1.3 Méthodes de quantification des paléocontraintes et de la déformation par les
1.3.1 La détermination du tenseur déviatorique
1.3.1 La détermination du tenseur déviatorique
1.3.1.1 Acquisition des données de macles
Les échantillons sur lesquels les mesures sont effectuées sont orientés dans l‘espace.
Dans ces échantillons, on a taillé au moins trois lames orientées pour chaque échantillon,
selon trois plans orthogonaux.
Dans ces lames, on mesure si possible au moins 30 cristaux par lame, à l‘aide de la
platine universelle (figure 18), en notant la direction par rapport au Nord de la platine, et le
pendage de chaque famille de macles. Un logiciel (Tourneret, 1990) détermine la position
des deux axes optiques possibles à partir de deux plans de macle mesurés sur la base
des relations angulaires et de symétrie entre les plans de clivage, les plans de macle et
l'axe optique.
Figure 18: Platine universelle
L‘axe qui correspond à une extinction totale lors de la rotation suivant l'axe E-W de la
platine est l'axe optique du cristal de calcite. Une fois l'axe optique défini, le programme
informatique nous donne l'orientation des plans de macles manquants. Le caractère maclé ou
non maclé des plans est alors vérifié optiquement et entré dans le programme ainsi qu'un
pourcentage de confiance sur cette détermination. L‘importante différence avec les mesures
de failles est que cette méthode nous permet à la fois d‘utiliser les plans maclés comme les
plans non maclés. Ces derniers ne peuvent pas être mesurés directement, car on ne voit rien
(pas de lamelle de macle). Cependant, on peut indirectement mesurer leurs directions et leurs
pendages. Ces plans non maclés sont importants pour calculer les orientations et les grandeurs
des contraintes, car si ces plans-là n‘ont pas maclé cela signifie que soit la direction et le sens
de la contrainte exercée n‘étaient pas compatibles avec le sens de maclage soit que le seuil de
la maclage n‘était pas atteint (figure 19).
Une fois tous les axes optiques déterminés pour les cristaux de chaque lame, on
calcule les rotations qu‘il est nécessaire d‘appliquer à chaque lame, afin de remettre les
données correspondantes par rapport au Nord géographique.
Chaque fichier contenant les données des trois lames d‘un échantillon est traité en
utilisant le programme d‘inversion d‘Etchecopar (1984), pour définir un tenseur qui rend
compte d‘un certain pourcentage (le plus grand possible) de plans maclés et la totalité des
plans non maclés. Ce pourcentage est optimisé par l‘utilisateur sur la base de la stabilité de la
solution (voir exemple de traitement d‘échantillon).
Pour vérifier si un échantillon a connu un polyphasage, on peut grâce au même
programme, déterminer le deuxième ou même le troisième tenseur responsable de ces
différentes phases. Cela se fait en traitant les plans maclés non expliqués par le premier
tenseur, et la totalité des plans non maclés, données contraignantes, mais malheureusement en
nombre décroissant en cas de polyphasage.
Cette technique d'inversion est jusqu'à aujourd'hui la seule technique qui permet de
calculer simultanément les orientations des contraintes principales ainsi que la contrainte
différentielle à partir de données de calcite d'un même échantillon. Par conséquent, cela
permet de relier dans un régime de contrainte, la magnitude de la contrainte différentielle à
l'orientation d'une contrainte donnée, malgré certaines limitations (Gagala, 2009). De
nombreuses études ont pu démontrer le potentiel de cette méthode pour décrire l'histoire
tectonique régionale ou locale qu‘elle soit mono- ou polyphasée (Lacombe et al., 1990 ;
1993 ; 1996 ; 2007 ; Rocher et al., 1996 ; 2000 et Amrouch et al., 2010a).
NB : il faut noter que la platine universelle présente quelque limite concernant les
mesures, vu que les plans qui présentent un pendage supérieur à 55° sont difficiles à mesurer.
Il arrive que l‘on ne puisse pas voir si le plan est maclé ou pas. C‘est pour cette raison que
.
dans le programme utilisé, on donne à chaque fois un pourcentage de confiance au caractère
maclé ou non maclé d‘un plan ; l‘utilisation de 3 lames minces perpendiculaires permet de
résoudre en grande partie le problème de la couverture spatiale des orientations des axes
optiques et des plans de macles.
1.3.1.2 Traitement des données : détermination des orientations
de paléocontraintes
L'hypothèse de base de l'analyse tectonique du maclage e est qu'il se produit sur un
plan e donné si et seulement si la contrainte cisaillante résolue s sur le plan e est supérieure
ou égale à la valeur critique, supposée constante, du seuil de maclage a. Ainsi, pour les plans
maclés : s ≥ a et pour les plans non maclés : s < a. Le principe de l'analyse inverse
(Etchecopar, 1984) est de déterminer le tenseur (ou les tenseurs si l'échantillon est polyphasé)
qui vérifie(nt) les inéquations ci-dessus pour un pourcentage maximal de plans maclés et pour
la totalité des plans non maclés. Les plans non maclés exercent une forte "contrainte" sur la
détermination des tenseurs, car la contrainte cisaillante résolue (CCR) induite sur ces plans
non maclés doit toujours rester inférieure au seuil (figure 19).
Figure 19: Illustration des domaines des plans maclés et plans non maclés.
La solution est recherchée sous la forme d'un tenseur réduit, avec une contrainte
différentielle (
l-
3) normalisée à 1. La CCR s qui s'exerce sur chaque plan de macle varie
alors dans l'intervalle (-0,5; +0,5). La première étape consiste à choisir arbitrairement un
pourcentage P de plans maclés à expliquer. Un grand nombre de tenseurs sont alors tirés au
hasard puis appliqués au lot de données. Les CCR s sont calculées pour tous les plans de
macle qui sont classés par ordre de CCR décroissante. Cette classification permet d'évaluer
rapidement si le tenseur recherché induit sur certains plans non maclés une CCR plus grande
que celle qui s'exerce sur certains plans maclés expliqués par ce tenseur, c‘est-à-dire le
nombre de plans non maclés incompatibles avec la solution. Le cas idéal, rare en pratique,
consiste à obtenir une CCR sur les plans maclés toujours supérieure à la CCR s'exerçant sur
les plans non maclés. Cette classification permet d'optimiser le pourcentage P arbitrairement
choisi au début : un pourcentage P qui provoque l'incorporation dans la solution d'un grand
nombre de plans non maclés (>20%) sera rejeté.
Pour les plans non maclés incompatibles avec la solution (plans sur lesquels le tenseur
induit une CCR supérieure sur certains plans maclés), une fonction de pénalisation f est
définie :
f =
n i ja
sj
1
( )'où sj est la CCR exercée sur le plan non maclé j et a' la plus petite
valeur de la CCR obtenue sur les plans de macle pris en compte dans la solution. Cette valeur
a' sera considérée comme la valeur fixe du seuil de maclage pour la forme du tenseur réduit
utilisée dans le calcul (Etchecopar, 1984; Tourneret et Laurent, 1990 et Lacombe, 2001).
Le tenseur optimal est obtenu quand 1) le maximum de plans maclés (pourcentage P
maximal) sont pris en compte; 2) le minimum de plans non maclés sont pris en compte; 3) la
valeur de f est minimale (en pratique on peut autoriser un faible pourcentage - 10% - de
plans non-maclés recevant une contrainte cisaillante supérieure à la contrainte
cisaillante résolue critique pour tenir compte des erreurs de mesures, des
hétérogénéités locales à l‘échelle du grain ou des zones d‘ombre de déformation…).
Ce processus aboutit à la détermination des orientations des contraintes principales
1,
2et
3, et du rapport = (
2-
3)/ (
l-
3), 01, définissant le tenseur réduit T'
qui est lié au tenseur total à 6 paramètres T par la relation :
T = (
l-
3)* T' +
3* I ;
L'accès au 5
eparamètre du tenseur est permis par l'existence d'un seuil de maclage
constant, et s'effectue comme suit :
.
(1-3) réel = a'a x (1-3) tenseur = a'a (pour la determination de la valeur du a‘
voir p 75). Avec (1-3) tenseur = (1-3) normalisé à 1.
On notera que les méthodes utilisées par Laurent et al. (1981,1990) et Etchecopar
(1984) font la même hypothèse que Jamison et Spang (1976) sur l'existence d'une contrainte
cisaillante résolue critique
a(ou seuil) constant.
Le résultat final est alors la détermination des 5 paramètres qui définissent le tenseur
déviatorique responsable du maclage : les orientations de 1, 2 et 3 et les valeurs des
contraintes différentielles (1-3) et (2-3). Ce tenseur déviatorique de contrainte est
défini par la relation :
T
D= T – [(
l+
2+
3) / 3]*I
Quand le premier tenseur est déterminé, les plans maclés compatibles sont retirés du
lot, et la procédure est répétée sur les données restantes, mais en vérifiant que les plans retirés
ne sont pas compatibles avec les tenseurs déterminés par la suite. Dans le cas contraire, ils
sont « réinjectés » dans un lot de données.
Habituellement, la méthode d'Etchecopar fournit les orientations des axes principaux
de contrainte avec une erreur inférieure à 5°-10° (Lacombe et Laurent, 1996 ; Laurent et al.,
2000). Elle permet également l'estimation du rapport (ou R) (Lacombe et Laurent, 1996).
Toutefois, pour un seuil de maclage
afixe, la valeur de '
aest souvent sous-estimée et donc
la valeur de (1-3) est fréquemment sur-estimée (Rocher, 1999). Par ailleurs, et la qualité
des paramètres du tenseur de contrainte diminue avec le nombre de tenseurs reconstitués, à
cause du processus de séparation de la méthode d'Etchecopar (Rocher et al., 2004). Ces
derniers auteurs ont essayé de réduire l'incertitude sur le calcul de la contrainte différentielle
en modifiant le processus de séparation des données et en prenant en compte la taille des
grains de calcite. En se basant sur la méthode d'Etchecopar et ces dernières observations, un
autre processus de traitement a été proposé par Rocher et al. (2004).
Le premier tenseur est calculé en tenant compte de tous les plans maclés et non maclés
mesurés.
Les plans maclés cohérents avec ce premier tenseur sont ensuite retirés. Le second
tenseur est ainsi calculé avec le reste des plans maclés et des plans non maclés. À ce stade, il
n'y a pas de différence avec le processus de séparation original d'Etchecopar. Comme
nouvelle étape, les plans maclés cohérents avec le premier tenseur sont également testés pour
voir leur cohérence avec le second tenseur. Si certains présentent une cohérence avec ce
second tenseur, ils seront incorporés à ses données, permettant l'optimisation de ce second
tenseur avec de nouvelles données.
S‘il est nécessaire de calculer plus de tenseurs, il faudra poursuivre la même
procédure.
1.3.1.3 Exemple de traitement d
'un échantillon
Pour illustrer cette méthode, j'ai choisi de développer l'échantillon Z 19 (formation du
Qom, Publication n°1, avec 90 cristaux, 192 plans maclés et 78 plans non maclés), car il
contient à la fois des cristaux de calcite maclés dans les veines et la matrice (figure 20). On
a séparé l‘étude en trois parties : on a tout d‘abord traité tous les cristaux de calcite
contenus dans la matrice et les fentes. On a ensuite traité séparément les données des
fentes de celles de la matrice.
Pour chaque échantillon, lors de l‘acquisition des données, un repérage et un
numérotage des cristaux a été réalisé à partir de photos prises au microscope. Pour cela on
scanne les lames et on agrandit les zones qui nous intéressent.
Les courbes de la figure 22 présentent la variation des paramètres calculés par le
programme en fonction du pourcentage des cristaux maclés expliqués. On note une
augmentation de la fonction de pénalisation et du pourcentage des plans non maclés
incompatibles avec l‘augmentation du pourcentage des plans que l‘on demande au programme
d‘expliquer. A l‘inverse, la valeur du seuil a' diminue, alors que la direction de la contrainte
principale 1 reste à peu près constante (N014 – N 022). La valeur du rapport est aussi
assez stable autour de 0.5. Le tenseur solution qu‘il faut choisir est celui pour lequel la valeur
de ces différents paramètres reste à peu près stable sur un certain intervalle.
.
Après avoir fait toutes les mesures possibles, vient ensuite l‘étape qui consiste à
choisir le pourcentage de cristaux que le tenseur solution peut expliquer, et l‘optimisation de
ce pourcentage.
La taille des cristaux étant importante pour la détermination du seuil lors du
traitement, il s‘est révélé important de mesurer un grand nombre de grains, afin de parvenir à
constituer des sous-lots de grains de taille homogène avec suffisament de données pour
permettre un calcul de tenseur. Lors de l'acquisition des données, un repérage et une
numérotation des cristaux a été réalisé à partir de photos de lames scannées et agrandies
(Figure 21).
Toutes les mesures prises à l'aide d'une platine universelle ont été remises dans le
repère géographique.
Figure 20: A : photographie au microscope optique montrant deux veines de calcite qui traversent la matrice. A1 : Lumière naturelle ; A2 : Lumière polarisée. B : photographie au microscope optique
.
Figure 21: photo détaillée d‘une vacuole de calcite (échantillon Z3).
0 0,05 0,1 0,15 0,2 0,25 0,3 30 32 34 36 38 40 42 44 46 48 50 52 54 56 58 60 62 64 66 68 70 % S e uil inter ne a'
A : La valeur de ‘a en fonction du pourcentage des plans maclés pris en compte.
0 0,1 0,2 0,3 0,4 0,5 0,6 0,7 30 32 34 36 38 40 42 44 46 48 50 52 54 56 58 60 62 64 66 68 70 % R apport
B : La valeur du rapport en fonction du pourcentage des plans maclés pris en compte .
0 0,2 0,4 0,6 0,81 1,2 1,4 1,6 1,82 30 32 34 36 38 40 42 44 46 48 50 52 54 56 58 60 62 64 66 68 70 % fo n ct io n d e p én al isa ti o n
C : La valeur de la fonction de pénalisation en fonction du pourcentage des plans maclés pris en compte. 0 5 10 15 20 25 30 32 34 36 38 40 42 44 46 48 50 52 54 56 58 60 62 64 66 68 70 % % d es p al n s n o n m ac lés i n co rp o rés
D : Le pourcentage des plans non maclés incompatible en fonction du pourcentage des plans maclés pris en compte.
0 5 10 15 20 25 30 32 34 36 38 40 42 44 46 48 50 52 54 56 58 60 62 64 66 68 70 % O ri en tat io n d e l a co n tr ai n te 1 p ar rap p o rt au N o rd
E : La direction de 1 par rapport au N en fonction du pourcentage des plans maclés pris en compte.
Figure 22: La variation des paramètres calculés par le programme en fonction du pourcentage des
.
Avant de traiter les données, il faut vérifier que les plans de macles mesurés ont été
pris dans toutes les directions, que l'on a une bonne répartition dans l'espace des axes
optiques, et cela pour ne pas avoir un résultat biaisé; pour cela on trace des diagrammes
représentant les projections des axes optiques, des plans maclés (en projection en plan et en
pôle) et des plans non maclés (en projection en plan et en pôle) pour l‘échantillon Z19. Dans
un premier temps on a représenté les résultats obtenus après le traitement de tous les cristaux
qu‘ils proviennent de veines ou de la matrice, puis les résultats obtenus après traitement
séparé des cristaux dans les veines et dans la matrice.
Après saisie des données et restitution dans le repère géographique, la projection
stéréographique des axes C, des pôles des plans maclés et des plans non maclés montre que
cet échantillon n‘offre aucune orientation cristallographique préférentielle, ce qui aurait pu
introduire quelques restrictions sur l‘utilisation de la méthode.
Figure 23: A : Projections des axes optiques, B : Projections des plans maclés, C : Projections des plans non maclés (projection de Schmidt, hémisphère inférieur).
On peut remarquer que l‘on a une assez bonne répartition des axes optique et des plans
maclés et non maclés pour le fichier concernant tous les cristaux de l‘échantillon Z19. Par
contre on voit que quand on sépare les données des veines de celles de la matrice on a une
répartition préférentielle des axes optiques pour les veines comme pour la matrice.
.
C‘est pour cette raison que l‘on a préféré les traiter ensemble, et on a pour la suite
essayé d‘en tirer les tenseurs enregistrés dans les cristaux de calcite des deux domaines.
Figure 24: Les deux tenseurs obtenus par la méthode des macles de la calcite dans l‘échantillon Z19 ;
en bleu la veine dans laquelle les mesures ont été eféctuées.