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Déstructuration et professionnalisation de la pratique de mesure de la performance 

Grille d'Appréciation Transversale Principes de remplissage et d’analyse

Section 2. Déstructuration et professionnalisation de la pratique de mesure de la performance 

Jusqu’à présent, nous nous sommes basés sur une définition de la managérialisation du secteur associatif, comme l’importation d’outils de gestion, dans le secteur associatif. La littérature en sciences de gestion a tendance à occulter une professionnalisation du travail social, qui date depuis plus d’un siècle (assistantes sociales, éducateurs…), avec des outils et des méthodes structurées. Cela s’apparente à un vide institutionnel (Mair, Marti & Ventresca, 2012), c’est-à-dire un aveuglement des pratiques séculaires du travail social, avec des résultats significatifs dans la résolution des problèmes sociaux. Elles sont différentes des pratiques des entrepreneurs sociaux, mais ont permis de résoudre des problèmes de délinquance ou autres. Ces outils sont moins adaptés aux contraintes institutionnelles actuelles (diminution des subventions publiques, concurrence croissante entre associations). L’évolution de la pratique de la mesure de la performance étudiée, chez Ares, témoigne d’une déstructuration de pratiques issues du travail social vers une professionnalisation de l’entreprenariat social, basée sur l’importation et l’adaptation d’outils de gestion traditionnels (Smets, Morris & Greenwood, 2012). Ce processus de déstructuration du travail social/structuration de l’entreprenariat social, passe par des phases de conflits identitaires, étudiées précédemment.

Deux étapes concernent l’évolution de la pratique de mesure de la résolution des problèmes sociaux, 1/ une déstructuration des pratiques issues du travail social (1991 - Juillet 2012) et 2/ une importation significative des outils de gestion, à travers OASIS (Juillet 2012 – Avril 2013). Rappelons que notre définition de la mesure de la performance sociale comprend 1/ l’évaluation des compétences techniques et 2/ la résolution des problèmes sociaux. C’est l’évolution de ces deux variables que nous analyserons.

2.1. Première phase : déstructuration des pratiques issues du travail social 

En 1991, les pratiques de recrutement des personnes exclues se faisaient surtout par expérience professionnelle et intuition. Les travailleurs sociaux ressentaient si une personne fragilisée avait la motivation et les ressources nécessaires pour sortir de sa condition d’exclusion. Peu ou pas d’outils formels existaient à cette époque. Cela ne veut pas signifier qu’une mesure de la performance sociale n’existait pas, mais elle était individuelle et subjective. Cette pratique de mesure de la performance était couplée avec la logique sociale mise en place. D’autre part, une grille d’évaluation des compétences techniques a commencé à être formalisée (voir annexe 3.). La formalisation écrite d’une première mesure de la performance sociale a débuté vers 1995 (voir figure 6.). Elle n’était pas utilisée de façon régulière. C’est important de noter que cette formalisation de la mesure de la performance sociale n’a pas débuté par la résolution des problèmes sociaux, mais par l’évaluation des compétences techniques. La mesure de la performance sociale était d’une part, formalisée au niveau des compétences techniques et d’autre part, informelle concernant la résolution des problèmes sociaux. C’est au début des années 2000 que cette pratique a commencé à intégrer quelques niveaux de résolution de problématiques sociales, sous la forme d’une grille (voir annexe 3.). L’utilisation était hétérogène pour chaque entité de Ares. En pratique, les chargés d’insertion utilisaient peu cette grille et préféraient s’en remettre à la tradition orale. Ils n’avaient pas encore conscience des bénéfices d’une telle grille. Le côté administratif (remplir et mettre à jour les grilles) était un frein non négligeable. Nous allons voir dans la deuxième phase, que ces freins ont commencé à se dissiper lorsqu’ils ont réalisé l’utilité de l’outil OASIS.

2.2. Deuxième phase : informatisation, standardisation et individualisation de  la mesure de la performance sociale  

Rappelons que Thibaut Guilluy avait pour objectif de rééquilibrer cette alliance entre les équipes d’exploitations et d’accompagnement social. Pour cela, l’utilisation d’outils de gestion traditionnelle était l’option choisie, comme la division et la

spécialisation des activités professionnelles, la mise en place d’indicateurs, de tableaux de bord et l’usage de l’informatique. Etant donné que ces outils ne prennent pas en compte la dimension de l’exclusion sociale, il a fallu adapter ces pratiques au projet social de Ares. En bricolant (Boxenbaum & Rouleau, 2011) et par essai-erreur (Argyris & Schön, 1978), des logiciels de mesure de la performance sociale, comme NORIA ou OASIS, ont commencé à voir le jour. L’aspect procédurier et administratif freinait toujours les équipes sociales et d’exploitation dans l’utilisation de ces logiciels. Malgré un accueil chaleureux de ces outils, l’utilisation n’était pas encore optimale. En Janvier 2013, les directeurs de site ont été contraints de faire appliquer OASIS sur leur territoire. De façon surprenante, le succès était assez rapide. La raison est le fait que les équipes sociales et d’exploitation ont pris conscience de l’aide que constituait un tel outil, dans le suivi des salariés insérés. L’outil est convivial et facile d’utilisation (voir annexe 4.). Etant donné que le suivi des salariés en insertion était meilleur, cela a permis d’être davantage en accord avec le projet social, et réduire ainsi les conflits identitaires. Par exemple, le fait de voir des indicateurs permettant de mesurer l’évolution de la résolution du problème social a permis d’intégrer rapidement l’outil dans l’utilisation quotidienne (ex : taux de sorties positives = Nombre de salariés ayant une activité après ARES/Total des salariés insérés après ARES). OASIS a permis de mettre en place ensuite des actions de suivi de l’accompagnement social (réunion mensuelle entre équipe sociale et de production pour faire un bilan par salarié inséré…), et de visualiser rapidement le résultats des efforts d’accompagnement social. La standardisation de l’outil de mesure de la performance sociale a ainsi permis de réduire les conflits identitaires entre catégories d’acteurs, et contribue à une identité organisationnelle homogène, pour combiner et hybrider deux logiques : sociale et commerciale (Battilana & Dorado, 2010). La figure 23. présente notre modèle.

Figure 23. Processus d’évolution d’une pratique de mesure de la performance sociale chez Ares

Equipes sociales Equipes d’exploitation

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!"#$%&'()'*)+%)$,"('-'%.("/#+(0' Période 1 Logique sociale dominante Période 2 Logique commerciale dominante Période 3

Equilibre entre logique sociale et commerciale 1er changement de Directeur Général Arrivée de Thibaut Guilluy

Diminution des subventions publiques

Recrutement de personnes insérées pas adaptées au travail

Nature de l’activité Ares Service peu adaptée au projet social

Intégration d’outils de gestion: tableaux de bord et indicateurs sociaux

Intégration d’outils

d’évaluation des compétences techniques Zone de Conflits identitaires Niveau institutionnel Board Top Management

Performance sociale informelle et hétérogène

Performance sociale standardisée et individualisée par salarié inséré

PARTIE 3.