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L'impact de la culture organisationnelle sur l'utilisation des données probantes chez les intervenants et les gestionnaires en intervention sociale

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Academic year: 2021

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L’IMPACT DE LA CULTURE ORGANISATIONNELLE SUR L’UTILISATION DES

DONNÉES PROBANTES CHEZ LES INTERVENANTS ET LES GESTIONNAIRES

EN INTERVENTION SOCIALE

Mémoire

Samuel Mathieu

Maîtrise en service social

Maître en service social (M.Serv.Soc.)

Québec, Canada

(2)

L’IMPACT DE LA CULTURE ORGANISATIONNELLE SUR

L’UTILISATION DES DONNÉES PROBANTES CHEZ LES

INTERVENANTS ET LES GESTIONNAIRES EN

INTERVENTION SOCIALE

Mémoire

Samuel Mathieu

Sous la direction de :

Robert Pauzé, directeur de recherche

Doris Châteauneuf, codirectrice de recherche

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Résumé

Introduction : Plusieurs déterminants (attributs des connaissances, facteurs individuels,

environnementaux et organisationnels) expliquent l’utilisation limitée des données probantes dans la pratique des intervenants sociaux du réseau de la santé et des services sociaux. La présente étude s’intéresse plus spécifiquement à l’impact de la culture organisationnelle (CO) sur l’utilisation des données probantes (UDP). Elle vise à comparer les points de vue des gestionnaires et des intervenants concernant 1- la culture organisationnelle, 2- les capacités organisationnelles d’UDP, 3- l’UDP et à 4- établir le degré de corrélation entre les types de CO et l’UDP.

Méthodologie : La présente étude s’appuie sur une analyse secondaire de données. Les

données primaires proviennent d’une étude sur l’évaluation de la culture organisationnelle et du transfert et de l’utilisation des connaissances réalisée dans un centre jeunesse. Le devis de recherche de la présente étude est à la fois quantitatif et exploratoire. Le type d’échantillonnage utilisé est un échantillon de volontaires totalisant 188 employés d’un centre jeunesse.

Résultats : Dans l’ensemble, les résultats de nos analyses indiquent que la culture hiérarchique

caractérise le fonctionnement du centre jeunesse. De plus, les gestionnaires perçoivent plus positivement les capacités organisationnelles d’UDP et utilisent davantage les données probantes que les intervenants. Finalement, l'analyse des résultats démontre que la culture hiérarchique est liée négativement à l'UDP alors que les cultures de développement et de groupe le sont positivement.

Conclusion: Il semble donc que les organisations soucieuses de favoriser l’UDP dans le

domaine des services sociaux devraient envisager un changement ou un ajustement de culture organisationnelle qui s’appuie sur l’exploitation des caractéristiques relatives à une culture de groupe et de développement. Cependant, d’autres études sont nécessaires pour valider les résultats de notre étude et pour approfondir notre compréhension des mécanismes qui sous-tendent la relation entre la CO et l’UDP dans le domaine des services sociaux.

(4)

Tables des matières

Résumé ... iii

Tables des matières ... iv

Liste des tableaux ... vii

Liste des annexes ... viii

Liste des abréviations ... ix

Remerciements ... x

Introduction ... 1

Chapitre 1 ... 2

1.1 Contexte de l’utilisation des données probantes (UDP) dans le réseau de la santé et des services sociaux ... 2

1.2 Prévalence de l’UDP ... 4

1.3 Déterminants de l’UDP ... 5

1.4 Rôle de la CO dans l’UDP ... 6

1.5 Rôle des gestionnaires dans l’UDP ... 8

1.6 Objectifs de l’étude ... 8

1.6.1 Pertinence sociale de l’étude ... 9

1.6.2 Pertinence scientifique de l’étude ... 10

Chapitre 2 ... 12

Recension des écrits ... 12

2.1 Relation entre la CO et l’UDP ... 12

2.1.1 Attitudes et motivation du personnel ... 13

2.1.2 Organisation du temps et structure de l’organisation ... 14

2.1.3 Innovation et apprentissage ... 15

2.1.4 Collaboration, communication et interactions ... 17

2.1.5 Faits saillants ... 19

2.2 Rôle des gestionnaires dans l’UDP ... 20

2.2.1 Leadership ... 21

2.2.2 Mission, objectifs et valeurs de l’organisation ... 23

2.2.3 Supervision, encadrement et soutien par les gestionnaires ... 23

2.2.4 Structure de l’organisation et style de gestion ... 24

2.2.5 Faits saillants ... 26

2.3 Limites des études recensées ... 27

Chapitre 3 ... 28

Modèle et concepts théoriques ... 28

3.1 Choix du modèle ... 28

3.2 Fondements théoriques du modèle ... 29

3.3 Relation entre la culture organisationnelle et les capacités d’utilisation des connaissances ... 29

3.4 Culture organisationnelle ... 30

3.4.1 Types de culture ... 31

3.5 Concepts de base du modèle ... 33

(5)

3.3.4 Intégration ... 35

3.3.5 Création et Diffusion ... 35

3.3.6 Adaptation ... 35

3.3.7 Relationnelle et de communication ... 35

3.3.8 Conclusion ... 36

3.6 Pertinence du modèle théorique pour la présente étude ... 36

Chapitre 4 ... 37

Méthodologie ... 37

Section 1 : méthodologie de l’étude principale ... 37

4.1 Contexte de l’étude ... 37

4.2 Projet ORAUC ... 37

4.3 Méthode de collecte de données et instruments de mesure ... 39

4.3.1 Questionnaire sur la culture organisationnelle et l’utilisation des connaissances ... 39

4.3.1.1 Renseignements généraux ... 40

4.3.2 Guide réflexif pour les cadres et les gestionnaires supérieurs ... 41

4.4 Sélection des participants ... 42

Section 2 : Méthodologie du projet de maîtrise ... 43

4.5 Type d’échantillonnage ... 43

4.6 Sélection des participants ... 44

4.6.1 Définition du terme «intervenant» ... 45

4.6.2 Définition du terme «gestionnaire» ... 46

4.7 Instrument de mesure ... 46

4.7.1 Définition du terme « utilisation des données probantes » ... 47

4.8 Analyse des données ... 47

4.9 Considérations éthiques ... 50

Chapitre 5 ... 51

Résultats ... 51

5.1 Objectif 1: Décrire les caractéristiques de la culture organisationnelle d’un centre jeunesse et comparer les points de vue des intervenants et des gestionnaires. ... 51

5.2 Objectif 2 : Comparer la perception des intervenants et des gestionnaires concernant les capacités d’une organisation à utiliser les données probantes. ... 53

5.3 Objectif 3 : Documenter la propension des intervenants et des gestionnaires à utiliser les données probantes. ... 56

5.4 Objectif 4 : Établir le degré de corrélation entre le type de culture et l’UDP. ... 57

Chapitre 6 ... 59

Discussion ... 59

6.1 La culture hiérarchique caractérise davantage le fonctionnement du Centre jeunesse ... 59

6.2 Les gestionnaires ont une vision plus positive que les intervenants des capacités de l’organisation à utiliser les données probantes ... 62

6.3 Les gestionnaires ont davantage tendance à utiliser les données probantes dans leur travail que les intervenants ... 63

6.4 La culture de groupe et la culture de développement contribuent à l’utilisation des données probantes alors que la culture hiérarchique est associée négativement à l’utilisation de données probantes dans le travail des intervenants et des gestionnaires ... 64

6.4.1 Culture de groupe et UDP ... 64

(6)

Conclusion ... 71

7.1 Principaux constats de l’étude ... 71

7.2 Rôle des gestionnaires dans l’UDP ... 71

7.3 Limites de l’étude ... 72

6.7 Retombées de l’étude pour le service social ... 75

(7)

Liste des tableaux

Tableau 1. Caractéristiques socio-démographiques des répondants ... 45 Tableau 2. Poids relatif de chacun des types de cultures organisationnels selon l’ensemble des

répondants ... 51 Tableau 3. Comparaison de la perception des gestionnaires et des intervenants concernant la

culture organisationnelle du centre jeunesse ... 53 Tableau 4. Comparaison de la perception des gestionnaires et des intervenants concernant la

capacité de l’organisation à utiliser les données probantes ... 54 Tableau 5. Comparaison de la perception des gestionnaires et des intervenants concernant la

culture organisationnelle du centre jeunesse ... 56 Tableau 6. Comparaison entre les intervenants et les gestionnaires concernant leur propension

à utiliser les données probantes ... 57 Tableau 7. Degré de corrélation entre les types de cultures organisationnelles et l’utilisation

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Liste des annexes

Annexe 1. Modèle théorique des capacités organisationnelles d’utilisation des connaissances (Chagnon et al., 2012a) ... 84 Annexe 2. Les trois niveaux de la culture organisationnelle (Chagnon et al., 2012a) ... 85 Annexe 3. Relation entre la culture organisationnelle et l’utilisation des connaissances

(Chagnon et al., 2012a) ... 86 Annexe 4. Les quatre types de culture organisationnelle selon le modèle des valeurs

concurrentielles de Cameron et Quinn (2006) (Chagnon et al., 2012a) ... 87 Annexe 5. Questionnaire sur la culture organisationnelle et l’utilisation des connaissances

(Chagnon et al., 2012a) ... 88 Annexe 6. Tableau de la recension des écrits sur les impacts de la CO sur l'UDP ... 101 Annexe 7. Tableau de la recension des écrits sur le rôle médiateur des gestionnaires dans

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Liste des abréviations

 CJQ-IU : Centre Jeunesse de Québec-Institut Universitaire  CO : Culture Organisationnelle

 ORAUC : Outil réflexif pour améliorer l’utilisation des connaissances dans les organisations de services sociaux et de santé

 UC : Utilisation de connaissances  UDP : Utilisation des données probantes

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Remerciements

La rédaction de ce mémoire ne se serait jamais aussi bien déroulée sans l’encadrement et la précieuse collaboration de mon directeur, Robert Pauzé, et de ma co-directrice, Doris Châteauneuf. Chacun à leurs façons, et de manière complémentaire, ils ont contribué au bon déroulement de ce travail. Je tiens à remercier Robert pour sa disponibilité, son esprit pédagogique et de synthèse et sa facilité de communication. Aussi, je remercie Doris pour l’accessibilité, l’ouverture et la rigueur professionnelle dont elle a fait preuve tout au long de mon cheminement. Ensemble, leurs qualités ont certainement contribué à faciliter mon travail. Grâce à leurs compétences et à leur étroite supervision, j’ai pu alimenter continuellement mes réflexions, apprendre à développer mes compétences et parfaire mes connaissances. Je leur suis donc grandement reconnaissant pour ce qu’ils ont pu m’apporter lors des deux dernières années.

J’aimerais également remercier mes parents, Claire et Bruno, qui m’ont soutenu autant financièrement, matériellement qu’émotionnellement depuis le début de mes études. L’intérêt et le désir qu’ils portent à ma réussite scolaire et personnelle ont été des sources de motivation qui m’ont poussé à accomplir ce travail et aussi, à devenir la personne que je suis aujourd’hui. De plus, je tiens à souligner l’apport de ma copine dans ce travail, Marie-Hélène, qui a su m’écouter et m’encourager dans les moments opportuns.

L’accomplissement de ce projet recherche représente à la fois la fin de mes études universitaires et aussi une opportunité pour moi de relever de nouveaux défis, mais, cette fois, sur le marché du travail.

Merci.

(11)

Introduction

Les connaissances représentent un outil essentiel pour les organisations afin d’améliorer et de maintenir la qualité des services, de croître et d’assurer leur pérennité (Alavi, Kayworth et Ledner, 2006; Austin, 2008; Cha, Kuo et Marsh, 2006; Jasimuddin et Zhang, 2014; Liao, Chang, Hu et Yueh, 2012). Depuis les années 80, il y a une mobilisation marquée pour accroître l’utilisation des connaissances issues de la recherche dans différents domaines tels que l’éducation, la santé et les services sociaux (Chagnon, Gervais et Labelle, 2012; Gira, Kessler et Poertner, 2004; Graham et al., 2006; Hemsley-Brown et Sharp, 2003). À cet égard, on observe que depuis quelques années, le secteur des services sociaux s’ouvre de plus en plus à l’utilisation des données probantes dans le but d’améliorer la qualité des interventions (Barratt, 2003; Gervais et Chagnon, 2010; Holzer, Lewig, Bromfield, et Amey, 2007; Lewig, Arney et Scott, 2006; Mullen, Bledsoe et Bellamy, 2007). Le but de la présente étude est d’explorer certains déterminants entourant l’utilisation des données probantes dans un centre jeunesse. Plus précisément, il s’agit d’explorer et de documenter l’impact de la culture organisationnelle (CO) sur l’utilisation des données probantes par les gestionnaires et les intervenants d’un centre jeunesse. Ultimement, les retombées de ce travail apporteront des pistes de réflexion visant l’amélioration de l’utilisation des données probantes dans le contexte des services sociaux.

L’organisation de la présente étude est structurée de façon à définir le problème à l’étude et de le situer dans l’état actuel des connaissances. Par la suite, le modèle théorique et la méthodologie de l’étude sont présentés. Le lecteur peut ensuite se référer dans l'ordre à la section

Résultats (Chapitre 5) et Discussion (Chapitre 6) pour connaitre les principaux résultats de

l'étude ainsi que l'interprétation et les retombées de ces résultats. Finalement suivront les principales limites de ce projet et la conclusion du travail.

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Chapitre 1

Problématique

1.1 Contexte de l’utilisation des données probantes (UDP) dans le réseau de la santé et des services sociaux

Le contexte de restrictions budgétaires et les besoins toujours aussi importants dans le domaine de la santé et des services sociaux préoccupent les décideurs et les gestionnaires qui s’efforcent d’assurer aux usagers des services efficients et de qualité (Agence de la santé et des services sociaux [ASSS], 2008; Ministère de la Santé et des Services sociaux [MSSS], 2004). Depuis une vingtaine d’années, le recours aux pratiques reposant sur l’utilisation des données probantes ou evidence-based practice/decision (EBP) est une avenue privilégiée par plusieurs afin de répondre à ce besoin (Austin, 2008; Bellamy, Bledsoe et Traube, 2006, Gira et al., 2004; Graham et al., 2006; Hemsley-Brown et Sharp, 2003; Holzer et al., 2007; Landry, Amara et Laamary, 2001; Lewig et al., 2006; Scott-Findlay et Golden-Biddle, 2005). Il existe un certain consensus dans la littérature permettant d'établir qu’une EBP réfère à une pratique priorisant la sélection et l’utilisation judicieuse, consciencieuse et appuyée scientifiquement des meilleures pratiques et stratégies qui ont prouvé au préalable leur efficacité (Hemsley-Brown et Sharp, 2003; Sackett, Rosenberg, Gray, Haynes et Richardson, 1996; Stetler, Ritchie, Rycroft-Malone, Schultz et Charns, 2009). Une EBP combine à la fois des résultats de recherches, l’expérience clinique et les besoins des usagers dans le processus de prise de décision d’un professionnel (Sackett et al, 1996).

Plusieurs raisons expliquent l’intérêt marqué pour l’utilisation des données probantes par les intervenants sociaux (UDP). L’UDP est définie dans ce cas-ci comme étant l’utilisation des meilleures données de recherche disponibles dans les prises de décisions cliniques et de gestion. Ce type de connaissances agit notamment sur l’amélioration de la qualité des services (Barratt, 2003; Bellamy et al., 2006; Hemmelgarn, Glisson et James, 2002; Jack et al., 2010; Johnson et Austin, 2006; Levey, 2010; Wilson et Douglas, 2007) et permet une standardisation de la pratique selon des résultats prouvés scientifiquement et donc, positifs pour les usagers (Aarons et Palinkas, 2007; Stetler et al., 2009). Bellamy et al. (2006) spécifient qu’une pratique reposant sur

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les données probantes permet 1- d’offrir des soins reposant sur les meilleures connaissances disponibles, 2- de supporter l’intervenant dans la conceptualisation et la planification des interventions, 3- de favoriser le développement des connaissances et des compétences professionnelles, 4- de jumeler les autres sources de connaissances (ex. expérience professionnelle, le jugement clinique et les besoins de l’usager), 5- de respecter les valeurs (ex. respect et l’autodétermination) et l’éthique d’une profession et 6- de répondre aux critères de financement des organismes subventionnaires.

Par conséquent, en évaluant adéquatement l’étendue des interventions validées empiriquement en fonction de la situation et des besoins des usagers, les organisations sont en mesure de faire des choix positifs et sécuritaires en plus de répondre à des préoccupations pratiques comme l’efficacité et la productivité (Cha et al., 2006; Gervais et Chagnon, 2010; Gira et al., 2004; Johnson et Austin, 2006; Levey, 2010 ; Lewig et al., 2006; Palinkas et al., 2009; Sackett et al., 1996). Parallèlement, le financement des établissements de santé et de services sociaux par les instances gouvernementales est attribué de plus en plus en fonction de l’UDP dans la pratique clinique et les processus décisionnels (Archer-Kuhn, Bouchard, et Greco, 2014; Holzer et al., 2007; Levey, 2010).

L'utilisation des données probantes et d’autres types de connaissances (ex. expériences pratiques et bagage théorique) dans la pratique et les prises de décisions varient selon les professions, la nature du travail et l’histoire de la profession (Aarons et Palinkas, 2007; Cha et al., 2006; Gira et al., 2004; Hemmelgarn et al., 2006; Hemsley-Brown et Sharp, 2003; Landry et al., 2001). Le milieu médical possède une certaine longueur d’avance en matière d’UDP, car la culture de la profession met de l’avant ce type de connaissances (Gira et al., 2004). Par exemple, les résultats de l’étude de Mullen et Bacon (2004), qui évalue l'adoption et l’implantation des guides de pratiques auprès de trois groupes d’intervenants en santé mentale (psychiatres, psychologues et travailleurs sociaux), démontrent que les psychiatres ont tendance à utiliser plus systématiquement les données probantes que les psychologues et les travailleurs sociaux. De leur côté, les sciences infirmières accumulent à ce jour plus d’une trentaine d’années de recherche scientifique sur les déterminants et les effets des EBP (Scott-Findlay et Estabrooks, 2005; Belkhodja, Amara, Landry et Ouimet, 2007). Quant au domaine du service social, l’émergence

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des recherches sur l’UDP est un phénomène relativement récent, car la pratique en service social repose historiquement et en grande partie sur les savoirs issus de l’expérience plutôt que sur les connaissances scientifiques (Barratt, 2003; Couturier et Carrier, 2003; Holzer et al., 2007; Jack et al., 2010; Palinkas et al., 2009; Mullen et Bacon, 2004). Néanmoins, il est possible d’affirmer qu’il y a un intérêt de plus en plus marqué pour l’UDP dans le secteur des services sociaux (Aarons et Palinkas, 2007; Bellamy et al., 2006, Cha et al., 2006; Chagnon, Pouliot, Malo, Gervais et Pigeon, 2010; Gervais, Chagnon et Paccioni, 2011; Mullen et al., 2007; Mullen et Bacon, 2004). De surcroit, tel que mentionné dans le code d’éthique du National Association of

Social Workers (NASW), il incombe aux travailleurs sociaux de veiller à offrir les meilleures

interventions possibles aux usagers, c’est-à-dire des interventions éthiques et choisies de façon éclairée (Bellamy et al., 2006; Levey, 2010 ; Gira et al., 2004; Osmond et O’Connor, 2006). En somme, l’UDP offre aux organisations plusieurs avantages en termes de coûts, de performance et de qualité des services.

1.2 Prévalence de l’UDP

Malgré l’abondance des publications scientifiques ainsi que d’importants investissements dans l’élaboration de politiques et de programmes pour encourager et valoriser l’utilisation des données probantes (UDP) dans la pratique des intervenants psychosociaux du réseau de la santé et des services sociaux et dans la prise de décisions des professionnels, celle-ci demeure peu développée (Aarons et Palinkas, 2007; Aarons et Sawitzky, 2006; Chagnon et al., 2010; Jack et al., 2010; Gira et al., 2004 ; Holzer et al., 2007; Palinkas et al., 2009). Cette situation est soulignée par plusieurs chercheurs à travers le monde notamment en Amérique du Nord (Bellamy et al., 2006; Buckley, Tonmyr, Lewig et Jack, 2014; Gervais et Gagnon, 2010; Mullen et al., 2007; Trocmé, Esposito, Laurendeau, Thomson et Milne, 2009), au Royaume-Uni (Barratt, 2003; Buckley et al., 2014) et en Australie (Buckley et al., 2014; Holzer et al., 2007).

En service social, Holzer et ses collaborateurs (2007) ont évalué, dans un échantillon composé de 495 professionnels travaillant dans les services auprès des jeunes et de leur famille, que 62 % des praticiens et des gestionnaires rapportent avoir utilisé des données probantes soit « souvent » ou « toujours » dans leur pratique. Par ailleurs, au Québec, l’étude de Chagnon et ses collaborateurs (2010) fait mention que seulement 18 % des praticiens et des gestionnaires d’un

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centre jeunesse utilisent souvent des connaissances issues de la recherche tandis que 67 % en utilisent soit rarement ou jamais. Châteauneuf, Ramdé et Avril (sous presse) en viennent à des conclusions similaires. Leur étude visait à mesurer l’utilisation des connaissances chez les jeunes éducateurs et intervenants d’un centre jeunesse également. Les résultats obtenus à partir des données de cette étude révèlent que 51.8 % des répondants utilisent rarement ou jamais les données probantes. Les écarts de pourcentages entre ces trois études du milieu des services sociaux peuvent être expliqués par différents facteurs dont certains plus techniques comme la méthodologie de l’étude et la définition des concepts mesurés et d’autres comme la nature de la profession, les caractéristiques du milieu de pratique et d’autres déterminants de l’UDP (Chagnon et al., 2012b; Gervais et Chagnon, 2010; Johnson et Austin, 2006; Wilson et Douglas, 2007). 1.3 Déterminants de l’UDP

Comme l’affirme Barratt (2003), la pratique en service social demeure peu influencée par la recherche, et ce, pour différentes raisons telles que la différence entre les valeurs et les attitudes qui existe entre les communautés de recherche et de pratique ainsi que la nature des connaissances sur laquelle repose historiquement la pratique du service social. En fait, plusieurs types de déterminants influencent l’UDP. Selon Gervais et Chagnon (2010) et Graham et al., (2006), ces déterminants sont reliés aux attributs des connaissances ainsi qu’à des facteurs d’ordre environnemental, individuel et organisationnel. La pertinence, le format, la validité, la disponibilité et l’accessibilité des connaissances sont tous des attributs qui influencent l’UDP dans une organisation (Barratt, 2003; Belkhodja et al., 2007; Cha et al., 2006; Chagnon et al., 2010; Gira et al., 2004). Par exemple, la quasi-totalité des sept milieux de recherche (94%) et des 40 milieux partenaires (98%) de l’étude de Chagnon et ses collaborateurs (2010) affirment que les attributs des connaissances (pertinence, adaptabilité, validité) correspondent à des déterminants clés de l’utilisation des connaissances. D’autres déterminants sur le plan individuel tels que le type de profession, l’attitude, la motivation, l’âge ainsi que le niveau de scolarité affectent également l’UDP (Aarons et Palinkas, 2007; Cha et al., 2006; Hemsley-Brown et Sharp, 2003). Dans un sondage auprès de 407 lecteurs du Social Work Journal, Cha et ses collaborateurs (2006) rapportent que les intervenants âgés de moins de 40 ans étaient plus enthousiastes à utiliser les connaissances issues de la recherche que les intervenants plus âgés.

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D’un point de vue macro, il appert que l’environnement externe d’une organisation (orientations ministérielles, critères de financement de la recherche et de la pratique, préoccupations de la population) exerce également une influence sur l’UDP (Austin, 2008; Chagnon et al., 2010; Holzer et al., 2007; Jack et al, 2010; Palinkas et al., 2009; Trocmé et al., 2009). D’un autre côté, les facteurs organisationnels internes comme le partage d’une mission et d’objectifs communs, les opportunités d’échanges formels et informels, les stratégies de gestion des connaissances, le leadership et la structure de travail représentent eux aussi des facteurs sous-jacents à l’UDP (Aarons et Palinkas, 2007; Alavi et al., 2006; Barratt, 2003; Belkhodja et al., 2007; Chagnon et al., 2010; Gervais et Chagnon, 2010; Holzer et al., 2007; Jack et al., 2010; Jasimuddin et Zhang, 2014 ; Scott-Findlay et Estabrooks, 2006). Dans le même ordre d’idées, Wilson et Douglas (2007) mentionnent que l’ensemble des répondants de leur étude dans une agence de service social souligne que la charge de travail et le manque de temps sont deux éléments limitant l’UDP. À ce sujet, Osmond et O’Connor (2006) soulignent que le contexte organisationnel peut moduler fortement les comportements des utilisateurs dans la pratique, car l’environnement de travail peut faciliter ou au contraire empêcher l’utilisation de certains types de connaissances. Un facteur organisationnel pouvant influencer négativement ou positivement l’UDP est la culture organisationnelle (CO).

1.4 Rôle de la CO dans l’UDP

La culture organisationnelle (CO) a été identifiée comme un des facteurs les plus significatifs pour induire un changement et pour moderniser le secteur de l’administration publique et son offre de services (Johnson et Austin, 2006; Jung et al., 2009). Elle fait référence aux valeurs, aux normes et aux croyances d’une organisation (Schein, 2004). Ces éléments expliquent en partie les comportements et les attitudes des employeurs et des employés ainsi que les façons de faire, de se comporter, d’interagir et de penser dans un milieu de travail (Schein, 2004). Il est important de préciser que la CO varie d’une organisation à l’autre et au sein même de ses parties (Cameron et Quinn, 2006; Davies, Nutley et Mannion, 2000; Schein, 2004). Ainsi, dans le réseau de la santé et des services sociaux, il existe une culture propre aux chercheurs, aux praticiens et aux gestionnaires d’une organisation, car chacune de ces professions est différente de nature et possède ses missions et ses objectifs respectifs qui ne concordent pas nécessairement

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avec ceux des autres groupes (Davies et al., 2000; Gira et al., 2004; Glisson et James, 2002; Graham et al., 2006; Holzer et al., 2007; Scott-Findlay et Estabrooks, 2006).

La CO a un impact sur la gestion et l’utilisation des connaissances, sur la performance et sur la qualité des services d’une organisation (Aarons et Palinkas; 2007; Alavi et al., 2006; Barratt, 2003; Belkhodja et al., 2007; Chagnon et al., 2010; Chen et Huang, 2007; Davies et al., 2000; Glisson et James, 2002; Hemmelgarn et al., 2006; Hemsley-Brown et Sharp; 2003; Jack et al., 2010; Jasimuddin et Zhang, 2014; Liao et al., 2012; Peirson, Ciliska, Dobbins et Moyat, 2012; Schroeder, 2013; Scott-Findlay et Golden-Biddle, 2004; Stetler et al., 2009; Williams et Glisson, 2013; Yang, 2007). Toutefois, la manière dont elle affecte la performance et le succès d’une organisation demeure peu documentée (Davies et al., 2000). Néanmoins, en se basant sur le modèle Organizational social contexts, Williams et Glissons (2013) avancent qu’il existe une relation indirecte entre la culture organisationnelle et l’issue des jeunes dans les services de protection de la jeunesse qui est modulée par le climat d’une organisation. En fait, les auteurs rapportent qu’une culture organisationnelle plus efficace (culture compétente ou proficient

culture, c.-à-d. où le bien-être des clients est mis de l’avant et où les employés ont les

connaissances récentes et nécessaires à leur travail) et moins résistante (culture résistante ou

resistant culture, c.-à-d. où les membres du personnel sont moins réticent face au changement et

à l’innovation) est liée à l’émergence d’un climat organisationnel plus engagé, fonctionnel et moins stressant. Or, un tel climat est associé à de meilleurs résultats pour les jeunes dans les services de la protection de la jeunesse (ex. moins de problèmes externalisés et internalisés chez les jeunes).

La CO influence aussi la réceptivité des professionnels à l’égard des données probantes et peut favoriser l’UDP à tous les niveaux d’une organisation (Aarons et al., 2012; Aarons et Sawitzky, 2006; Chagnon et al., 2012b; Hemmelgarn et al., 2006; Hemsley-Brown et Sharp, 2003; Holzer et al., 2007; Scott-Findlay et Estabrooks, 2006; Scott-Findlay et Golden-Biddle, 2005; Trocmé et al., 2009; Wilson et Douglas, 2007). Aarons et ses collaborateurs (2012) soulignent qu’une culture compétente [proficient culture], qui incite les membres du personnel à 1- prioriser le bien-être des usagers dans l’intervention, 2- être compétent et 3- utiliser les meilleures connaissances issues de la recherche, représente le meilleur moyen pour adopter une

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attitude positive par rapport à l’UDP. 1.5 Rôle des gestionnaires dans l’UDP

Certains éléments peuvent contribuer au maintien ou au développement d’un contexte propice à l’UDP. Bien que tous les acteurs d’une organisation soient concernés par les changements dans la CO en vue de favoriser l’UDP, les gestionnaires jouent un rôle primordial et médiateur entre la CO et les intervenants, notamment en raison de leurs fonctions et de leur statut (Aarons et Palinkas, 2007; Belkhodja et al., 2007; Gira et al., 2004; Holzer et al., 2007). En fait, les gestionnaires, en tant que leaders, occuperaient une place de prédilection pour favoriser l’UDP puisqu’ils exercent une influence sur la transmission de la CO (Gervais et Chagnon, 2010; Hemmelgarn et al., 2006; Palinkas et al., 2009; Jack et al., 2010; Scott-Findlay et Golden-Biddle, 2005; Stetler et al., 2009).

Afin de valoriser une pratique reposant sur les données probantes et d’implanter des stratégies allant en ce sens, les gestionnaires doivent eux-mêmes servir d’exemples (Aarons et Palinkas, 2007; Barrat, 2003; Jack et al., 2010; Peirson et al., 2012; Stetler et al., 2009). Trocmé et ses collaborateurs (2009) rendent compte de cette affirmation en rapportant que « … les praticiens s’inspireront de la recherche dans la mesure où les gestionnaires l’utilisent eux-mêmes et qu’ils la valorisent » (p.45). Cependant, certains auteurs observent que les données probantes ne sont pas le type de connaissances privilégié dans les décisions rendues par les gestionnaires (Aarons et Palinkas, 2007; Barratt, 2003; Belkhodja et al., 2007; Jack et al., 2010 ; Wilson et Douglas, 2007). Au Québec, une enquête récente réalisée auprès d’intervenants (N = 364) et de gestionnaires (N = 83) en centre jeunesse montre que seulement 22 % des gestionnaires utilisent « souvent » les données probantes afin de guider leurs pratiques (Chagnon et al., 2010).

1.6 Objectifs de l’étude

L'objectif général de la présente étude est donc d’explorer et de documenter le lien entre la CO et l’UDP par les intervenants travaillant dans le domaine des services sociaux. Les objectifs spécifiques auxquelles ce travail tente de répondre sont :

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comparer les points de vue des intervenants et des gestionnaires.

2. Comparer la perception des intervenants et des gestionnaires concernant les capacités de cette organisation à utiliser les données probantes.

3. Mesurer l'utilisation des données probantes par les intervenants et les gestionnaires

4. Établir le degré de corrélation entre les types de culture organisationnelle et l’utilisation de données probantes

1.6.1 Pertinence sociale de l’étude

L’application des données probantes dans la pratique clinique et de gestion est un enjeu autour duquel bon nombre d’organisations dans le domaine des services sociaux se mobilisent (Austin, 2008). Cependant, malgré la quantité et la disponibilité grandissante de publications scientifiques et les efforts consentis de part et d’autre par le gouvernement et les organisations pour favoriser l’UDP, les données probantes ne font pas l’objet d’un usage étendu et soutenu dans la pratique clinique et la prise de décisions dans le domaine des services sociaux (Aarons et Palinkas, 2007; Barratt, 2003; Chagnon et al., 2010; Holzer et al., 2007; Jack et al., 2010 ; Lewig et al., 2006; Osmond et O’Connor, 2006; Palinkas et al., 2009; Trocmé et al., 2009).

Historiquement, le domaine des services sociaux privilégie plutôt comme source de connaissance un savoir issu de l’expérience, de l’intuition ou de ce qu’on pourrait appeler de « la sagesse de la pratique [practice wisdom] » (utilisation du jugement plutôt que de techniques éprouvées; utilisation de ce qui a déjà été fait dans une intervention antérieure et qui a fonctionné) (Barratt, 2003; Couturier et Carrier, 2003; Holzer et al., 2007; Jack et al., 2010; Palinkas et al., 2009). Or, plusieurs avantages peuvent être retirés d’une pratique reposant sur les données probantes, notamment sur le plan de la qualité des services ainsi que sur le plan de la performance organisationnelle. Dans le contexte de restrictions budgétaires actuel, la performance (ex. efficacité et efficience) et la qualité des services sont des enjeux qu’une organisation doit adresser adéquatement pour assurer sa pérennité (Agence de la santé et des services sociaux [ASSS], 2008; Ministère de la Santé et des Services sociaux [MSSS], 2004). Par ailleurs, afin de recevoir du financement de la part du gouvernement, les organisations doivent de

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plus en plus démontrer que les décisions qui sont prises au sein de leur établissement reposent sur des données probantes et qu’ils consentent à fournir des efforts soutenus pour favoriser une telle pratique. (Archer-Kuhn et al., 2014; Austin, 2008; Holzer et al., 2007; Levey, 2010). Il apparaît donc important d’établir un diagnostic sur la culture organisationnelle des établissements afin d’identifier les dimensions organisationnelles qui favorisent ou qui nuisent à l’utilisation de données probantes dans la pratique clinique et la gestion.

1.6.2 Pertinence scientifique de l’étude

Les organisations de la santé et des services sociaux et les communautés scientifiques et de pratiques se penchent depuis plusieurs années sur l’identification des déterminants influençant l’UDP (Chagnon et al., 2012b; Gervais et Chagnon, 2010; Gira et al., 2004; Graham et al., 2006; Holzer et al., 2007; Jack et al., 2010; Scott-Findlay et Estabrooks, 2006). Cependant, contrairement aux autres domaines, peu de recherches empiriques portant sur l’évaluation de l’implantation d’une pratique reposant sur les données probantes sont disponibles dans le domaine des services sociaux (Mullen et al., 2007). Par conséquent, les connaissances en matière d’interventions et de stratégies efficaces pour favoriser l’UDP sont peu développées (Chagnon et al., 2012a, Chagnon et al., 2012b; Gervais et Chagnon, 2010; Mullen et al., 2007). De plus, les modèles conceptuels proposés dans la littérature concernant l’implantation des données probantes dans la pratique sont la plupart du temps généraux et donc souvent incomplets (Mullen et al., 2007). En fait, à ce jour, il n’existe pas de modèle mesurant l’utilisation de la recherche qui ne fasse consensus ni dans le domaine de la santé ni dans celui des services sociaux (Chagnon et al., 2012a; Chagnon et al., 2012b; Gervais et Chagnon, 2010). Il n’est donc pas possible à ce jour de brosser un portrait juste et complet des déterminants de l’utilisation des données probantes (Chagnon et al., 2010; Chagnon et al., 2012b; Holzer et al., 2007; Landry et al., 2001). Ainsi, des études supplémentaires sont nécessaires pour mieux comprendre quels éléments favorisent ou nuisent à l’intégration des données probantes dans la pratique du service social (Barratt, 2003; Gervais et al., 2011; Johnson et Austin, 2006; Lewig et al., 2006; Trocmé et al., 2009).

En outre, la CO fait partie des déterminants de l’UDP qui ont reçu jusqu’à récemment peu d’attention dans le domaine des services sociaux (Glisson et James, 2002; Hemmelgarn et al., 2006). En fait, les études ayant examiné la relation entre l’UDP et la CO ont surtout été

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entreprises dans des domaines comme l’industrie, les affaires et la santé (Davies et al., 2000). Peu d’études ont documenté systématiquement cette relation dans le contexte des services sociaux (Aarons et Palinkas, 2007; Glissons et James, 2002; Hemmelgarn et al., 2006). Cette étude contribuera donc à combler cette lacune.

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Chapitre 2

Recension des écrits

Les principales étapes qui ont été réalisées lors de la démarche documentaire sont les suivantes : consultation des banques de données Academic Search Premier, Business Source Premier, Cairn, Érudit, MEDLINE Complete ainsi que Social Service Abstract. Ces banques de données ont permis d’identifier 18 études pertinentes en lien avec la CO et l’UDP. Ensuite, d’autres articles ont pu être répertoriés à l’aide des références des articles recensés et des recommandations d’une chercheure expérimentée dans le domaine du transfert des connaissances. La présente recension des écrits comprend deux sections. Dans un premier temps, nous discuterons de la relation entre la culture organisationnelle (CO) et l’utilisation des données probantes (UDP). Suivra la recension des écrits sur le rôle des gestionnaires dans l’UDP1. En guise de conclusion, nous présenterons les limites des études recensées.

Selon Belkhodja et ses collaborateurs (2007), trois éléments faciliteraient l’acquisition et l’utilisation des données probantes dans un établissement: 1- l’implication soutenue et active de l’organisation à chacune des étapes du processus de recherche, 2- une culture organisationnelle situant les données probantes au cœur de son fonctionnement et 3- la promotion de valeurs positives par rapport à la recherche et à son application. Autrement dit, la culture organisationnelle ainsi que les comportements et les attitudes des gestionnaires représentent deux principaux facteurs influençant l’utilisation des données probantes chez le personnel d’un établissement (Belkhodja et al., 2007; Hemsley-Brown et Sharp, 2003; Wike et al., 2014).

2.1 Relation entre la CO et l’UDP

Bien que l’UDP soit influencée par différents facteurs d’ordre environnemental, organisationnel et individuel, elle peut aussi être contrainte par une CO qui ne soutient pas l’apprentissage (Hemsley-Brown et Sharp, 2003). Pour maximiser l’UDP dans un établissement, la CO doit minimalement inclure dans ses valeurs la promotion de l’innovation, de l’autonomie,

1 Pour plus d’informations sur la méthodologie ou autres aspects relatifs aux études recensées, veuillez-vous référer à l’Annexe 6 et 7 du présent document.

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du développement des habiletés, de la confiance, de la collaboration et de la flexibilité (Hemmelgarn et al., 2006). La présente section abordera la relation entre la CO et l’UDP selon différents thèmes qui caractérisent une organisation et sa culture. Ces thèmes sont les attitudes et la motivation du personnel, l’organisation du temps, la structure de l’organisation ainsi que le degré d’innovation et de collaboration qu’on retrouve dans la culture d’un établissement.

2.1.1 Attitudes et motivation du personnel

Même si l’utilisation de données probantes est généralement reconnue comme importante dans les établissements du secteur de la santé et des services sociaux, une attitude négative persiste encore chez certains intervenants sociaux lorsqu’il est question d’intégrer une nouvelle intervention à leur pratique (Wike et al., 2014). Or, plusieurs auteurs avancent l’idée que la CO influence directement les attitudes et la motivation des employés concernant l’UDP (Aarons et al., 2012; Aarons et Sawitzky 2006; Chagnon et al., 2012b).

En fait, les attitudes des membres de l’établissement agiraient comme variable médiatrice entre la culture de l’organisation et l’utilisation des données probantes en intervention. Plus précisément, selon Aarons et al. (2012), la CO et le climat organisationnel sont associés aux attitudes adoptées par les intervenants à l’égard de l’UDP. Or, les attitudes des intervenants influencent également l’UDP. Les auteurs ont démontré que la relation entre la CO et les attitudes des intervenants persiste au-delà des facteurs individuels (sexe, niveau d’éducation, nombre d’années d’expérience), professionnels (infirmière, médecins, travailleur social) et organisationnels (type d’organisation, clientèle cible). Par exemple, une culture organisationnelle marquée par des valeurs d’accomplissement et d’encouragement mutuel influence positivement les attitudes du personnel par rapport aux données probantes. Les normes qui caractérisent ce type de culture (ex. accomplissement, motivation, développement des habiletés du personnel, relations interpersonnelles positives et soutien mutuel) encouragent les intervenants et changent le regard qu’ils portent à l’égard de l’UDP. À l’inverse, une CO axée sur les règles et le contrôle au détriment des idées et de l’opinion des employés est liée négativement aux attitudes qui prédisposent les professionnels à utiliser les données probantes (Aarons et al., 2012; Aarons et Sawitzky, 2006).

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De plus, selon Aarons et Palinkas (2007), pour que le personnel considère l’UDP comme utile et positive pour les usagers et qu'il soit motivé à l'utiliser, il a besoin de sentir que l’organisation l'appuie dans l’exercice de cette pratique en mots et en actions. La culture d’une organisation doit donc inclure des valeurs qui encouragent l’UDP, mais aussi des stratégies qui démontrent aux membres du personnel les retombées positives de l’UDP.

2.1.2 Organisation du temps et structure de l’organisation

Dans les études recensées, un des principaux facteurs limitant l’UDP est le manque de temps (indirectement relié à la pénurie de personnel, la taille des charges de cas et la pression de répondre rapidement ou en urgence aux situations) (Buckley et al., 2014; Jack et al., 2010; Scott-Findlay et Golden-Biddle, 2005; Wilson et Douglas, 2007). Or, l’organisation du temps de travail est une dimension liée à la culture d’une organisation (Schein, 2004).

Selon Scott-Findlay et Golden-Biddle (2005), trois éléments liés à la CO freinent l’utilisation des données probantes dans la pratique. Premièrement, les auteurs précisent que l’approche adoptée par une organisation peut définir le travail selon un principe de « faire » ou d’« être » : le premier est orienté sur la tâche et encourage la productivité et l’efficacité alors que le deuxième valorise la réflexion. Or, les auteurs précisent que dans le système de santé actuel, les employés sont encouragés à être continuellement dans l’action sans nécessairement prendre le temps de réfléchir à leurs interventions et de rester à jour concernant l’état des connaissances scientifiques. Une des conséquences associées à une approche orientée vers la tâche (« faire ») est que les intervenants et les gestionnaires manquent de temps pour être critiques par rapport aux résultats de recherche et pour les utiliser dans leurs interventions (Buckley et al., 2014). Deuxièmement, le type de connaissances privilégiées dans une organisation est déterminé par la nature du travail d’un employé (Scott-Findlay et Golden-Biddle, 2005). Puisque le travail des infirmières dans le secteur de la santé est actuellement orienté vers le «faire», cela encourage l’utilisation de l’expérience de l’infirmière au détriment des résultats de recherche (associés au «être») comme source de connaissances pour appuyer leur pratique. Par exemple, un nouvel employé peut prendre exemple sur un collègue sénior et prioriser lui aussi l’expérience dans l’intervention ou demander conseil auprès de ce dernier sans vérifier les données de recherche. Troisièmement, les auteurs mentionnent que la structure de l’organisation peut nuire à

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l’utilisation de la recherche (Scott-Findlay et Golden-Biddle, 2005). Par exemple, la direction et les gestionnaires peuvent offrir une structure de travail (ex. accessibilité à un ordinateur et temps sur un quart de travail pour lire des articles scientifiques) pour les intervenants qui ne considère pas la lecture d’articles scientifiques ou la participation à des activités de recherche comme faisant partie inhérente des tâches de l’employé, mais plutôt comme un devoir personnel ou une perte de temps.

La reconnaissance formelle de l’importance de la recherche dans la pratique des intervenants et des gestionnaires peut se manifester dans la culture de l’organisation sous la forme de politiques, de ressources financières et de temps alloué au personnel pour la lecture, la compréhension et l’utilisation des résultats de recherches dans la pratique (Buckley et al., 2014). Par exemple, les répondants dans l’étude de Wilson et Douglas (2007) rapportaient avoir besoin davantage de temps afin de pouvoir identifier des articles scientifiques pertinents, d’en faire la lecture et de comprendre comment appliquer les données probantes à leur pratique. Une solution proposée par les répondants est que la CO soit plus axée sur l’UDP et qu’elle permette ainsi la planification de moments pour repérer, analyser, critiquer et appliquer les données probantes à la pratique.

Autrement, Jack et ses collaborateurs (2010) sont d’avis que l’UDP est favorisée dans la mesure où un milieu possède une CO propice à l’implantation de différents moyens de diffusion et d’application des connaissances. Une CO qui valorise l’apprentissage et la formation continue en est un exemple. En fait, pour augmenter l’UDP, les auteurs proposent d’apporter des changements au contexte de travail actuel du secteur de la santé et des services sociaux pour faire en sorte que les professionnels puissent prendre le temps de réfléchir et d’être proactifs dans les prises de décisions cliniques et de gestion.

2.1.3 Innovation et apprentissage

Les chances d’implanter avec succès une EBP dans un établissement de services sociaux sont également augmentées si cet établissement intègre une méthode de fonctionnement et de travail basée sur l’innovation et l’apprentissage (Barratt, 2003; Belkhodja et al., 2007; Gray, Joy, Plath et Webb, 2013; Jaskyte et Dressler, 2005; Schroeder, 2013; Wike et al., 2014). Pour ce

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faire, Gray et ses collaborateurs (2013) stipulent que la CO doit encourager la prise de risque et l’innovation de la part du personnel en établissant un contexte d’ouverture à la nouveauté et à l’apprentissage. En revanche, une faible pratique réflexive, un manque d’expérience quant à l’UDP dans la pratique et un style de gestion bureaucratique nuisent à l’UDP. En outre, Peirson et ses collaborateurs (2012) remarquent qu’une culture de soutien constitue un facteur déterminant pour la promotion de la prise de décision reposant sur des données probantes (evidence-based

decision) dans le secteur de la santé publique. Les auteurs conviennent qu’une culture de soutien

est caractérisée : 1- par la valorisation des employés, de l’apprentissage et de l’utilisation de la recherche, 2- par la promotion de l’innovation, la prise de risque et la pensée émergente et 3- par la création de moments dédiés à la réflexion critique.

En ce qui a trait plus spécifiquement à l’apprentissage, un établissement visant l’amélioration de l’UDP doit d’abord déployer à l’intérieur de sa structure et de son fonctionnement des moyens pour acquérir des connaissances scientifiques : ce n’est que par la suite qu’il sera en mesure de faire des apprentissages, d’emmagasiner ces connaissances et de les utiliser adéquatement (Barratt, 2003; Belkhodja et al., 2007; Dagenais, 2006). Belkodjha et ses collaborateurs (2007) spécifient qu’une organisation ne doit pas compter uniquement sur les connaissances issues de la recherche à niveau individuel (c’est-à-dire les connaissances que possède chaque employé par rapport à la recherche) si elle veut voir une augmentation de l’utilisation de ces connaissances. En fait, selon ces auteurs, l’organisation doit transférer ces connaissances d’un niveau individuel à un niveau organisationnel. C’est ce qu’ils appellent l’apprentissage organisationnel (organizational learning). Pour ce faire, l’organisation doit intégrer les connaissances individuelles dans la mémoire de l’organisation, à sa structure et ses routines en plus de trouver une façon de rendre ces informations pertinentes pour les utilisateurs.

Pour ce qui est de l’innovation, une culture ou une organisation apprenante2 fait partie des habiletés nécessaires à une organisation pour favoriser l’innovation, car elle permet l’expérimentation et la prise de risque (Austin, 2008, Davies et Nutley, 2009; Schroeder, 2013). Ces deux éléments sont au cœur du concept d’innovation. D’autres éléments comme la tolérance

2 La notion de culture apprenante réfère au fait que toute expérience représente une source précieuse d’informations, qu’elle ait des résultats positifs ou négatifs (Austin, 2008; Schroeder, 2013).

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du risque, l’ouverture aux idées nouvelles, la collaboration et la fierté des employés vis-à-vis l’organisation et ses services sont aussi liés à l’innovation. Par contre, une approche basée sur la EBP est moins susceptible d’être implantée si l’organisation renferme ce que Gray et al. (2013) et Barratt (2009) appellent une «culture de blâme». Ce type de culture est caractérisé par l’utilisation systématique des guides de pratique et d’approches approuvées au préalable par l’organisation au détriment de l’opinion et des idées des intervenants. Par conséquent, ces conditions restreignent la flexibilité et l’autonomie des membres dans leur prise de décisions. En fait, cette situation fait en sorte que les intervenants et les gestionnaires n’osent pas sortir du cadre de pratique établi par l’organisation et craignent de se tromper (Barratt, 2003). L'innovation est donc dans ce cas-ci réduite. Cette restriction de l’intervenant aux façons de faire et aux croyances de l’organisation explique d’ailleurs pourquoi certaines pratiques, bien qu’inefficaces et dépassées, continuent d’être appliquées par les intervenants (Barratt, 2003).

Cependant, il n’existe pas de consensus en ce qui a trait à la CO idéale pour favoriser l’innovation. Certains auteurs mentionnent qu’une culture fortement partagée (c.-à-d. homogène) n’est peut-être pas souhaitable dans une organisation puisqu’elle nuit à l’innovation, alors que d’autres voient cette homogénéité comme étant essentielle à une organisation innovante (Jaskyte et Dressler, 2005). Dans leur étude, Jaskyte et Dressler (2005) ont découvert que la CO était souvent utilisée à tort, comme un mécanisme de contrôle social plutôt que comme une opportunité pour innover au sein d’un établissement. Ils ont déterminé que lorsque des valeurs telles que la sécurité et la stabilité sont fortement partagées par l’ensemble du groupe, les organisations affichent un faible niveau d’innovation. Ainsi, même si ces établissements favorisent la loyauté et l’implication du personnel, ils ne permettent pas le développement de l’innovation.

2.1.4 Collaboration, communication et interactions

Une CO encourageant la collaboration, la communication et les interactions favorise l’UDP (Belkhodja et al., 2007; Chagnon et al., 2010; Chen et Huang, 2007; Gervais et al., 2011; Palinkas et al., 2009; Trocmé et al., 2009; Yang, 2007). Autrement dit, la CO doit permettre aux employés de s’impliquer et de participer à la création, la diffusion et l’application des activités de recherche afin que la recherche soit appliquée à la pratique (Hemsley-Brown et Sharp, 2003).

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Relativement au domaine des affaires, selon Chen et Huang (2007), une organisation caractérisée par une culture d’innovation et de coopération facilitera les interactions sociales entre ses membres (augmentation de l’intensité et de la fréquence des interactions) et par conséquent, le partage et l’utilisation des connaissances. En effet, les interactions sociales jouent un rôle médiateur entre la culture, la structure organisationnelle et la gestion des connaissances (Chen et Huang, 2007). Elles contribuent à améliorer le partage des connaissances et leur utilisation puisqu’elles renforcent les comportements de confiance, de communication et de coordination chez le personnel (Chen et Huang, 2007). Dans le même ordre d’idées, Yang (2007), dans son étude sur l’échange de connaissances dans le secteur touristique, conclut qu’une CO de collaboration accentue l’échange de connaissances. L’échange de connaissances est fortement stimulé lorsque la collaboration est valorisée par un des trois niveaux de l’organisation, soit par le groupe de travail, le supérieur immédiat ou la direction (Yang, 2007). Toutefois, ce sont les membres du groupe de travail qui exercent le plus d’influence, car selon cet auteur, l’échange spontané et informel demeure le meilleur médium pour échanger de l’information dans un établissement. De plus, lorsque la structure organisationnelle est moins formelle, centralisée et plus intégrée, elle est plus favorable aux interactions. Les employés se sentent alors plus autonomes et libres dans leur travail (Chen et Huang, 2007).

Selon Chagnon et ses collaborateurs (2010), le fait d’offrir des opportunités de collaboration entre les intervenants, les gestionnaires et les chercheurs et d’encourager l’implication du personnel dans les activités de recherche constitue un facteur déterminant de l’utilisation des connaissances. Les auteurs précisent que les intervenants et les gestionnaires ont des besoins différents en matière d’utilisation de données probantes. Dans les centres jeunesse, par exemple, les intervenants se servent davantage des données de recherche afin de valider des outils cliniques ou de modifier leur compréhension d’une problématique alors que les gestionnaires utilisent les données probantes pour l’allocation des ressources, pour convaincre leurs collègues ou pour influencer les orientations stratégiques de l’organisation (Gervais et al., 2011). Les chercheurs, les gestionnaires et les intervenants font aussi partie de cultures différentes (Palinkas et al., 2009). Comme le dit Graham (2006), le fossé qui existe entre la culture, la mission et les objectifs de ces différentes professions fait en sorte qu’aucun d’entre eux n’accorde un véritable intérêt pour l’univers de l’autre. De ce fait, les chercheurs doivent alors

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porter une attention particulière à ces deux groupes de personnes lorsqu’ils diffusent et échangent des résultats de recherche si l’organisation veut favoriser l’UDP chez le personnel (Chagnon et al., 2010).

Une relation soutenue entre chercheurs, intervenants et gestionnaires permettrait de mieux comprendre les besoins et le milieu de travail de chacun (Gervais et al., 2011). Par conséquent, une CO qui encourage la collaboration entre ces différents acteurs (intervenants, gestionnaires et chercheurs) favorise l’UDP et permet de réduire les barrières qui existent entre les différentes professions et les sous-cultures d’une organisation. Une CO misant sur les échanges et la collaboration incite donc les intervenants et les gestionnaires à adopter une attitude positive par rapport à la recherche et contribue également à bâtir une confiance entre les différents acteurs. En retour, les intervenants et les gestionnaires sont plus enclins à utiliser les données probantes dans leur pratique. C’est pourquoi les organisations doivent encourager la collaboration et les activités d’échange à l’interne entre les divers secteurs d’une organisation et à l’externe entre plusieurs organisations (Belkhodja et al., 2007; Chagnon et al., 2010; Trocmé et al., 2009).

Même si les chercheurs, les gestionnaires et les intervenants possèdent des cultures propres à leur profession, il est essentiel d’instaurer entre ces acteurs des contacts continus, des échanges formels et informels, du respect et une confiance mutuelle afin de promouvoir l’UDP (Trocmé et al., 2009). De plus, pour que la recherche ait un impact sur la pratique, elle doit aussi être greffée au fonctionnement, aux routines et aux structures de l’établissement en plus d’être valorisée par l’ensemble du personnel (Trocmé et al., 2009). Les acteurs doivent posséder certaines caractéristiques qui sont: 1- le partage de buts communs (ex. le bien-être des enfants), 2- un bon esprit d’équipe et une connaissance suffisante des étapes d’implantation d’une EBP (ex. planification, formations, évaluation, etc.), 3- un sentiment de réciprocité de sorte que chacun puisse retirer quelque chose de positif des interactions et 4- une fréquence élevée de contacts entre les groupes pour créer les échanges. (Palinkas et al., 2009).

2.1.5 Faits saillants

En somme, il existe un lien direct et aussi indirect entre la CO et l’UDP. En fait, la CO influence les attitudes, la motivation et les comportements du personnel concernant l’UDP. Elle

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influence alors directement l’UDP. Elle détermine également les procédures, les mécanismes, les pratiques et les ressources de l’organisation qui à leur tour ont une influence sur l’UDP. Ainsi, elle influence de manière indirecte l’UDP. Les organisations doivent donc soutenir la motivation du personnel et l’adoption d’attitudes positives concernant les données probantes afin de favoriser leur utilisation. Il est important de plus qu’elles instaurent une CO qui offre aux employés suffisamment de temps pour repérer, analyser, critiquer et appliquer les données probantes à leur pratique.

La notion de culture apprenante demeure au cœur d’une CO favorable à l’UDP. À la fois axée sur l’apprentissage et l’innovation, une organisation apprenante permet l’expérimentation, la prise de risque et le développement d’une pensée critique à l’égard des données probantes. Ainsi, une CO valorisant l’innovation et l’apprentissage offre l’ouverture et les opportunités nécessaires pour favoriser l’UDP. Enfin, la CO doit encourager et mettre en place des stratégies visant la collaboration et l’échange de connaissances entre les différents secteurs d’une organisation (ex. entre les chercheurs et les intervenants). Les membres peuvent alors apprendre et s’impliquer à différentes étapes du processus d’UDP (ex. création, diffusion, application des données probantes) tout en développant un lien de confiance et une meilleure compréhension de l’univers des autres membres de l’organisation.

2.2 Rôle des gestionnaires dans l’UDP

Le rôle des gestionnaires dans le domaine du service social est d’influencer et de modifier l’environnement dans lequel les intervenants évoluent afin que celui-ci soit adapté à leur réalité et leur permette de répondre de façon optimale aux besoins des usagers (Jaskyte et Dressler, 2005). Les cadres ont le pouvoir de changer la CO et d’influencer les attitudes, les comportements et la motivation des employés ainsi que le fonctionnement et la structure d'une organisation (Aarons et Palinkas, 2007; Barratt, 2003; Gervais et Chagnon, 2010; Gira et al., 2004; Gray et al., 2013; Hemsley-Brown et Sharp, 2003; Jack et al., 2010; Jaskyte et Dressler, 2005; Peirson et al., 2012; Schroeder, 2013; Scott-Findlay et Golden-Biddle, 2005; Stetler et al., 2009; Trocmé et al., 2009; Wike et al., 2014; Wilson et Douglas, 2007). C'est grâce au pouvoir qu’ils exercent sur différents aspects de l’organisation que les gestionnaires peuvent influencer positivement ou négativement l'UDP chez les intervenants. Les aspects abordés dans la présente section sont le leadership, le

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style de gestion et l’influence des gestionnaires sur la mission, les objectifs et les valeurs de l'organisation et sur l'encadrement, la supervision et le soutien qu’ils offrent aux employés.

Même s’il est reconnu que le succès de l’utilisation de la recherche dans une organisation relève d’une responsabilité collective, les dirigeants et les cadres occupent un rôle de premier plan pour mener à terme ce processus (Barratt, 2003). Les gestionnaires représentent les « catalyseurs » de la mise en application de ces stratégies et ont le rôle d’assurer le bon déroulement de celles-ci (Peirson et al., 2012). Ils sont responsables d’identifier et de faire valoir les résultats attendus de l’UDP et de définir les rôles de chacun dans ce processus (Barratt, 2003). Ils voient également au contrôle et au suivi du changement, à la répartition des ressources financières, matérielles et humaines ainsi qu’au développement d’une culture d’ouverture qui valorise l’utilisation de la recherche dans la prise de décision (Peirson et al., 2012). De plus, Hemsley-Brown et Sharp (2003) et Trocmé et ses collaborateurs (2009) notent l’importance pour les gestionnaires de promouvoir, d’utiliser et d’être critiques à l’égard des données probantes dans leur pratique personnelle pour que celles-ci aient un impact sur le milieu.

2.2.1 Leadership

Le leadership exercé par les leaders formels et informels à tous les niveaux d’une organisation (praticiens, chefs de service et directeurs) s’avère être un indicateur modéré à puissant pour l’adoption d’une EBP (Gira et al., 2004; Hemsley-Brown et Sharp, 2003; Jack et al., 2010; Peirson et al., 2012; Schroeder, 2013; Stetler et al., 2009). Cependant, dans leur recension systématique des écrits sur les stratégies pour influencer l’UDP chez les praticiens du domaine de la santé, Gira et al., 2004 affirment que l’influence qu’exercent les leaders informels est faible. Les leaders formels sont des personnes occupant une position plus élevée la hiérarchie de l’organisation tandis que les leaders informels sont des personnes à qui les employés accordent une certaine crédibilité et de la confiance, mais qui n’occupent pas une position supérieure dans la hiérarchie de l’organisation. Néanmoins, le leadership influence positivement ou négativement la CO, mais aussi les autres facteurs contextuels visant à soutenir l’UDP (ex. un environnement de soutien, la cohérence des politiques, les ressources humaines et financières disponibles, etc.) (Stetler et al., 2009).

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Selon Stetler et ses collaborateurs (2009), un leadership efficace dans la gestion de l’implantation d’une EBP doit inclure : 1- la création et le maintien d’une vision claire, 2- la présentation d’un modèle positif, 3- le développement de relations fortes et 4- un programme de mentorat. Ainsi, afin d’intégrer les données probantes aux pratiques cliniques et de gestion, les stratégies mises en place doivent s’inscrire dans une approche globale plutôt que ciblée. Cela permet de s’attaquer à la fois aux structures et aux ressources relatives à l’UDP, à l’évaluation des pratiques et au recrutement d'un personnel ouvert à une EBP (Stetler et al., 2009). Les auteurs concluent que ces stratégies permettent par la suite de développer des aptitudes organisationnelles pour créer une culture reposant sur la pensée critique et la science.

De surcroît, une augmentation des interactions directes et positives entre les leaders clés, les utilisateurs et d’autres facteurs contextuels fait augmenter le potentiel d’une organisation à utiliser les données probantes dans les prises de décisions cliniques et de gestion (Stetler et al., 2009). Selon Peirson et ses collaborateurs (2012), une communication soutenue et appliquée est un outil dont disposent les cadres supérieurs pour amorcer un changement et intégrer une nouvelle pratique dans une organisation. À l’aide de différents médiums de communication, les gestionnaires contribuent à faire valoir la vision, les stratégies, les progrès par rapport au changement en cours et expliquent les répercussions que ce changement a pour la pratique. Ainsi, ils sensibilisent, informent et rallient les employés plus facilement dans l’application d’une nouvelle pratique clinique ou de gestion (Peirson et al., 2012). Donc, les gestionnaires et les leaders au sein d’une organisation peuvent jouer un rôle clé dans le changement de la CO parce qu’ils servent de modèles et communiquent par leurs paroles et leurs actions les normes et les comportements attendus dans l’établissement.

Cependant, l’utilisation des leaders d’opinion à un niveau local (au sein même des groupes de l’organisation) pour influencer l’UDP est associée à un faible taux d’efficacité dans les articles recensés dans le domaine médical (Gira et al., 2004). Les leaders d’opinion ou

champions sont décrits comme étant des employés désignés par leurs collègues comme exerçant

une influence éducative dans leur entourage. La crédibilité et le statut sont les caractéristiques qui confèreraient à ce type de leader le pouvoir d’exercer cette influence. Cependant, il semblerait que le lien entre les leaders d’opinion et l’UDP soit plus théorique qu’empirique, du moins dans

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le domaine médical (Gira et al., 2004). Comme le soulignent Hemsley-Brown et Sharp (2003), même si certaines études démontrent que l’utilisation des leaders d’opinion peut constituer une voie prometteuse pour l’utilisation des données probantes dans la pratique, ces leaders ne sont pas toujours significatifs pour tous les membres d’un groupe et ils ne réussissent pas toujours non plus à répondre aux besoins des intervenants en matière de données probantes (ex. besoin d’un article scientifique sur un thème très précis).

2.2.2 Mission, objectifs et valeurs de l’organisation

Le leadership des gestionnaires, leurs fonctions dans l’établissement et leur rôle à titre de modèle positif pour les autres membres de l’organisation sont autant d’éléments qu’ils peuvent utiliser pour parvenir à intégrer l’UDP à la mission, aux objectifs et aux valeurs de l’organisation (Gervais et Chagnon, 2010; Hemsley-Brown et Sharp, 2003; Jaskyte et Dressler, 2005; Steler et al., 2009).

À ce sujet, Gervais et Chagnon (2010) précisent que sur le plan organisationnel, l’établissement d’un leadership fort et le partage de buts communs concernant les stratégies et les ressources nécessaires à l’utilisation des données probantes favorisent l’UDP dans les milieux de pratiques et de gestion. Ces éléments auront pour effet de mobiliser les organisations vers l’UDP et permettront de clarifier les rôles et les mandats des membres et d’avoir une vision claire des retombées de l’utilisation des données probantes (Gervais et Chagnon, 2010; Stetler et al., 2009). Selon Jaskyte et Dressler (2005), si les organisations veulent promouvoir une EBP, les gestionnaires doivent permettre aux employés d’être créatifs, de prendre des risques, d’expérimenter et de tirer avantage des opportunités qui se présentent à eux. Le pouvoir d’agir des gestionnaires doit donc se manifester dans la création et la diffusion de nouvelles valeurs et de nouvelles normes organisationnelles ainsi que dans les changements concernant la motivation des employés à l’égard de l’utilisation des données probantes.

2.2.3 Supervision, encadrement et soutien par les gestionnaires

La formation des intervenants par rapport à l’utilisation des données probants ne peut à elle seule garantir l’utilisation d’une EBP dans l’intervention (Wike et al., 2014). Bien qu’elle constitue un bon point de départ, il est nécessaire que les gestionnaires offrent un encadrement et

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de la supervision afin de soutenir l'UDP chez les intervenants et de leur enseigner les attitudes et les comportements à adopter en regard de l’UDP (Aarons et Palinkas, 2007; Barratt, 2003; Wike et al., 2014; Wilson et Douglas, 2007). Par conséquent, il est crucial pour une organisation de former et d’outiller ces gestionnaires afin qu’ils développent les compétences nécessaires pour promouvoir l’utilisation des données probantes et aussi pour agir en tant que modèles auprès des autres membres de l’organisation (Barratt, 2003).

De manière plus générale, le degré de soutien offert aux employés par l’organisation représente un des six facteurs identifiés dans l’étude de Aarons et Palinkas (2007) pour favoriser l’implantation d’un programme probant. Les auteurs soulignent que le soutien organisationnel doit être présent à tous les niveaux de l’établissement afin d’observer un impact sur la pratique clinique. Les différents niveaux touchent : 1- la direction des services offerts aux usagers qui doit intégrer les données probantes à ses modes d’interventions, 2- l’organisation en général qui doit valoriser les EBP et susciter la confiance et l’implication du personnel vers ce type de pratique et 3- les superviseurs ou les gestionnaires qui doivent être impliqués en mots et en actions dans la promotion de l’EBP visée.

Une façon de pallier les barrières de l’UDP dans l’intervention est d’impliquer les gestionnaires afin qu’ils offrent du soutien et orientent leurs actions vers l’acquisition et le déploiement de ressources financières, matérielles et humaines suffisantes (Gray et al., 2013). L’UDP doit alors devenir partie intégrante de la culture organisationnelle et cette dernière doit soutenir la mise en place d’un réseau de soutien, de ressources, de formation et de supervision par les gestionnaires et pour les intervenants (Gray et al., 2013).

2.2.4 Structure de l’organisation et style de gestion

Le style de gestion adopté par les gestionnaires est susceptible d’influencer la structure et le fonctionnement de l’organisation et des différentes parties qui la composent. Par exemple, il permet d’établir une bonne planification stratégique et un contexte de réceptivité lors d’un changement orienté vers l’UDP (Jack et al., 2010; Peirson et al., 2012; Scott-Findlay et Golden-Biddle, 2005; Stetler et al., 2009; Trocmé et al., 2009; Wilson et Douglas, 2007). Selon Wilson et Douglas (2007), les gestionnaires influencent la CO tant au plan macro qu’au plan micro. Sur le

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