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2.6 L’INFLUENCE DE L’ETHNICITÉ SUR LE PROCESSUS DE GSTI

2.6.1 Culture sociale : définitions et dimensions

Les phénomènes d’externalisation et de délocalisation ont augmenté la nécessité et l’opportunité pour les entreprises à cerner l’importance de la culture, mais aussi à mieux comprendre ce concept (Nicholson et Sahay et Krishna, 2003). Importée des sciences sociales où elle tire ses origines, la culture est un concept qui s’insère efficacement en science de gestion. Son insertion se justifie par le fait que les organisations sont souvent considérées comme une société en miniature. De ce fait, elles possèdent des caractéristiques et des éléments spécifiques issus de leurs histoires et des vécus des acteurs qui les composent et qui y travaillent. Ces caractéristiques influencent considérablement leurs gestions en général et celles des outils qu’elles utilisent comme les TI en particulier. La culture occupe donc une place de choix dans la gestion.

Toutefois, elle reste toujours un concept complexe et ambigu du fait des multiples définitions et significations qui lui sont données par des chercheurs (Straub, Loch, Evaristo, Karahanna et Srite, 2002). Plus d’une centaine de définitions de la culture a été recensée par Delavalee et Joly (2002). Ils précisent que ces définitions mettent l’accent sur des termes et les composantes aussi variés les uns des autres tels que : un ensemble des valeurs et des normes communes à l’ensemble des membres d’une organisation; les symboles, les mythes, les mœurs, l’histoire, les coutumes et les leaders qui caractérisent la mémoire d’un groupe social.

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Meier (2004) définit la culture comme des éléments communs à l’ensemble des acteurs d’un groupe humain qui le différencie des autres. Ces éléments sont les valeurs, les croyances, les expériences, les usages et les normes comportementales communes. Le groupe humain peut-être une société, une organisation, un sous-groupe d’organisation, une ethnie… La culture est définie également comme « une façon concrète, cet ensemble constitue un cadre de pensée et d’action, dont la construction, l’adoption, la remise en cause et l’évolution est le produit du rassemblement, de la communication et de l’interaction des êtres humains tout au long de l’histoire du groupe » (Bellahcene, 2015, p.15).

Pour Moran et Meso (2008), la culture est considérée comme un modèle regroupant les valeurs, les croyances, les attitudes, les pratiques, les comportements et les méthodes. Ces éléments constitutifs de la culture peuvent être inventés, découverts ou développés par les membres du groupe. Les objectifs visés étant de faire face à la complexité de l’environnement, de s’adapter aux exigences externes et d’établir les conditions d’intégration. Ce modèle possède une certaine validité et est transmis aux nouveaux membres (en tant que méthode correcte pour percevoir les problèmes, y réfléchir et les aborder) par l’intermédiaire d’un microsystème de signes (mots, gestes et symboles visuels), codes (langue, art) et textes écrits et oraux (Rabasso et Rabasso, 2007). Certains considèrent la culture comme un ensemble de thèmes cohérents et étroitement intégrés, qui se manifeste sous la forme d’une mentalité générale omniprésente influençant en permanence les individus (Fu, Morris, Lee, Chao, Chiu et Hong, 2007), leur permettant d’avoir une même vision du monde et les mêmes valeurs (DiMaggio, 1997).

Hofstede (1991), de son côté définit la culture comme un ensemble de schèmes collectifs mentaux qui distinguent les membres d’un groupe ou d’une catégorie de personnes par rapport à une autre. Cette dernière définition tend à montrer que dans chaque culture, les individus développent des réactions réflexes, non conscientes, qui gouvernent leur manière de penser, d’agir et de se comporter. Elle introduit la notion de ¨programmes mentaux¨ pour désigner, par analogie aux programmes informatiques,

tous les processus acquis (Belalia et Crepadc, 2004). Dans le but de mieux maîtriser le concept de la culture, nous constatons que plusieurs chercheurs se sont appuyés sur des concepts d’autres disciplines (Hofstede 2004; Schein 1985).

Pour un auteur comme Walsham (2002), la culture est considérée comme des symboles communs, des normes et des valeurs dans une collectivité sociale. Bollinger et Hofstede (1987) soulignent que la culture est un processus structuré de penser et de se comporter d’un groupe humain. L’ensemble des constituants de la culture représente l’identité spécifique du groupe qui peut être acquise et transmise par des symboles. Le cœur de la culture hérité de l’histoire, est constitué d’idées traditionnelles et des valeurs qui leur sont attachées. Cette considération de la culture a pour particularité de présenter les éléments culturels qui sont transmis, le mécanisme de leur transmission, leur origine et leur importance. Une analyse de toutes ces définitions et considérations nous a permis de dégager deux courants de recherche sur la culture en sciences sociales, un premier qui soutient que la culture est une entité tacite qui évolue naturellement (Hofstede, 1991) et un deuxième pour qui la culture est quelque chose d’explicite qui évolue à travers l’interaction sociale (Schein, 1990).

Un autre débat soulevé dans la littérature est le manque de consensus sur le caractère dynamique ou statique de la culture. Dans ce débat, Beck, Sznaider et Winter, (2003) et Walsham, (2002) perçoivent la culture comme un système dynamique en perpétuelle évolution, qui se construit et se reconstruit par l’interaction entre les personnes et l’intervention des autres. Pour certains auteurs, la culture change très lentement dans le long terme. Certains éléments culturels ne changeant pas (Schein, 1999) alors que d’autres sont plus dynamiques peuvent être influencés et modifiés plus facilement. Ils justifient ce changement lent par le fait que l’existence humaine est marquée par des changements et des adaptations (Leidner, 2010). Enfin, les auteurs comme Hofstede (1991), qui ont développé ou utilisé des modèles et des dimensions culturelles fondent leur analyse sur les caractères statiques de la culture avec des aspects plus stables. Il identifie trois types de culture : la culture nationale, la culture du groupe d’appartenance et la culture organisationnelle.

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Par contre, la conceptualisation contemporaine ou bien récente de la culture défend que ce concept n’ait pas seulement des caractéristiques statiques, mais qu’elle regroupe de plus en plus une théorie émergente, constructive et évolutive (Kappos et Rivard 2008; Leidner 2010). Cette évolution de la perception de la notion de culture est attribuée à l’utilisation des perspectives interprétativiste et constructiviste sociales dans les études portant sur l’impact de la culture sur l’innovation en SI. Ces contributions critiques de la culture remettent en cause les dimensions de culture de Hofstede, en précisant que ces dimensions ne prennent pas en compte la complexité de la culture dans le monde moderne et ne donnent pas des explications concernant la création, la modification, l’émergence et la destruction des dimensions culturelles (Myers et Tan, 2003).

Les entreprises qui sont de plus en plus des organisations dans lesquelles il y a brassage des différents groupes créent par conséquent un environnement interculturel. Elles sont devenues des structures à fort foisonnement culturel qui imposent aux employés une modification progressive de leur comportement, de leur croyance et de leurs attentes (Abbott, Zheng, Du et Willcocks, 2013; Koh, Ang et Straub, 2004). Cette modification engendre parfois la naissance d’une forme de culture hybride considérée comme étant une culture négociée (Brannen et Salk 2000; Walsham 2002). Cette mutation culturelle ne se fait pas toujours facilement au sein des entreprises. Elle est susceptible d’engendrer des coûts supplémentaires et un niveau de risque élevé (Cramton et Hinds 2014; Hahn et Inhorn 2009). La réalisation des actions communes par des personnes ayant différentes cultures (actions interculturelles), est susceptible d’engendrer des phénomènes de résistance, de conflits, de rétention d’information et de connaissances, de désengagement. Phénomènes qui sont des freins à l’efficacité des actions interculturelles et à la réalisation des objectifs des projets de l’entreprise.

Pour réduire le niveau de risque et minimiser les coûts y afférents, il est indispensable d’améliorer la qualité des interactions interculturelles. Certaines pratiques d’amélioration ont été identifiées dans la littérature telles que : une formation culturelle des employés (Kaiser et Hawk, 2004); l’exploitation des mentors qui sont

des individus ayant plus de connaissances sur la culture des autres nations (Bird et Osland, 2005) et qui peuvent jouer le rôle de liaisons entre les personnels de différentes cultures (Carmel et Agarwal, 2001); l’organisation des stratégies de gestion des ressources humaines par des actions d’harmonisation et de coordination des personnes ayant des cultures différentes (Leonardi et Bailey 2008); la codification si possible des connaissances appropriées en vue de mettre ces connaissances à la disposition des autres utilisateurs (Kotlarsky, Scarbrough et Oshri, 2014.); la mutualisation, le partage des outils TI avec des partenaires d’affaires; la mise en place des mesures incitatives, des mesures de motivation et une adaptabilité ainsi qu’une flexibilité dans la gestion des ressources (Lacity et Willcocks, 2013; Rottman et Lacity, 2006).

Face à ces multiples dimensions de la culture sociale, il nous a semblé important de positionner l’aspect de cette culture qui sera étudiée dans le cadre de notre thèse et surtout qui cadre le mieux avec le contexte de notre recherche qui est l’ethnicité.