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Forme contractée Forme relâchée

4.2.3. Modification des propriétés mécaniques des GR

4.2.3.1. Par déplétion en ATP

Nous avons vu dans le chapitre 1 que l’un des rôles de l’ATP est de fournir l’énergie nécessaire à la protéine kinase C pour phosphoryler la protéine 4.1R et ainsi détacher la spectrine de la membrane. Lorsque l’on dépléte en ATP, cette phosphorylation ne se produit pas et le réseau de spectrine reste attaché à la membrane (Figure 4-19 à droite).

Figure 4-19 : Schéma représentant, à gauche, des phosphorylations/déphosphorylations de la protéine 4.1R conduisant au maintien de l’élasticité du cytosquelette et à droite l’état du cytosquelette lorsqu’il est

déplété en ATP [41].

Il a été démontré que dans ces conditions la tension membranaire augmente [41], ce qui se traduit par une diminution de la constante de raideur de la spectrine constituant le cytosquelette, imposant une tension qui compresse la bicouche lipidique [26], (Figure 4-19 à droite). La déplétion intracellulaire en ATP conduit au passage d’une forme discocyte à échinocyte [26]. Nous avons ainsi étudié l’effet lytique des saponines sur des GR déplétés en ATP. Pour cela trois expériences ont été réalisées. Dans un premier temps nous avons déplété le milieu en ATP par le retrait du glucose plasmatique [44,45], selon le protocole du chapitre 2 page 74. En effet, le glucose permet grâce à la glycolyse de fournir de l’ATP. Le principe de cette expérience était de suivre l’hémolyse d’un pool de sangs sur trois jours en spectrophotométrie. Chaque jour, le pool de sangs a été lavé au PBS pour retirer tout nutriment (glucose) contenu dans le plasma permettant la glycolyse et par conséquent, stopper la production d’ATP intracellulaire. Chaque jour, le pool de sangs a subi une lyse par différentes

concentrations en saponine. Des courbes d’hémolyse sur un temps de 10 minutes ont été obtenues (Figure 4-20).

Figure 4-20 : Courbe d'hémolyse d'un pool de sangs dans un milieu PBS sur 3 jours différents. (Htfinale=1%)

Trois courbes d’hémolyse sont obtenues. Un décalage vers la gauche au cours du temps est observé. Les résultats d’HE50 obtenues, respectivement pour le jour 1, 2 et 3, sont de 7.4, 5.9 et 4.8µM. Moins de saponine est nécessaire pour lyser les GR pour le pool du troisième jour comparé au premier et deuxième jour. D’après nos observations microscopiques, nous comptons respectivement 72% et 90% de GR de type échinocyte pour le premier et troisième jour montrant l’évolution d’un sang ayant subi différents lavages au PBS. Ces résultats coïncident avec les données de la littérature puisque les GR déplétés en ATP sont connus pour avoir des formes de type échinocyte [39,46,47].

La seconde expérience a consisté à suivre la cinétique d’hémolyse par 5µM de saponine de deux pools de sangs sur trois jours. L’un a été déplété régulièrement en ATP, par des lavages quotidiens au PBS et l’autre vieilli dans un sérum AB. Ce sérum AB est utilisé pour minimiser les réactivités immunologiques puisqu’il ne contient pas d’anticorps ni anti-A ni anti-B. Une fois centrifugés et repris en milieu PBS, nous avons ajoutés à ces deux pools 10mM de glucose ou 1,2mM d’ATP. Ces concentrations ont été choisies de façon à retrouver les conditions physiologiques. La concentration moyenne du glucose dans le sang est de l’ordre de 10mM [48] et celle de l’ATP est de l’ordre 1.2mM [49]. L’ajout du glucose permet à la cellule de reprendre son activité de glycolyse fournissant à la cellule l’ATP nécessaire à la phosphorylation de la protéine 4.1R et de détacher la spectrine de la membrane. Cette expérience permet de vérifier si l’ATP a bien été déplété et si l’ajout d’ATP et de glucose induit un relâchement du cytosquelette, conduisant à un retour du GR à son état natif. L’objectif de cette expérience était de montrer que par l’ajout de l’ATP et du glucose au pool de sangs du troisième jour, on retrouvait l’état des GR du premier jour.

Les résultats du pool de sangs ayant subi des lavages réguliers en PBS sont représentés Figure 4-21 A (Courbe bleue). La Figure 4-21 B représente les résultats du pool de sangs ayant vieilli dans le sérum AB. Par manque d’échantillon, la courbe témoin a été effectuée pour deux temps 120 et 600 secondes, temps où l’on observe la pente de l’hémolyse (Figure 4-21 B).

0 0,2 0,4 0,6 0,8 1 0 5 10 15 A54 0n m Concentration en saponine (µM) Jour 1 Jour 2 Jour 3

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Figure 4-21 : Cinétique d'hémolyse par 5µM de saponine sur deux pools de sangs vieillis pendant trois

jours l'un dans du PBS (A) et l'autre dans le sérum AB (B). (Htfinale=1%)

D’après ces courbes les t50, temps nécessaires à lyser 50% des GR, sont définis. Le t50 obtenu pour la courbe témoin du jour 3 est de 219.1 secondes (Figure 4-21 A). Les t50 obtenus pour les érythrocytes incubés dans le glucose et l’ATP sont, respectivement, de 363.8 et 380.4 secondes. Le t50 du témoin négatif, représenté par le jour 1, est de 247.8 secondes. Cependant, les cinétiques d’hémolyse entre les jours 1 et 3 ne montrent pas de différences significatives. Ces résultats ne vont pas dans le sens de l’expérience précédente.

Les t50 de la Figure 4-21 B ne peuvent être définis mais il semblerait que les érythrocytes vieillis dans le sérum AB ont une lyse par les saponines moins rapide et que l’ajout d’ATP et de glucose ralentisse d’avantage la lyse par ces tensioactifs. Si l’on compare nos courbes témoins (jour 3 en PBS et en sérum AB), les sangs qui ont subi différents lavages en PBS sont lysés plus rapidement que ceux qui ont vieilli dans le sérum AB. Dans les deux cas, suite à l’incubation dans 1.2mM d’ATP et 10mM de glucose, la lyse des GR par les saponines est ralentie comparée à nos courbes témoins PBS. L’ajout d’ATP et de glucose agirait sur le relâchement du cytosquelette. Cependant, ces résultats ne peuvent pas nous confirmer la déplétion en ATP.

0 0,2 0,4 0,6 0,8 1 0 200 400 600 800 1000 A54 0n m Temps (secondes) Jour 3 PBS Jour 3 PBS + Glucose 10mM Jour 3 PBS + ATP 1,2mM Jour 1 PBS 0 0,1 0,2 0,3 0,4 0,5 0 200 400 600 800 1000 A54 0n m Temps (secondes) Jour 3 sérum AB lavé PBS

Jour 3 sérum AB lavé PBS + Glucose 10mM Jour 3 sérum AB lavé PBS + ATP 1,2mM

B

A

D’après nos observations microscopiques, 90% d’échinocytes sont comptés en milieu PBS, 45% avec ajout d’ATP et 24% avec l’ajout du glucose. L’échantillon qui a vieilli en sérum AB compte 63% d’échinocytes en milieu PBS, 59% avec l’ajout d’ATP et 47% avec l’ajout du glucose. Nos observations microscopiques corroborent les données de la littérature puisque les lavages au PBS sont connus pour transformer les GR discocytes en échinocytes [46]. Il a été démontré suite à un traitement par des agents échinocytaires que les GR de forme échinocyte redevenaient discocytes au cours du temps en présence de glucose [50]. De plus, l’ajout de glucose permet de régénérer de l’ATP contribuant aussi à redonner une forme discocyte au GR [46]. Le plasma permet aux cellules sanguines de garder leur forme biconcave [46].

La troisième expérience utilise un milieu connu pour dépléter en ATP [51], selon le protocole du chapitre 2 page 74. Ce milieu est composé d’iodoacétamide et d’inosine [51]. L’iodoacétamide est connue pour inhiber de façon irréversible l’enzyme glycolytique glycéraldéhyde-3-déshydrogénase (GAPDH) [52]. L’inosine, quant à elle, est transformée en inosine monophosphate (IMP) par l’action de l’enzyme inosine kinase avec la consommation d’ATP, d’après l’Équation 4-1.

ATP + Inosine ADP + IMP

Équation 4-1

La Figure 4-22 illustre les cinétiques d’hémolyse obtenues pour des érythrocytes en milieu PBS (en bleu) et des érythrocytes incubés en milieu ATP déplétant (en rouge).

Figure 4-22 : Cinétique d'hémolyse à 5µM de saponine d'un pool de sangs dans un milieu PBS et en

milieu « ATP déplétant ». L’expérience a été réalisée une fois. (Htfinale=1%)

La courbe témoin et la courbe des GR ayant été incubées dans un milieu ATP déplétant ont, respectivement, des t50 de 230 et 200 secondes. La lyse par les saponines est légèrement plus rapide pour le pool de sangs qui a été déplété en ATP comparé à notre courbe témoin. En microscopie, 72% et 22% d’échinocytes sont comptabilisés respectivement en milieu PBS et en milieu ATP déplétant.

0 0,2 0,4 0,6 0,8 1 0 200 400 600 800 1000 A54 0n m Temps (secondes) Milieu PBS Milieu ATP déplétant

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On s’attendait à observer davantage d’échinocytes en déplétant les érythrocytes de l’ATP. La Figure 4-23 illustre la variation du volume d’un GR en milieu PBS et en milieu ATP déplétant.

Figure 4-23 : Variation moyenne du rayon d’un GR en milieu PBS et en milieu ATP déplétant sous l'action de 7µM de saponine (Ht=0.08%)

Nous pouvons constater une faible variation du volume du GR déplété en ATP comparé à un GR normal. Cela peut s’expliquer par l’augmentation de la tension membranaire, induite par le cytosquelette, qui rend la membrane plus résistante au gonflement.

D’après ces résultats, il est difficile de conclure sur la déplétion en ATP. Nous avons également constaté, en microscopie, que l’effet de la saponine sur les GR normaux et ceux déplétés en ATP reste inchangé. La différence se situerait au niveau de la cinétique de lyse. Comme précédemment, la lyse par les saponines débute par un état échinocytaire du GR suivi d’un gonflement causé par une entrée d’eau jusqu’à rupture de la membrane et la libération de l’hémoglobine, entrainant une perte de contraste.