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L’intérêt pour la CO dans le domaine du service social est relativement récent (Davies et al., 2000; Glisson et James, 2002; Hemmelgarn et al., 2006). Néanmoins, le développement de la recherche sur la CO a permis d’identifier et de mieux comprendre les mécanismes et les dimensions entourant la CO.

La CO donne un contexte structurant essentiel au développement et à la pérennisation d’une pratique reposant sur l’utilisation des meilleures connaissances (Chagnon et al., 2012a; Glisson et James, 2002). La CO est constituée des présuppositions, croyances et valeurs qui caractérisent l’organisation (voir Annexe 2) (Chagnon et al., 2012a; Schein, 2004). Elle influence fortement les attitudes, décisions et comportements du personnel (Belkhodja et al., 2007; Davies et al., 2000; Schein, 2004). Elle agit comme mécanisme de contrôle social puisqu’elle dicte en quelque sorte la façon de penser et d’agir dans un milieu de travail (Schein, 2004).

Les chercheurs de la Chaire d’étude sur l’application des connaissances dans le domaine

des jeunes et des familles en difficulté se sont inspirés des travaux de Schein (2004) pour définir

la CO (Annexe 3). Selon cet auteur, la CO se manifeste dans les présuppositions, les valeurs et les artéfacts. Ces derniers influenceraient de manières spécifiques l’utilisation des connaissances.

Les présuppositions sont les croyances profondément ancrées dans un milieu de travail et partagées par les membres du personnel. Ces croyances teintent la façon dont le personnel perçoit

et interprète les décisions, les activités et les interactions au sein du milieu de travail. Elles sont développées au fil du temps à partir des stratégies employées dans le passé afin de résoudre les problèmes auxquels l’organisation est confrontée. Ces stratégies sont ensuite enseignées et réutilisées par les nouveaux employés. Conséquemment, les présuppositions forment des schèmes de pensées ou d’interprétation pour les membres du personnel. Un groupe possède donc une culture spécifique lorsque les membres partagent un même schème. Les présuppositions contenues dans ces schèmes sont abstraites, intangibles et donc difficilement observables (Chagnon et al., 2012a; Schein, 2004).

Contrairement aux présuppositions, les manifestations des valeurs sont plus facilement observables. Les valeurs découlent des présuppositions. Elles sont le fondement de l’identité d’une organisation, car elles sont à la base des processus décisionnels. Contrairement aux présuppositions, leurs manifestations sont plus facilement observables. Elles créent indirectement des normes qui apportent des directives quant aux comportements qui sont tolérés ou non dans un groupe. Elles définissent donc des habitudes et des normes sociales auxquelles les membres adhèrent ce qui influence inévitablement les façons de penser et d’agir de ces derniers dans l’organisation (Chagnon et al., 2012a; Schein, 2004).

Les artéfacts, quant à eux, sont les manifestations concrètes et observables des valeurs. Ils correspondent aux procédures, aux pratiques, aux mécanismes et aux ressources d’une organisation. Par exemple, les routines, les règles, la structure du travail et les stratégies de gestion de connaissances sont des artéfacts qui renferment certaines valeurs et présuppositions. Les manifestations des artéfacts peuvent être notées à l’intérieur des mécanismes et des ressources représentant les sept capacités organisationnelles. Il est important de comprendre que les présuppositions, les valeurs et les artéfacts sont interdépendants. Par exemple, bien que les artéfacts découlent des valeurs, ils peuvent à leur tour les influencer. Cette situation s’applique également aux autres niveaux de la CO (Chagnon et al., 2012a; Schein, 2004).

3.4.1 Types de culture

Malgré son caractère relativement stable, la CO évolue au fil du temps et peut donc être adaptée selon la vision et les orientations d’une organisation (Schein, 2004). Elle peut offrir un

milieu propice à l’utilisation des meilleures connaissances et favoriser l’innovation, la performance ainsi que l’amélioration de la qualité des services d’une organisation (Chagnon et al., 2012a). Une organisation possède sa propre culture, mais celle-ci est tributaire d’un ensemble de cultures locales (sous-cultures) qui caractérisent chacun des secteurs d’une organisation (Schein, 2004). Ainsi, chacun des groupes dans un établissement a une culture spécifique à sa profession, son milieu de travail, ses missions, ses tâches, etc.

Bien qu’il est considéré qu’un groupe ou une organisation possède généralement une culture dominante, plusieurs types de culture peuvent coexister au sein d’un même groupe ou d’une organisation (Schein, 2004). Par conséquent, plusieurs types de culture peuvent être présents simultanément, mais à des degrés différents. Il n’existe pas une culture meilleure qu’une autre, mais celle-ci doit être adaptée aux tâches à accomplir et à l’approche que l’organisation veut mettre de l’avant par rapport à l’UDP par exemple (Schein, 2004).

Afin d’illustrer les différents types de cultures, Chagnon et ses collaborateurs (2012) se basent sur le modèle des valeurs concurrentielles (Competing value framework) de Cameron et Quinn (2006) (voir Annexe 4). Ce modèle est utilisé par plus d’un millier d’organisations de divers milieux organisationnels partout à travers le monde (Chagnon et al., 2012a). La CO résulterait d’une dynamique entre quatre types de culture en opposition (i.e. de groupe, de développement, hiérarchique et rationnelle), mais qui sont complémentaires et tous essentiels à la performance d’une organisation. Les quatre types de cultures se placent sur deux axes. Les deux pôles du premier axe sont 1- la souplesse et la versatilité et 2- le contrôle et la stabilité. Ces pôles reflètent la structure de l’organisation et touchent davantage au développement et à l’application des connaissances. Le deuxième axe désigne quant à lui 1- le développement et le bien-être du personnel et 2- le développement de l’organisation elle-même et sa place dans son environnement (Cameron et Quinn, 2006; Chagnon et al., 2012a). Bien que les objectifs soient différents entre les pôles, chacun remplit une mission spécifique qui est nécessaire à la performance d’une organisation.

Chaque type de culture correspond à la combinaison d’un des deux pôles de chaque axe (Cameron et Quinn, 2006). Premièrement, axée sur l’individu, la culture de groupe mise sur la communication et la collaboration au sein du groupe par le partage de valeurs et de buts

communs. Un sentiment d’engagement et le désir de participation au développement de la pratique constituent deux éléments fondamentaux à cette culture. Celle-ci est aussi caractéristique d’un environnement permettant l’actualisation du potentiel de chacun des membres du personnel. De son côté, la culture de développement est centrée sur la croissance, l’innovation, l’expérimentation et la créativité des membres et de l’organisation. Elle s’attarde autant que la culture de groupe sur le développement et l’application des connaissances, mais elle vise le développement et l’application au niveau organisationnel plutôt qu’individuel (Cameron et Quinn, 2006; Chagnon et al., 2012a).

Par ailleurs, la culture hiérarchique permet la standardisation des règles et des procédures à appliquer à l’intérieur d’une organisation. Elle implique également un contrôle sur l’allocation des ressources, la définition des tâches et des responsabilités ainsi que l’uniformisation des processus. Elle se réfère également à l’image de la bureaucratie. Par contre, il faut aborder le terme « bureaucratie » non pas de manière péjorative, mais comme une méthode de fonctionnement ayant ses forces et ses limites. Finalement, la culture rationnelle fonde ses principes sur l’échange et la réponse aux besoins de l’environnement externe à l’organisation. Elle permet l’atteinte des résultats et aussi l’efficacité des procédures. Bref, la culture hiérarchique et la culture rationnelle servent à assurer la stabilité et la productivité de l’organisation en assurant un certain contrôle sur les opérations et les ressources du milieu (Cameron et Quinn, 2006; Chagnon et al., 2012a).