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Un critère à prendre en compte pour affiner cette distinction : le degré de certitude

La place de l’incertitude dans les evaluations effectuées avec l’Evaluative

Section 1. Cadre théorique de l’étude

2. Un critère à prendre en compte pour affiner cette distinction : le degré de certitude

2.1. Qu’est-ce qu’une évaluation incertaine ?

Le Grand Larousse 2014 définit l’incertitude comme « ce qui ne peut être établi avec exactitude ; doute ». Pour le Petit Robert13, « être dans l’incertitude », c’est balancer, hésiter. L’incertain est quelque chose « dont la forme, la nature n’est pas nette, pas claire ». C’est « changeant, confus, indécis, indéfini, indéfinissable, imprécis, obscur, vague, flou ». Ces définitions généralistes peuvent être complétées par celle du dictionnaire de l’APA précisant que l’incertitude correspond à « un manque de confiance ou de clarté dans ses idées, ses décisions ou ses intentions ». Au contraire, la certitude d'une attitude correspond au « niveau de confiance subjective qu'une personne a concernant la validité de son attitude ». On retrouve ici la définition de Gross, Holtz et Miller (1995) pour lesquels il s’agit de la conviction avec laquelle on croit en son évaluation. De manière réciproque, Klopfer et Madden (1980) décrivent une attitude incertaine comme une réponse pour laquelle l’individu n’est pas capable d’identifier ses sentiments.

2.2. Quels liens peut-on établir entre incertitude, indifférence et ambivalence ?

Un premier élément de réponse se trouve peut-être dans les travaux de Suchman (1950). Il met en évidence une relation en « U » entre la certitude et la polarisation de l’attitude. Ainsi, les valeurs très positives et très négatives, sont associées à une certitude élevée tandis que les valeurs situées au niveau du centre du continuum allant du très négatif au très positif sont incertaines. Cette courbe en « U » a été confirmée dans les études d’Antil (1983), ainsi que dans les travaux de Sample et Warland (1973). Autrement dit, sur un

différentiel sémantique, les réponses situées au niveau du point central sont associées à un niveau d’incertitude élevé. Dans la mesure où les réactions indifférentes et ambivalentes sont habituellement agrégées à cet endroit du continuum, il convient de se demander si elles sont analysées comme des réponses incertaines dans la littérature.

Peut-on être certain que l’on est ambivalent ?

Après des décennies de recherches durant lesquelles l’ambivalence a été considérée comme une évaluation incertaine (Bassili, 1996 ; Gross, Holtz et Miller, 1995 ; Jonas, Diehl et Brömer, 1997 ; Petrocelli, Tormala et Rucker, 2007), cette idée tend à être remise en question. Le débat a été ouvert par Olsen (1999), soulignant que l’ambivalence pourrait être une réaction relativement certaine dans le cas de la cooccurrence de réactions positives et négatives de forte intensité. Autrement dit, il serait possible, dans certains cas, qu’un individu soit sûr de ressentir à la fois de fortes réactions positives et de fortes réactions négatives à l’égard d’un objet. Cette hypothèse, a été validée dans les travaux de Clarkson et ses collègues (2008) ou encore dans ceux de Petrocelli et ses collègues (2007). Ils ont démontré empiriquement que l’ambivalence et la certitude sont des concepts distincts. Si l’on pense par exemple à l’évaluation d’un service de commerce en ligne, un client peut à la fois être certain qu’il est satisfait de la livraison et certain qu’il est insatisfait du produit reçu. Dans cette perspective, il est donc possible d’être certain que l’on éprouve une attitude ambivalente à l’égard d’un objet.

Plus précisément, Heuvinck (2012) a établi une différence entre deux formes d’ambivalence : l’ambivalence manifeste et l’ambivalence anticipée. Les réactions d’ambivalence manifeste correspondent à des situations dans lesquelles les personnes sont capables d’identifier clairement les points positifs et négatifs qui composent leur évaluation ambivalente. En revanche, l’ambivalence anticipée fait référence au fait d’avoir à l’esprit de manière consciente un certain nombre d’informations positives (resp. négatives) à l’égard de l’objet évalué et d’anticiper d’éventuelles informations négatives (resp. positives).

Peut-on être certain que l’on est indifférent ?

A notre connaissance il n’existe pas de recherche établissant de relation entre l’indifférence et l’incertitude. Toutefois, il semble possible de transposer le raisonnement permettant d’expliquer le lien (in)certitude-ambivalence pour établir une relation entre l’(in)certitude et l’indifférence. S’il est possible d’être certain que l’on éprouve à la fois des réactions positives

La place de l’incertitude dans les évaluations effectuée avec l’ESG Chapitre 6

et négatives à l’égard d’un objet, il semble également possible d’être sûr que l’on n’éprouve ni réaction positive, ni réaction négative à l’égard de celui-ci. La distinction effectuée par Nathalie dans l’étude qualitative va dans ce sens : « “indifférent” veut dire deux

choses […], tu peux avoir des croyances fortes par exemple à l’égard de Domenech, mais que ces croyances n’aient pas de charge émotionnelle. Par exemple, c’est un mauvais entraineur, pour moi être un mauvais entraineur, ça n’a pas de valeur émotionnelle, pour mon mari, être un mauvais entraîneur c’est hyper important […] en fait ça veut aussi bien dire pas d’émotion, cette personne est indifférente, et ça veut aussi dire je ne pense rien ». Si l’on relit cet extrait en s’interrogeant sur le niveau de certitude des deux types d’indifférence que Nathalie a mis en évidence, on retrouve la même distinction que celle effectuée par Heuvinck (2012) concernant l’ambivalence. En effet, elle explique de manière très affirmative que pour elle, l’information « Domenech est un mauvais entraineur » n’est pas pertinente parce qu’elle ne s’intéresse pas au football. On peut donc penser qu’elle est certaine de son indifférence à l’égard des qualités de coach de Raymond Domenech. Il s’agirait dans ce cas d’une indifférence manifeste. Au contraire, l’indifférence associée au fait de ne pas avoir d’avis semble moins certaine. La rhétorique consistant à affirmer ne pas avoir d’avis sur une question dissimule sans doute un certain nombre de situations dans lesquelles les individus sont incertains de leur jugement. Il pourrait alors s’agir d’une indifférence anticipée, caractérisée par des opinions peu marquées et incertaines dans la mesure où l’individu anticipe qu’elles pourraient évoluer dans un sens ou dans l’autre.

3. Combinaison des critères pour expliquer la répartition des