• Aucun résultat trouvé

Une démarche collaborative et participative grâce à la création de briques de données

navire conçu par DCNS

CHAPITRE 3) METHODOLOGIE POUR L’INTEGRATION DU PARAMETRE ENVIRONNEMENTAL DANS UN PROCESSUS DE

1. QUELLES SONT LES CARACTERISTIQUES PERMETTANT A UN PRODUIT COMPLEXE DE SOUTENIR UNE ECO-CONCEPTION

1.3. Une démarche collaborative et participative grâce à la création de briques de données

L’OEC basé sur l’ACV doit parvenir à combler les deux grandes lacunes des outils d’ACV classiques, à savoir, l’adaptabilité à un processus de conception très établi ainsi que les problèmes de qualité (concernant plus spécifiquement les BDD). Il faut réussir à répondre aux limites décrites (cf. chapitre 2, 1.5) en intégrant :

– D’une part, les fournisseurs en vue de récupérer les informations concernant les composants afin de créer un stock de données,

– D’autre part, les concepteurs pour créer une synergie collaborative et mettre en pratique les connaissances métiers propres à chacun.

107 Cela doit permettre de ne plus considérer l’analyste environnemental comme seul apte à se servir d’un OEC, mais bien de mettre en place une démarche collaborative et participative.

Puisque la démarche d’ACV et d’amélioration environnementale d’un produit n’est pas directement applicable pour un processus de conception, le problème a été pris selon un nouvel angle de vue. Comme proposé précédemment et pour répondre à la problématique de la thèse (cf. chapitre 2,1.5 et 1.6), la méthode a été construite à l’envers du schéma classique. Plutôt que de partir d’un produit fini pour définir la contribution de chacun de ses composants aux impacts sur l’environnement, le postulat avancé est le suivant :

Il faut réussir à intégrer le paramètre environnemental au même niveau que des paramètres dits « conventionnels » (le coût, la durée de vie, …) dans les briques technologiques.

Grâce à cette approche, le produit final contient déjà les données qui seront utilisées dans le cadre d’une ACV (Figure 3-3). Ces briques qui incluent les données technologiques classiques et les données environnementales (nécessaires à la réalisation d’une ACV) sont appelées « briques de données ».

Figure 3-3. Une démarche participative et collaborative pour intégrer le paramètre environnemental au processus de conception.

108 Faisons une analogie avec le Lego®. Avec la méthode classique, faire l’ACV d’une maison construite en Lego®, revient à dire à quelqu’un n’ayant pas participé à sa construction (l’analyste environnemental) et ne pouvant pas la démonter réellement, de justement modéliser toutes les pièces ayant servi à construire ladite maison (Figure 3-4).

Figure 3-4. L’approche ACV classique : la difficulté de mettre en place une évaluation environnementale pour un produit fini composé de briques technologiques (images LEGO ®). Le découpage réalisé pour effectuer une ACV est de

faible qualité.

Il est quasiment impossible de réaliser une ACV complète et précise selon cette approche, sauf si toutes les personnes ayant participé à la fabrication de la maison mettent en commun les informations. Puisque la démarche n’est pas opérationnelle dans ce sens-là, l’idée est donc de mettre à contribution les personnes ayant fabriqué les pièces (les fournisseurs) en amont de la démarche, ainsi que les personnes participant à la construction du produit (les concepteurs) (Figure 3-5). Cette collaboration participative doit permettre d’initier la création des « briques de données ».

109

Figure 3-5. La proposition de la méthodologie de travail : le produit n’est assemblé qu’après avoir réuni l’ensemble des composants, des briques nécessaires (images LEGO ®).

Ces briques contiennent le même genre d’informations que celles disponibles dans des briques technologiques, auxquelles sont ajoutées des données nécessaires à la réalisation d’ACV.

En instaurant une telle démarche, il est possible de constituer un stock de briques de données. Certaines de ces briques auront une même fonction mais pas forcément une même composition. Par exemple, pour faire un ensemble de trois briques, il pourrait y avoir trois briques simples, ou deux briques simples et une double … Ces différentes options correspondent à des choix technologiques différents (Figure 3-6). Chacune de ces briques ayant des couleurs, des formes ou des textures différentes, peut correspondre à une cotation environnementale, à un prix, à une technologie alternative ….

Figure 3-6. Pour une même brique de données, la possibilité de moduler différents composants qui auront la même fonction.

Chacune des options technologiques possibles pour remplir une même fonction correspond à la définition de l’UF de ces briques. Cette UF est variable et paramétrable selon le périmètre de l’étude (cf. chapitre 3, 1.1). Elle est implicitement connue par le bureau d’étude qui choisit les options technologiques envisageables pour répondre à des besoins spécifiques.

110 Les concepteurs, chacun à leur niveau de spécialité et à l’échelle à laquelle ils travaillent lors de la conception du produit (au niveau « élément » avec « les poutres » ; au niveau « famille d’éléments » avec « la structure associée aux poutres » ; au niveau « sous-système » avec « la coque » ; au niveau système avec « la flottabilité ») viennent consulter les données environnementales sur les briques ou ensemble de briques dont ils ont besoin. Le produit final n’est recomposé qu’à la fin, lorsque l’architecte ou le chef de projet veut avoir une vision globale de son produit (Figure 3-7). Mais l’ensemble reste très modulable, abordable par tous, et utilisable dès les phases de conception précoces (amont et avant-projet).

Figure 3-7. L’assemblage de différents composants en un ensemble peut constituer une nouvelle brique de données.

Pour développer une telle démarche collaborative, les deux points clés essentiels à traiter et à prendre en compte sont la gestion des BDD et la création inhérente de briques de données, ainsi que les protagonistes et leur degré d’implication dans l’outil. Ces utilisateurs potentiels ne sont plus nécessairement des experts en environnement, mais bien des concepteurs travaillant en totale collaboration avec les fournisseurs. C’est via ces deux axes-là qu’un OEC basé sur l’ACV et permettant vraiment une aide à la conception peut être développé.

Une idée clé de cette approche est donc d’impliquer les fournisseurs dans la démarche d’ACV. En effet, jusqu’à présent, le dialogue concepteurs / fournisseurs était très limité, comme l’a démontré l’expérience réalisée lors de l’ACV du navire DCNS. Obtenir des informations autres que des données purement techniques ou économiques est très complexe. Et même si les fournisseurs jouent un rôle primordial dans le développement et la production des produits, leur savoir-faire n’est pas suffisamment mis à profit lors de la mise en place d’une démarche d’éco-conception.

Une telle démarche a entre autres été mise en place par le groupe VOLVO (cf. chapitre 2, 2.2.1), qui démontre non seulement qu’il est possible d’inclure les fournisseurs dans le processus de conception, mais aussi que c’est le meilleur moyen de contrôler les composants achetés chez les fournisseurs, ainsi que les substances potentiellement dangereuses pour l’environnement.

111 Il est assez évident que les fournisseurs risquent d’être réticents à s’engager dans la démarche, sachant qu’ils devront fournir une partie des informations pouvant être considérées comme confidentielles. C’est à ce moment-là que le fabricant devra justifier à un tiers toute la pertinence de la démarche dans laquelle il se sera engagé1. Démontrer que cette démarche est non seulement bénéfique d’un point de vue de l’environnement, mais aussi, plus pratiquement, d’un point de vue économique. Proposer sur le marché un produit ayant subi une évaluation et une amélioration environnementale est une forte valeur ajoutée face à la concurrence, aussi bien au niveau du produit fini qu’au niveau de ses composants.

Créer des briques de données permet ainsi d’établir le lien durable et stable entre les fournisseurs et les concepteurs. Ces briques en sont l’outil, le support de communication. L’intégration de données environnementales dans ces briques autorise une évaluation environnementale, et ce, dès que ces briques sont créées, i.e. finalement dès que, les briques technologiques sont conçues, soit dès l’amont des projets. Le fait de pouvoir réaliser des évaluations d’impacts et d’en remonter la source favorise grandement les possibilités d’amélioration des produits. Les trois objectifs décrits précédemment (cf. chapitre 2, 1.6) peuvent alors être atteints via l’instauration d’une telle démarche : - Les échanges entre fournisseurs et concepteurs sont rendus possibles grâce à l’utilisation des briques de données.

- La démarche est applicable à toutes les étapes du processus de conception - La démarche permet d’évaluer et d’améliorer les impacts environnementaux.

La démarche à instaurer entre tous les protagonistes doit être totalement participative et collaborative (Figure 3-3). Les fournisseurs devront rendre accessibles certaines de leurs données de fabrication. Mais en retour, ils pourront recevoir les résultats environnementaux concernant leur produit. La démarche se veut vertueuse et synergique. Elle doit motiver chaque partie à donner le meilleur possible. Si l’un des acteurs ne s’implique pas, c’est toute la démarche qui peut être remise en question.

1

Eventuellement, il pourrait être envisageable que le fournisseur, s’il dispose des outils d’évaluation adéquats, ne donne que le profil environnemental de ses composants, sans décrire précisément les matériaux ou procédés utilisés.

112