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Définition de « l’habiter »

Le premier ouvrage qui vient à l’esprit de tout individu à la recherche de la signification et de la définition d’un concept est, sans aucun doute, le dictionnaire.

L’habiter, c’est « faire sa demeure de : habiter une maison ancienne ». Au figuré, ce terme veut dire « résider dans : le remords habite sa conscience ». Verbe intransitif : il veut dire « avoir sa demeure dans ; vivre : Habiter à la campagne ; et, au figuré : le

pêché habite en lui »12.). Il a pour synonymes :

• « crécher, demeurer, giter, loger, nicher, percher, résider, séjourner, vivre (exemple : « habiter au bord du lac »).

• « occuper, vivre dans (exemple ; habiter un petit appartement »).

• « hanter, obséder, poursuivre, tourmenter, travailler (exemple : voilà l’ambition

qui l’habite) »13.

C’est, on peut l’affirmer, le résumé de la définition avancée le 15 juin 2009 par Véronique Blua, Professeur au lycée Pierre Mendès-France à Vitrolles dans son cours de géographie, intitulé « habiter la ville » à travers lequel elle affirme que « depuis le XIème siècle, habiter indique le fait de rester quelque part, d’occuper une demeure. Au XVème siècle, le terme s’enrichit d’une nouvelle signification : « habiter un pays, c’est le peupler. En 1694, la première édition du Dictionnaire de l’Académie Française semble fixer définitivement le sens « habiter » : « faire sa demeure, faire son séjour en un lieu, habiter un lieu ». « L’habiter n’est pas seulement résider ». Il permet plutôt « de prendre en compte l’action des individus sur l’espace à travers les usages et les pratiques »14 .

12Larousse 3 volumes en couleurs, dictionnaire encyclopédique, édition 1983, librairie larousse3, Paris, p.1489.

13 Dictionnaire des synonymes ; Hachette, Baratin et Lorenzi, Hachette livre 2003, Paris, p.307.

23 C’est ainsi que les études menées par Véronique Blua ont abouti à la conclusion suivante :

- «Habiter», c’est avoir sa maison dans un lieu, - « Habiter, c’est pratiquer les lieux,

- « Habiter, c’est bouger,

- « Habiter, c’est percevoir l’espace, se le représenter et lui attribuer des valeurs (affectives, culturelles, etc.),

- Habiter, c’est aussi habiter avec les autres, c'est-à-dire « cohabiter », partager un espace au sein d’une société. Etre habitant d’un lieu, c’est être solidaire d’autres lieux, aucun n’est un isolat. Ce qui se passe ici vaut pour là-bas et au-delà encore ».

Plusieurs autres chercheurs de spécialités différentes se sont intéressés à ce terme de l’« habiter ». Ainsi, les sociologues s’entendent sur ce point : « l’homme, à la différence de l’animal, ne s’abrite pas, il habite ». « Habiter est un phénomène propre à l’homme »15.

Les philosophes n’ont pas manqué, eux aussi, de s’intéresser au sens de ce concept. Selon Bernard Salignon « l’habiter peut être abordé comme un des fondements qui permettent de penser l’essence de l’homme, en ceci qu’il n’y a que l’homme qui habite. Et ce, depuis qu’il y a de l’homme »16.

« Gaston Bachelard et Martin Heidegger sont les premiers à considérer dans la notion d’habiter une notion primordiale ; habiter est alors considéré comme un phénomène indispensable à l’homme puisqu’il exprime le fait de demeurer, séjourner en paix sur terre »17.

En s’appuyant sur l’étude sémantique de sa langue maternelle, et en se référant au vieux mot « bauen », le philosophe allemand Martin Heidegger nous éclaire, toujours selon Lucie Girardin, sur l’imbrication des mots « être et habiter ». « A l’origine

15 Girardin L, p.17 Thèse de doctorat ayant pour thème "la place de l'habitat dans le corpus psychiatrique" Le 25 juin 2011 à l'Université Claude Bernard à Lyon.

16 Idem

17 Herouard F, « Habiter, bien être : éléments de méthodes pour une investigation auprès des habitants » – UMR 5744 L'Ouest, 3 Juillet 2008.

24 «bauen» auquel se rattache « bin », nous répond : « je suis », « tu es », veulent dire : « j’habite, tu habites ». La façon dont tu es et dont je suis, la manière dont nous autres hommes sommes sur terre est le «bauen», l’habitation. Etre homme veut dire être sur terre comme mortel, c’est-à-dire : habiter »18 .

Heidegger considère aussi qu’« habiter n’est pas simplement construire car l’habitation réfléchit essentiellement « la façon dont tu es, la manière dont nous autres hommes sommes sur la terre » mais comme « activité primordiale, constitutive de l’être humain et distingue radicalement « habiter » (trait fondamental de l’être) et « se loger » (simple acte fonctionnel) (Véronique Blua).

Si pour Heidegger « habiter » « c’est être », pour Bachelard « l’être commence par le bien-être si bien qu’habiter commence par le bien être »19. Le conférencier estime, en se référant à André-Frédéric Hoyaux20 que « la dimension spatiale de l’habiter est évidente puisque cette notion exprime et constitue l’être-là qui est au monde » c’est-à-dire l’homme en relation avec lui-même et avec l’environnement naturel et social »21. Par ailleurs, dans le compte rendu de la conférence donnée par Jean François Themines géographe ayant pour thème « HABITER » il est précisé que s’inspirant du raisonnement de Heidegger et d’Emmanuel Levinas, Eric Dardel, dans son livre « l’homme et la terre « (1952) décrit « l’habiter » comme suit :

• « Habiter » indique « des relations (…) dans lesquelles la Terre est éprouvée comme base ». Non seulement un point d’appui spatial et un support matériel, mais la condition de toute position dans l’existence, • Pour lui, se loger est une fonction et habiter est un mode de connaissances

et aussi un type de relations affectives,

• Le sens de l’habiter c’est le « chez soi ». C’est là où on peut se poser, se reposer, s’abandonner, aller au-devant des choses et des êtres vers lesquels nous portent nos projets ».

18 Girardin L, p.17

19Herouard F, « Habiter, bien être : éléments de méthodes pour une investigation auprès des habitants » – UMR 5744 L'Ouest, 3 Juillet 2008

20 Ouvrage ayant pour titre entre construction territoriale et constitution ontologique de l’habitant : introduction épistémologique aux apports de la phénoménologie au concept d’habiter, 2002 In cyber géo n°216

21 Herouard F, « Habiter, bien être : éléments de méthodes pour une investigation auprès des habitants » – UMR 5744 L'Ouest, 3 Juillet 2008

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Le même conférencier estime que « l’habiter » doit être défini comme suit : • « Un rapport aux lieux (de la vie quotidienne) et non à la Terre,

• Ce que font les individus avec les lieux (les usages). Le lieu est un contexte pour l’action,

• « Le fait où nous nous débrouillons avec les lieux dans un contexte de mobilité,

• « Une variété de manières de pratiquer les lieux ».

Comme l’ont signalé précédemment les sociologues, « l’homme à la différence de l’animal ne s’abrite pas, il habite ». Cependant, à la suite de calamités ou d’événements graves, l’homme peut se réfugier quelque part, loin des situations qui portent atteinte à son intégrité physique. Mais contrairement à l’animal, il habite soit sous une tente comme c’est le cas des réfugiés fuyant les guerres ou ayant perdu leurs maisons à la suite de tremblements de terre ou autres inondations, soit dans une cave ou d’autres lieux pouvant faire fonction d’habiter.

De tout ce qui précède, « l’habiter », selon l’auteure de cette étude, est la condition première de l’individu ou d’un groupe d’individus, En effet, il le construit conformément à ses propres sentiments, à sa perception personnelle, à l’image initiale de son mode de vie, de ses moyens, de ses us et coutumes, et même de ses croyances. Véronique Blua a affirmé, dans son cours intitulé « Habiter la ville » cité précédemment, que Pierre Bourdieu a déclaré que « l’habiter s’avère une compétence acquise culturellement et insérée dans des habitus ». « L’habiter » veut dire, toujours d’après l’auteure de cette étude, « j’habite, donc je suis ». « L’habiter » confère à l’individu la dignité de l’être humain à laquelle il a droit. Il exprime la méthode de son organisation et de son utilisation par l’individu dans son espace, lui donnant ainsi le sentiment d’exister et de vivre.

Le matériau utilisé, la conception, l’état de l’habiter qui est l’une des exigences fondamentales dans la vie de l’homme expriment son niveau social et culturel, son identité sociale et parfois même son origine géographique. N’étant plus absorbé par cet élément essentiel sur lequel reposent tous les projets que l’individu espère réaliser, il donne à l’homme la faculté d’organiser sa vie, de réaliser autant que faire se peut, ses

26 rêves, de découvrir son environnement, d’avoir le loisir de se consacrer à d’autres difficultés de la vie quotidienne, tenter de nouer des relations avec des groupes d’individus pour assimiler la vie moderne à laquelle il n’est pas préparé et surtout se consacrer à sa propre famille.

Cependant, toutes les composantes actuelles de « l’habiter » à Constantine ne reposent sur aucune règle et sont loin d’incarner « l’habiter » comme cela a été développé auparavant. Une confusion indescriptible donne à « l’habiter » actuel une image qui ne s’identifie ni au génie créateur de l’être humain, ni à son mode de vie originel adapté à la vie moderne, ni à ses origines qui remontent loin dans le temps, ni à son identité propre. Mis à part la médina et l’habitat de type colonial, «l’habiter » à Constantine est un ensemble bigarré, dépourvu de toute personnalité, de toute cohérence et de toute harmonie. Sillonner les nouvelles cités donne le sentiment de se trouver nulle part, tant le style adopté est complètement dénué de caractère, d’esthétique et de cachet typiquement originel, c'est-à-dire à l’algérianité qui repose sur trois fondements: l’islamité, l’arabité et l’amazighité.

Ainsi « l’habiter » « désigne l’ensemble des lieux de vie, l’ensemble des déplacements pratiqués par un individu ou un groupe d’individus »22.