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LES CAUSES DE L’EXODE RURAL

CONSTANTINE, UNE METROPOLE REGIONALE

IV. LES CAUSES DE L’EXODE RURAL

Marquée par une croissance sévère de 1954 à 1998, due à une forte démographie – le taux brut de natalité est descendu, à partir de 1993, sous la barre de 3% - et aussi à un mouvement migratoire considérable observé au lendemain de l’indépendance qui se traduisit par une charge très lourde au sein de l’espace urbain – l’effectif de la population de Constantine a plus que quadruplé.

Son prestige, son poids aussi bien historique, économique que culturel, construits à travers des siècles, sont à l’origine du flux migratoire qui a malheureusement, transformé complètement la physionomie de la cité, lui donnant ainsi l’aspect d’une ville ruralisée.

141 Hafiane. A, 1989:« Les défis à l’urbanisme, l’exemple de l’habitat illégal à Constantine », Editions OPU, Alger, p.38.

157 Ce puissant mouvement des populations vers la ville de Constantine est dû essentiellement :

IV.1. La période coloniale

Les causes de l’exode rural durant la période coloniale qui ont été déjà développées, sont les mêmes qui ont provoqué ce mouvement massif à travers tout le territoire national.

IV.2. La période postcoloniale

A l’indépendance, on assiste à une reprise du processus migratoire qui s’est constitué par le retour des ‘exclus’ qui se sont réfugiés dans les pays limitrophes et ceux qui étaient cantonnés, durant toute la guerre, dans des centres de regroupements ouverts par l’armée française (91 centres de regroupement dans le département de Constantine dont 13 situés dans l’arrondissement du chef-lieu de département).

Plusieurs facteurs ont contribué à l’accroissement de l’émigration. S.E. Cherrad a mis en évidence les éléments économiques : l’activité agricole n’était plus en mesure de constituer une source conséquente de revenus, la croissance de la densité démographique ayant largement dépassé ses capacités d’offrir, à tous, la possibilité de subvenir aux besoins de la famille. « L’importance des migrations de la campagne vers la ville est aggravée par la désorganisation des économies traditionnelle, montagnarde, agricole et pastorale, laquelle désorganisation est un lourd héritage de la période coloniale »143.

Les éléments ayant amplifié le phénomène des migrations à Constantine durant la période post – coloniale se résument comme suit :

• En dépit du fait que l’Algérie soit indépendante, le processus migratoire ne s’est pas estompé entre 1962 et 1966. Au contraire, 50 000 personnes supplémentaires ont été dénombrées durant cette période.

• La relance, entre 1967 et 1971, des activités économiques, industrielles et autres sources d’emplois et de revenus alléchants sont aussi des motifs qui ont attiré les populations d’origine rurale.

143 Bardinet. C, « Problèmes démographiques de l’urbanisation en Algérie dans la période 1962 – 1972 », In Société languedocienne de géographie, revue publiée avec le concours du C.N.R.S., 3ème serie – tome 6 – fascicule 1, janvier – mars 1972 – France, p.12.

158 • Malgré les réformes introduites dans le secteur agricole et l’application de la Charte de la révolution agraire, promulguée en 1971, l’agriculture n’a pas été un élément stabilisateur.

A ces causes, il est également possible d’affirmer que :

• Paradoxalement, l’industrie, source de prospérité, a été source de déséquilibre ; • La promotion du programme d’industrialisation sur les périphéries de

l’agglomération, durant les années 1970, est la source d’une « concurrence » entre deux secteurs : l’agriculture et l’industrie. Cette « rivalité » est motivée par :

• L’absence, dans le monde rural, de certaines structures vitales : établissements scolaires, hôpitaux, dispensaires, services, hygiène… ; • La faible performance de l’agriculture et l’échec des différentes réformes du

secteur agricole dont la révolution agraire ;

• La modicité des salaires versés aux travailleurs du secteur agricole n’était point un facteur encourageant les fellahs à rester attachés à la terre ;

• Les avantages qu’offraient le secteur de l’industrie étaient trop alléchants et ne laissaient pas indifférents les paysans en quête d’emplois stables et rémunérateurs au travers desquels ils pouvaient prétendre à d’autres bénéficies : sécurité sociale, allocations familiales, congés…

• Tous ces éléments ont déprécié l’agriculture et valorisé l’industrie, amplifiant ainsi l’exode rural ;

• Par ailleurs, les différents programmes destinés à contenir ou du moins à atténuer l’exode rural, n’ont pas abouti et n’ont pas été en mesure d’entrainer le retour des fellahs vers leurs terres. Même ceux qui n’avaient aucun emploi ont préféré demeurer en ville et devenir, à la longue, des individus « inutiles à la ville » ;

• La crise économique qui s’est installée à partir de l’année 1986 ;

• La décennie noire (1992 – 2002) qui a encore vidé les campagnes au profit de la ville est, pour les campagnards, d’abord un refuge sûr et ensuite l’Eldorado où ils ont la possibilité de se faire très vite une place « confortable ». Mais leur naïveté les mènera tout droit vers un autre dénuement beaucoup plus douloureux que celui de leur lieu d’origine : la

159 misère, la précarité, la marginalisation et le confinement dans des lieux insalubres.

Ainsi, conséquence de son envahissement par les ruraux, depuis la colonisation à nos jours, l’espace constantinois vit une crise urbaine sans précédent.

En effet, devant le laxisme, l’absence de contrôle, les insuffisances constatées, il est apparu, à la périphérie, une forme d’urbanisation – l’habitat informel ou illicite, comme c’est le cas de la cité Bentellis - qui ne répond à aucune norme ou réglementation. A côté, se sont multipliées d’autres constructions qui, érigées dans la clandestinité, ne reposent sur aucune base juridique. Il s’agit d’habitations, hors la loi, implantées sur des terrains impropres à la construction et pour lesquelles sont utilisés des matériaux hétéroclites : les bidonvilles.

A des périodes difficiles de la vie de Constantine sont apparus ou se sont développés des ilots de baraques hétéroclites. Ainsi, aux deux catégories relevées par M. Cote, à savoir « les bidonvilles des années 1960/1970 étaient ceux de la pauvreté, les bidonvilles des années 1980 sont ceux de la crise du logement dans des villes congestionnées »144 il est possible d’admettre que d’autres périodes ont vu des bidonvilles émerger ou grossir : les bidonvilles de la colonisation de 1830 à 1960 ou bidonvilles des répressions, des famines et de la spoliation et les bidonvilles des années 1990 ou bidonvilles de la crise économique et de la décennie noire.

Embarrassés par ce type d’habitat, les pouvoirs publics qui ont longtemps négligé le secteur du logement, doivent également faire face à deux autres problèmes aussi sérieux que sont les glissements de terrain et la vétusté du vieux bâti. Tâche immense qui appelle des moyens colossaux tant humains que financiers pour venir à bout de cette hydre, mal qui augmente chaque année si les efforts consentis, pour le détruire, ne sont pas conséquents.

160 CONCLUSION

Le laxisme observé par le pouvoir colonial durant toute l’occupation, le manque total d’intérêt affiché à l’égard de la population algérienne dans son ensemble, les effets de la Guerre de la Libération Nationale, l’absence, pendant une période assez longue après le recouvrement de la souveraineté nationale, d’une politique destinée à prendre en charge les principales préoccupations du monde rural, n’ont fait qu’aggraver, encore davantage, la précarité du paysannat.

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CHAPITRE 6

LA POLITIQUE DU LOGEMENT