3.1.3 Comparaison des résultats de l‘analyse des macles de la
calcite avec les données de la mécanique des roches: vers
une quantification des contraintes principales durant le
plissement ?
La similitude des tenseurs reconstitués dans l'anticlinal de Sheep Mountain par
l‘analyse des failles et des macles suggère qu‘il s‘agit de tenseurs « contemporains » à
l‘échelle des temps géologiques, c'est-à-dire liés aux mêmes épisodes tectoniques. Dans ce
cas, on peut ajuster le cercle de Mohr (1-3) obtenu par les macles avec la courbe
intrinsèque de rupture plus exactement à la fissuration, afin de fixer les valeurs des grandeurs
1,2 et 3 au moment de la rupture (e.g., Lacombe et Laurent, 1992 ; Lacombe et al.,
1996 ; Lacombe, 2001 ; 2007). Comme cette combinaison macles - mécanique des roches
exige la connaissance des propriétés du matériau rocheux affecté, on s'appuie sur les résultats
des essais mécaniques sur les échantillons de Phosphoria et de Madison. On a aussi essayé de
faire le même type d'essais mécaniques sur la formation de Tensleep. Malheureusement, les
échantillons utilisés présentaient beaucoup d'imperfections et les résultats se sont révélés très
peu fiables.
3.2 Application
On propose un scénario mécanique reliant les directions et le mode d'ouverture des
différentes fractures avec la cinématique du pli, en se basant sur l'évolution de la fracturation
recensée dans le pli du Sheep Mountain (Bellahsen et al., 2006a ; Fiore, 2006 ; Amrouch,
2007 ; Beaudoin, 2008 ; 2009 et Amrouch et al., 2010a), l‘inversion des données de failles en
terme d‘orientation et de régimes de contraintes de failles et les données quantitative sur les
orientations, régimes et grandeurs des contraintes différentielles calculées à partir des macles
de la calcite (Amrouch et al., 2010a). Ces données sont complétées par les résultats des essais
mécaniques concernant les courbes de néorupture pour les formations carbonatées Phosphoria
et Madison et par la loi de friction de Byerlee (figure 81). Ces données combinées permettent
de reconstituer l‘évolution des contraintes en 4D : une première évolution dans le temps, entre
l'état anté et post-plissement, et une deuxième dans l'espace, entre le forelimb et le backlimb.
A l‘exception de la première phase tectonique Sevier, où l'état de déformation et de contrainte
est le même dans toute la zone du futur pli, on a choisi de présenter les détails de ce scénario
par flanc. Avant de commencer cette partie voici quelques précisions concernant la
nomenclature qu‘on utilisera dans cette partie :
H calc: contrainte horizontale maximale obtenue par l‘analyse des macles de la calcite ;
h calc: contrainte horizontale minimale obtenue par l‘analyse des macles de la calcite ;
v calc: contrainte verticale obtenue par l‘analyse des macles de la calcite ;
v eff: contrainte verticale estimée par le poids des sédiments sus-jascents, quand la
pression de fluide est hydrostatique
v eff= (-
e)gh ; avec et
ecorrespondent
respectivement à la densité volumique des roches sédimentaires et de l‘eau ;
v: différence entre le
v calcet
v eff;
Pf : Pression de fluide.
Dans le détail, le scénario s‘appuie sur un ensemble de données, de résultats et
d‘hypothèses qui sont les suivants :
D‘après les résultats de l‘analyse des macles de la calcite et des failles, l‘axe de 1 est
perpendiculaire à l‘axe du pli et est horizontal avant et après le plissement.
Pour quantifier les contraintes dans ce scénario, on a utilisé des enveloppes moyennes
de rupture et d‘endommagement obtenues via des essais mécaniques faits sur des
échantillons des formations carbonatées Madison et Phosphoria.
Au-dessus des formations étudiées, existait une série détritique avec une épaisseur
moyenne anté-Laramide de 1700 m (Hennier, 1984) ce qui fixe la valeur maximale (à
sec) de la contrainte verticale.
La contrainte différentielle enregistrée par les macles de la calcite correspond à la
valeur maximale enregistrée par l'échantillon pour chacune des épisodes tectoniques, ce
différentiel maximum correspond au différentiel qui prévalait dans la roche juste avant
la néorupture (Lacombe et Laurent, 1992).
La contrainte différentielle augmente au cours des phases anté-plissements jusqu‘à
atteindre sa valeur maximale juste avant le plissement ss.
La différence entre le forelimb et le backlimb est essentiellement due à la perturbation
causée par le jeu de la faille de socle sous-jacente pendant les phases préplissement.
L‘hypothèse de la permutation des contraintes se base sur l‘enregistrement pour une
même étape de tenseurs compressifs et décrochants. Les valeurs du rapport calculées
par les maclesde la calcite ne sont cependant nécessairement faibles (comme on
pourrait s‘y attendre dans le cas d‘une permutation
2/
3) ; ceci peut être expliqué par
le fait que les macles de la calcite et les failles se seraient certes formées au cours d‘un
même régime décro-compressif, mais à des moments différents (conditions de
contraintes plutôt décrochantes ou plutôt compressives avant ou après permutation
2/
3).
Le
vcalcest égal soit à
3(valeur sur laquelle l‘incertitude est faible, car la position du
cercle de Mohr (
1,
3) est assez bien contrainte), soit à
2; dans ce dernier cas,
l‘incertitude est théoriquement plus importante, à cause des incertitudes sur le rapport
; néanmoins, puisque failles et macles considérées ensemble suggèrent un régime
décro-compressif (par exemple en post-plissement), la valeur de
2devait être proche
de
3, ce qui diminue l‘incertitude sur l‘estimation de la variation de
v.
On considère la courbe d‘endommagement et non celle de rupture, car compte tenu de
la qualité du matériau, de son hétérogénéité et de son degré de préfracturation, la
fissuration expérimentale reflète probablement mieux la contrainte proche de celle
correspondante à la néorupture dans les conditions de la déformation cassante naturelle.
.
Pour les étapes anté-plissement, la différence
vest expliquée seulement par la
variation Pf et la perturbation due au jeu de la faille de socle sous-jacente, puisque l‘on
considère que les couches sont horizontales et donc qu‘il n‘y a pas d‘érosion et donc
pas de variation d‘épaisseur entre les deux flancs.
Pour l‘étape post-plissement la différence
vprend en compte l‘érosion, par rapport à
la phase anté-plissement, en plus de la pression de fluide, car on considère que
l‘érosion est active dès la formation du relief du pli. L‘érosion va diminuer l‘épaisseur
des couches sus-jacentes et de ce fait elle joue aussi sur la valeur de
v.
Figure 82: Enveloppe moyenne d‘endommagement et courbe de friction de Byerlee utilisées dans
Figure 83: Résumé du scénario de fracturation au niveau du pli de Sheep Mountain (d‘après Bellahsen et al., 2006 ; Fiore, 2006 ; Amrouch, 2008 ; Beaudoin, 2009 ; Amrouch et al., 2010a). (a)
.
3.2.1 Etape "Sevier" (compression N110 à 135)
Les données contraignant l‘état des contraintes pendant cette phase sont les valeurs de
la contrainte différentielle maximale obtenues par les macles de la calcite, la courbe
d‘endommagement (ou de fissuration) et l‘ouverture en mode 1 des veines du set I qui sont
verticales et dont le plan contient l‘axe
2(ici correspondant à
v). On prend pour cette étape
la même valeur pour la contrainte différentielle maximale dans le forelimb et le backlimb (20
MPa) vu que cette distinction n‘est pas visible pendant cette phase (figure 84). On note une
incertitude sur la valeur de
v(0
<
v<
H)
3.2.2 Etape 1 du LPS Laramienne
Suivant le même raisonnement que pour l‘étape précédente, les données qui
définissent l‘état des contraintes pendant cette étape sont les valeurs de la contrainte
différentielle maximale obtenues par les macles de la calcite et la courbe d‘endommagement.
S‘ajoute à ces données l‘angle (60-65°) que fait 1 avec le plan des veines du set I qui
rejouent en décrochements sénestre (Fiore, 2006) et dont le plan contient toujours
v(figure
85). Cette étape a été enregistrée aussi par des stylolites (figure 75.4) correspondant à une
compression perpendiculaire à l‘axe du pli. On note une incertitude sur la valeur de
v(0
<
v<
H)
.
3.2.3 Etape 2 du LPS Laramienne
Les contraintes prises en compte dans cette étape sont l‘ouverture en mode 1 des
veines du set II, ce qui oblige à faire tangenter le cercle de Mohr à la courbe
d‘endommagement à son origine, donc dans le domaine des contraintes en tension. La
réactivation des veines du set I pendant l‘étape précédente expliquerait la diminution de la
contrainte différentielle entre les deux étapes. Une augmentation de la pression de fluide est
requise pour permettre la tangence du cercle de Mohr et de la courbe d‘endommagement par
rapport à l‘étape 1 (figure 86). On note une incertitude sur la valeur de
v(0
<
v<
H)
3.2.4 Etape 3 du LPS Laramienne
Les données qui aident à déterminer l‘état des contraintes pendant cette étape sont : (1)
la néoformation de failles inverses (figure 75.3) à la fois dans le forelimb et le backlimb avec
un angle de 25-35° entre le plan de la faille et l‘axe 1 ; (2) les valeurs de la contrainte
différentielle maximale obtenues par les macles de la calcite, que l‘on considère
représentatives de cette étape puisque celle-ci correspond à la formation de failles néoformées
avant le plissement. La contrainte différentielle dans le forelimb est égale à ~65 MPa et égale
à ~30 MPa dans le backlimb. On note une permutation
3/
2par rapport à l‘étape 2, car le
3doit devenir vertical pour rendre compte du développement de failles inverses (figure 87).
On peut après cette étape estimer la pression de fluide maximale qu‘auraient subie les
couches avant le plissement (figure 87). Elle serait égale à
vpuisque l‘on estime qu‘avant
le plissement, il n‘y avait pas de relief et donc pas d‘érosion. Donc avec un
v eff= 24 MPa et
un
vmesurée = -1 MPa (BL) et 3 MPa (FL) la pression de fluide serait comprise entre 21
MPa dans le forelimb et 25 MPa (~
v eff) dans le backlimb où l‘on observe d‘ailleurs des
veines horizontales (Figure 88).
.
Figure 87: Illustration de l‘état de contrainte durant la dernière étape anté-plissement Laramienne
Figure 88: Photo d‘une veine horizontale dans le backlimb qui témoigne d‘une pression de fluide