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Chapitre I. Aspects historiques Une histoire de la poésie chinoise moderne

1.3. L’émergence de la poésie « d’avant-garde » dans la nouvelle période

1.3.1. Le débat autour de la poésie obscure

Si les différents mouvements qui ont secoué les champs intellectuel et artistique chinois pendant la période maoïste, depuis la campagne de rectification de 1942 ou le mouvement anti-droitier de 1957 jusqu’au Grand Bond en avant de 1958, ont contribué à réduire de plus en plus l’espace autonome de l’art et de la littérature, le début de la révolution culturelle en 1966 a entraîné non seulement la disparition de tout reste d’autonomie mais également la fermeture de ce qu’on pourrait envisager comme un champ littéraire. Autrement dit, pendant cette période, et plus concrètement durant les années 1967-1971, comme l’observait Fokkema en 1973, la scène littéraire et poétique chinoise a été complètement déserte.152 Et pourtant, c’est alors, au moment où les conditions pour la production littéraire

151 Comme on l’a déjà expliqué dans l’introductions, l’une des caractéristiques de la scène poétique dans la

nouvelle période (xin shiqi 新时期) est l’existence, à côté de la sphère officielle, d’une scène poétique « non officielle » (fei guanfang 非官方) ou (minjian 民间), héritière de la scène souterraine (dixia 地下) apparue au début des années 1960. Le terme minjian admet différentes traductions, comme « populaire » ou « parmi le peuple », renvoyant toutes à une opposition avec guanfang, c’est-à-dire, « officiel ». Minjian renvoie donc principalement à des publications ou activités qui ne sont pas subventionnées par l’État ou qui sont hors de la sphère officielle, c’est-à-dire, fei guanfang sans pour autant être « souterraines » (dixia) ou « illégales ». La poésie chinoise contemporaine est ainsi depuis la fin des années 1970 structurée en deux mondes : d’un côté le monde officiel, qui comprend, selon Michelle Yeh, « publications-newspapers, literary journals, poetry magazines, books of poetry-funded, edited, and published by the state at various administrative levels (e.g., central, provincial, city) » (Michelle Yeh, « The “Cult of Poetry” in Contemporary China », The Journal of Asian Studies, Vol. 55, No. 1, 1996, p. 51) ; de l’autre, celui des publications non officielles, faites par les mêmes poètes et avec donc une périodicité plus irrégulière et une distribution très restreinte. Cette division implique également une distinction esthétique, entre la poésie plus « traditionnelle » prônée par les publications officielles et la poésie « expérimentale » prônée par les poètes minjian, quoique la frontière entre les deux mondes ne soit pas tout à fait stricte, les publications minjian fonctionnant souvent comme une plateforme qui précède la publication dans les publications officielles. En plus, les rapports entre la sphère officielle et la sphère non officielle évoluent très vite, et la frontière entre les deux mondes tend à se brouiller, surtout à partir des années 1990, sans pour autant disparaître. « Poésie d’avant-garde » (xianfeng shige 先锋诗歌) est le terme le plus souvent utilisés par les poètes eux-mêmes pour définir cette production poétique associée au monde non officiel. Selon Michelle Yeh : « Although post-Mao experimental poetry embraces many distinct styles, advances divergent aesthetic views, and is far from a monolithic movement, on the whole it embodies a conscious departure from the official Communist ideology and a vigorous search for an alternative discourse beyond the pale of the dominant discourse.” (« Light a Lamp in a Rock : Experimental Poetry in Contemporary China », Modern China, Vol. 18, No. 4 (Oct., 1992), p. 379). Nous tenons à utiliser le mot « avant-garde » entre guillemets pour souligner qu’il y a un écart entre son sens originel, renvoyant au contexte de l’histoire de l’art européen du vingtième siècle, et le sens que ce mot prend dans le contexte de la poésie chinoise. Dans notre définition de l’idée d’« avant-garde » au sens strict nous suivons Peter Burger, pour qui elle correspond à des mouvements artistiques des années 1920 (futurisme, surréalisme, constructivisme, etc.) qui essaient de transférer l’art dans la vie pratique, ou autrement dit, qui s’opposent à l’institution art en tant qu’institution séparée de la vie. La spécificité de la dimension avant-gardiste n’est donc ni le style ni une manifestation contre l’art antérieur. Dans le contexte chinois, par contre, l’idée de poésie d’« avant-garde » prend un sens beaucoup plus large, qui renvoie à l’idée d’une poésie expérimentale ou à celle d’une recherche esthétique qui s’écarte de l’orthodoxie (Peter Burger, Théorie de l’avant-garde, Paris, Editions Questions théoriques, 2013).

152 D.W. Fokkema, « The Forms and Values of Contemporary Chinese Literature », New Literary History, Vol. 4,

étaient plus que jamais défavorables, que la reconstruction du monde poétique chinois a commencé à s’insinuer à travers l’avènement d’une littérature souterraine (dixia wenxue 地下 文学), ou plus exactement, d’un espace de production et de circulation de textes littéraires au- delà de la sphère publique et officielle. Comme l’explique Van Crevel, malgré la difficulté de dater avec précision le phénomène, il semble que c’est vers le début des années 1960 qu’une certaine scène souterraine a commencé à émerger en Chine. Cela tenait, selon Van Crevel, à des changements dans le climat politique vers la fin des années 1950. D’abord, les conséquences catastrophiques du Grand Bond en avant avaient miné le pouvoir de Mao et ébranlé la confiance des intellectuels et des écrivains, les rendant par conséquent plus réceptifs à des influences hétérodoxes ; ensuite, la perte d’une partie du pouvoir de la faction maoïste au profit de la faction pragmatique avait entériné un relâchement du contrôle politique sur la sphère intellectuelle et culturelle. Le chaos de la révolution culturelle n’a fait que renforcer les conditions pour le développement de cette scène souterraine, en approfondissant le scepticisme envers le Parti et en détendant encore plus le contrôle sur les jeunes instruits (zhiqing 知青) qui en étaient l’épicentre. L’accès aux « livres aux couvertures jaunes » (huangpishu 黄皮书) a également contribué à ce que la poésie mûrie dans cet espace alternatif se développe en même temps dans une direction qui s’écartait radicalement des lignes imposées par l’esthétique orthodoxe153. Ces livres étaient en grande partie des ouvrages occidentaux qui avaient été traduits à partir des années 1960 en tant que « matériel à consultation interne » (neibu cailiao 内 部 材 料 ), c’est-à-dire des documents destinés à l’origine à circuler dans la sphère restreinte des fonctionnaires du parti. Le chaos de la révolution culturelle avait contribué à la dispersion et à la circulation de cette littérature interdite entre les « jeunes instruits » qui en profiteraient pour créer une poésie à l’écart de la littérature officielle. Dans ce sens, comme le signale Yu Yang, l’écriture souterraine de l’époque de la révolution culturelle est liée de manière très étroite à l’influence de la

153 « The late 1960s and especially the early 1970s saw a paradoxical situation : ideological repression had been

whipped up to a fever pitch, declaring virtually everything but sanctioned products of "the combination of Revolutionary Realism and Revolutionary Romanticism" out of bounds, but its victims were reading more heterodox literature than ever before. Ironically, the Party's narrowly and rigidly enforced policies in cultural matters had been at the root of the choice of some of the translated works and the high quality of the translations. The havoc of the "Ten Years of Chaos" gave an unintended audience access to these works. » (Maghiel Van Crevel, « Underground Poetry in the 1960’s and 1970’s », Modern Chinese Literature, vol. 9 n°2, 1996, p. 182). Voire également Yu Yang 余旸, « “Menglong shi” lunzheng – “Zhongguoshi” xiandaizhuyi shige de jiannan xushu “朦胧诗”论争--“中国式”现代主义诗歌的艰难叙述 » [Le débat sur la poésie menglong – le difficile récit de la poésie moderniste aux caractéristiques chinoises], Yangzi jiang pinglun, 2009, nº 6, pp. 14-24.

littérature moderniste occidentale telle qu’elle apparaissait dans ces « matériaux à consultation interne »154.

La fin de la période maoïste et l’ouverture relative qui a suivi la montée de Deng Xiaoping au pouvoir ont par la suite créé les conditions nécessaires pour la sortie au grand jour de cette production hétérodoxe. L’apparition de Jintian (今天) en décembre 1978 marque le passage à cette nouvelle étape. Lancée par des jeunes poètes qui avaient participé parfois activement aux débuts de la Révolution culturelle et qui avaient été renvoyés plus tard, en tant que « jeunes instruits », à la campagne, la revue est la première publication littéraire non officielle à paraître en Chine155. Elle représente ainsi un moment emblématique dans l’histoire non seulement de la poésie chinoise mais également de la littérature chinoise de la nouvelle période. La poésie, encore une fois, comme à l’époque de la Nouvelle culture, se trouvait à l’avant-garde même de la nouvelle littérature. Jintian était en effet, comme le signale Van Crevel, la pièce fondamentale dans la formation d’un espace littéraire minjian. Pour les jeunes poètes, elle a signifié d’abord le passage d’une modalité de circulation à petite échelle, avec des manuscrits distribués de la main à la main, à une autre où les textes étaient maintenant reproduits mécaniquement et distribués hors des cercles des seules connaissances ; mais elle a été ensuite aussi un canal de communication entre cet espace minjian et l’espace officiel (guanfang), des poèmes de la revue ayant été repris dès 1979 par des revues officielles156. En fait, comme le signale Hong Zicheng, les ouvrages des poètes de la revue Jintian avaient largement circulé dans des publications officielles à partir de 1979, avant de devenir l’année suivante le centre d’un intense débat dans ces mêmes publications. Déjà en 1979 la poésie des jeunes poètes avait mérité les commentaires critiques, mais pas tout à fait hostiles, du vieux poète ou poète « retournant » (fuchu 复出) Gong Liu 公刘, qui, dans un article paru en octobre de cette année-là dans la revue Xingxing 星星 avait exprimé sa peur à l’égard des déviations auxquelles les jeunes poètes pourraient être amenés du fait de leur « partialité

154 Selon Van Crevel « their acquaintance with foreign literature in translation was crucial for their development

as poets. » (Underground Poetry..., op. cit., p. 181).

155 « The first transformative public appearance of domestic underground literature on any scale of note occurred

during the Beijing Spring of November 1978-May 1979. Literary journals such as Beijing’s Today appeared among numerous unauthorized political journals that were sold at Beijing’s Democracy Wall and similar locations in other major Chinese cities. Many of these journals also published poetry of a political nature, but Today was the only journal with a professed commitment to non-political literature, both poetry and fiction. » (Michael Martin Day, China’s Second World of Poetry: the Sichuan Avant-garde, 1982-1992, thèse doctorale, Leiden, DACHS, 2015, p. 19).

historique » (lishi de pianmian 历史的片面) et de leur « pessimisme » (beiguan 悲观)157. Mais ensuite, et notamment à partir du « Symposium poétique national » (Zhongguo shige taolunhui 全国诗歌讨论会) organisé à Nanning (南宁) en mai 1980, les jeunes poètes se sont trouvés au centre d’un débat dans lequel deux positions irréconciliables s’esquissaient de manière très claire : celle de ceux qui les envisageaient comme responsables d’une crise de la poésie chinoise et celle de ceux qui les voyaient comme étendards d’une renaissance.158 Dans « Cette obscurité oppressante » (Ling ren qimen de “menglong”令人气闷的“朦胧”), un article paru en août 1980 dans la revue Shikan, le critique Zhang Ming (章明) a utilisé par la première fois le mot menglong pour qualifier une certaine poésie envisagée comme « abstruse et bizarre » (huise 晦涩、guaipi 怪僻). Même si l’article de Zhang Ming visait la poésie de certains vieux poètes, comme Du Yunxie 杜运燮, qui plus tard seraient placés dans « l’école des Neuf feuilles » (Jiuye shipai 九叶诗派), l’adjectif est ensuite devenu courant pour qualifier la poésie des jeunes poètes. Au-delà de la question de l’obscurité des textes159, les avis étaient partagés entre ceux qui préconisaient une voie nationale ou chinoise, et ceux qui prônaient un haut degré de réceptivité envers la poésie occidentale moderne. Pour les premiers, la nouvelle génération de poètes était clairement victime de l’influence corruptrice de la littérature occidentale. « They slavishly imitated foreign models, especially “Modernist” tendencies – which, it was stressed, long ago been rejected by the foreigner themselves. From there it was but a small step to the inevitable appeal to nationalism: the Obscure poets were accused of forsaking the native tradition. »160 Dans ce sens, le débat sur la poésie obscure est le début d’un débat plus large concernant la légitimité du modernisme chinois.

Représentant de la partie favorable à l’ouverture à l’Occident, Xie Mian 谢 冕 , professeur à l’université de Pékin et directeur de la revue Shi tansuo 诗探索 (Exploration poétique), a été l’un des premiers à défendre publiquement les jeunes poètes. Dans « Face à l’émergence du nouveau » (Zai xin de jueqi mianqian 在新的崛起面前 ), paru en mai 1980 dans le Guangming ribao, Xie Mian signalait d’emblée le lien entre la poésie des poètes obscurs et la tradition du 4 mai, qu'il défendait nettement, à contre-courant de la vision

157 Yu Yang, « “Menglong shi” lunzheng... », op. cit., p. 16. 158 Hong Zicheng, Zhongguo dangdai xinshi..., op. cit., p. 175.

159 Nous disons « au-delà », mais la question de l’obscurité du texte n’est pas de tout neutre ni sans rapports avec

la question de l’identité. L’obscurité de la poésie moderne étant souvent associée par ses critiques au modernisme occidental, ses avocats doivent s’attacher à montrer l’existence d’une « poésie obscure » dans la tradition chinoise.

critique prédominant depuis la période maoïste. Il faut rappeler que le noyau de cette vision critique, comme nous l’avons vu, est la dénonciation du caractère trop européanisé de cette poésie qui avait coupé les liens avec la tradition classique et qui restait à l’écart des traditions populaires et inaccessible aux masses. Xie Mian, au contraire, voyait là le signe d’une ouverture au monde et la condition de possibilité d’une richesse que la poésie chinoise avait atteinte entre les années 1920 et les années 1940. « Rejeter résolument ces formes poétiques rigides et mortes, ouvrir toute grande la porte et absorber toutes les choses utiles pour aider la croissance de la nouvelle poésie : cela est l’expérience réussie de la révolution de la poésie nouvelle du 4 mai. » (坚决扬弃那些僵死凝固的诗歌形式,向世界打开大门吸收一切有

用的东西以帮助新诗的成长,这是五四新诗革命的成功经验161). En revanche, pour Xie

Mian, le chemin pris par la poésie chinoise à partir de la campagne de massification des années 1930 était une voie « de plus en plus étroite » (zhaixia de daolu 窄狭的道路), mettant l’accent sur le « caractère national » et la « massification » de la poésie, et rattachant ces deux objectifs à la conservation de la « tradition ». Mais la tradition, signale Xie Mian, n’est pas quelque chose de « fixe, invariable, mort » (ninggu de、bubian de、jiangsi de 凝固的、不变 的、僵死的). La tradition « est en train de se développer de manière vivace » (传统在活活泼 泼地发展着)162. L’ambiguïté dans l’emploi du concept de tradition devient manifeste dans l’explication de son rapport avec la nouvelle poésie. D’une part, selon lui, les poètes de la génération du 4 mai étaient des anti-traditionalistes qui ont dû « rejeter ces formes poétiques rigides et mortes » (扬弃那些僵死凝固的诗歌形式) et s’ouvrir au monde ; de l’autre, « l’influence latente de la poésie classique sur la poésie chinoise ne s’arrêtera pas » (它[旧诗] 对中国诗歌的潜在影响将继续下去163). D’une part, donc, on peut « percevoir l’influence de la tradition de la poésie chinoise ancienne » (感受到中国古代诗歌传统的影响) chez les poètes modernes ; de l’autre, ces poètes « empruntent de manière principale, de manière plus directe, à la poésie étrangère » (他们主要的、更直接的借鉴是外国诗164). Il est clair ainsi que pour Xie Mian la poésie chinoise moderne doit être surtout conçue à partir de son rapport avec la poésie occidentale, à laquelle elle emprunte de manière directe dans le but de « créer

161 Xie Mian 谢冕, « Zai xin de jueqi mianqian 在新的崛起面前 » [Face à l’émergence du nouveau]. Disponible

sur https://www.douban.com/note/542667640/ (Dernière consultation 03/12/2019).

162 Ibid. 163 Ibid. 164 Ibid.

une poésie nouvelle tout à fait différente de la poésie traditionnelle » (铸造出和传统的旧诗

完全不同的新体诗165).

C’est à une conclusion semblable que semble arriver le poète et critique Xu Jingya 徐 敬亚, dans son texte « Les groupes poétiques émergents » (Jueqi de shiqun 崛起的诗群) paru au début de 1983, juste avant le déclenchement de la campagne contre la pollution spirituelle (Qingchu jingshen wuran 清除精神污染) qui marque la fin du débat. Xu met l’accent d’emblée sur le caractère « inexorable » (bu ke ezhi de 不可扼止的) du modernisme. Ainsi, le modernisme est, pour lui, « le résultat du développement de la civilisation matérielle jusqu’à un certain niveau. » (是人类物质文明发展到一个特定阶段的产物166). Dans ce sens, « de même que l’émergence de l’économie capitaliste a produit une renaissance artistique et littéraire, l’émergence de l’art moderne est le produit nécessaire du mode de production et du mode de vie modernes. » (正如资本主义经济的兴起带来了文艺复兴一样,现代艺术的出 现,是现代生产方式和生活方式的必然结果167). Mais, comme le signale Yu Yang, pour que le « modernisme » obtienne une légitimité plus profonde, au constat de son « universalité » devait forcément se joindre la recherche d’une « identité chinoise »168. Autrement dit, il s’agit de défendre les rapports de ces poètes avec le modernisme occidental tout en soulignant que leur poésie n’est pas pour autant moins chinoise. Pour ce faire, Xu met d’abord l’accent sur le fait que la nouvelle génération de poètes a commencé à écrire au milieu de la fermeture totale amenée par la Révolution culturelle. Ainsi, l’avènement de cette poésie « ne s’est pas produit à une époque florissante d’échanges culturels entre la Chine et l’Occident, mais justement au moment où le chemin de l’art et de la littérature nationaux était plus étroit que jamais » ( 它的发生不是在中外文化交流的繁盛时期,恰恰是在我国文艺 道路最狭隘之时169). Ensuite, il fait une distinction tranchée entre forme et contenu, pour souligner que, alors que les poètes ont « un certain degré d’affinité au niveau des techniques avec la poésie moderniste occidentale » (在艺术手法上,它们与西方现代诗歌有相当程度 的契合170), le contenu de leur poésie, le « moi » (ziwo 自我) exprimé par leur poésie, est indubitablement chinois, c’est-à-dire qu'il est l’expression de l’expérience historique de la

165 Ibid.

166 Xu Jingya 徐敬亚, « Jueqi de shiqun 崛起的诗群 » [Les groupes de poésie émergents]. Disponible sur

https://max.book118.com/html/2018/0615/172637885.shtm. (Dernière consultation 04/12/2019).

167 Ibid.

168 Yu Yang, « “Menglong shi” lunzheng... », op. cit. 169 Xu Jingya, « Jueqi de shiqun », op. cit.

société chinoise en général et de cette génération en particulier. Finalement, concernant le rapport avec la tradition, le point de vue de Xu se rapproche de celui de Xie Mian et de sa vision du caractère « latent » de la tradition poétique. Car si « en apparence » (biaomian shang kan 表面上看), dit Xu, les jeunes poètes ont une attitude de rejet de la poésie classique et populaire, « ils héritent de manière invisible de l’âme de cette tradition culturelle » (但他们

却无形中继承了这一文化传统的灵魂).171

Pour en revenir à l’analogie posée par Xie Mian entre la poésie menglong et la littérature du mouvement du 4 mai, cette analogie nous semble valide non seulement dans la mesure où, comme l’entend Xie Mian, la poésie menglong, à l’instar de son prédécesseur