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Section I : Concepts d’alliances stratégiques

1. Définition des alliances stratégiques

Nombreux auteurs, ont fait le constat qu’il existe plusieurs termes et appellations pour définir les formes de rapprochement entre firmes (Baudry, 1997 ; Jolly, 2001 ; Philippart, 2003). Cependant, cette redéfinition permanente est nécessaire pour avoir une vision renouvelée et élargie des interactions entre firmes et être en phase avec les évolutions de ces formes de coopérations (Depret et Hamdouch, 2000 cités par Meier et Missonier, 2005, P7)

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Pour Bernard Garrette et Pierre Dussauge (1995), le terme d’alliance stratégique ne peut

désigner toute forme de rapprochement entre deux entreprises, mais se restreint aux formes de rapprochement qui permettent aux entreprises alliées de maintenir leur indépendance et préserver des intérêts propres, à côté des intérêts communs ayant motivés la création de l’alliance (Dussauge et Garrette, 1995, P25).

La figure 1 illustre cette relation.

Figure 1 : Représentation schématique d’une alliance (Dussauge et Garrette, 1995, P25) Alliance Entreprise B Entreprise A Objectifs et intérêts propres de « A » Objectifs et intérêts propres de « B » Objectifs communs limités

Garrette et Dussauge (1995, P27), définissent les alliances stratégiques comme étant :

« Des associations entre plusieurs entreprises indépendantes qui choisissent de mener à bien un projet ou une activité spécifique en coordonnant les compétences, les moyens et ressources nécessaires »

Ces auteurs considèrent donc que l’alliance stratégique met en relation deux ou plusieurs sociétés qui gardent leur indépendance, et qui décident de mener ensemble un projet particulier ou une activité spécifique, et ce en apportant des moyens, des ressources et des compétences nécessaires à la réussite du projet commun.

Quant à Dominique Jolly (2001), il considère que l’alliance fait partie des mots aux contours mal définis dans le champ du management. Il recense deux conceptions extrêmes pour la définition de l’alliance, une conception étroite qui considère que l’alliance se limite aux seules coentreprises et une conception très élargie qualifiant d’alliance toute forme de rapprochement entre firmes, ayant des intérêts convergents et des rapports étroits.

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Jolly (2001) donne la définition suivante :

« L’alliance interentreprises est un lien tissé volontairement entre plusieurs firmes souveraines (centres autonomes de décision stratégique n’appartenant pas à un même groupe). Elle se caractérise par la mise en commun, d’une fraction de leurs ressources pour la poursuite d’objectifs conjoints dans un espace donné et l’obtention d’avantages réciproques ». (Jolly, 2001, P5)

Les alliés préservent leur autonomie en dehors du périmètre de coopération. La figure 2 illustre cette relation d’alliance.

Figure 2 : La notion d’alliance, définition en quatre points-clés (Jolly, 2001, P5.)

Jolly (2001), s’appuie sur les quatre points clés représentés dans le schéma ci-dessus pour définir l’alliance. Nous exposerons dans ce qui suit quelques précisions sur ces dits points :

L’action conjointe sur un espace donnée : L’espace de coopération regroupe

deux dimensions : « l’horizon temporel », et « les stades de la chaîne de valeur » concernés par

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Stades de la chaîne de valeur : le domaine (l’activité) de l’alliance peut

concerner la conception, le développement, la fabrication, la commercialisation, la distribution ou la promotion d’un bien ou service.

Quelques exemples :

- Conduire des recherches en commun

- Fabriquer conjointement un composant ou un produit

L’horizon temporel : la durée de l’alliance est tributaire de la nature du

(ou des) stade(s) de la chaîne de valeur, concerné(s). Elle peut s’inscrire dans la durée si elle concerne une activité, si elle couvre l’ensemble de la chaîne de valeur d’un produit ou d’un composant. L’alliance peut avoir également une durée précisément définie, si elle porte sur une opération ponctuelle telle que la construction d’un ouvrage d’art

Mode d’organisation : les alliés peuvent choisir entre trois modes

d’organisation des tâches dans l’alliance :

 Centraliser les opérations conjointes dans une seule structure

 Se répartir les tâches selon leurs expertises

 Conduire des opérations en parallèle dans leurs propres structures, en

fixant des modalités de points de rencontre, d’échange et de coordination entre eux

Quelque soit le domaine de l’alliance, et quelque soit le mode d’organisation choisi, l’alliance implique l’existence d’un engagement commun entre les alliés et suppose un partage des risques, des pouvoirs de décision et de contrôle, ainsi qu’un partage des résultats et des responsabilités découlant d’une stratégie tracée conjointement, sur le domaine objet de la coopération. Les choix stratégiques seront discutés et feront l’objet de négociation entre les alliés avant d’être arrêtés conjointement.

La mise en commun de ressources : Les alliés peuvent mettre en commun divers

types de ressources selon le besoin découlant de la nature même de l’alliance.

Elles peuvent être des ressources financières, des moyens humains, des compétences technologiques, des actifs physiques, des capacités industrielles, un savoir faire organisationnel, des capacités commerciales …

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Pour Jolly (2001), La nature des ressources mises en commun peut constituer un critère distinctif de deux catégories d’alliance, comme illustré par la figure 3 :

Figure 3 : Deux types d’alliances selon la nature des ressources mises en commun (Jolly, 2001, P8) M ê m e p r o f i l s ( E n d o g a m i e ) P r o f i l s d i f f é r e n t s ( E x o g a m i e ) A D D I T I O N D e r e s s o u r c e s s i m i l a i r e s C O M B I N A I S O N D e r e s s o u r c e s d i f f é r e n t e s E f f e t s d e t a i l l e E f f e t s s y m b i o t i q u e s

L’endogamie reflète une alliance entre des entreprises du même milieu. Cette

alliance donne lieux à la mise en commun de ressources de même nature pour partager l’exploitation ou pour atteindre une taille efficiente ou une masse critique.

Chaque allié réalise des économies significatives en temps et en ressources

L’exogamie reflète une alliance entre des entreprises appartenant à des milieux

différents, des nations différentes, des cultures différentes…

Les alliés dans ce cas exercent souvent dans des secteurs différents et présentent des compétences complémentaires.

Les avantages tirés de l’alliance : la mise en commun, la combinaison ou l’échange de

ressources donne aux alliés la possibilité d’accéder à des avantages auxquels ils ne pourraient prétendre individuellement, appelés « avantages coopératifs ».

L’avantage coopératif ne reflète pas uniquement l’avantage financier mais concerne également l’impact de la coopération à terme sur les avantages concurrentiels de chaque allié.

En s’engageant dans une alliance la firme vise le plus souvent le verrouillage, le maintien ou l’accroissement de ses avantages concurrentiels dans son domaine d’activité (Jolly, 2001, P9).

Les jeux d’interdépendance et d’indépendance : les avantages qu’une firme tire

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Le degré de dépendance des alliés est souvent non équilibré (certains alliés sont plus dépendants que d’autres), ceci peut résulter de l’asymétrie de la taille des alliés (Jolly, 2001, P10).

Si les alliés sont interdépendants dans le cadre de l’alliance, chacun d’entre eux demeure stratégiquement autonome et juridiquement indépendant.

Les firmes peuvent ainsi être alliées dans une zone géographique donnée, sur une gamme de produits donnée et être en concurrence sur un autre périmètre.

A titre de complément, nous abordons la définition de Perrot, Ruffio et Guillouzou (2001). Ces auteurs définissent les alliances comme étant :

« Un accord entre deux ou plus de deux entreprises, concurrentes ou potentiellement concurrentes, qui s’engagent contractuellement dans un projet commun tout en conservant leur autonomie juridique et stratégique ». Ils ajoutent que : « L’alliance qui s’inscrit dans la durée, implique la mutualisation de certaines ressources et compétences, un comportement coordonné des partenaires et le partage des résultats » (Perrot, Ruffio et Guillouzou, 2001, P355 -P356).

Par cette définition, les auteurs affirment exclure du champ de l’alliance certains rapprochements tels que :

 « Les fusions ou acquisitions qui impliquent la perte d’indépendance d’au moins un

des partenaires

 Les ententes non créatrices de valeur, dont l’objectif principal est de bloquer les

mécanismes de la concurrence

 Les prises de participations minoritaires

 La coopération informelle, qui par sa nature est difficile à recenser »

Les définitions abordées dans cette section s’accordent sur le fait que l’alliance implique que les alliés gardent leur indépendance et suivent des objectifs qui leur sont propres, en dehors des objectifs communs poursuivis dans le cadre du projet commun.

Selon Jaouen (2004) (cité par Trabelssi, 2007), l’alliance prend un caractère stratégique dans le cas où :

 « Les ressources mises enjeu sont stratégiques pour l’une des parties, et donc sont

essentielles à la survie et/ou au développement de cette entreprise ;

 L’objectif de la coopération est stratégique pour l’entreprise (exemple : pénétration

d’un nouveau marché) ;

 Elle implique d’importantes mutations dans l’organisation (structure, gestion des

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 Elle apporte des changements dans le positionnement de l’entreprise et/ou sa

représentation dans son environnement (image, légitimité). »

Le tableau 1 illustre ce caractère stratégique des alliances et permet de les distinguer des alliances dites tactiques.

Tableau 1- Alliance tactique et alliance stratégique (BOUAYAD, 2007, P22)

Vision tactique Vision stratégique

Dimension juridico-financière parfois étendue à la technique

Dimension globale : financière + technologique + juridique +commerciale + géographique + image + production …

Perspective : court terme Perspective : long terme

Gain : Financier (retour sur investissement) Gain : sur une ou plusieurs dimensions ci-dessus

Implication : Faible Implication : Forte

Retour en arrière : Fort Retour en arrière : Faible

Maîtrise de l’alliance : Capitalistique et juridique

Maîtrise de l’alliance :

Facteurs-clés de succès de l’activité concernée par l’alliance

Enjeu de l’alliance : Financier, donc identique pour tous les partenaires

Enjeu de l’alliance : différent d’un partenaire à l’autre, pas de même nature

Logique de l’alliance :

Un gagnant

Des moins gagnants, si non des perdants

Logique de l’alliance : Des gagnants, mais sur des plans différents

Rapport de pouvoir = Rapport de Compétition / Confrontation Alliance conjoncturelle Rapport de pouvoir = Rapport de Compétition / Coopération Alliance structurelle

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