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PARAMETRE ENVIRONNEMENTAL DANS LES DIFFERENTES APPROCHES

1. L’ECO-CONCEPTION ET SON INTEGRATION CLASSIQUE EN

1.5. Quelles sont les causes de cette inadaptation de l’ACV en conception ?

d’apprentissage dans l’entreprise car elle n’améliore pas la légitimité ou la crédibilité des considérations environnementales » (MILLET, et al., 2005). L’ACV n’est pas un outil d’éco-conception adéquat pour une utilisation en conception. Elle demande trop de temps et d’efforts pour la collecte des informations.

Il faut donc se demander si la méthode d’approche actuelle de l’éco-conception est satisfaisante, et s’il n’y aurait pas autre un moyen de mieux coupler évaluation et amélioration environnementale pour créer un « vrai » outil d’éco-conception.

1.5.

Quelles sont les causes de cette inadaptation

de l’ACV en

conception ?

L’axe de travail classique basé sur l’utilisation de l’ACV se définit par les grandes étapes suivantes, effectuées par un analyste environnemental (Figure2-15) :

– Le produit existant est modélisé du mieux possible. Il faut que l’analyste fasse la démarche intellectuelle de découper le produit en sous-ensembles pour les lier avec les BDD fournies, et leur associer différents procédés, consommations, rejets, et ceci pour chaque phase de vie. C’est une étape fastidieuse à réaliser pour une seule et même personne.

– Le produit est analysé d’un point de vue impacts environnementaux. C’est une étape d’autant plus délicate lorsque la modélisation du système est très incertaine.

– Les éléments nécessitant une amélioration sont ciblés. Généralement, le client demandeur de l’étude et les concepteurs connaissent les éléments sur lesquels ils peuvent agir, donc seuls ceux-là font l’objet d’études comparatives.

– Des pistes générales peuvent être écrites pour l’ensemble du système, et elles pourront servir pour l’ensemble des concepteurs.

Ce schéma classique de l’approche d’un produit via l’ACV est limité et limitant. L’ACV n’est pas l’outil qui doit être appliqué pour un produit complexe au processus de conception long, tout du

59 moins tant qu’il ne met pas à disposition les moyens permettant d’améliorer les produits lors de leur conception.

Figure 2-15. La démarche classique d’utilisation de l’ACV : un produit existant est virtuellement découpé en sous- ensembles, puis analysé selon une méthode de calcul d’impact. A partir de ces résultats, certains composants sont

« repensés » en vue d’améliorer leurs impacts (images LEGO ®).

En effet, tel pour un assemblage de Lego ®, il est très difficile de démonter virtuellement un produit puis d’attribuer des valeurs d’impacts à chaque brique, et ensuite, d’essayer de trouver des alternatives technologiques aux briques les plus impactantes (Figure2-15). La non-maitrise et la non- expertise des briques et des solutions techniques et / ou technologiques auxquelles elles répondent font qu’un analyste environnemental n’est pas le mieux placer pour répondre aux besoins du produit. Il est nécessaire que le concepteur, celui qui détient la connaissance des briques, puisse intervenir dans ce choix. Un analyste ne peut que donner des axes, des pistes à suivre pour améliorer le produit.

De plus, lors de la réalisation d’une ACV, il est très tard pour remettre en cause la brique considérée dans le processus de conception.

Pourtant, des études ont montré qu’il est possible d’utiliser l’ACV, au moins de façon simplifiée, ou dans certaines conditions, lors de la conception des produits.

En particulier, il est possible de trouver quelques rapports faisant le bilan environnemental des navires (JOHNSEN, et al., 2005) (MAGERHOLM-FET, 2002). Ces deux études se basent sur l’analyse de cycle de vie partielle des navires. JOHNSEN étudie des navires de types Ro-Ro (des navires rouliers, dédiés aux transports d'engins roulant ou tractables). Pour l’ACV, il utilise des données macro, à l’échelle des sous-systèmes. Cela se justifie car ce type de navire est assez simple dans sa constitution, et très peu dense. Ce genre de navire peut se « résumer » à un moteur, un système propulsif et une coque. Les données à récupérer sont donc bien moins nombreuses que pour un navire armé. Grâce à ces évaluations, ils ciblent les sources d’impact et essayent de les améliorer.

60 Et effectivement, si ces études sont basées sur le principe de l’ACV, elles ne l’appliquent que de façon simplifiée. C’est la solution actuelle qui a été trouvée pour pallier au manque de données du produit. Ce dernier est ainsi restreint à quelques lignes qui sont censées le représenter. Quant aux indicateurs environnementaux utilisés, ils sont eux aussi simplifiés et ciblés sur quelques grandes catégories aujourd’hui assez parlantes et classées comme étant « prioritaires » à améliorer. Le réchauffement climatique, l’acidification, l’eutrophisation des eaux, et la déplétion abiotique (qui représente l’épuisement des ressources non vivantes) sont de ces catégories jugées préoccupantes, et relativement représentatives des divers impacts de l’Homme sur le milieu.

Cette solution peu satisfaisante est la conséquence directe du fossé existant entre les données composant détenues par les fournisseurs et les personnes amenées à modéliser le produit. Ce gap est dû au fait que les fournisseurs directs (de rang 1) sont souvent les clients de fournisseurs de rang supérieurs. Ils utilisent des briques technologiques qui rassemblent l’ensemble des contraintes et des paramètres utiles. Une "brique technologique" désigne un élément ou un sous-ensemble voire même une solution technologique nécessaire à la réalisation d’un système. Une brique technologique peut donc être composée d’un composant, d’un équipement ou d’un sous ensemble. Il est nécessaire d'étendre la notion de brique au-delà de l'objet technologique élémentaire en intégrant les aspects liés à l'assemblage des briques (QUENARD, 2007).

Le fait de faire intervenir un grand nombre de fournisseurs de rang N avant le fournisseur de rang 11 limite l’accès du producteur aux informations qui concernent les composants servant à fabriquer le produit. Cela implique non seulement un manque d’accessibilité aux données, mais aussi que les produits ainsi conçus sont figés. Le fabricant n’a aucun pouvoir, aucun contrôle sur le produit qu’il fabrique à partir des composants obtenus via le fournisseur de rang 1 (Figure 2-16).

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Nous définissons le « fournisseur de rang1 » comme étant celui qui crée la brique technologique. Il peut donc s’agir du fabricant qui crée lui-même certains de ces composants.

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Figure 2-16. La constitution d’une brique technologique : un accès limité aux informations concernant les composants de rang N.

Plus un produit se compose d’un grand nombre d’ensembles et de sous-ensembles, plus la réalisation d’une ACV devient compliquée. En effet, plus les composants sont multiples, plus il est difficile de leur attribuer des données relatives à leur fabrication, à leur utilisation ou encore à leur fin de vie. Cela implique directement une difficulté pour la modélisation des produits en vue d’une ACV. L’accès aux données étant limité, l’analyste est souvent amené à faire des approximations non seulement sur la composition des composants, mais aussi sur toutes les données relatives à la fabrication, à l’utilisation et à la FdV. Les résultats de l’ACV en découlant sont donc logiquement « approximatifs », d’autant plus que le produit se décompose en un grand nombre de composants. Et surtout, ils ne permettent pas de réellement améliorer ces composants (Figure 2-17).

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Figure 2-17. La difficulté à prendre en compte le paramètre environnemental lorsqu’il n’est pas intégré à la conception

Lorsque l’on veut réaliser une ACV, il faut justement utiliser les données de fabrication des composants. De même, si on veut améliorer un produit en améliorant certains de ses composants, les briques technologiques étant « figées », il est difficile de travailler sur ces composants. La solution actuelle consiste à tester d’autres technologies alternatives et de les comparer entre elles. Elle contourne le problème, sans réellement le régler.

Les limites clairement identifiées comme étant responsables de l’inadéquation de l’utilisation de l’ACV lors de la conception d’un produit sont donc :

-Le manque d’accès aux BDD servant à décrire le produit, et donc le manque de communication, d’interaction avec les fournisseurs

-Le manque de connaissances de l’analyste vis-à-vis du produit qu’il traite. Pour un produit tel qu’un navire, personne ne possède l’ensemble des connaissances relatives à l’ensemble des composants mis en jeu pendant la conception. Il faut donc que les concepteurs puissent apporter directement leur connaissance métier, et donc qu’ils soient directement impliqués. Il faut créer une interactivité avec les concepteurs.

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