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Jean-Marie Pelt

1.4.1.3 Le concept de droits de propriété

Vallée. A (2002) a indiqué que l’échange marchand ne peut aboutir à un optimum social que si les ressources échangées sont soumises à des droits de propriété. Cependant, ces droits de propriété doivent obéir à quatre critères à savoir : l’universalité signifiant que toutes les ressources font l’objet d’appropriation privative et les titres de propriété sont clairement définis, l’exclusivité indique que tous les couts et les bénéfices issus de la possession et de l’usage de ses ressources doivent être supportés par le propriétaire ou lui revenir à la suite d’un échange marchand, la transférabilité signalant que les agents peuvent librement transférer leurs droits de propriété par un échange volontaire, l’applicabilité stipule que les droits de propriété doivent être respectés et protégés contre l’appropriation d’autrui. Pour les biens d’environnement collectifs, ces critères ne sont pas respectés et le marché ne permet pas de les gérer convenablement. Donc nous pouvons conclure que la surexploitation des ressources d’environnement est essentiellement due à l’absence de définition des droits de propriété.

En effet l’attention autour des droits de propriété n’est pas récente, elle a apparu pour la première fois avec le politicien Aristote qui a signalé que : « ce qui appartient à tout un chacun est le plus négligé car tout individu prend le plus grand soin de ce qui lui appartient en

Hardin.G(1968) a énuméré les conséquences dangereuses de la pratique des vaines pâtures52

connu au moyen âge en Angleterre. Les pâturages étaient accessibles à tous et chaque berger a intérêt à accroitre son troupeau, il en résulte la surexploitation et l’épuisement de la ressource engendrant ainsi la perte commune. Ce même phénomène est appliqué dans le cas des biens d’environnements collectifs et il est considéré comme l’origine des pollutions. Au cours des années 60, beaucoup d’écologistes ont déclaré que la propriété privée et l’économie de marché sont des causes majeures de la dégradation de l’environnement naturel. La maximisation de l’intérêt privé n’est pas compatible avec la préservation de l’environnement. Les mécanismes de marché sont considérés comme les responsables de la surexploitation de la biosphère. L’usage de l’environnement naturel doit faire l’objet d’une régulation publique qui peut être locale, nationale ou internationale afin d’assurer l’intérêt de la collectivité à long terme. Cependant, certains économistes tels que Coase. R.H (1960), Demsetz. H (1967), Dales. J.H (1968), Falque. M et Massenet. M (1997) prévoient le contraire, ils ne reprochent pas le fonctionnement du marché mais prévoient plutôt que l’absence des droits de propriété est la cause majeure qui empêche le marché de fonctionner correctement. Bramoullé. G (1997) a ajouté que : « Plus qu’une défaillance du marché, l’externalité est un défaut de droit….l’externalité n’est pas une fatalité technique ou économique, mais la conséquence d’une difficulté d’ordre juridique : l’absence de droits de propriété clairement définis ».

Il faut attribuer aux ressources naturelles les droits de propriété adéquats et laisser le marché jouer son rôle. L’échange marchand peut dans ce cas fonctionner et assurer l’efficacité de leur utilisation. Pour Coase. R.H (1960), les effets externes ne sont pas un échec de marché mais plutôt la résultante de l’absence des droits de propriété sur un bien d’environnement commun.

Explication du théorème de Coase

Le théorème de Coase peut s’énoncer comme suit : si les droits de propriété sont bien définis, condition préalable à toute possibilité de transaction, si les couts de transaction sont nuls, les agents corrigent spontanément les externalités. L’allocation des ressources est efficace quelle que soit l’attribution initiale des droits de propriété. L’optimum peut être donc atteint sans intervention de l’Etat autre que celle qui, consistant à institutionnaliser ces droits. Les points de base de ce théorème se présentent comme suit :

i. L’absence des couts de transaction

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Les couts de transaction constituent les couts de fonctionnement d’une procédure d’arrangement, soit qu’il s’agit d’un marché ou d’une réglementation. Lors d’une transaction marchande, il s’agit par exemple des couts de collecte d’informations sur le prix et la qualité. Pour le secteur public, ces couts peuvent correspondre aux couts des démarches administratives. Pour que le secteur marchand ne soit pas déficient, il faut que les couts de transaction soient nuls. Les transactions économiques s’échangent entre les agents économiques jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de gain à échanger et aucune personne ne peut améliorer son bien être sans détériorer celui d’autrui d’où la notion de l’optimum de Pareto.

Dans le cas où les couts de transaction ne sont pas nuls dans un marché avec droits de propriété sur l’environnement, généralement ils seront élevés et exigent une intervention publique. Cette dernière ne sera justifiée que si les couts de transaction imposés suite à cette politique publique sont inférieurs à ceux du marché et aux bénéfices engendrés.

Pour ce qui suit, nous partons de l’hypothèse que les couts de transaction sont nuls afin d’expliquer comment en présence des droits de propriété les externalités vont être spontanément internalisées.

L’échange des droits de propriété

Pour expliquer son raisonnement, Coase est parti de l’exemple de deux firmes ‘’A’’ et ‘’B’’ qui sont installées tout au long d’un cours d’eau considéré ici comme la ressource naturelle commune.

L’entreprise ‘’A’’ exerce son activité et en même temps elle pollue la rivière et oblige l’entreprise ‘’B’’, localisée en aval à supporter les couts de dépollution. Pour arranger ce conflit d’intérêt, nous instituons des droits de propriété. La loi fixe un détenteur de droit de propriété sur ce bien collectif qui, ne peut être dans ce cas de figure que l’un ou l’autre. Les couts de transaction relatifs à l’accord entre les deux firmes, à son exécution ainsi qu’à sa surveillance sont nuls. Deux cas se présentent :

-La première hypothèse : le droit de propriété est attribué au pollueur c’est-à-dire à l’entreprise ‘’A’’, cette dernière a le droit de polluer comme elle désire en maximisant son profit jusqu’à un niveau de production pour lequel le dommage supporté par l’entreprise ‘’B’’ est maximal. A partir de cette situation, la diminution du niveau de production de l’entreprise ‘’A’’ procure à l’entreprise ‘’B’’ un avantage correspondant à la diminution de ses couts de

négocier avec la firme A en lui accordant une contrepartie monétaire contre la réduction de sa production et par conséquent de ces émissions polluantes. Cette compensation doit être égale à une certaine valeur pour que l’entreprise ‘’A’’ accepte cette offre et l’entreprise ‘’B’’ ne sera pas perdante. Suite à cet échange, les deux entreprises se trouvent dans une situation meilleure que la situation antérieure. La négociation continue entre ces deux firmes tant qu’il existe un gain à l’échange, autrement dit tant que le cout marginal de dépollution de ‘’B’’ est supérieur au profit marginal de ‘’A’’. Elle s’arrête au moment où l’entreprise ‘’B’’ n’est plus intérêt à compenser la perte de profit de l’entreprise A, ce point d’arrêt de négociation correspond à l’optimum.

- La deuxième hypothèse : la firme ‘’B’’, qui subit la pollution se voit attribuer le droit de propriété sur le cours d’eau. Elle peut dans ce cas exiger un niveau de pollution nulle qui ne lui fait assumer aucun cout de dépollution et l’entreprise A pour produire, elle doit lui demander l’autorisation de dépolluer. Pour pouvoir exécuter son activité, la firme ‘’A’’ doit offrir une compensation monétaire à la firme ‘’B’’ en contre partie du dommage qu’elle va lui subir. Jusqu’au niveau de production correspondant à l’optimum, chaque unité produite par la firme ‘’A’’ dégage un gain et son profit marginal est supérieur au cout marginal de dépollution de ‘’B’’. L’entreprise ‘’A’’ négocie avec l’entreprise ‘’B’’, cette dernière a intérêt à accepter si le montant proposé est supérieur ou égale au dommage subi. Cette négociation se poursuivra jusqu’à ce qu’il n’y aura plus de gain à l’échange. Il s’agit d’un processus de négociation décentralisé qui internalise l’effet externe. Cette procédure de coopération ne nécessite pas l’intervention de l’Etat sauf au début pour fixer les droits de propriétés. Elle met l’accent sur deux critères qui doivent être respectés à savoir l’efficacité et l’équité.

Le principe de l’efficacité est mis en cause suite à la décision de coopération En réalité, un ou plusieurs pollueurs polluent un grand nombre de pollués qui peuvent être des producteurs et généralement des consommateurs. Si une entreprise s’approprie du droit de propriété sur l’environnement, elle risque de causer des dommages à un grand nombre d’individus. Ces derniers s’ils sont intéressés par la négociation, doivent subir des couts relatifs à la collecte d’informations, à l’organisation et au contrôle. Cette charge peut être un obstacle à toute décision de coopération et de transaction si elle est plus élevée que les bénéfices prévus de la baisse de la pollution. Cette contrainte rend invalide le théorème de Coase surtout qu’en pratique, lescouts relatifs aux dommages de la pollution ne sont jamais exacts et connus avec certitude et même si c’est le cas, les partis concernées peuvent présenter

un obstacle à la réalisation de l’optimum. Il peut y avoir une surestimation du profit de la part du pollueur et des dommages de la part des consommateurs ou pollués.

En plus, si le nombre de victimes est élevé et la pollution requiert le critère d’un dommage public, ceci est surtout valide pour le cas de la pollution atmosphérique, chaque pollué va être réticent pour payer au pollueur afin de réduire sa pollution et le versement monétaire sera insuffisant pour inciter ce dernier à baisser ses émissions polluantes jusqu’on atteint l’optimum. Dans le cas d’un mal public, le théorème de Coase n’est plus fonctionnel et il faut une intervention extérieure au marché tel que par exemple un organisme de tutelle afin de fixer la quantité de pollution autorisée et mettre en vente les droits y rattachés.

Le principe de l’équité est mis en cause suite à la décision de coopération

D’après le théorème de Coase, la répartition initiale des droits de propriétés n’influence pas sur l’optimum de pollution, elle n’influence que sur la répartition des richesses. Toutefois, ce raisonnement n’est plus valide s’il existe des effets de revenu.

En effet, dans le cas d’une négociation entre le pollueur et le pollué, l’agrément à payer d’un agent doit correspondre au consentement à recevoir de l’autre agent. Toutefois l’existence des effets de revenu peut nuire à ce principe. Vallée. A (2002) a jouté que : « la reconnaissance d’un droit crée un effet de richesse et dans l’hypothèse où l’utilité marginale du revenu est décroissante, le consentement à payer risque d’être inférieur au consentement à recevoir ». D’où l’optimum diffère avec la répartition initiale des droits de propriété. Le raisonnement illustré est comme suit : si les pollués sont propriétaires de l’environnement, les pollueurs doivent leur verser une compensation monétaire pour avoir le droit de polluer. Le revenu des pollués augmente et tend à augmenter leur demande de qualité de l’environnement, donc leur consentement à recevoir reflète le prix d’usage de l’environnement. Puisque simultanément, le revenu des pollueurs diminue, leur consentement à payer décroit et diminue donc leur demande d’utilisation de l’environnement. Le processus de transaction aboutit à un équilibre, mais celui-ci dépend de la situation juridique initiale puisque cette dernière influe sur les consentements à payer et à recevoir. Si maintenant, les pollueurs sont propriétaires de l’environnement, cette fois-ci les pollués sont dans l’obligation de les payer pour qu’ils dépolluent. Dans ce cas, le revenu des pollueurs et par conséquent leur consentement à recevoir augmente tandis que le revenu des pollués diminue et en conséquence leur

consentement à payer diminue comme la demande de dépollution. Quand les pollueurs sont propriétaires de l’environnement, l’optimum correspond à un niveau de pollution plus élevé que dans le cas où les pollués le sont, donc l’optimum diffère en fonction de la répartition des droits initiaux. Donc, en présence des effets de revenu, les deux situations mènent à un optimum mais ce dernier diffère selon la répartition initiale des droits. En conséquence, l’allocation des droits et la répartition des richesses ne peuvent pas être indépendantes.

La deuxième contrainte est que les couts de transaction rendent invalide également la deuxième hypothèse du théorème de Coase. Selon la répartition initiale des droits de propriété, ces couts ne sont supportés que par la partie qui s’engage à la négociation pour qu’elle puisse avoir le droit d’utiliser l’environnement. En se basant sur le principe d’équité, et en ce qui concerne les droits de propriété sur un bien d’environnement, il sera plus équitable de les attribuer aux pollués et non aux pollueurs afin de garantir la justice. Bien que théorème de Coase ait certaines limites sur le plan pratique en raison de l’importance des couts de transaction ainsi que l’attribution des droits de propriété, il demeure assez important et considéré comme un incitateur dans les choix de politiques d’environnement basées implicitement sur l’affectation des droits de propriété et dans la mise en place des marchés de droits de pollution. L’analyse économique de la pollution privilégie l’efficacité économique au détriment des aspects sociaux et écologiques.

Les autres critiques relatives au théorème de Coase

Parmi les critiques qui sont adressées au raisonnement de Coase, nous citons, d’une part la contrainte technique qui concerne l’appropriation des droits de propriétés pour des biens d’environnements qui ne sont pas facilement divisibles.

Les ressources naturelles communes comme la terre, les espèces végétales ou animales sont facilement divisibles, toutefois ce n’est pas le cas pour les biens communs comme l’air, les ressources halieutiques dont l’appropriation demeure assez ambigu. Le seul remède est la technologie, tel que le repérage par satellite pour fixer des droits de propriété donnant lieu à des marchés de droits dans le domaine de l’air. De plus, l’attribution des droits de propriétés privés sur les biens communs, ne mène pas nécessairement vers un usage efficace de ces ressources. Aussi le fait de priver les non propriétaires de leur usage ou pratiquer un rationnement par les prix engendre des inégalités d’usage et n’assure pas le principe de l’équité. Vallée. A (2002) a affirmé qu’ il est nécessaire de combiner le principe d’efficacité et d’équité qui ne sera garanti que par l’intervention de l’autorité publique et non pas par des

agents privés vue qu’il reste toujours illusoire de compter sur la générosité des individus pour préserver un bien public. L’appropriation des droits de propriétés ainsi que le recours au marché pour les biens d’environnement a soulevé les deux critiques principales qui sont : la confiance excessive aux mécanismes du marché pour aboutir à l’optimum social, ainsi que le non-respect du principe de l’équité bien que l’appropriation publique pour certains biens d’environnement n’est pas non plus le remède. Selon les solutions pratiquées ces dernières décennies, le plus opportun est de combiner entre l’intervention de l’Etat et le marché afin de protéger les biens communs de l’environnement à travers l’internalisation des effets externes. Ces derniers sont la cause de divergence entre les couts privés et sociaux et se présentent comme un obstacle à l’allocation optimale des ressources.

1.4.1.4 Les effets externes dus à la pollution est une source de divergence entre