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Un débat politique autour du plan régional de développement des formations (PRDF) et du

2.  La structuration du nouvel orm sur des bases d’autonomie financière, juridique et techniques 111

3.2.  Un débat politique autour du plan régional de développement des formations (PRDF) et du

Le point d’orgue de cette construction technique d’ensemble de l’ORM fut atteint en 2002 lorsque, à la demande de la Région et avec le concours des services statistiques de l’Etat, l’ORM fut en mesure de fournir un diagnostic régional d’ensemble de l’emploi et de la formation. Ce diagnostic était réalisé par confrontation des différentes maquettes statistiques établissant sur chacun des domaines étudiés (secteurs d’activité, métiers, offre de formation, territoires) les particularités de la Région PACA. Le tout faisait apparaître certains particularismes « systémiques » de la région, notamment une forte homologie entre structure « duale » de la formation et fonctionnement à deux vitesses du marché du travail4. Au moment clé de discussion en Assemblée plénière, les débats entre groupes d’élus étaient très éclairants, pour l’équipe de l’ORM qui y assistait, sur la façon dont « le politique » peut s’emparer de travaux techniques ou au contraire les rejeter pour légitimer ses positions. A compter de cette date, l’ORM avait acquis une certaine visibilité dans le champ des institutions régionales en tant que structure d’observation et d’aide à la décision pour l’ensemble des partenaires, même si la neutralité de ses méthodes et de ses résultats pouvait toujours être remise en cause. C’est à cette époque notamment que l’Etat et la Région mirent en place un système annuel de suivi – évaluation du programme d’activité de l’ORM, l’Observatoire devant indexer des « fiches d’études » à des opérations utiles aux deux partenaires. Bien que la concertation des deux tutelles dans cette innovation constitue en soi une certaine garantie d’indépendance technique de la structure, il a été entrepris, via le Conseil scientifique puis le Conseil d’administration, de convaincre les tutelles qu’il fallait laisser sa place (en termes de budget temps et de moyens) à une « mission générale » de l’ORM pour la production des connaissances socio-économiques en région. Celle-ci en effet ne pouvait être enfermée dans les besoins à court terme des décideurs régionaux. Le rappel du travail accompli de façon pluriannuelle sur les « maquettes génériques » et l’intérêt suscité par un diagnostic d’ensemble qui n’aurait pu être réalisé sans elles ont suffi à convaincre les tutelles de mettre également en place, au côté des fiches études, des « orientations à moyen terme » destinées à maintenir une cohérence durable dans les programmes annuels de l’Observatoire et pouvant donner lieu à délibération, tant au sein du Conseil scientifique que du Conseil d’Administration.

2 A. Boyer et al. 2002. Les secteurs d’activité en PACA. Coll. Outils d’analyse. N°3.

3 B. Berenguel et al. 2000. Formation et emploi en région PACA. Contribution aux diagnostics territoriaux. Coll. Outils d’analyse. ORM. Marseille.

4 Tandis que beaucoup de formés sortaient précocement de l’école, on observait dans le même temps un taux d’accès important à l’enseignement supérieur, au détriment des formations moyennes. Sur le marché du travail la part des employés des services à la personne et la part des cadres ne laissaient que peu de place aux qualifications intermédiaires.

CONCLUSION

Moderniser la gouvernance régionale par l’expertise emploi – formation : quelle indépendance de la

« mesure » ?

Depuis 2002 – 2003, l’ORM a connu d’autres évolutions et d’autres enjeux que nous ne saurions aborder ici avec suffisamment de connaissances5. Cependant, cette première phase d’une quinzaine d’années de vie de l’ORM a permis de constituer une réflexion sur ce que peut-être une certaine

« indépendance de la mesure »6 et d’en poser les bases pratiques et institutionnelles. Il convient notamment de distinguer « fonction » et « structure » d’observation. La fonction d’observation, si elle veut être fiable, doit être à la fois insérée dans la vie des institutions et adossée aux règles et aux critères de production de la connaissance. « Insérée », c’est-à-dire pouvant répondre aux besoins de connaissance des acteurs et donc faisant l’objet d’une commande politique forte. Une observation trop tirée par des préoccupations « académiques » risque d’éloigner les acteurs qui ne sauraient trouver dans la généralité des études et de la recherche des réponses concrètes à leurs besoins d’aide à la décision. De ce point de vue, la présence d’une fonction d’observation et d’aide à la décision dans les lieux de concertation et de gouvernance régionale (Commissions techniques du PRDF7 par exemple) est un bon indice de cette insertion. « Adossée » aux règles et critères de production de la connaissance, c’est-à-dire reliée d’une façon ou d’une autre aux milieux de la recherche qui font évoluer le champ de la connaissance et des méthodes de production du savoir. En ce sens, les acteurs souhaitent souvent des réponses directes à leurs besoins qui, pour différentes raisons (et notamment parce que la réponse attendue comporte bien souvent des dimensions de négociation politique), ne peuvent être données selon « l’état de l’art » de l’observation et selon les critères d’adossement aux méthodes d’étude et d’analyse socio-économique. La structure d’observation, quant à elle, relève des conditions institutionnelles d’installation de cette fonction et c’est, concrètement, l’existence d’un observatoire pérenne occupant une place précise et délimitée dans le champ des institutions régionales.

Cela engage en particulier le rôle et l’éthique des instances de pilotage qui doivent veiller à la double condition « d’insertion » et « d’adossement » souligné plus haut, à la fois dans les principes constitutifs et dans la pratique durable. Il n’y a donc pas une formule toute faite pour réaliser la fonction d’observation mais les cadres constitutifs de l’Observatoire peuvent se révéler plus ou moins favorables à la réalisation de cette double condition.

BIBLIOGRAPHIE

Méhaut P., Richard A. (1997), « Politiques régionales de formation professionnelle. Les premiers effets de la loi quinquennale de 1993 ». Bref Céreq n°128.

Boyer A. et al. (2002), Les secteurs d’activité en PACA. Coll. Outils d’analyse. N°3, ORM.

Berenguel B. et al. (2000), Formation et emploi en région PACA. Contribution aux diagnostics territoriaux, Coll. Outils d’analyse, ORM, Marseille.

Bornand. E, Mespoulet M., Verdier E. (2007), Les politiques de la mesure. L’analyse comparée des indicateurs dans la conduite de l’action régionale, Karthala – Sciences Po Aix.

5 Se sont succédés à la fonction de direction de l’ORM : Bernard Hillau (1996 – 2003), Olivier Liaroutzos (2004 – 2010), Céline Gasquet, actuelle directrice.

6 Cf. Bornand. E, Mespoulet M., Verdier E. (2007). Les politiques de la mesure. L’analyse comparée des indicateurs dans la conduite de l’action régionale. Karthala – Sciences Po Aix. 273 pp.

7 Aujourd’hui CPRDF, comme Contrat de plan de développement régional de la formation.

L’ÉMERGENCE DE DISPOSITIFS LOCAUX DE COORDINATION : QUELLE INSTITUTIONNALISATION ? QUELLE PÉRENNITÉ ?

Maïten BEL et Dominique VIAL

Résumé

En matière d’articulation entre formation et emploi, et plus récemment entre emploi-formation-développement économique, l’action publique est difficilement lisible en raison de la multiplicité des dispositifs qui la composent et, souvent, de leur caractère instable dans le temps. Cette complexité s’explique en grande partie par la difficulté de l’exercice. Il s’agit de coordonner la production, l’échange et l’analyse d’informations produites par différentes catégories d’acteurs : entreprises, composantes de l’appareil de formation, instances publiques. De nombreux dispositifs locaux ayant pour objectif d’assurer cette coordination ont vu le jour depuis le début de la décentralisation. Cette synthèse s’appuie sur l’analyse des modalités d’émergence et de fonctionnement de quatre de ces dispositifs présents dans la Région PACA : les Maisons de l’Emploi (MDE), les Comités Locaux Ecole-Entreprise (CLEE), les Pôles Régionaux d’Innovation et de Développement Economique et Solidaire (PRIDES) et les Comités Territoriaux d’Education Formation (COTEF). Il permet de dégager des hypothèses quant à l’émergence de véritables espaces fonctionnels dans ce domaine (emploi-formation-développement économique). On nomme ici espace fonctionnel un espace dégagé de logiques purement sectorielles mais aussi de référence étroite à un territoire géographique.

L’apparition et la pérennité de tels espaces tiennent au mode de recours et de partage de la connaissance pour légitimer l’action. Elles tiennent également aux modes de participation des différents partenaires et aux règles de fonctionnement de la structure créée.

Maïten Bel est ingénieur de recherche au CNRS et a travaillé sur les questions d’action publique territorialisée dans le domaine emploi-formation tant au CEREQ qu’au CNRS (IDEP-GREQAM).

Dominique Vial est docteur en sociologie, elle a travaillé à l’Observatoire Régional des Métiers (ORM) de la Région PACA. Elle est actuellement consultante chez Amnyos.

INTRODUCTION

En matière de formation professionnelle, le paysage institutionnel français se caractérise par une grande complexité, due notamment à la multiplicité des dispositifs et aux perpétuels changements qui caractérisent ce champ de l’action publique. Ceci s’explique en grande partie par l’objet même de la construction de l’offre de formation : il s’agit d’articuler la demande des publics, la structure et les capacités d’adaptation de l’appareil de formation, ainsi que la demande des entreprises. Chacun des éléments de ce triptyque est lui-même animé de dynamiques multiples et complexes.

A une approche visant à articuler emploi et formation professionnelle s’est ajoutée plus récemment, dans les politiques publiques, la volonté d’appuyer le développement économique par l’amélioration des qualifications. Le rappel de ces éléments suffit à rendre compte de la difficulté à définir l’action publique dans ce domaine, voire de son caractère instable. Celle-ci nécessite la coordination, l’échange et l’analyse d’informations produites par différentes catégories d’acteurs : les publics, l’appareil de formation, les entreprises, les instances publiques.

Il ne s’agit pas ici de revenir sur l’histoire de la décentralisation1 de la politique en matière de formation professionnelle, mais il est important de préciser que cette complexité a été un élément majeur de la décision de décentraliser sa définition et sa mise en œuvre au profit des conseils régionaux en 1983. S’il devenait trop complexe de prendre en compte la diversité des contextes à un niveau national, l’idée s’est peu à peu développée selon laquelle la proximité géographique et/ou organisée2 (Rallet et Torre, 2004) devait faciliter les échanges entre ces différents acteurs et permettre une meilleure articulation entre emploi-formation-développement économique sur le terrain.

Ainsi, la décentralisation « à la française » est un processus dont le terme et les objectifs ne sont pas définis a priori. Depuis plus de trente ans, une suite de lois modifie la répartition des compétences entre l’Etat et les collectivités territoriales (Bel et Dubouchet, 2004) sans pour autant que le chapitre soit clos3. Après une première vague (1983) de transfert de compétences relatives à la formation professionnelle des adultes demandeurs d’emploi, les Régions4 se sont vues confier (1993) la responsabilité de mettre en cohérence l’offre de formation sur leur territoire. L’Etat central conservait alors son pouvoir dans le domaine des politiques de l’emploi tout en déployant une déconcentration5 des décisions au niveau départemental et ce, dans l’idée de développer une meilleure efficacité au regard des situations locales.

Plus récemment, la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et aux responsabilités locales a ouvert de nouvelles perspectives : chaque Conseil régional s’est vu confier « la coordination sur son territoire des actions de développement économique des collectivités territoriales et de leurs groupements », tandis que leur rôle dans « la définition et la mise en œuvre d’une politique régionale d’apprentissage et de formation professionnelle des jeunes et des adultes à la recherche d’un emploi ou d’une nouvelle orientation professionnelle » était renforcé.

Au fil du temps, de nombreux dispositifs locaux de coordination ont vu le jour. Leur nombre s’est accru au milieu des années 2000, chacun étant initié par des acteurs différents, sur des objectifs proches sans pour autant être identiques. Si tous ont pour objectif d’articuler emploi, formation et

1 La décentralisation est le processus par lequel l’État transfère des compétences et les ressources financières afférentes à des collectivités locales élues. Elle a pris forme en France à compter des lois de 1982 et 1983.

2 La proximité géographique fait référence à une distance perçue par les individus en les positionnant dans un environnement proche d’un lieu, d’une personne ou d’une organisation, alors que la proximité organisée s’affranchit de toute relation géographique et fait référence au caractère organisé des activités humaines que les acteurs établissent entre eux.

3 De nouvelles dispositions sont attendues pour l’année 2014.

4 Dans l’ensemble du texte le vocable « Région » avec un « R » majuscule désigne le conseil régional.

5 La déconcentration est le processus par lequel l’administration centrale de l’État délègue tout ou partie de la mise en œuvre de son action sur le terrain à des autorités qu’il désigne, placées sous sa tutelle et soumises à un contrôle hiérarchique : les Préfectures et les services déconcentrés de l’administration de l’État en région ou dans les départements. La déconcentration répartit le pouvoir entre le centre et la périphérie d’une même organisation.

développement économique, chacun met l’accent sur l’une ou l’autre de ces dimensions. Leur multiplication, voire leur empilement, tend à obscurcir le paysage.

Dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA), prise ici comme exemple, plus de soixante-dix nouveaux dispositifs locaux, ayant émergé dans les territoires au cours de la période 2004-2007, ont été dénombrés. Il s’agit d’une dizaine de maisons de l’emploi (MDE) et d’une quinzaine de comités locaux école – entreprise (CLEE) pour les dispositifs initiés par l’Etat ; d’une vingtaine de comités territoriaux éducation formation (COTEF) et d’une trentaine de pôles régionaux d’innovation et de développement économique solidaire (PRIDES) pour ceux conçus par le Conseil régional PACA. Pour chacun de ces quatre « modèles-types » (ou « matrices ») les règles constitutives ont été établies à partir d’expériences antérieures menées en France, voire à l’étranger, reprises et adaptées soit par l’Etat, soit par la Région.

Ces dispositifs locaux de coordination forment autant d’instruments d’action publique6 (Lascoumes et Le Galès, 2007) cherchant à équiper un espace fonctionnel7 (Nahrath et Varone, 2007). Celui-ci aide les acteurs à s’affranchir du caractère sectoriel de l’action publique en matière de formation, d’emploi et de développement économique et vise à établir des connexions entre les différents échelles territoriales (Vial, 2012).

La question posée ici concerne la capacité de ces dispositifs à contribuer à la construction d’une action publique dépassant réellement les clivages entre politiques de formation, d’emploi et de développement économique pour en faire un réel espace fonctionnel au sens de Nahrath et Varone.

Cette capacité à assurer ce rôle dépend des modes de gouvernance de ces dispositifs et des modalités d’action qu’ils empruntent, eux-mêmes fortement liés aux modalités de fabrication de leurs règles constitutives, modalités auxquelles nous nous intéressons ici.

1. RÉAPPROPRIATION ET ADAPTATION DE CADRES