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PARTIE I : ETAT DE L’ART

1.3. La révision collaborative étayée

1.3.1. Définition de la révision collaborative étayée

1.3.1.1. La révision collaborative

En didactique de la production écrite, la révision collaborative1 (en anglais « peer review » ou « peer feedback ») consiste à mettre les étudiants en groupes de deux, trois ou quatre et à leur demander de réviser le texte d’un pair afin de l’améliorer (Hansen & Liu, 2005).

La révision collaborative donne à l’apprenant la chance de lire le texte d’un autre apprenant et de lui proposer des rétroactions, souvent à l’aide des questions de révision préparées par l’enseignant. Pour l’instant, aucun modèle théorique décrivant les processus de la révision collaborative n’a été proposé.

1 « La révision collaborative » est ma traduction en français de « peer review ».

Blain (1995), Blain & Painchaud (1999) ont traduit le terme « peer response group » par « groupe de révision rédactionnelle » ou GRERE qui se définit comme étant une rencontre entre un scripteur et ses pairs au cours de laquelle le scripteur lit à haute voix son texte et reçoit des commentaires des membres du groupe sur le fond ou encore une rencontre où les pairs lisent silencieusement le texte du scripteur pour y corriger les erreurs de forme. Ces commentaires peuvent prendre la forme de remarques positives, de questions et de suggestions. Les remarques négatives ne sont généralement pas autorisées. La traduction de « groupe de révision rédactionnelle » permet d’intégrer la notion de « groupe » et de « rédaction » mais le terme de GRERE n’a pas été adopté dans cette recherche car dans mon expérimentation de la révision collaborative, les remarques négatives sont autorisées et constituent même la majorité des rétroactions de pairs.

1.3.1.2. Les rétroactions de pairs

Les rétroactions ou (feedbacks en anglais) sont définies par Keh (1990 : 294) comme « any input from a reader to a writer with the effect of providing information to the writer for revision » « les retours faits par un lecteur à un rédacteur, ayant pour objectif de fournir des informations au rédacteur pour la révision de son texte ». Autrement dit, pour donner des rétroactions, le lecteur/ réviseur fait des remarques, pose des questions, fait des diagnostics et propose des corrections pour aider le rédacteur à améliorer la qualité de son texte. Les rétroactions peuvent donc être des détections d’erreurs, des questions, des diagnostics (diagnostics) d’erreurs, des propositions de corrections…

Les rétroactions de pairs signifient les rétroactions qui viennent d’autres élèves ou étudiants de la classe. Elles peuvent parvenir d’un pair ou de plusieurs pairs du groupe de travail. Dans la littérature sur l’enseignement de la production écrite, les rétroactions de pairs se réfèrent à plusieurs noms, par exemple commentaires de pairs, remarques de pairs, évaluations de pairs, critiques de pairs, compliments de pairs… Chacun de ces mots reflète un aspect de la rétroaction et précise à quelle étape du processus de la révision collaborative se trouvent les apprenants. Dans le chapitre 2 consacré à une revue des travaux empiriques étudiant les impacts de la révision collaborative étayée, j’ai essayé d’être la plus fidèle possible aux termes utilisés par les auteurs dans leurs articles en anglais. Ainsi, « peer comment » sera traduit comme « commentaire de pairs » ; « peer feedback » devient « feedback de pairs » ou « rétroaction de pairs ».

Les rétroactions peuvent être à l’oral ou à l’écrit. Hu (2005 : 329) avait essayé d’abord l’ordre suivant dans sa classe d’anglais langue étrangère : rétroactions écrites d’abord à la maison, rétroactions orales ensuite en classe. Cependant, certains réviseurs ont mal compris l’idée de leurs pairs et ont donné des rétroactions écrites impertinentes. Hu (2005) a ensuite renversé l’ordre des rétroactions. Les étudiants ont pu interagir à l’oral d’abord pour vérifier leur compréhension du texte avec les rédacteurs, ce qui a permis de réduire le nombre des rétroactions ratées dues à la mauvaise interprétation du réviseur. Dans mon expérimentation de la révision collaborative étayée, mes étudiants ont discuté à l’oral et ils ont fait également des rétroactions écrites sur la feuille de rédaction de leurs pairs.

Selon Kellog (2003), les rétroactions des lecteurs sur comment ils ont interprété un texte, vont beaucoup aider les rédacteurs non seulement à améliorer leur texte original mais aussi à produire des textes plus compréhensibles sur d’autres thèmes. Cependant, pour réussir la révision collaborative, il ne suffit pas de mettre les étudiants en groupes.

Stanley (1992), Zhu (1995, 2001), Nguyen Thi Lai (2008) trouvent que les étudiants qui n’ont pas été préparés à la révision collaborative avaient tendance à se focaliser sur les erreurs linguistiques du texte de leurs pairs. Il est donc important de fournir aux étudiants des outils méthodologiques pour réussir cette tâche intellectuellement et socialement difficile, autrement dit il faut étayer la révision collaborative. J’ai emprunté la notion d’« étayage » développée par le constructivisme issu de Vygotsky.

1.3.1.3. La révision collaborative étayée

La révision collaborative étayée désigne un mode d’enseignement/ apprentissage de la production écrite qui consiste à amener les étudiants à la procéduralisation (l’automatisation) du processus de révision collaborative. Telle est la définition de la révision collaborative étayée proposée par cette recherche.

Le terme « la révision collaborative étayée » est ma propre traduction en français de

« trained peer review ». A mon avis, la notion « d’étayage » de Vygotsky traduira mieux l’aide interactive offerte par l’enseignant ou par le pair expérimenté au pair novice que la notion « d’entraînement ».

Dans certaines classes de FLE au Vietnam, des enseignants ont introduit la révision collaborative dans leurs classes, c'est-à-dire ils ont demandé aux apprenants d’aider leur pair à améliorer un texte. Mais cette révision collaborative est non étayée car aucun

enseignement, aucune aide n’est fourni par l’enseignant pour faciliter la tâche de révision. Par conséquent, le travail de révision se limite à la détection de quelques erreurs linguistiques.

Dans cette étude, la révision collaborative est étayée par l’enseignant-chercheur et par les pairs expérimentés. D’une part, l’enseignant-chercheur fournira au fur et à mesure aux étudiants des outils méthodologiques pour réussir la révision collaborative. Cet étayage passe par des consignes recommandant des comportements à adopter quand on fait des rétroactions au pair, des séances de démonstration de stratégies de révision sur des textes d’étudiants, des questionnaires guidant la révision collaborative élaborés par l’enseignant-chercheur pour chaque texte... (ces documents de travail sont fournis en annexes 1.3, 1.5, 1.6 ; nous y reviendrons en détail dans la deuxième partie). D’autre part, les bons étudiants peuvent aussi apporter un étayage efficace aux pairs faibles quand ils travaillent ensemble en groupe.

Pour que la révision collaborative ait des impacts positifs sur l’acquisition de la compétence de production écrite, il est indispensable qu’elle soit étayée, préparée, enseignée par le professeur de français. Plusieurs recherches montrent un rapport très étroit entre le degré d’étayage et les bénéfices de la révision collaborative (Hu, 2005 ; Berg, 1999).

Pour Chabanne & Bucheton (2002 : 19), l’étayage est un synonyme de l’enseignement :

« Enseigner, c’est étayer, c'est-à-dire non pas piloter les apprentissages ou organiser des transferts de savoirs mais créer les conditions, le désir, de les co-construire, il reste à savoir comment s’effectue ce qui est un accompagnement différencié du développement ». D’après ces auteurs, l’étayage est une conduite complexe qui exige un savoir-faire très professionnel de la part de l’enseignant.

Il n’est donc pas simple d’apporter un étayage efficace aux apprenants. Nous allons voir dans la partie qui suit des tentatives d’étayage pour la révision collaborative en classe de langues étrangères.