.14:L-scans autour des pics nucléaires (a) (0,-1,0) et (b) (1,-1,1) avec leurs satellites
magné-tiques respectifs et les fits gaussiens en rouge.
0.848(2) et l = 1.127(3) pour le scanF.14(b), ce qui nous donne un vecteur de propagation proche de :
~k= (0,0,±
17
). (F.6)
On notera que la différence observable dans la largeur des pics mesurés provient de la différence de résolution de
l’instrument qui dépend de la direction du scan et de la position de l’espace réciproque où est réalisé ce scan. Les
taches de diffraction ont en fait une forme d’ellipsoïde allongé due à la convolution de la résolution avec la forme
du cristal. Dans notre cas notamment, le cristal est très allongé dans une direction, ce qui nous donne des taches de
diffraction allongées dans certaines directions dépendant de l’orientation du cristal, donc des angles du 4-cercles
et de l’endroit où l’on se trouve dans l’espace réciproque. Selon la direction du scan qui coupe l’ellipsoïde, on
n’aura donc pas la même résolution. La forme des taches qui résultent de cet ellipsoïde de résolution est visible
par exemple sur les cartes d’intensité de la figureF.13, où sont représentées les intensités mesurées dans les plans
de l’espace réciproque (h,k), autour de la position (1,-1), pour trois valeurs de l différentes, 0.849, 1 et 1.13.
On note la présence dans chaque plan sondé (magnétique et nucléaire) de deux pics parasites de part et d’autre
des pics de notre cristal principal. Il s’agit en fait de la contribution de cristallites légèrement désorientées présentes
au sein de notre monocristal, et qui n’ont pas vraiment facilité la détermination sans équivoque du bon vecteur
de propagation. À noter qu’il est aussi possible d’obtenir~kà partir des données de poudre, mais le résultat est
moins immédiat dans la mesure où l’on travaille à|Q~|constant. Les coordonnées de~kse calculent alors à partir
des positions (angles) des pics de diffraction magnétique et de leur distance aux pics nucléaires dont ils sont les
satellites. Cela conduit généralement à plusieurs possibilités qu’il est parfois difficiles de discriminer autrement
qu’en essayant de résoudre totalement la structure magnétique.
Dans le document
Etude des Langasites magnétiques:<br />De la frustration magnétique au multiferroïsme
(Page 175-178)