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Démarches volontaires de formalisation des discours et pratiques de RSE

§5 Une conjonction de déterminants micro et macroéconomiques à l’origine du mouvement RSE

SECTION 2 : Les dispositifs de formalisation et d’évaluation des discours et pratiques de RSE

E) Démarches volontaires de formalisation des discours et pratiques de RSE

Dans une volonté de légitimer leurs dires et leurs actions et de rassurer les parties prenantes, une part grandissante des organisations se lance dans une démarche de formalisation de leurs discours et pratiques de RSE.

En dehors des dispositifs veillant à faciliter l’intégration stratégique et opérationnelle de la RSE, il existe en effet des outils permettant à l’organisation de formaliser ses discours et pratiques en la matière. En dehors des outils appartenant au champ du reporting, sur lesquels nous reviendrons ultérieurement, nous allons succinctement tenter de mettre en lumière trois les directions possibles de ces démarches : la certification, la labellisation ainsi que la publication de codes de conduites.

76 Selon Capron et Quairel-Lanoizelée (2004), près d’un tiers des organisations l’ayant utilisé ne proviennent pas du secteur solidaire.

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La publication de codes de bonnes conduites par les entreprises est une pratique en expansion depuis plusieurs années (Sobczak, 2002). Alors que la charte éthique a une visée plutôt interne, le code de conduite a souvent une portée plus large, incluant par exemple les fournisseurs et sous-traitants (Capron & Quairel-Lanoizelée, 2004). Un code de conduite constitue « un engagement pris volontairement par une société ou une organisation

d’appliquer certains principes et normes de comportement à la conduite de ses activités ou opérations » (OCDE, 2001). S’ils peuvent traiter de nombreux sujets (le respect des droits

humains, les conditions de travail, la lutte contre la corruption…etc.), certaines thématiques semblaient alors prioritaires : ainsi les conditions de travail, les actions pour l’environnement et la protection du consommateur apparaissaient alors comme les domaines les plus fréquemment abordés (OCDE, 2001). Toutefois, le contenu des codes ainsi que des outils mis en place concernant leur respect est très hétérogène, et par ailleurs des différences sectorielles apparaissaient (OCDE, 2001).

Les difficultés majeures posées par ce dispositif de formalisation est, comme fréquemment dans le domaine de la RSE, le manque d’harmonisation et conséquemment la difficulté de contrôle. Malgré la cohérence qui semble émerger (OCDE, 2003), la grande diversité des approches, de leurs références et des modes de contrôles engendrent un manque de transparence certain, ainsi que de nombreuses interrogations.

L’OCDE soulignait en 2001 que si la grande partie des codes sont à l’initiative des entreprises (46%) ou des associations professionnelles (38%), seulement 14% résultent de partenariats d’intérêts et à peine 2% sont la conséquence de discussions intergouvernementales. Par ailleurs, au moment de l’enquête il apparaît que « les tiers ne jouent pas un grand rôle dans la

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Finalement au regard de cette enquête, il était assez peu fait références aux normes internationales existantes de manière explicite (18%). En termes de contrôle, un grand nombre de codes de conduites, notamment à l’initiative des entreprises et des associations professionnelles n’intègrent pas cette question cruciale, ou alors de manière interne uniquement77. En ce qui concerne la surveillance du respect des codes, si la majorité en faisait état (près de 66% des codes étudiés), les modes de surveillances cités sont en majorité internes.

Malgré l’évolution des codes de conduites depuis cette enquête d’envergure, ces résultats posent des questions encore actuelles, sur la crédibilité et l’impact des codes de conduite. La grande diversité des approches, les méthodes de contrôles parfois absentes, mais aussi le contenu souvent trop superficiel ou général (Capron & Quairel-Lanoizelée, 2004) rendant toute application délicate, explicitent le scepticisme engendré par ces codes en pleine prolifération. Malgré leur possible utilité pour les entreprises sous-traitantes des pays en développement, il apparaît selon l’OIT que les codes sont « souvent en deça des normes

internationales en la matière » (Capron & Quairel-Lanoizelée, 2004). Le constat est donc

mitigé quant à leur impact. Néanmoins, il apparaît que les codes dont l’adhésion est la condition pour rejoindre une association professionnelle ou un partenariat d’intérêt, ou qui vont permettre à l’organisation d’afficher des logos ou labels distinctifs, favorisent certainement le respect du code en question et sa portée (OCDE, 2001).

Comme pour de nombreux autres dispositifs encadrant ou accompagnant la RSE, les outils appartenant à ce qu’on appelle le droit mou (ou soft law) sont majoritaires. Visant peut-être à anticiper toute réglementation contraignante, l’hétérogénéité des supports, le manque de références communes ainsi que leur caractère souvent déclaratif ne sont pas sans poser un certain nombre de questions, notamment sur leur opposabilité.

77 Ainsi près de 37% du total des codes étudiés par l’OCDE dans son inventaire ne prévoient pas du tout de dispositions relatives au contrôle, et près de 51% prévoient des dispositifs de contrôle interne. On remarque dans cette étude que les codes issus de partenariats d’intérêts prévoient proportionnellement davantage de contrôle externe que les codes issus d’entreprises ou d’associations professionnelles.(OCDE, 2001).

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En effet, malgré l’engagement que peut constituer un code de conduite, ceux-ci restent principalement des « documents juridiques non contraignants » (Réseau d’Information et de documentation pour le développement durable et la solidarité internationale) même si la question de l’opposabilité de cet engagement écrit reste posée. En effet, a priori les codes de conduite constituent un acte unilatéral déclaratif par lequel une organisation peut s’engager à se conformer, et au regard de certains juristes cette éventualité de valeur juridique du code de conduite n’est pas à rejeter (Wester-Ouisse, 2000).

Plusieurs chercheurs, et notamment des juristes, regrettent en effet le manque de prise en compte des codes de conduite en tant que « sources autonomes de droit » (Sobczak, 2002). Sobczak (2002) soulignait une « double évolution du droit qui commence à la fois à inciter à

l’adoption de normes de responsabilité sociale et à sanctionner le non-respect de ces normes ». En ce sens, il cite la jurisprudence américaine qui, dès 200278, a condamné plusieurs lettres envoyées par Nike à diverses personnalités et groupes de presse, dans le but de se défendre après la révélation du non-respect de certains droits fondamentaux chez plusieurs sous-traitants de la marque. Du fait de ces lettres, visant à défendre l’image du groupe en affirmant le respect des droits en question chez leurs sous-traitants, Nike a été condamné pour publication mensongère sur la base du droit de la consommation (Sobczak, 2002).

En effet tout écrit commercial et caractérisé comme tel du fait de l’auteur, du destinataire et du contenu, y est susceptible d’être condamné en cas de déclarations erronées ou même d’induction en erreur des consommateurs (Sobczak, 2002). Il semble donc plausible que les rapports sociétaux et codes de conduite puissent être concernés par cette menace en cas d’affirmations fausses79. Ce type de décision, prise dans son contexte américain, démontre que « le droit à la consommation peut contribuer à reconnaître une juridicité aux normes de

responsabilité sociale » (Sobczak, 2002).

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Le droit européen de la consommation partageant des bases communes avec la réglementation états-unienne, il parait possible qu’une partie prenante, telle une association de consommateurs, envisage un recours devant les juridictions européennes pour condamner par exemple « la violation par un sous-traitant des normes sociales d’un code de conduite, en se

fondant sur le droit de la consommation » (Sobczak, 2002). Reste que les codes de conduites

ou rapports sociétaux font plus souvent état de déclaration d’intentions, et d’engagements peu précis, ce qui rend alors la démarche d’opposition plus délicate.

A un niveau européen, il semble qu’une évolution vers des démarches permettant une négociation avec les parties prenantes et notamment les partenaires sociaux et sous-traitants, mais aussi l’articulation à des normes juridiques contraignantes, puisse faciliter cette transformation du code de conduite (Sobczak, 2002), mais plus globalement des outils d’encadrement des démarches responsables vers une juridicité davantage reconnue.

Les outils de la certification et les labels80 peuvent cependant aider à harmoniser et clarifier le champ des codes de conduite.

Dans un contexte de Nouveau Monde et d’entreprise éclatée que nous avons déjà abordé, la question de l’efficacité du droit semble prégnante. Comment assurer l’efficacité et le respect d’un droit national pour une entreprise transnationale dont les sous-traitants se situent souvent dans des pays aux réglementations très différentes ? Nous avons vu que les codes de conduite, s’ils peuvent représenter une alternative, engendrent une certaine méfiance en termes de respect, de contrôle et d’impact.

La certification, sociale notamment, peut remédier à cette faille en proposant à une multinationale de lui garantir la conformité de ses sous-traitants avec les normes sociales minimales, ce qui peut protéger le donneur d’ordre contre une attaque d’ONG (Capron & Quairel-Lanoizelée, 2004). La norme SA (Social ACcountability) 8000 en est une illustration. Développées en 1997 par l’SAI (Social Accountability International), elle a pour ambition « d’améliorer les conditions de travail des communautés en faisant la promotion de normes

volontaires » (Champion et Gendron, 2003). La vérification de cette norme est réalisée par un

système de vérification indépendant et complété par une politique de reporting (Champion, Gendron, 2003).

80 Les labels portant davantage sur des produits ou services commercialisés par l’entreprise, nous ne détaillerons pas ce point et invitons le lecteur à se rapprocher d’ouvrages spécialisés.

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Les acteurs ayant participé à l’élaboration de cette norme avaient pour mission d’aboutir à un consensus, « un standard universel pour les entreprises qui cherchent à garantir les droits

élémentaires des travailleurs » (Capron & Quairel-Lanoizelée, 2004). Basée sur les onze

conventions de l’OIT, la norme aborde des domaines variés tels le travail des enfants, l’esclavage, la liberté d’association, la santé et la sécurité au travail, la discrimination mais aussi les mesures disciplinaires, le système de gestion ou les modalités en termes d’horaires de travail et de rémunération (Champion, Gendron, & Lacharité, 2002). L’obtention de la certification est conditionnée à un audit vérifiant le respect des normes énoncées, mission effectuée par des cabinets d’audits indépendants accrédités le SAI (Capron & Quairel-Lanoizelée, 2004).

Malgré la méthode indépendante de vérification prônée et l’objectif affiché d’être un « standard universel » en matière sociale, la norme de certification parmi les plus connues en Europe jouit d’un succès en demi-teinte (Capron & Quairel-Lanoizelée, 2004) et n’est pas épargnée par les critiques. Ses détracteurs s’interrogent notamment sur les éventuels conflits d’intérêts dus à la composition de son comité consultatif, mais aussi sur la légitimité de l’organisme privé instigateur de la norme (Capron & Quairel-Lanoizelée, 2004).