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Jean-Marie Pelt

1.4.1.5 La détermination de l’optimum social : la pollution optimale

Le modèle proposé par l’économiste permet de déterminer un niveau de pollution optimal qui résulte d’un arbitrage entre les avantages et les couts respectifs de la dépollution et de la pollution.

Représentation de l’optimum

Certes, la pollution engendre des dommages qu’il faut chercher à les réduire, mais cette intention ne relève pas de l’unanimité de tous les acteurs de la société. Le principe est que les agents économiques réagissent afin de réduire les dommages résultants de la pollution. Les écologistes sont capables de détecter les perturbations qui touchent l’écosystème même avant qu’elles se reproduisent. Cependant, les économistes ainsi que les politiciens ne réagissent que lorsque ces dommages sont perçus par les individus et selon leur conception matérialiste.

Pour les écologistes, la pollution nulle est la seule garantie pour le bon fonctionnement de la biosphère. Toutefois, cette suggestion est considérée comme un cas extrême pour les économistes et représente le niveau de l’optimum. Il faut prendre en considération les contraintes économiques et faire recours aux arbitrages afin de déterminer le niveau de pollution acceptable qui reflète le compromis existent entre l’objectif de l’écologie et les contraintes de l’économie, c’est-à-dire la rareté des ressources. Le modèle proposé est celui de la minimisation des couts totaux supportés par la collectivité.

i. Le modèle de minimisation des couts totaux

En équilibre partiel, la détermination de l’optimum est schématiquement représentée de deux manières différentes. La première fait l’hypothèse que la quantité de résidus rejetée est

proportionnelle à la quantité produite par l’entreprise polluante. La seconde suppose qu’il existe plusieurs niveaux de pollution possibles pour une quantité donnée de production et prend en considération l’existence de technologies de dépollution.

Illustration graphique de la première hypothèse

A partir de la figure 2.1 ci-dessous, pour déterminer le niveau de pollution optimal selon le critère de Pareto, nous supposons une firme ‘’A’’ située en amont d’une autre firme ‘’B’’ et toutes les deux sont localisées autour d’une rivière d’eau. Elles utilisent cet élément naturel comme entrée dans le processus de production sous forme de prélèvement d’eau pour la firme ‘’B ‘’et sous forme de réservoir de résidus recevant les sorties du processus de production pour la firme ‘’A’’. Nous supposons que la quantité de résidus rejetée est proportionnelle à la quantité produite par ‘’A’’ et que le cout de dépollution supporté par ‘’B’’ est proportionnel à la quantité de résidus déversée. La firme ‘’A’’ émet des matières polluantes dans la rivière ce qui nuit à la production de la firme ‘’B’’, cette dernière est obligée de dépolluer l’eau. La firme ‘’A’’ désintéressée par tout ce qu’elle induit en aval va continuer à polluer jusqu’à un niveau correspondant à la maximisation de son profit. En présence d’externalités, le marché n’est plus capable d’aboutir à un optimum au sens de Pareto.

Figure 2.1

Dans notre analyse, nous utilisons les couts et profits marginaux qui représentent les suppléments de couts et d’avantages totaux délivrés par chaque unité supplémentaire produite.

En abscisse, X représente la quantité produite par l’entreprise ‘’A’’. En ordonnée, sont indiqués les couts et les profits marginaux relatifs aux activités de ‘’A’’ et de ‘’B’’. La firme ‘’A’’ située dans un marché concurrentiel a une recette marginale égale au prix du marché. Ses rendements sont décroissants et ses couts sont croissants. Le profit marginal qui représente l’écart entre le prix et le cout marginal privé de la production de X décroit avec l’accroissement de X et s’annule en X1. La surface OP X1 indique le profit total de l’entreprise. Le cout marginal externe, représentant le cout que doit supporter l’entreprise ‘’B’’ du fait de la pollution causée par l’activité de ‘’A’’, est représenté par la droite OE. Il augmente avec l’accroissement de la quantité produite X. Le calcul économique de la firme ‘’A’’ prend en compte les couts et les avantages marchands engendrés par son activité et n’intègre pas le cout externe imposé à ‘’B’’. La firme ‘’A’’ produit la quantité OX1 qui maximise son profit et impose à l’entreprise ‘’B’’ un cout maximal représenté par la surface OB X1. Si nous considérons l’intérêt de la collectivité, limité ici aux deux entreprises ‘’A’’ et ‘’B’’, le gain collectif est égal au profit réalisé par ‘’A’’ diminué du cout supporté par ‘’B’’, c’est-à-dire OPX1-OBX1 qui peut s’écrire, en supprimant la surface commune OAX1, OPA-BAX1. Ce gain est maximal pour la collectivité des deux entreprises quand la partie du cout supporté par ‘’B’’ à cause de la pollution émise par ‘’A’’, BAX1 est réduite à zéro. Cette situation optimale intervient quand le volume de production X est égal à OX0.

Cet optimum collectif peut être également déduit d’un raisonnement à la marge. Pour la quantité produite comprise entre O et X0, chaque unité additionnelle de X engendre un profit marginal supérieur à son cout marginal, le gain social marginal est positif. Au-delà de X0, chaque unité supplémentaire produite engendre un cout marginal supérieur à son profit marginal, le gain social marginal est donc négatif. Le gain social est maximal pour le niveau de production OX0. A partir de cette analyse, nous remarquons qu’en présence d’un effet externe, l’optimum privé diffère de l’optimum collectif, le volume de la production OX1 qui maximise le profit privé de l’entreprise polluante est supérieur à celui correspondant à l’optimum collectif OX0. La réalisation de l’optimum collectif ne signifie pas la disparition totale de l’externalité, une partie du cout externe représentée par la surface X0AB X1, a été supprimée engendrant un gain social : l’externalité est dite dans ce cas « Pareto relevant ». En revanche, le fait que l’entreprise ‘’A’’ diminue sa production au-delà de X0 et en conséquence

réduit le cout externe OAX0, n’engendre pas un gain social, mais une perte, puisque l’on se prive d’un profit supérieur au cout externe subi. L’externalité est dite, dans ce cas « Pareto irrelevant ». L’optimum collectif ne correspond pas à une pollution ou à un dommage nuls qui mènent à un niveau de production nul et arrêtent toute activité de la firme ‘’A’’. Il est interprété comme étant le résultat d’une conciliation entre les avantages issus de cette activité et les dommages qu’elle fait subir. Le gain privé OPAX0 demeure toujours supérieur au gain social OPA.

Illustration graphique de la deuxième hypothèse

Nous procédons à la détermination de l’optimum en comparant les couts de pollution et de dépollution liés à une activité donnée. Certes, la pollution engendre des dommages mais la dépollution a également un cout. Choisir un niveau de pollution c’est aussi choisir un niveau de dépollution et accepter de supporter le cout correspondant. Toutefois, les ressources sont rares et celles qui seront consacrées à la protection ou au rétablissement de l’environnement ne le pourront pas l’être à la production d’autres biens et services. Il s’agit donc d’un problème d’allocation de ressources rares réglé en économie par une comparaison des couts et des avantages. Nous admettons l’hypothèse que les couts de la pollution et de la dépollution sont mesurables et comparables. Ils varient selon le niveau de la pollution. Le modèle proposé de l’économiste est celui de la minimisation de ces deux couts de pollution et de la dépollution. Le raisonnement peut être fait en termes de couts totaux ou de couts marginaux. Le niveau de pollution ‘’P’’ est indiqué en abscisse, les couts de pollution et de dépollution en ordonnée, les couts totaux sur le graphique (a), les couts marginaux sur le graphique (b).

Source : Vallée. A (2002).

OP1 représente le niveau maximal de pollution correspondant à l’optimum privé de l’entreprise ‘’A’’, situation où elle maximise son profit sans se préoccuper du cout externe supporté par ‘’B’’. Le cout total de la pollution, ou dommage total s’accroit avec le niveau de la pollution émise de O à P1, il est représenté par la courbe CP. L’entreprise peut réduire les dommages causés en dépolluant. Le cout total de la dépollution augmente avec le niveau de la dépollution de P1 à O, il est représenté par la courbe CAP. La minimisation de la somme de ces deux couts totaux (la courbe représentant cette somme est obtenue par sommation verticale des niveaux de CP et de CAP pour chaque niveau de pollution) intervient au niveau de pollution OP0. P0 représente le niveau optimal de pollution et de dépollution (voir graphique (a) ci-dessus). Si nous raisonnons maintenant à la marge (voir graphique (b) ci-dessus)), le cout marginal de la pollution indique le supplément de dommage engendré par chaque unité additionnelle de pollution et le cout marginal de la dépollution représente le supplément de cout total engendré par la suppression de chaque unité additionnelle de pollution. Partant de P1, situation où le dommage total est maximal (représenté par la surface OEP1) et le cout de dépollution nul puisque aucune action de dépollution n’est mise en place, la suppression de chaque unité de pollution existante entre P1 et P0 fait disparaitre un dommage supérieur au cout supporté pour obtenir ce résultat. Il y’a gain social tant que le cout marginal de pollution excède le cout marginal de la dépollution. En revanche, continuer à réduire la pollution au-delà de P0 diminuerait le bien être de la collectivité puisque, dans ce cas, le cout de suppression de chaque unité de pollution est supérieur à l’avantage que l’on retire sous la forme de l’élimination d’un dommage. Le cout marginal de la lutte antipollution dans cette zone est supérieur au cout marginal de la pollution. Le niveau de la pollution ou de la dépollution optimale est bien OP0. Si nous généralisons ce modèle à ’’ n’’ agents, les

entreprises étant les pollueurs et les consommateurs étant les pollués, les hypothèses relatives aux fonctions d ‘utilité et aux fonctions de production sont conformes à celle de l’économie du bien-être, mais les premières intègrent l’effet externe (l’utilité décroit quand l’externalité s’accroit) et les secondes sont source d’émissions d’externalité considérée comme un produit joint. Le fait de maximiser l’optimum social revient à maximiser l’utilité d’un consommateur sous la contrainte que les autres consommateurs ne subissent pas de pertes de bien-être et sous les contraintes relatives à la technologie et à la disponibilité des ressources. Cet optimum est réalisé si le dommage marginal social qui indique la somme des dommages engendrés par une unité de pollution et donc supportés par l’ensemble des consommateurs est égal pour chaque entreprise à son cout marginal de réduction de la pollution.

Toutefois, il faut signaler que l’optimum économique de pollution peut évoluer sous l’influence de multiples facteurs. Il dépend de l’allure des fonctions de couts de pollution et de dépollution. Tout changement de l’une de ces fonctions engendre donc une variation du niveau de la pollution optimale.

1.4.1.6 Les critiques adressés au calcul de la pollution optimale : optimum