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1 Décrire les pratiques bilingues bimodales des adultes : genèse des ré- ré-flexions

Les réflexions développées dans nos travaux de master se fondent sur des observations empiriques des interactions d’un groupe de jeunes adultes sourds dans diverses situations (entre amis, en famille, etc.) – la présentation du corpus sera faite dans la première section. La question sous-tendant nos réflexions a donc émergé de la complexité et de la diversité langagière des données recueillies, d’une nécessité descriptive en somme, qui pourrait être formulée de la façon suivante : comment un locuteur sourd exploite-t-il les modalités vocale et gestuelle pour s’exprimer dans ses interactions quotidiennes ?

L’approche développée dans nos travaux de master poursuivait deux perspectives complémentaires. Il s’agissait de combiner, d’une part, la perspective du linguiste en développant des outils permettant de rendre compte de l’organisation structurelle de la bimodalité dans les pratiques, et, d’autre part, la pers-pective du locuteur en intégrant dans les outils une description sémantique de la bimodalité permettant de prendre en compte l’intention communicative du locuteur.

Notre cadre théorique s’inspirait déjà, pour répondre à ce double objectif, des deux approches théo-riques complémentaires que nous avons amplement rappelées dans le chapitre précédent, à savoir celle de McNeill et celle de Lüdi & Py.

Les visées de notre approche compréhensive et descriptive étaient donc d’analyser les observables langagiers du parler bilingue bimodal dans une prise en compte effective des dynamiques de toutes les composantes du discours, tout en tentant de comprendre la motivation sémantique de ces dynamiques en intégrant le vouloir-dire soit la manière dont le locuteur transmet ses représentations à travers ces dynamiques (voir pour une première définition chapitre précédent section 2.3).

Nous exposerons donc, dans les sections suivantes, la manière dont s’articulent les concepts phares de notre appréhension discursive du contact entre LS et LV pour pouvoir introduire les premiers outils descriptifs développés afin de rendre compte des manifestations du contact de langues et de modalités.

1. Décrire les pratiques bilingues bimodales des adultes : genèse des réflexions 1.1 Bilinguisme, bimodalité et surdité : une étude pionnière

Nos travaux de master [Estève, 2007, 2006] s’inscrivaient dans un projet financé par la DGLFLF en 2005 portant sur les pratiques communicatives d’un groupe de jeunes adultes de 20 à 23 ans [voir pour un rapport complet sur le projet Millet et al., 2008]. Ce projet se plaçait dans une perspective sociolinguistique dont l’objectif était de rendre compte des usages sociaux que les jeunes adultes font des langues dans leurs interactions quotidiennes – la présentation des sujets de l’étude se situe en annexe (cf. annexe 1).

Le protocole de recherche prévoyait un recueil des situations d’interactions auxquelles sont confron-tées les jeunes adultes sourds dans leur quotidien (en famille, entre amis, dans leur environnement de formation57, etc...), complété par un recueil d’entretiens semi-directifs permettant d’avoir accès aux ré-cits de vie des sujets ainsi qu’aux représentations qu’ils se font de leurs pratiques communicatives et des langues en présence.

Notre recherche portait plus spécifiquement sur le volet interaction – le détail des situations com-posant le recueil de données est présenté en annexe (cf. annexe 1). Toutefois, il nous a paru intéressant d’intégrer l’entretien mené avec une enquêtrice entendante maîtrisant la LSF comme une situation d’in-teraction spécifique, susceptible d’être le lieu de pratiques bilingues bimodales du fait de la proximité des répertoires des interlocuteurs en présence. La réunion préparatoire organisée par les enquêtrices en-tendantes pour présenter le projet et son déroulement au groupe de sujets sourds a également été associée au corpus d’interactions pour servir à l’analyse des séquences d’interactions sourds et sourds-entendants. On précisera que seuls 3 de nos sujets se sont réellement prêtés au jeu de la caméra qui leur a été fournie pour se filmer dans des interactions quotidiennes diversifiées. Les exemples servant d’ap-pui pour l’illustration des outils et des concepts qui seront présentés dans les sections suivantes seront principalement issus des pratiques de ces 3 sujets : Tom, Eva et Léa58.

1.2 Un contact de discours

En faisant se rencontrer deux langues de modalités différentes, le bilinguisme bimodal amène une possibilité articulatoire qui n’a pas d’équivalent dans le bilinguisme de deux langues vocales étant donné que les deux langues peuvent potentiellement, de par leur configuration articulatoire, être utilisées simul-tanément.

Le fait que chaque langue mobilise des articulateurs différents et qu’elles exploitent donc des canaux

57. La plupart des sujets de l’étude poursuivaient, au moment du recueil, des études post-bac ou universitaires 58. Tous les prénoms des sujets de cette étude ont été anonymés.

de transmission différents, laisse place à l’idée qu’elles peuvent être produites et perçues isolément. Cette possibilité articulatoire a donc longtemps été traduite comme rendant possible l’utilisation systématique, simultanée et parallèle de la LS et de la LV. Or, à notre sens, ce n’est pas parce que, dans le cadre du bilinguisme bimodal, la production séquentielle des langues est levée que la gestion parallèle, distincte et systématique, de deux langues aux organisations très différentes devient possible pour un même locuteur. Ainsi, si les frontières posées par la monomodalité et la séquentialité sont repoussées par le bilin-guisme bimodal, il convient, pour être en mesure de mettre au jour tout à la fois le potentiel ouvert et les contraintes résistantes, de partir des exploitations effectives de cette possibilité articulatoire dans les pratiques des locuteurs bilingues. Partant, il s’agit de proposer des outils de description et d’analyse qui soient à même de rendre compte, non seulement de pratiques linguistiquesa prioribilingues bimodales simultanées, mais de l’utilisation effective de toutes les possibilités amenées par cette configuration ar-ticulatoire spécifique : aspects bilingues ou monolingues, simultanéité ou séquentialité, modalité vocale et/ou modalité gestuelle, dimensions verbale ou non-verbale.

Décrire les pratiques des locuteurs sourds nous donne donc en premier lieu à repenser une échelle de description et d’analyse du contact de langues, qui ne peut se situer ni exclusivement à l’échelle d’une langue, ni exclusivement à l’échelle d’une modalité.

1.2.1 Envisager le contact de langues à l’échelle de la bimodalité

Afin de proposer une échelle d’analyse du contact de langues adaptée au bilinguisme bimodal, il s’agissait d’abord d’observer la manière dont les langues peuvent s’articuler à travers la bimodalité.

Or deux regards peuvent être portés sur la bimodalité : l’un que l’on pourrait associer à une vision parallèle du contact de langues considérant les pratiques des locuteurs comme deux productions linguis-tiques distinctes, juxtaposées à travers la bimodalité – acception encore prédominante dans la recherche et largement ancrée sur le terrain –, l’autre, que nous adoptons, opte pour une conception globale de la bimodalité comme lieu du contact de langues, envisageant une production unique qui se co-construit autour des deux modalités.

Nous discuterons ces deux appréhensions de la bimodalité dans les pratiques des locuteurs sourds en partant de deux exemples issus de notre corpus.

1. Décrire les pratiques bilingues bimodales des adultes : genèse des réflexions

1.2.1.1 Envisager la bimodalité comme deux productions parallèles

La focalisation sur les possibilités articulatoires du bilinguisme bimodal a longtemps limité, à notre sens, l’appréhension de la bimodalité à une vision parallèle du contact de langues.

Dans cette perspective de description, les productions bimodales correspondraient alors enune pro-duction parallèlede deux énoncés syntaxiquement et sémantiquement indépendants et conformes à cha-cune des langues utilisées, comme en donne un aperçu l’exemple suivant, où ce qui est énoncé en français est strictement équivalent à ce qui est énoncé en LSF, les normes de chacune des deux langues étant res-pectées.

Alix-Entretien

frs : oui oui j’étais là LSF : oui pte-1 la

Exemple 1 – Productionparallèle

Semblent ainsi coexister dans la production du locuteur, deux productions linguistiques indépen-dantes, sans influences apparentes.

En réalité, cette mise en œuvre de la bimodalité n’est que rarement rencontrée dans les pratiques des locuteurs bilingues bimodaux, au-delà de courts extraits, et ce, même dans des situations où l’utilisation simultanée des deux langues est apparemment contrainte par la situation de communication en présence d’un locuteur sourd et entendant par exemple [Estève, 2005]59.

Compte-tenu des incongruences syntaxiques existant entre les langues vocales et les langues ges-tuelles – ne serait-ce que par la nature du principe organisationnel qui régit chacune d’elles : linéa-ritévsspatialité –, il est difficilement envisageable que le locuteur puisse maintenir parallèlement deux constructions linguistiques différentes sans que celles-ci s’influencent. Cette conception interroge la pos-sibilité même de procéder, au niveau cognitif, à une double tâche d’encodage linguistique pour produire simultanément deux énoncés équivalents et syntaxiquement conformes à deux langues distinctes.

Soulignons, à ce propos, que cette conception parallèle des pratiques bilingues simultanées semble

59. Une première recherche menée sur le bilinguisme bimodal entendant français/LSQ nous a permis de conduire une ex-périmentation sur l’utilisation effective des langues, en présence d’un interlocuteur sourd et entendant pour questionner cette réalité de gestion parallèle et distincte des deux langues quand leur utilisation simultanée est requise par la situation de com-munication. La tâche consistait à décrire une recette de cuisine québécoise, dont on supposait qu’elle amènerait à produire des constructions locatives et donc à gérer, pour le locuteur bilingue, deux façons différentes de représenter l’espace simultané-ment. Les résultats de cette étude montrent que, même pour assurer les besoins de communication de deux interlocuteurs de langues différentes, les pratiques des locuteurs bilingues bimodaux ne relèvent pas de deux messages indépendants, conformes à deux langues distinctes. Les deux langues sont, en effet, mises conjointement au service de l’expression du locuteur, ce qui sémantiquement se traduit par des combinaisons complémentaires d’éléments en LSQ et en français. Partant, nous avons pu observer des phénomènes d’influences réciproques sur la structure des deux messages produits témoignant de dynamiques inter-modalités.

trouver son origine très largement dans un parti-pris théorique (et idéologique), supportant la pratique didactique dite decommunication totale: outil didactique qui vise l’utilisation systématique, parallèle et simultanée des deux langues par l’enseignant dans le but de garantir à tout prix l’accès à la commu-nication de l’enfant sourd. Or, les observations de terrain montrent que ces pratiques sont loin d’être parallèles et ne sont pas sans altérer l’utilisation des langues, et généralement celle de la LS [Bras, 2003; Michel, 1996; Dunant-Sauvin & Chavaillaz, 1993; Johnsonet al., 1989, entre autres].

Précisons, par ailleurs, que les premières recherches réalisées sur le bilinguisme bimodal entendant ont contribué à mettre en valeur l’écart considérable entre les principes organisationnels qui régissent les pratiques bilingues bimodales effectives et celui sous-tendant lacommunication totale[voir pour les premiers travaux Emmoreyet al., 2005] – nous reviendrons sur les résultats de cette étude dans la section 2.1.3.

Il est donc nécessaire de dépasser cette conception parallèle des pratiques bilingues bimodales, qui, selon nous, constitue une vision limitée des possibilités amenées par la bimodalité et limitant la des-cription des manifestations du bilinguisme, entretenant une focalisation sur le respect ou l’altération de l’intégrité des deux langues en présence, et qui, au bout du compte, ne fait que nourrir une appréhension parcellaire de l’expression du locuteur.

En effet, dans une perspective expressive, il est peu réaliste de penser que l’expression d’un locuteur bilingue mettrait en œuvre les deux façons de dire qu’il possède en se bornant à véhiculer une informa-tion identique dans les deux langues dont il dispose. Nous rejoignons finalement ici la prise en compte, qui nous semble indispensable, duvouloir-diredu locuteur et qui est, somme toute, peu prise en compte, à notre connaissance, dans les recherches pour comprendre ce qui motive le locuteur à exploiter conjoin-tement les langues qu’il possède, comme nous l’avons déjà mentionné (cf. Partie 1 Chap. 1 section 2.2.3). Il nous semble alors plus adéquat de rendre compte de l’expression du locuteur sourd comme d’un tout à l’échelle de la bimodalité.

1.2.1.2 Envisager la bimodalité comme une production conjointe

Les pratiques du locuteur ne peuvent être, en effet, à notre sens, saisies qu’à l’échelle de la bimodalité dans la mesure où les productions en LS et en LV co-construisent à elles deux le sens global de son expression, comme en donne un aperçu l’exemple suivant.

1. Décrire les pratiques bilingues bimodales des adultes : genèse des réflexions Alix-Entretien

frs : mais euh.. ma famille un p(e)tit peu fait un p(e)tit peu c’est mieux LSF : famille un-peu signer un-peu

Exemple 2 – Productionconjointe

Dans cet exemple, en effet, l’énoncé ne peut être saisi que dans l’appréhension conjointe des deux modalités. L’élément sémantiquement central [SIGNER] n’est produit qu’en LSF, tandis que le commen-taire sur cette pratique, exprimé par « c’est mieux », n’est énoncé qu’en français.

Nous parlerons donc, par opposition à l’idée de parallélisme et de dualité, que nous venons d’évo-quer précédemment, de productions conjointes, concept qui nous semble mieux à même de pouvoir rendre compte de la façon dont les langues peuvent s’articuler pour servir la représentation que souhaite transmettre le locuteur.

En prenant cette conception pour base, il nous a fallu dès lors abandonner l’attention restreinte à la langue – qui ne peut se défaire d’une appréhension normée et linguistico-centrée des pratiques – pour placer l’échelle de description du contact de langues entre LS et LV à l’échelle de la bimodalité.

1.2.2 Deux messages, un énoncé bimodal unique

En parlant deproductions conjointes, ce n’est dès lors plus sur les langues de référence que l’on se focalise, ni sur leur utilisation relative, mais sur la manière dont productions vocales et gestuelles s’articulent dans l’expression bimodale du locuteur. Nous avons proposé d’adopter la notion demessage

qui nous semble mieux à même de rendre compte de la manière dont s’articulent les deux modalités au service de l’expression du locuteur dans une perspective à la fois structurelle et sémantique.

Au-delà des exemples donnés précédemment, et comme nous l’avons déjà mentionné dans le cha-pitre précédent (cf. Chap. 1 section 3.2.2), l’oralité sourde démultiplie les possibilités d’exploiter la bimodalité. Dans les faits, les deux modalités peuvent être utilisées dans leurs dimensions verbales et non-verbales. Ainsi, quand nous parlons demessage c’est bien évidemment dans cette acception lan-gagière large, intégrant toutes les ressources disponibles dans lesystème langagier intégré du locuteur

tel que nous l’avons défini dans le chapitre précédent (voir pour une définition, Chap. 1 section 3.2.2), qu’elles soient vocales ou gestuelles, verbales ou non-verbales .

En reprenant à notre compte l’hypothèse proposée par McNeill [1992] sur l’énoncé60 dans la

for-60. « My own hypothesis is that speech and gesture are elements of a single integrated process of utterance formation in which there is a synthesis of opposite modes of thought global-synthetic and instantaneous imagery [...]. » [McNeill, 1992, 35]. Reprécisons, s’il est besoin, que le bilinguisme bimodal nécessite d’étendre la complémentarité gestes/paroles aux dimensions des deux modalités dans leur ensemble et aux façons de penser qui les sous-tendent. Entendons donc dans l’application que

mation duquel interviennent toutes les composantes du système langagier du locuteur, nous proposons d’analyser la production globale du locuteur à l’échelle de la bimodalité comme un énoncé langagier bimodal intégré composé de deux messages : un message vocal et un message gestuel.

Ainsi, à l’image du schéma suivant, nous proposons de rendre compte de la structure théorique de l’énoncé dans les productions bilingues bimodales comme,structurellement double– deux messages participant à la production globale –, mais sémantiquement unique – deux messages contribuent à l’élaboration d’une unité de sens unique.

Figure 3 – Structure de l’énoncé

En nous plaçant dans cette approche discursive globale des énoncés produits par les locuteurs sourds, et dans la mesure où, comme nous l’avons annoncé en introduction de cette section, les outils de des-cription visaient à rendre compte de toutes les dynamiques possibles de ce contact de discours en LS et en LV, y compris des énoncés qui pourraient être monolingues, nous ne pouvions faire fi de la question délicate du discours en LS.

1.2.3 Bimodalité dans les discours en LS : la question délicate des labialisations

Engager un regard discursif sur le contact de langues entre LS et LV exige, en effet, de poser la question des éléments langagiers disponibles au locuteur quand il est engagé dans un discours en LS.

Les réflexions menées par Emmorey [1999] sur la coexistence d’une gestualité verbale et non-verbale dans les pratiques des locuteurs sourds rejoignent, à notre sens, les dynamiques intra-modalité qu’on retrouve dans les discours en LV entre onomatopées et mots. Toutefois, ces dynamiques, parce qu’elles s’inscrivent dans la séquentialité, sont loin de rendre compte de tous les éléments langagiers mobilisés dans les discours en LV. Ce sont, en effet, davantage les articulateurs manuels et plus largement corporels – c’est à dire ceux qui ne sont pas mobilisés pour la production linguistique – qui servent de support,

nous proposons de la conception de l’énoncé proposé par McNeill : « la gestualité et la vocalité sont les éléments d’un même processus intégré de formation de l’énoncé à travers lequel se fait la synthèse de deux modes de penser opposés l’un spatial et laissant plus de place à la simultanéité, et l’autre linéaire et temporel ».

1. Décrire les pratiques bilingues bimodales des adultes : genèse des réflexions dans la simultanéité, à l’expression co-verbale de la pensée du locuteur. Ainsi, poser la question du discours en LS exige de projeter notre regard plus loin que la modalité gestuelle, en intégrant tous les articulateurs disponibles au locuteur pour communiquer. L’enjeu de notre réflexion sur le discours en LS était donc d’interroger, au-delà de la modalité première des LS, la manière dont les dimensions verbales et non-verbales du langage se distribuent à travers la bimodalité.

La question de la voix et plus largement de la bimodalité dans les pratiques des locuteurs sourds reste très polémique puisqu’elle renvoie à la question du bilinguisme dans une conception ambiante qui ne laisse de place, d’un côté comme de l’autre des positions dichotomiques, que pour une vision monomodale et monolingue de l’oralité sourde (cf. à ce propos Partie 1 Chap.1 section 1). Pourtant, comme nous l’avons succinctement abordé dans le chapitre précédent (cf. Partie 1 Chap. 1 section 1.2), la présence des labialisations – productions de mots français sans émission sonore – dans les pratiques des locuteurs sourds en LS excède les manifestations d’un bilinguisme LS/LV écrite et donne à accueillir les traces manifestes d’une oralité qui se construit au contact d’une LS et d’une LV. Les labialisations constituent donc une composante du discours en LS dont il nous faut bien rendre compte.

Dans cette perspective, nous avions proposé que les labialisations, parce qu’elles relèvent de gestes articulatoires buccaux et donc distincts des articulateurs de la modalité première des langues gestuelles, pourraient être, en partie, comparables au rôle assigné aux gestes dans les discours en LV. En effet, les critères définis par McNeill [1992, 23-24] pour argumenter les liens existant entre gestualité et parole comme formant un système unique dans les discours en LV61, nous ont semblé pouvoir rendre compte des liens entre labialisations et signes.

1. "les gestes interviennent uniquement avec la parole" : de la même manière, les labialisations ne sont pas produites en dehors d’une production signée.

2. "les gestes et la parole sont sémantiquement et pragmatiquement co-expressifs" : de la même manière, les labialisations et les signes semblent servir conjointement la transmission d’un sens