Chapitre I : LE PLISSEMENT ET LES METHODES DE CARACTERISATION DE
1.4 Relation pli-faille
1.4.3 Conclusion
La différenciation de ces trois types de plis a seulement été basée sur leur géométrie
sans prendre en compte ni considérations cinématiques ni mécaniques. Or, c'est la réponse
mécanique des couches traversées par la faille qui détermine le mode de plissement. Un pli de
détachement serait plus probablement créé quand la faille traverse une couche à
comportement ductile (sel, évaporites, argilites...) (figure 3 c), tandis que, dans le cas de
couches plus compétentes, c'est un pli de propagation de rampe qui serait le plus probable.
Cependant, l'identification du mécanisme responsable de la localisation de la déformation
reste difficile, surtout en ce qui concerne la fracturation liée au plissement (Guiton 2001;
Maillot et Leroy, 2003).
Dans les deux cas de plis de propagation de rampe ou de cintrage sur rampe, les
couches inférieures engagées dans le plissement sont tronquées par la faille. Le pli de
propagation de rampe est associé directement à une rampe ou à une faille sous-jacente, alors
que le pli de cintrage sur rampe se développe ultérieurement par rapport à la formation de la
rampe. La différence se situe surtout au niveau du compartiment supérieur vis-à-vis de la
rampe dans chacun des deux modes. Le pli de propagation de rampe se développe
simultanément avec la propagation de la rampe. Le déplacement tout au long de cette dernière
diminue jusqu'à s'annuler complètement à son extrémité.
Les trois types de plis connaissent trois phases au cours du plissement. La première, le
pré-plissement, correspond au raccourcissement parallèle aux couches (LPS) qui peut
accommoder entre 10 et 30% du raccourcissement total au niveau de certaines chaînes
plissées selon Mitra (1994) et 15% selon Koyi et al. (2003). La deuxième phase du plissement
proprement dite se divise en deux périodes : une correspond à la formation du pli
macroscopique, pendant laquelle la déformation est surtout localisée au niveau de la charnière
et tout le long de la faille si le pli y est relié, et une seconde se rapportant à une période de
serrage tardi-plissement (late stage fold tightening). Ce sont les mécanismes de
microdéformation en relation avec cette phase qui sont les moins connus et que nous avons
tenté d'étudier au cours de cette thèse. La dernière phase, le post-plissement, correspond au
relâchement des contraintes et l'exhumation du pli.
.
2 Les mécanismes impliqués dans la
déformation à différentes échelles
A l'échelle des grains, les principaux mécanismes de déformation irréversibles des
roches à l'échelle microscopique efficaces à basse température (<300°C) sont bien connus
aujourd'hui. Dans les grès et les roches cristallines, les mécanismes les plus performants sont :
le granular flow (écoulement plastique particulaire),
la fracturation intra- et trans-granulaire conduisant à la cataclase,
la pression-dissolution.
Dans les roches carbonatées, à cause de la présence de calcite et de sa forte réactivité
chimique, les mécanismes les plus significatifs sont :
la fracturation intra- et trans-granulaire,
la pression-dissolution,
le maclage de la calcite,
le glissement aux contacts entre grains (comme dans les grès).
Pour une lithologie donnée, les principaux facteurs contrôlant l'efficacité de ces
micromécanismes sont également connus et synthétisés sous la forme de cartes de
déformation (Frost et Ashby, 1982). Dans le cas des roches sédimentaires et à basse
température, c'est principalement la taille du grain, la contrainte déviatorique (ou la vitesse de
déformation) et la nature des fluides en contact avec les grains qui vont sélectionner le
micromécanisme efficace.
A l'échelle décamétrique, d'autres mécanismes sont à considérer. En effet, la
déformation est principalement accommodée par du glissement banc-sur-banc, par la
localisation de la déformation le long de plans de faille et la création de réseaux de fractures
macroscopiques. Au cours des vingt dernières années, l'étude de ces mécanismes a été très
active car les résultats obtenus ont une implication directe dans la prédiction des propriétés
hydrodynamiques des réservoirs naturels et que failles et fractures sont directement
observables sur le terrain ou à partir de données sismiques. En ce qui concerne les failles, on
commence à bien comprendre les liens existants entre l'activation des différents
micromécanismes, le développement d'une rupture macroscopique et l'accumulation de
déplacement sur celle-là (Katz et al., 2003, Shipton et Cowie, 2003 pour des exemples
récents). Par contre, lorsqu'il s'agit des plis, peu de résultats sont encore disponibles.
A l'échelle du bassin (figure 4), des études récentes permettent de décrire l'évolution
d'une roche depuis l'avant-pays jusqu‘à son incorporation dans un pli (Roure et al., 2005).
Figure 4: Des blocs diagrammes présentant le développement des structures de deformation comme
les BPS (Bedding parallel shortening), les LPS (layer parallel shortening), les fractures conjuguées et les fractures hydroliques dans un reservoir carbonate, en relation avec l‘évolution des chaînes
.
Ces études permettent de montrer où et pourquoi la compaction due à la charge
sédimentaire, la compaction tectonique, la fracturation hydraulique et la fracturation liée à
l'exhumation contemporaine du plissement se succèdent au cours de l'évolution du bassin. A
l'échelle du pli, si plus de travaux relatifs à la répartition spatiale des mécanismes
macroscopiques (failles et fractures principalement) sont disponibles (Guiton et al., 2003 ;
Florez-Nino et al., 2005 ; Bellahsen et al., 2006a ; Ahmadhadi et al., 2007, Wennberg et al.,
2007 par exemple), seules quelques travaux sont bien documentées en ce qui concerne les
microstructures (Frizon de Lamotte et al., 1997 ; Saint-Bezar et al., 2002 ; Louis, 2003 ;
Evans et al., 2003). Il reste alors quelques zones d‘ombres sur l‘évolution mécanique des plis
et les mécanismes qui la contrôlent. De nouvelles observations sur des structures naturelles
dont la géométrie peut être bien définie sont nécessaires.
3 La relation entre le plissement sa courbure et
la distribution de la microdéformation et des
microstructures
Les différents modèles cinématiques des plis sont en général associés à la distribution
de la déformation dans les différentes parties du pli, qui dépend des modes de plissement. Ces
dernières années, et ce grâce au développement de ces modèles cinématiques, plusieurs
tentatives ont été réalisées pour relier la microdéformation ainsi que la fracturation à la
cinématique des plis, au lieu de simplement regarder la forme finale du pli ; cette approche se
justifie par le fait que les microstructures enregistrent une déformation progressive durant le
plissement quand elle lui est contemporaine (Allmendinger, 1982; Bahat 1988 ; Couzens et
Dunne, 1994; Fischer et Anastasio, 1994; Anastasio et al., 1997; Hennings et., al., 2000 ;
Storti et Salvini, 2001; Craddock et Relle, 2003 ; Tavani et al., 2006; Bellahsen et al., 2006) et
influence cette déformation quand elle lui est antérieure (Arlegui-Crespo et Simon-Gomez,
1993; Rawnsley et al., 1998; Ahmadhadi et al., 2008). Cette influence s‘exerce quand la
disposition du ou des familles de veines préexistantes est favorable à leur réactivation et de ce
fait à une perturbation des contraintes lors du plissement.
De nombreuses études ont tenté d'établir un lien entre la macro-déformation
(plissement) et la déformation matricielle ou la déformation interne des couches plissées
(Elliottt, 1976; Engelder et Geiser, 1979; Geiser, 1988; Mitra, 1994; Aubourg et al., 1997;
Louis et al., 2004; Smith et al., 2005), mais aussi d‘étudier la cinématique des plis forcés (en
relation avec des failles). Parmi les outils employés (qui sont détaillés plus loin dans ce
mémoire), on peut citer à titre d'exemple l'ASM. C‘est un outil efficace pour contraindre les
modifications matricielles des roches comme le raccourcissement parallèle aux couches (LPS)
(Averbuch et al., 1992; Hirt et al., 1995; Frizon de Lamotte et al., 1997; Grelaud et al., 2000)
ou le cisaillement simple (Aubourg et al., 1991). L'ASM reflète fidèlement les orientations
préférentielles des grains et/ou des minéraux qui contribuent à la susceptibilité magnétique
mesurée (Borradaile, 1988; Rochette et al., 1992).
La figure 5 représente un exemple d'étude qui résume la déformation interne associée
à un pli de propagation de rampe selon Saint-Bezar et al. (2002). Selon cette étude, la
déformation peut être accommodée par du glissement flexural comme du cisaillement
banc-sur-banc, et/ou de la déformation interne. Dans les deux cas, le sens de cisaillement est
imposé par le modèle de plissement choisi. Cet exemple comme tant d'autres (dont les plus
récents sont Latta et Anastasio, 2007; Robion et al., 2007; Hnat et al., 2008; Burmeister et al.,
2009; Oliva-Urcia et al., 2009; Amrouch et al., 2010 a et b) montrent à quel point les analyses
de la déformation interne des couches et des microstructures peuvent être discriminantes
vis-à-vis de tel ou tel type de mécanisme de plissement.
Figure 5: Illustration d'un pli de propagation avec la localisation de la zone de cisaillement. La
déformation associée au plissement peut être accommodée par un glissement flexural ou une déformation interne. La fabrique magnétique due à cette déformation interne est montrée au niveau du
flanc avant du pli (d'après Saint-Bezar et al., 2002).
D'autres études comme celles de Tavani et al. (2006) ont abordé le problème de la
distribution des micro- et mésostructures, ainsi que la relation de cette distribution avec le
plissement et les compartiments du pli. D‘un point de vue quantitatif, les résultats de ces
.
travaux ont montré que le plissement est accompagné par le développement de plans
stylolitiques longitudinaux auxquels des joints et des veines sont perpendiculaires. Il a été
montré aussi que l'espacement des principaux plans stylolitiques est lié à l'épaisseur des
couches correspondantes.
Figure 6: Illustration spatiale de la distribution des micro et méso-structures dans un pli asymétrique
(Tavani et al., 2006).
Cette sensibilité à l'épaisseur des couches est analogue à celle décrite dans les
structures ductiles, malgré la différence d‘origine. Les plans stylolitiques montrent une
distribution spatiale qui est liée à leur position dans le pli. Les veines et les joints ne montrent
pas un tel comportement. D'après Tavani et al. (2006), les stylolites sont les structures les plus
appropriées pour déduire la cinématique d'un pli, en utilisant leur fréquence normalisée
(rapport H/S; H étant l'épaisseur de la couche et S l'espacement moyen entre les plans
stylolitiques) et l'angle du plan par rapport à la stratification (ATB). Les différents
compartiments du pli (figure 6), l'avant du pli, le flanc avant (forelimb) et le flanc arrière
(backlimb) et la charnière présentent une distribution spatiale différente de ces deux
paramètres.
En ce qui concerne la fracturation plusieurs études ont tenté de relier le développement
des structures cassantes aux éléments géométriques du pli, comme son axe, ses deux flancs
avant et arrière et les terminaisons (McQuillan, 1974; Srivastava et Engelder, 1990; Cooper,
1992; Fischer et al., 1992; Erslev et Mayborn, 1997; Jamison, 1997; Thorbjornsen et Dunne,
1997; Hennings, 2000). L'étude publiée par Stearns en 1972 peut être considérée comme une
synthèse du travail pionnier réalisé sur ce thème. Cette synthèse est présentée dans une forme
de classification des fractures (incluant joints et failles) basée sur leur position par rapport aux
caractèristiques géométriques du pli. Ce fameux schéma de population de fractures dans un
anticlinal incluant les fractures axiales, obliques et transversales, était essentiellement statique
et essayait de mettre l'accent sur la relation entre les populations des fractures typiques et leur
localisation dans un pli selon sa forme actuelle. Cette synthèse a ensuite été complétée par une
caractérisation quantitative de la géométrie du pli en utilisant la courbure (Lisle, 2000). La
courbure est encore fréquemment utilisée comme un outil pour définir la direction et la
densité des fractures (Hennings, 2000; Bergbauer et Pollard, 2004).
Keunen et De Sitteren (1938), et Ramberg (1964) après eux ont mis en place un
modèle qui consiste à distinguer deux zones : l‘intrados soumise à une compression locale, et
une zone appelée l‘extrados soumise à une extension locale. La première se distingue par le
développement de stylolites et/ou des failles inverses, et la deuxième présente des fractures de
mode I et probablement des failles normales.
Les travaux de Stearns (1964) puis Stearns et Friedman (1972) ont donné naissance à
un autre modèle plus « complexe » (figure 7) qui résume la distribution des fractures au sein
d‘un anticlinal idéalisé. Dans ce modèle, ils ont essayé d‘expliquer la localisation de chacune
des familles de fractures selon le régime local des contraintes et la situation spatiale dans le
pli. Pour ce modèle, les auteurs ont exprimé trois postulats (pouvant être largement contestés)
qui sont : (a) la totalité des fractures qui peuplent les plis est syn-plissement (ou liée au
plissement), (b) toute fracture oblique à la direction principale de serrage s‘est initiée et
propagée en cisaillement et (c) le régime local des contraintes correspond à celui décrit par le
modèle de Keunen et De Sitteren (1938), et Ramberg (1964).
Les régimes locaux sont sous l‘influence de la contrainte régionale et de la localisation
au sein de la structure plissée (intrados ; extrados ; flanc…).
Dans ce modèle, par leur nombre et leur développement, les ensembles (1) et (2)
semblent prendre les premiers rôles dans l‘évolution du plissement. D‘après ce modèle les
.
fracturres (1) résultent d‘un champ de contraintes qui présente un σ1 perpendiculaire à l‘axe
du pli, un σ2 perpendiculaire aux couches et un σ3 parallèle à l‘axe du pli, et elles sont
présentent à toutes les échelles. Moins développées que les (1), les fractures (2) plutôt
d‘échelle centi à décamétrique, elles seraient le résultat d‘un régime à σ1 parallèle à l‘axe du
pli, un σ3 qui lui est perpendiculaire et un σ2 perpendiculaire aux couches. Constitué de
fractures axiales et de failles normales conjuguées de même direction, l‘ensemble (3) serait la
cause de l‘extension située au niveau de l‘extrados, quand à l‘opposé l‘ensemble (4) traduit
par ces failles inverses le régime compressif à l‘intrados. Le dernier ensemble exprimé dans
ce modèle (5) est rencontré au niveau des interfaces des bancs. Il est représenté par des failles
normales conjuguées au plan de glissement entre bancs.
Figure 7: Modèle classique de distribution des fractures au sein d‘un anticlinal idéalisé inspiré du
Teton Anticline, Montana, U. S. A. (d‘après Stearns, 1964, et Stearns et Friedman, 1972)