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Culture cultivée, culture anthropologique et Interculturel

5. Approche culturelle en didactique des langues et des cultures

5.3. Culture cultivée, culture anthropologique et Interculturel

Culture cultivée

La culture cultivée peut être qualifiée de culture savante. Ce sont des connaissances encyclopédiques qui recouvrent la littérature, les arts, l'histoire, etc. (Beacco, 2000 : 111 ;

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Pothier, 2003 : 22-28). La culture cultivée a été, pendant de nombreuses années, un des principaux objectifs de l'approche culturelle en DLC. Elle "s'enseignait" essentiellement par le biais de textes littéraires (Porcher, 1982).

Néanmoins, la percée des / de l'approche(s) communicative(s) a engendré un renversement dans les approches culturelles. Des approches intégrant et transmettant des informations quotidiennes pour accroître les savoirs culturels des apprenants dans "le sens anthropologique du terme" (Porcher, 1982) se sont multipliées. Se pose désormais la question du maintien de

"l'appropriation d'une culture classique" ou du développement d'une approche culturelle de type anthropologique. Cette dernière est de plus en plus choisie et consensuelle. Toutefois, les documents de culture cultivée contiennent une pluralité d'objectifs et il semble déplacé de dénigrer cette composante de la culture. Les TIC peuvent aider à rehausser l'attrait de cette approche culturelle laissée de côté depuis l'émergence de l'approche communicative et le développement de la perspective actionnelle.

Pour J.-C. Beacco (2000 : 112-115), l'approche s'appuyant sur la culture cultivée n'est pas obsolète et il propose de caractériser la multiplicité des finalités auxquelles peut répondre une approche basée sur la culture cultivée. Nous avons sélectionné les plus adaptées à l'objet de notre recherche :

 la découverte de connaissances émanant de la culture cultivée serait un moyen d'orienter l'enseignement / apprentissage vers "une expérience esthétique" en choisissant d'aborder des textes poétiques ;

 le recours à la littérature, à la peinture, n'est pas forcément contraire aux demandes de communication des apprenants puisqu'un travail sur des supports contemporains reste une combinaison possible pour l'étude de la langue ;

 les supports ayant eu une réception internationale13 pourraient amener l'enseignant à travailler, avec les apprenants, sur la description et les effets de cet accueil dans les pays ;

13 J.-Cl. Beacco propose par exemple les textes de Montaigne, Molière, Voltaire, Hugo, Zola et Camus.

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 la culture cultivée est en mesure de passer par des documents "en contact avec la modernité", ce qui peut être bénéfique pour "l'expérience collective" (actualité artistique et littéraire) ;

 la découverte des œuvres littéraires ou artistiques méconnues serait un moyen de casser les représentations (parfois négatives) et participerait à l'exploration de nouveaux supports artistiques, littéraires des Caraïbes, d'Afrique, du Moyen-Orient, etc. ;

 la culture cultivée peut être, indirectement, un outil d'accès, d'une part, à la culture anthropologique en choisissant (ou non) des documents appartenant "au champ institutionnel de la littérature [qui ont contribué]

à la réflexion politique et sociale" (St Just, Foucault, Bourdieu, etc.) et, d'autre part, un moyen de partager la culture des natifs en découvrant l'ancrage littéraire et artistique que les Français ou francophones, par exemple, doivent assimiler (fables, Victor Hugo).

Il reste de multiples façons d'aborder les éléments culturels et Internet pourrait y contribuer.

D'ailleurs, il est à noter que, d'après J.-C. Beacco (2000 : 114-115), les manuels de langue ressemblent parfois à :

une encyclopédie portative, sorte de guide à la Michelin, où se côtoient données administratives et économiques, anecdotes et curiosités, éléments de chronologie, textes littéraires et personnages de renom, environnement quotidien et monuments…, bric à brac informatif surprenant et savoureux.

Cette implantation d'images dispersées tend à développer la folklorisation et la stigmatisation.

Internet, pourrait être une solution pour prévenir cette tendance éditoriale. En effet, l'inventaire d'éléments culturels n'a aucune valeur si ceux-ci ne sont pas présentés et exploités précisément et sans altération (Beacco, 2000 : 114-115).

Culture anthropologique

La culture anthropologique correspond aux modes de vie en opposition à la culture cultivée c'est-à-dire aux pratiques culturelles des locuteurs d'une langue cible d'un pays donné. Nous pouvons avancer que la culture anthropologique se présente comme un système intégré (tous les éléments sont liés) de réponses, d'explications au milieu physique, climatique,

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technologique et social. Certains individus prennent part à ce système qui les organise en groupes et leur permet, d'une part, de se définir par une identité culturelle commune, et d'autre part, de se distinguer d'autres groupes à l'origine de système différents. P. d'Iribarne (1989 : XIV) souligne, quant à lui, que la culture anthropologique est la "manière dont chaque culture construit un système de significations sociales" et remarque à ce titre que

ces significations […] ne sont pas délibérément choisies par les individus.

Ceux-ci les reçoivent pour l'essentiel […]. Elles modèlent les 'évidences' sur lesquelles ils s'appuient pour agir 'rationnellement'.

La culture anthropologique est une "culture transversale" qui relève d'un ensemble de personnes et qui s'acquiert aux contacts des autres.

Nous pouvons rapprocher la culture anthropologique de ce que M. Pothier, en s'appuyant sur les travaux de R. Galisson (1991: 116-117), qualifie de culture quotidienne ou culture partagée, c'est-à-dire les traits distinctifs qui caractérisent les modes de vie d'un peuple, d'une société. C'est un acquis commun que les locuteurs d'un groupe donné possèdent (Pothier, 2003 : 22-28). Une culture qui n'est "ni décrite, ni enseignée à l'école" (Galisson & André, 1998 : 6 ; cf. le recueil de données du chapitre 7). Cette approche de la culture englobe les attitudes, les comportements, les représentations, les coutumes, les croyances, les mœurs, etc.

d'un groupe défini. Les individus appartenant à cette culture partagée ont acquis ces habitudes et ces capacités qui forment une société.

Par conséquent, un locuteur étranger n'est pas toujours à même de comprendre ces connaissances et représentations réciproques car elles sont tacites et opaques (Pothier, 2003 : 24). Ainsi, il est à noter qu'un locuteur non natif de la langue cible, malgré les connivences qui peuvent exister14, est souvent exclu des complicités existant entre locuteurs d'une même langue. L'apprenant ne partage pas ces références communes et sous-entendues car la culture est construite par un ensemble d'individus, de groupes, etc. chacun possédant sa particularité et manière de s'unir à l'ensemble (de Carlo, 1998 : 48 ; Pothier, 2003 : 22-28 ; cf. 5.1 et chapitre 1).

14 Les étudiants français ou francophones et non francophones de l'École des Ponts Paristech possèdent par exemple, malgré de nombreuses différences, tout de même une "culture partagée" (générationnelle, transnationale, professionnelle).

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Comme le rappelle M. Pothier (2003 : 24), il serait cependant réducteur de ne garder que deux formes de culture (culture cultivée et culture anthropologique). Il en existe bien d'autres telles que la culture universelle, les cultures locales, la culture médiatique, les cultures "nationales", les cultures générationnelles, professionnelles, etc. (Pothier, 2003 : 24).

L'avantage d'une approche s'inspirant de la culture anthropologique réside dans le fait que les marques culturelles n'ont aucune signification sans leur contexte d'utilisation. Une approche anthropologique serait un moyen (tout comme l'interculturel) d'éviter la description pour entrer dans "une culture en acte". Par le biais de cette approche, l'apprenant peut repérer la manière dont la culture et ses traits représentatifs sont appliqués dans "la mise en scène de la vie quotidienne" (Abdallah-Pretceille, 1999 : 17). La découverte d'une culture partagée aiderait à la perception du fonctionnement d'une communauté. Cette culture serait un outil pour anticiper, à un moment précis, ce qui est susceptible de se produire afin de faciliter une relation appropriée avec les locuteurs de la langue étrangère. Il s'agirait donc, par la culture anthropologique, de former les apprenants à percevoir et à analyser "l'environnement physique et humain" de la culture cible (Abdallah-Pretceille, 1999 : 95). Certes, par ces propos, nous nous rapprochons davantage de l'interculturel sans pourtant y parvenir complètement puisque celui-ci nécessite une pédagogie bien différente de ce qui vient d'être exposé.

La culture anthropologique, accompagnée des remarques que nous venons de présenter, pourrait être une solution pour présenter, de manière réfléchie, les éléments qui composent les comportements, les échanges mais également les produits culturels d'une communauté donnée et

rendre accessible aux étrangers qui le souhaitent, des connaissances de natifs […]. Connaissances acquises au fil des jours, sans efforts, par imprégnation, qui forment la trame banale d'un vécu que les autochtones ne songent généralement pas à remettre en cause ni même à interroger (Galisson, 1998 : 7).

Ainsi serait-il possible d'éviter le double inconvénient de réduire la culture anthropologique à la présentation de la famille idyllique et du tourisme superficiel (Byram, 1992).

Compte tenu de l'objet de notre recherche, nous utiliserons, dans les pages qui suivront, les termes de culture anthropologique et de culture partagée de manière équivalente.

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L'interculturel

Actuellement, il est à déplorer qu'il y ait une tendance à assimiler et à mettre sous la même enseigne l'interculturel et le concept de culture. Ce paragraphe tâchera de présenter en quoi la culture se distingue de l'interculturel.

L'origine de l'interculturel tient à l'internationalisation des échanges et des mouvements migratoires (construction de l'Europe, immigration). La découverte de la culture de l'autre, et les confrontations qu'engendre un tel changement, ont vu la naissance de préjugés et de représentations voire de rejet à l'égard des personnes aux langues et aux usages distincts.

L'interculturel ne se transmet pas mais se confectionne. Il s'agit donc d'une démarche de prise de conscience où l'on cherche à comprendre ce qui explique que chaque individu se conduise de manière différente (Demorgon, 2002 : 8). L'interculturel se fonde essentiellement sur des échanges, des questionnements et des discussions entre individus / apprenants à partir de moments vécus ou de supports déclenchant la réflexion (attitudes, valeurs de l'autre culture et de la sienne). Il peut se mettre alors en place un "espace de réflexion et de parole de manière à faire émerger les réactions multiples suscitées par des contacts vécus avec l'altérité et les processus inconscients de socialisation" (Beacco, 2000 : 123).

C'est un espace privilégié pour l'initiative et l'étude lors d'une conscientisation du rôle de la culture dans l'interaction, la communication. Il sera nécessaire, pour l'apprenant, de se décentrer, de se mettre à la place de l'autre, de coopérer et de comprendre comment l'autre perçoit la réalité et comment l'autre le perçoit lui-même. En somme, relativiser ses propres certitudes semble souvent aider à accepter l'ambiguïté de certaines situations et de certains concepts relevant d'une culture différente (de Carlo, 1998 : 44).

Il s'agit d'une co-construction pour distinguer les ressemblances et les différences de la culture cible et de la culture maternelle afin de privilégier une meilleure compréhension et une meilleure communication, d'apporter des modifications profitables, des enrichissements réciproques, d'éviter la schématisation, de tenir compte des particularismes et de ne pas figer l'identité. Comme le souligne M. Abdallah-Pretceille (2003 : 14), il s'agit : "d'apprendre à voir, écouter, à être attentif à autrui, apprendre la vigilance et l'ouverture dans une perspective de diversité".

Cette reconnaissance et cette expérience de l'altérité s'acquièrent et se façonnent car il n'est pas possible d'accéder à autrui sans échange et interaction. Une démarche interculturelle

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veillera à établir un contact, "un pont" entre les individus, à "apprendre la rencontre et pas la culture de l'Autre". M. Abdallah-Pretceille et L. Porcher (1996 : 20) insistent sur l'intérêt de

"s'enrichir de ces différences parce que nous sommes identiques telle est la philosophie de l'hypothèse interculturelle". En d'autres termes, comprendre l'autre dans sa différence signifie que l'on est capable de repérer ce qui lui appartient mais également ce qui nous est propre.

C'est aussi se découvrir soi-même dans son identité, prendre conscience de sa culture, de ses valeurs, modèles, aspirations qui sont solidaires aux diverses appartenances qui constituent un individu (cf. 5.1).

Pour conclure, les TIC seraient, dans ce cas, également un autre moyen pour travailler sur cette compétence. Rappelons le projet Cultura dont les concepteurs souhaitent développer, à distance, la construction d'une compétence interculturelle chez des apprenants américains et français (cf. chapitre 4). Les TIC pourraient aider à aborder l'interculturel sous forme de module en présentiel à l'aide de documents trouvés dans les différentes ressources numériques disponibles sur la Toile. La démarche pédagogique15 serait, par exemple, proche de celle présentée dans le projet Cultura (Furstenberg, Levet, English & Maillet, 2001 ; Pothier, 2003 : 104) : observation, analyse et comparaison de "matériaux similaires", échanges de points de vues, etc. Il s'agirait d'accroître la panoplie de supports actuellement disponibles pour une telle approche et non pas de vanter et d'utiliser le multimédia uniquement parce que cela est de bon ton à l'heure du numérique.