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SYSTEMES DE MESURE DE LA PERFORMANCE DANS UN CONTEXTE D’ORGANISATION HYBRIDE 

Section 1. Approches par les pratiques organisationnelles 

1.1.   Une approche empirique des pratiques organisationnelles 

Cette première catégorisation correspond au contenu et au process d’une pratique donnée. Elle est davantage descriptive. Pour Feldman et Orlikowski (2011), elle permet de répondre au « Quoi », c’est-à-dire aux spécificités des pratiques. A travers l’étude des caractéristiques des pratiques, il est possible de comprendre les motivations qui ont poussé les acteurs à les mettre en place. Ici, l’acteur et ses actions sont davantage reconnus que dans un déterminisme ou structuralisme, où le facteur humain est moins prioritaire. Les recherches les plus, dans le champ des organisations, sur cette approche empirique, sont Dutton & Dukerich (1991), Dougherty (2001), Orlikowski (2000) et Weick & Roberts (1993).

Dutton et Dukerich (1991) ont étudié les caractéristiques et les pratiques des employés du Port de New-York, à l’égard des personnes sans-logement. Après avoir analysés en détail ces pratiques et les comportements de ces employés, ces deux auteurs en ont dégagé une théorie sur l’identité. Dans l’étude d’un autre concept, Dougherty (2001) analyse l’intégration et la nécessité d’initier de nouveaux produits, à travers l’étude de quatre communautés de pratique dans une organisation, et les freins des acteurs à l’innovation. L’étude des pratiques d’innovation permet de déterminer les représentations et les images des acteurs au sujet de l’innovation de produits. Orlikowski (2000) tente de comprendre comment les acteurs mettent en place des outils relatifs aux nouvelles technologies dans une organisation. Contrairement aux deux exemples précédents, Orlikowski (2000) utilise un cadre théorique prédéfini pour étudier le comportement des acteurs, en l’occurrence le structuralisme (Giddens, 1984). Enfin, Weick et Roberts (1993) analysent le concept de cognition distribuée en étudiant la mise en place (enactment) des pratiques au sein des équipages de transporteur aérien. Ces quatre recherches n’analysent pas la cause de telles pratiques chez les acteurs, mais sont davantage descriptives. Discutons à

présent les implications du rapprochement de notre objet de recherche avec cette approche empirique des pratiques.

L’exemple de Orlikowski (2000) est peu comparable avec l’évolution de notre grille d’évaluation des compétences techniques, car transdisciplinaire. A travers notre objet de recherche, nous pouvons voir que cette partie dite empirique occulte le changement disciplinaire dans l’étude d’un objet (dans notre cas, évolution d’une pratique organisationnelle en mesure de la performance). C’est une limite de la typologie de Feldman et Orlikowski (2011). Compte tenu de ce fait, est-il possible d’inscrire notre objet de recherche dans cette catégorie ? A ce stade, il est préférable d’émettre des réserves et de voir si la catégorie suivante, dite théorique, peut prendre en compte cet aspect pluridisciplinaire.

1.2. L’approche théorique par les pratiques 

Cette approche reprend les éléments de l’approche empirique, en allant davantage en profondeur sur le « Comment » de l’emploi d’une telle pratique dans les organisations. Elle cherche à comprendre les mécanismes et les processus qui ont conduit au changement ou à l’adoption d’une pratique donnée, de la part des acteurs. L’approche empirique est plus superficielle car elle s’arrête à la description de la pratique. Elle est aveugle s’agissant des causes qui ont permis la mise en place de ces pratiques. Comme le mentionnent Feldman et Orlikowski (2011), les recherches liées à cette deuxième typologie concernent davantage les champs de la philosophie ou de la sociologie. En sociologie, P. Bourdieu (1980) a joué un rôle important sur les habitus et les représentations des acteurs dans la mise en place des pratiques. Son ouvrage Le sens pratique analyse de façon détaillée les logiques, les représentations individuelles et collectives qui conduisent à l’aboutissement d’une pratique. En apparence, cette approche théorique reprend les caractéristiques de la première catégorie empirique, mais son objet est complètement différent. Les éléments descriptifs et matériels chers à la première typologie sont moins appréhendés ici. Les

travaux de Latour (1987), à travers la théorie des acteurs-réseaux, peuvent s’inscrire dans cette typologie théorique.

Notre objet a peu de chances de correspondre à la deuxième typologie énoncée par Feldman et Orlikowski (2011). La réponse est loin d’être aussi catégorique, toujours compte tenu du caractère transdisciplinaire et de la mutation de la nature de la pratique étudiée chez Ares. Pour Feldman et Orlikowski (2011), l’approche théorique des pratiques doit répondre à la question « How they are generated and how they operate within different contexts and overtime ? » ( :1241). La transformation d’un objet sur une longue période à l’origine plutôt orientée en sciences des organisations vers le champ du management de la performance peut s’inscrire dans le questionnement précédent. Dans notre cas, il est intéressant de comprendre les facteurs ayant permis cette mutation. A ce stade, il ne nous est toujours pas possible de catégoriser notre objet de recherche. Il peut appartenir à ces deux typologies, théorique et/ou empirique. Intéressons-nous à présent à la troisième catégorie de l’analyse des pratiques, intitulée philosophique.

1.3. L’approche philosophique par les pratiques 

Cette dernière approche est assez radicale car elle appréhende la réalité non pas comme une interaction sociale entre les acteurs et leurs relations aux pratiques, mais comme une succession et une accumulation de pratiques et d’activités quotidiennes. L’acteur reste secondaire dans ce type d’approche. Cet angle de la réalité peut être assez intéressant pour l’étude des pratiques, mais peut être assez réducteur pour tenter de comprendre les comportements et les motivations des acteurs. Cette dernière approche répond au « Pourquoi » d’une pratique donnée. Etant donné que dans cette logique, le monde n’est que pratique, l’objet de cette typologie est de comprendre les causes sous-jacentes et moins processuelles du « Comment ». Certains auteurs en gestion font appel à ce type d’approche dans l’étude de leur objet. Le but est de comprendre des phénomènes très complexes à appréhender. Seule une approche par les pratiques, mettant de côté les relations

sociales, pourrait résoudre. Citons Gherardi (2006) qui ne s’intéresse principalement qu’aux pratiques pour tenter d’expliquer le concept de knowing ou l’élaboration temporelle du savoir organisationnel par les acteurs. Shatzki et al. (2002) mettent aussi en lumière cette approche philosophique sur les pratiques. Ils voient le monde et la réalité comme un ensemble de pratiques permettant d’expliquer l’ordre social dans sa globalité. C’est une approche assez positiviste, qui à priori, a peu de chance de répondre à notre objet de recherche. En effet, ne restreindre l’entreprise d’insertion étudiée qu’à une somme de pratiques et d’activités à l’origine de l’ordre social serait inapproprié dans notre thèse. Cette approche philosophique a peu de chance de correspondre à notre question de recherche.

L’effort de typologie de Feldman et Orlikowski (2011) est très intéressant dans notre cas, mais peu de liens existent entre ces catégories et notre objet. C’est la raison pour laquelle notre objet pluridisciplinaire n’est pas évident à catégoriser, dans cette typologie. Il se situerait davantage à la frontière de l’approche empirique et

théorique ou dans une nouvelle catégorie que les deux auteurs n’auraient pas

développé. Notre objet de recherche n’est peut-être pas assez développé en sciences de gestion, pour tenter de soulever une quatrième catégorie avec des exemples de recherche significatifs. La frontière entre l’approche empirique et théorique serait donc la plus probable. Les recherches mentionnées précédemment, peuvent nous servir dans notre étude à détecter les caractéristiques et les évolutions de notre pratique dans l’entreprise d’insertion.

Nous avons à présent positionné notre objet de recherche à la lumière d’un cadre théorique établi dans la littérature en sciences des organisations. La section 2. se propose d’étudier l’approche par les pratiques en contrôle de gestion (Ahrens & Chapman, 2006, 2007). Il est intéressant de noter que des auteurs de référence dans le champ du néo-institutionalisme, comme M. Lounsbury (2008) ont commencé à écrire dans des revues de référence en management accounting, tel que Accounting, Organizations and Society. La partie suivante va permettre de présenter les autres catégories de pratiques et de voir si ce concept de pratique va au-delà des frontières des sciences des organisations.

Section 2. Les pratiques dans le champ du management de la