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l’avis des experts

Section 1. Qu’en pensent les chercheurs ?

1. Présentation de l’étude et méthode

1.2. Déroulement des entretiens

Sur les huit entretiens semi-directifs réalisés, quatre se sont déroulées à l’Université Paris- Dauphine et quatre autres à l’Institut Supérieur de Gestion de Paris. Ils ont duré entre 35 et 75 minutes. Un questionnaire en ligne servait de support à l’entretien. De manière à créer

Processus d’appropriation de l’ESG par les répondants : l’avis des experts Chapitre 5

une situation similaire à celle de la passation d’une enquête en ligne, les rencontres se sont déroulées dans les bureaux des personnes interrogées, face à leur ordinateur. L’objectif était de faire expliciter par les participants les processus de réponse à des questions sous format de grilles de Larsen. Plus précisément, les entretiens se divisaient en quatre parties :

- Phase 1 : les participants étaient invités à répondre à des questions portant sur leur satisfaction à l’égard de trois services ;

- Phase 2 : ils devaient ensuite se placer dans la peau d’un chargé d’études et essayer d’analyser une série de réponses rapportées sur des grilles de Larsen par des consommateurs fictifs ;

- Phase 3 : puis il leur était demandé d’indiquer comment ils envisagent la transposition des réponses issues d’Evaluative Space Grids sur des différentiels sémantiques ;

- Phase 4 : enfin, nous leur demandions d’annoter une grille imprimée sur une feuille en les invitant à synthétiser la signification qu’ils attribuaient à chaque zone de la grille10.

Dans le prolongement de l’étude précédente, toutes les grilles présentées dans le cadre de ces entretiens étaient appliquées à la mesure de la satisfaction globale (avec « satisfaction » en abscisse et « insatisfaction » en ordonnée). La méthode des protocoles verbaux (Kuusela et Paul, 2000) était utilisée dans les phases 1 et 3 de l’entretien, en incitant les participants à verbaliser l’ensemble de leurs pensées. La technique des protocoles verbaux a été mise au point au début des années 80 par les psycholinguistes cognitivistes américains Hayes et Flower qui se sont intéressés aux processus cognitifs à l’œuvre dans l’écriture. L’objectif est d’accéder à ce qui se passe « dans la tête » du sujet au moment où il réalise une tâche : à quoi il pense, pourquoi il effectue cette tâche de cette manière, etc (Forget, 2013).

Nous avons adopté une technique d’interview semi-directive dans le but de laisser aux participants une multitude de façons de répondre aux objectifs assignés par l’entretien. L’intégralité des discussions a été enregistrée. Le guide d’entretien est présenté en annexe 4.

10

Cette quatrième phase a été initiée spontanément par la troisième personne interrogée. Nous avons alors décidé de l’intégrer à notre protocole d’entretien, expliquant pourquoi seuls six des huit participants se sont livrés à cet exercice.

2. Analyses

Les discours obtenus ont été intégralement retranscrits puis analysés à partir d’une analyse de contenu catégorielle thématique effectuée sous Excel. Nous avons opté pour une procédure suivant une analyse thématique ad hoc « ouverte » (Ghiglione et Matalon, 1978) dans la mesure où nous ne disposons d’aucune littérature sur l’utilisation de la grille pour définir des thèmes préétablis. Après lecture flottante, chaque retranscription a fait l’objet d’un premier codage général sur quatre grandes catégories. Ensuite, un second codage fait émerger des sous-catégories de l’arbre de codage. Chaque information est affectée à une seule rubrique. Toutefois, la troisième phase des entretiens, consacrée à la transposition de notes issues de la grille sur des différentiels sémantiques n’est pas intégrée à l’analyse. En effet, les verbatims de cette partie sont peu développés dans la mesure où la plupart des répondants se sont livrés à des calculs à voix haute, rendant l’analyse difficile.

3. Résultats

La figure 19 présente l’arbre de codage issu de l’analyse. 3.1. Prise en main de l’Evaluative Space Grid

Compréhension de l’outil

Les réactions des participants ont laissé transparaitre deux étapes d’appropriation de la grille de Larsen. Dans un premier temps c’est l’étonnement qui primait face à cette « double

échelle » (Elodie). Les participants se sont interrogés sur la pertinence d’une mesure

distincte pour la satisfaction et l’insatisfaction, puisque selon eux, « c’est deux mots

similaires, enfin c’est les opposés » (Louisa). C’est ce qu’illustrait également cette réaction de Nathalie : « spontanément quand tu vois satisfaction / insatisfaction, tu as l’impression que

c’est deux variables opposées », ou bien les propos de Lucie qui s’est interrogée : « Est-ce

qu'on peut être extrêmement insatisfait et extrêmement satisfait en même temps ? ». Anna

est restée plus descriptive : « la satisfaction et l’insatisfaction deviennent deux éléments

séparés, non plus deux opposés d’un même continuum ». Mais, très rapidement ils

définissaient des conditions dans lesquelles une telle mesure était envisageable. Nathalie a souligné que « ça peut aussi être des critères différents » et Nabih a conclut que ça permet de produire « un jugement global par rapport à plusieurs critères ».

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Figure 29. Arbre de codage des entretiens semi-directifs

Aisance d’utilisation

Certains verbatims traduisent clairement des difficultés d’utilisation. Au départ, Elodie a été un peu gênée par le format de l’outil : « J'ai du mal à me projeter dans une double échelle

en fait, c'est le premier truc qui me… qui me perturbe ». Lucie trouvait quant à elle « qu’on n'a pas un rapport spontané avec » et Nathalie qu’ « il y a un petit coût d’entrée ».

Plus précisément, les participants pensent que « sur cette matrice en fait il y a des zones qui

sont vraiment claires et de zones qui sont plus difficiles » (Lucie), autrement dit « il y a des réponses plus cohérentes que d'autres » (Nabih). Lucie a tenté d’expliquer ce phénomène

par le fait « qu'on est vraiment formaté avec ce continuum entre satisfaction et insatisfaction

[…]. Donc ça oblige à une gymnastique intellectuelle qui pour moi au début effectivement, me déroutait, mais au final enfin je trouve qu'au bout d'un moment en utilisant, on se fait bien à l'outil ».

Quelques erreurs d’utilisation durant les entretiens traduisent concrètement ces difficultés. Après avoir inversé le sens de lecture des axes Nathalie s’est exclamée : « non ben non ben

non ! non ! pas du tout ! […] Mauvaise interprétation ! ». Même problème pour Anna qui a

constaté « C'est plus une… mauvaise interprétation […] il faut être attentif ». Pour faciliter ce « petit apprentissage léger à faire », Lucie nous a conseillé d’ajouter « quelques phrases

introductives » : « Moi j'aurais besoin qu’on me dise au début du genre, imaginez que vous avez plusieurs sources… […]. Dans votre évaluation, vous avez plusieurs éléments... Et j'aurais besoin qu'on me dise par exemple vous avez… […]. vous avez trois éléments de satisfaction deux éléments d'insatisfaction ça fait ça sur la matrice. Ou alors vous en avez deux et deux, mais il y en a deux qui sont plus importants ça fait ça sur la matrice ».

Cette dernière remarque nous amène naturellement à développer la manière dont les individus restituent leurs réactions sur l’Evaluative Space Grid.