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2. Défis sur le plan éducatif

2.2. Défis sur le plan politico-économique

L’éducation moderne héritée de l’occident s’inscrit dans un contexte économique différent de la société de production agricole des sociétés africaines traditionnelle.

Un effet complexe des instances économiques, juridico-politique et idéologiques du mode de production capitaliste (Terray ; 1972) a créé dans l’éducation en Afrique aujourd’hui des défis que les systèmes éducatifs font face. Il s’agit des questions d’infrastructures, de financement de l’éducation, de la formation, du recrutement et du maintien en poste des enseignants, la pauvreté, la fraude, la corruption et la mauvaise gestion des fonds alloués à l’éducation, une croissance démographique élevée, une scolarisation accrue et les effets du VIH et du Sida dans certains pays arabes, d’Afrique subsaharienne et d’Asie du Sud et de l’Est, mais aussi un grand nombre de départs de la profession, une pénurie d’enseignants dans certaines disciplines dans les pays plus développés, compromettent gravement la réalisation les objectifs d’éducation pour tous (EPT) en Afrique.

Il serait sans doute opportun de prendre en compte ces défis économiques pour le développement de l’éducation en Afrique.

La stabilité macro-économique demeure la condition essentielle pour promouvoir la croissance économique et réduire le déficit en terme d’éducation dans les pays africains (ONU). A cet effet, les Gouvernements africains doivent s’employer à lutter contre les détournements des biens publics alloués à l’éducation. Dans certains pays, 87 % des dépenses pour l’éducation seraient détournées par les gestionnaires véreux (Mané et Badji, 2004) entraînant des insuffisances dans les infrastructures d’accueil et de matériels pédagogiques et didactiques d’encadrement des élèves.

Bien plus, se pose-t-il le problème des enseignants. Les taux élevés d’échecs et de déperdition scolaires aujourd’hui en Afrique seraient la cause du manque d’enseignants compétents pour la formation des jeunes. Et ce phénomène s’observe en Afrique à tous les niveaux de l’éducation : primaire, secondaire et supérieure Afin de garantir la stabilité et la cohésion sociale indispensables au développement économique durable, le Cameroun entend assurer une répartition équitable des fruits de la croissance et mettre en œuvre des politiques et stratégies qui permettent à l’ensemble des populations de se développer. Pour cela l’État s’emploie à (i) promouvoir la bonne gouvernance, la transparence et la responsabilité afin de créer un environnement propice à l’investissement privé, (ii) accélérer la libéralisation des

échanges et approfondir l’intégration sous-régionale et régionale et (iii) promouvoir les exportations et la création d’emplois en tirant partie des possibilités que l’économie mondiale offre.

Par ailleurs, les jeunes à scolariser sont de plus en plus nombreux de nos jours. L’encadrement inadéquat, d’un nombre élevé d’écoliers africains amène ceux – ci à quitter l’école sans savoir lire ni compter ;

« Dans bien des pays, déclare un rapport de l’UNESCO, tous les enfants n’ont pas la chance de pénétrer dans une salle de classe ou d’acquérir les compétences de base en matière de lecture, d’écriture et de calcul, tout simplement par manque d’enseignants qualifiés. Cela nuit non seulement à l’avenir des enfants

eux-mêmes, mais aussi au développement des sociétés » (UNESCO, UNICEF, UNDP ; 2007)

Mais le problème n’est pas seulement d’ordre quantitatif. La qualité des enseignants et de l’enseignement écrit (UNESCO, 2007) est tout aussi essentielle à la réussite de l’apprentissage.

En effet, l’on observe aussi un déficit qualitatif. En Afrique, La pénurie croissante d’enseignants qualifiés constitue le principal obstacle à la réalisation des objectifs de EPT. L’UNESCO estime que, d’ici à 2015, il faudra recruter dix-huit millions de nouveaux enseignants dans le monde — quatre millions pour le seul continent africain.

Phénomènes auxquels s’ajoute particulièrement en Afrique, le défi de la « fuite des cerveaux » qui compromet gravement la situation de l’éducation en Afrique et particulièrement en Afrique subsaharienne. La pénurie causée par les départs d’un grand nombre d’enseignants de la profession touche en Afrique particulièrement le niveau de l’enseignement supérieur où l’on dénombre que plus de 20 000 titulaires d’un doctorat quitteraient le continent Africain chaque année selon l’organisation internationale pour les migrations (OGM). La cause de cet exode de cerveaux serait les mauvaises conditions de travail.

Il serait sans doute opportun de prendre en compte en Afrique, la Recommandation conjointe OIT-UNESCO concernant la condition du personnel enseignant (1966) et la Recommandation de l’UNESCO concernant la condition du personnel enseignant de l’enseignement supérieur (1997) donnant quelques-unes des orientations sur les politiques à privilégier si l’on vise à l’efficacité des enseignants et de l’enseignement. Ces recommandations définissent des lignes

directrices et de bonnes pratiques concernant le statut des enseignants, leur formation, leurs conditions de travail, l’évolution de leur carrière et leur participation aux décisions en matière d’éducation.

Entre autres bonnes pratiques, Le système éducatif doit donc attirer et fidéliser un personnel enseignant bien formé, motivé, performant et composé à égalité de femmes et d’hommes ; il doit épauler les enseignants en classe, et tout au long de leur carrière. La dévalorisation des enseignants, la faiblesse de leurs rémunérations, la médiocrité des conditions d’enseignement et d’apprentissage et le manque d’évolution de carrière ou de formation professionnelle adéquate sont autant de causes de mécontentement, qui ont conduit nombre d’entre eux à quitter la profession, parfois après seulement quelques années de service.

Et, une des voies qui semblent salutaires consisterait à améliorer les conditions de travail encore médiocres du personnel enseignant. En outre, les conditions de travail et les mauvais salaires des enseignants sont démotivants. Dans plusieurs pays d’Afrique comme le Cameroun, l’île de Madagascar, le Ghana, le Bénin, le Tchad, la Zambie, les conditions de travail des enseignants sont médiocres. Les enseignants en poste ne sont pas bien payés. Ils sont partiellement rémunérés ou payés de façon irrégulière.

Cependant, certaines politiques mises en œuvre pour recruter et retenir les enseignants peuvent s’avérer préjudiciables à la qualité de l’enseignement. Les approches consistant à faire face aux pénuries de personnel en augmentant la taille des classes, en accroissant la charge de travail des enseignants — en particulier lorsque le soutien dont ils bénéficient est déjà insuffisant -, en abaissant le niveau d’entrée dans les instituts de formation des maîtres, en recrutant des personnes non ou peu formées ou sur la base de contrats qui ne leur offrent pas la sécurité de l’emploi, risquent de dévaloriser encore davantage la profession, de laisser les enseignants démunis face aux réalités de la classe ou de les démotiver. La Recommandation conjointe OIT-UNESCO concernant la condition du personnel enseignant en Afrique dénonce cette situation.

Plusieurs pays d’Afrique sont confrontés à ces problèmes de rémunération des enseignants de divers ordres comme le manque de financement, la précarité de la situation salariale des enseignants s’observent par exemple au Cameroun où certains enseignants sont payés par les parents réunis dans les APE (association des parents d’élèves), au Nigeria et au Kenya des collectes fréquentes de fonds sont organisées par la communauté, et à Madagascar, les agriculteurs rémunèrent les enseignants avec des sacs de riz, tandis qu’au Mali, les villageois

et des ONGs externes s’emploient à financer un système parallèle « d’écoles communautaires » (Tchameni ; 2007). Le rendement médiocre du système scolaire africain serait dû en partie, à ces différentes pratiques qui concourent au manque de valorisation des enseignants aux prises à des effectifs pléthoriques d’élèves dans les salles de classe.

Pour la fonction enseignante, cette situation entraînerait aussi diverses conséquences : l’exode des cerveaux, la baisse de la qualité des recrutements des enseignants, la pénurie critique d’enseignants, le stress et l’usure extrêmes pour certains et, la jeunesse, le manque d’expérience et le niveau d’instruction variable pour d’autres qui, dans de nombreux pays (Ouganda, Togo, Tchad, Niger RCA, etc) auraient au mieux bouclé le secondaire.

L’explosion démographique et l’insuffisance des structures d’accueil constituent des casse-tête pour les gestionnaires des systèmes éducatifs africains. Dans plusieurs pays, la croissance démographique reste forte (2,8 % environ par an) Dans ce continent où une partie importante de la population vit en milieu rural, plusieurs écoles sont dispersées géographiquement, et seraient par conséquent marginalisées en matière d’infrastructures éducatives.

Les États africains soumis aux contraintes des plans d’ajustement structurel imposés par les créanciers étrangers, s’avèrent souvent incapables d’augmenter leur budget éducatif proportionnellement à la croissance de leur population d’âge scolaire. La dette extérieure, les plans d’ajustement structurels, les critères draconiens établis par la Banque Mondiale et les lourdeurs dans les mécanismes de déboursement des fonds freineraient considérablement les efforts en vue d’accroître les dépenses dans le domaine de l’éducation. Heureusement, l’initiative en faveur des pays pauvres très endettés (initiative PPTE) permet d’alléger considérablement la dette des pays africains. Quatorze pays africains parmi lesquels le Cameroun ont vu leurs dettes annulées. Le Cameroun pour sa part a bénéficié du FMI au titre de l’initiative PPTE, d’une annulation de 137 milliards FCFA de sa dette (Foute, 2006) et l’argent ainsi économisé devrait servir aux projets de développement social dans des secteurs comme la santé et l’éducation (Essono, 2006).

Malgré ces retombées financières considérables, les dépenses publiques dans le secteur de l’éducation demeurent inférieures au minimum requis pour assurer une éducation de base de qualité. Par conséquent, et contrairement aux pays industrialisés qui investissent environ 3 500 dollars par élève du primaire, en Afrique Subsaharienne, l’État n’investirait que 10 à 15 dollars (Afrique Espoir, 2004). La Zambie par exemple investirait un dollar dans l’éducation par enfant et en dépenserait six pour le remboursement de la dette. Ces chiffres

démontrent que la dette publique extérieure de l’Afrique affaiblirait ses systèmes d’éducation et ralentirait la réalisation des objectifs de l’EPT (Éducation pour Tous).

À ces défis à surmonter, s’ajouteraient diverses autres calamités et plaies sociales qui constitueraient, pour l’Afrique, des obstacles majeurs à l’offre éducative, à sa qualité et à son développement. Dans les pays particulièrement impliqués dans les conflits armés et les guerres (Rwanda, Somalie, Tchad), la situation de l’éducation des jeunes est très préoccupante avec un taux de scolarisation en baisse. En effet, en situation de conflit et de post-conflit, les guerres provoquent d’énormes dégâts dans les établissements scolaires qui sont victimes de pillage du matériel et de destruction des locaux. Ces actes de vandalisme commis contre les équipements scolaires transformeraient l’environnement scolaire en milieu d’insécurité pour les enseignants et les élèves.

Au total, les défis qui interpellent l’éducation en Afrique aujourd’hui sont pluriels. L’on ne peut prétendre les énumérer tous. Les plus importants qui pourraient être qualifiés de défis majeurs ont été brièvement décrits ci-dessus. Il s’agit : de l’achèvement des études primaires pour tous, de la réduction des taux élevés d’analphabétisme, de redoublement et d’abandon scolaire, de l’inégalité entre les sexes, des pratiques socioculturelles rétrogrades, des conditions difficiles de travail des enseignants, de la fuite des cerveaux et du nombre insuffisant des formateurs, de la mobilisation des fonds, de la pauvreté, de la mauvaise gestion, de la dette extérieure, des conflits armés, et du VIH-SIDA que nous avons peu abordé ici, mais qui est l’objet de plusieurs réflexions. Ces multiples défis pourraient varier dans le temps et freineraient selon les pays de façon drastique les progrès en éducation. Plusieurs actions s’avèrent prioritaires pour une amélioration de la situation et pour que l’éducation primaire universelle (EPU) soit de moins en moins considérée en Afrique, particulièrement, comme un idéal inaccessible.

L’éducation est de plus en plus traitée aujourd’hui comme un marché, la logique financière lui impose la définition de ses priorités.