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Grille d'Appréciation Transversale Principes de remplissage et d’analyse

Section 1. Analyse du conflit identitaire par catégorie d’acteurs et par période 

1.1. Les équipes sociales 

Les équipes sociales ont eu deux missions prépondérantes pendant les trois périodes, 1/ le recrutement des publics en difficulté, ainsi que 2/

l’accompagnement social. D’autres missions annexes concernent ces effectifs,

comme la formation. Ces deux principales missions ont toujours été la préoccupation des équipes en charge du social. Les travailleurs sociaux composent majoritairement cette première catégorie d’acteurs. Le recrutement a souvent été source de dilemme, de tension et de conflit identitaire. La question récurrente à résoudre est la suivante : quelle catégorie de public exclu est-il possible de recruter pour occuper une activité professionnelle? L’idéal serait d’offrir un travail à la majorité de ces personnes exclues, mais la réalité du monde du travail évince une partie de ce public trop fragilisé. Par exemple, quelqu’un ayant passé une vingtaine d’années dans la rue, avec un niveau d’éducation faible et complètement cassé psychologiquement, aura moins de chances de se “reconstruire par le travail et restaurer sa dignité” (projet social), qu’un senior au chômage depuis deux ans. D’autre part, si Ares recrute des

personnes avec des problématiques sociales faibles et très compétentes, les chargés d’insertion ne remplieront pas le projet social. Certains chargés d’insertion ont pour mission de recruter l’ensemble des personnes exclues. Ce sont leurs représentations collectives du projet social. Ils sont en perpétuel dilemme sur le profil de candidats qu’ils devront recruter. Le conflit identitaire lié au recrutement augmente en présence de candidats avec des problématiques sociales faibles et très compétents, car en inadéquation avec les représentations et leurs interprétations du projet social.

Concernant l’accompagnement social, le souci constant des équipes sociales est le risque de rechute des salariés insérés dans leur problématique initiale, d’où une relation permanente avec les personnes en CDDI, pour suivre leur évolution personnelle. Ici, le conflit identitaire augmente lorsque l’adéquation activité

professionnelle/problématique sociale est peu respectée. En effet, donner un métier

de trieur de déchet, activité de production très soutenue, à une personne avec des problématiques lourdes, entraîne une tension chez les équipes sociales. Nous allons maintenant étudier l’évolution de ces deux conflits identitaires, résultant d’une double identité, liée d’une part au recrutement, et d’autre part à l’accompagnement social, à travers les trois périodes.

Dans la période 1. (1991-1998), le responsable de l’équipe sociale privilégiait le recrutement de personnes très exclues socialement. Il se sentait en phase avec ses représentations du projet social. C’était pareil pour les autres chargés d’insertion. Néanmoins, le recrutement de cette catégorie de public était difficile à gérer au niveau de l’activité professionnelle. L’équipe sociale était en accord avec ses représentations, d’où un niveau faible de conflits identitaires, à la période 1. L’accompagnement social à cette période était surtout concentré sur le travail offert aux salariés en insertion. C’est le salaire perçu au travail qui permettait ensuite de trouver un toit, par exemple. La résolution des problèmes sociaux était pécuniaire et permettait de retrouver un statut dans la société. Les missions d’intérim d’Ares TT étaient plus flexibles et ajustables. Aucun objectif à long terme n’était prévu à cette époque pour trouver un CDI ou pour résoudre le problème de logement. Des solutions intermédiaires temporaires, comme l’offre de nuits d’hôtel, pouvaient être

trouvées. Ce n’était pas l’objectif prioritaire des équipes sociales, qui s’occupaient principalement du recrutement. La logique dominante était sociale.

Dans la période 2., le malaise identitaire a augmenté significativement, car certaines activités professionnelles étaient inadaptées avec l’accompagnement social. De nombreux départs de travailleurs sociaux ont eu lieu. Certains profils de salariés insérés recrutés étaient aussi en désaccord avec les représentations collectives des chargés d’insertion. Les équipes sociales avaient peu d’interactions avec celles d’exploitation. La logique dominante était davantage commerciale.

En période 3., le malaise identitaire a fortement diminué. Les causes sont la redistribution des activité professionnelles par entité, en fonction des problématiques sociales des salariés (ex : CAVA : problèmes lourds), des recrutements de salariés insérés adaptés au projet social (annexe 1.) et des recrutements de jeunes chargés d’insertion plus ouverts aux changements que le travailleur social traditionnel. Chaque entité de Ares répondait à un niveau de problématique sociale différent. Ares a ouvert de nouvelles entités et a recruté de nouveaux profils de travailleurs sociaux, plus sensibles aux questions d’employabilité des salariés en insertion et flexibles sur les changements structurels, notamment l’introduction de nouveaux outils de gestion. Nous assistons à une déprofessionnalisation progressive et une managérialisation

du travail social, comparée à des chargés d’insertion trop sociaux en première

période (Suddaby, Gendron & Lam, 2009). Récemment, les mises en place de OASIS et de NORIA ont contribué à mieux gérer l’accompagnement social. Cette standardisation a laissé place à une autonomie dans l’accompagnement social. Le caractère informel (intuition, ressenti, tradition orale) est conservé dans l’utilisation de ces logiciels. Néanmoins, l’arrivée de nouveaux profils, issus de formation supérieure de gestion, à la direction générale, crée au début de la période 3., des obstacles, de la part des chargés d’insertion. Ils voyaient une prise de pouvoir tacite des entrepreneurs sociaux. Certains chargés d’insertion vivent toujours cette rivalité, mais globalement, les conflits identitaires se sont réduits. C’est un équilibre entre une logique sociale et commerciale qui était présent à cette période. Nous pouvons ainsi parler d’hybridation de logique.