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2. TIC et didactique des langues Ŕ Repères

2.1. Apports anciens de l'utilisation des TIC

Si l'on s'intéresse aux atouts et aux difficultés d'une intégration des TIC au service des apprentissages, on peut repérer des constantes dès l'époque de l'Enseignement assisté par ordinateur (désormais EAO). Toute étude s'intéressant à la relation entre TIC et enseignement / apprentissage des langues, ne peut faire l'impasse sur les utilisations anciennes des TIC. Nous partageons la conviction de ceux qui, comme F. Demaizière, suggèrent qu'il serait maladroit de "considérer que tout est nouveau depuis Internet" (Demaizière, 2001).

Revenir sur les apports anciens de l'utilisation des TIC permettra de révéler certaines lignes de force à garder en mémoire pour la mise en œuvre d'un module intégrant les TIC (et notamment Internet) et d'avoir "un retour systématique sur ce qui existe et ce qui a déjà existé" : éléments nécessaires pour "une expérimentation contrôlée" (Demaizière, 2001).

Revenons sur l'EAO. Comme le rappelle M. Pothier (Pothier, 2003 : 43), l'EAO est l'évolution, l'élargissement de l'enseignement programmé (années 50-60). À l'époque, l'enseignement programmé se base sur les théories béhavioristes (Skinner, Crowder). Tout comme celui-ci, l'EAO a pu s'inspirer de ces théories en reprenant quelques-uns de leurs grands principes :

découpages, des connaissances en unités minimales, évitement de l'erreur par le guidage de la réflexion de l'apprenant, adaptation du cheminement pédagogique en fonction des réponses de l'apprenant (Pothier, 2003 : 43),

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mais en intégrant cette fois-ci un dialogue "homme-machine facilité par le développement des technologies" (Pothier, 2003 : 43).

L'EAO s'est attaché à créer, d'une part, des tutoriels se présentant "comme un cours ou une séquence d'apprentissage au sens le plus complet du terme" (Demaizière & Dubuisson, 1992 : 46). Il est à noter que ces logiciels peuvent proposer des informations à retenir et des phases d'application. Leur utilisation ne nécessite pas toujours l'intervention du formateur. L'EAO est, d'autre part, à l'origine de l'élaboration d'exerciseurs qui permettent, sous forme d'exercices d'application, de "fixer et automatiser des savoir-faire (connaissances procédurales)" (Pothier, 2003 : 44). Rappelons également que les exerciseurs "mettent l'apprenant en situation d'activité constante et proposent une correction immédiate et systématique des réponses qu'il fournit" (Annoot, 1996 : 25).

Les produits d'EAO sont très diversifiés et vont d'approches proposant des exercices purement béhavioristes à des didacticiels très complets conçus "à partir d'une réflexion sur les méthodologies à mettre en œuvre pour permettre à des apprenants l'appropriation de contenus spécifiques" (Annoot, 1996 : 20). Certains produits peuvent "[prendre en compte] et [intégrer] la progression de l'apprenant et lui [apporter] l'aide nécessaire" (Pothier, 2003 : 44).

Le terme d'EAO s'attache à tous les types de connaissances (Pothier, 2003 : 44). Pour l'enseignement / apprentissage des langues, le terme d'ELAO (Enseignement des langues assisté par ordinateur) est apparu mais c'est plutôt celui d'ALAO (Apprentissage des langues assisté par ordinateur) qui s'est imposé pour tenir compte de

l'élargissement des objectifs du concepteur qui ne visait pas uniquement à enseigner, mais à proposer des environnements diversifiés incluant simulation, apprentissage collaboratif, etc. (Pothier, 2003 : 44).

Pour notre recherche, les apports anciens de l'utilisation des TIC, et par exemple les recherches sur l'EAO et l'ALAO, ont apporté des réflexions clés relatives à la flexibilité des parcours, l'autonomisation et, selon les cas, concernant l'authenticité et la variété des supports.

Il s'agira d'aborder, dans les paragraphes qui suivent, trois grands axes : les supports, le guidage et l'apprenant.

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2.1.1. Les supports

Les recherches qui ont accompagné l'utilisation des TIC ont entraîné, depuis bien longtemps, une réflexion sur la variété, la richesse de l'information mais surtout sur l'adaptabilité et la flexibilité des supports. À titre d'exemple, les produits EAO ont initié la possibilité pour l'apprenant de varier ses demandes, d'avoir accès à une aide, de revenir en arrière, de commencer par le milieu, etc.

De plus, le formateur ou l'utilisateur des technologies de l'époque a vu se profiler une diversification des choix pédagogiques qui a pu favoriser une approche pluri- ou transdisciplinaire. Tout comme les TIC et Internet de nos jours, l'EAO a également encouragé la mise en place, "dans certains cas […] d'activités impossibles à réaliser sans ordinateur (simulation, animation, certaines activités de type ludique)" (Demaizière & Dubuisson, 1992 : 209).

Les usages anciens des TIC fournissent de grands principes de travail avec l'ordinateur et correspondent à certaines approches pédagogiques toujours d'actualité. S'intéresser aux apports anciens de l'utilisation des TIC permet, d'une part, d'anticiper les erreurs à ne pas commettre quand un enseignant intègre les TIC à son enseignement et, d'autre part, d'insister sur l'importance de ne pas s'arrêter aux considérations naïves qui naissent quand un "nouvel"

outil est mis en circulation. Les procédures d'évaluation des logiciels, des didacticiels ou des sites Internet doivent d'ailleurs beaucoup aux premiers travaux s'intéressant à l'utilisation de l'ordinateur. Ainsi, la pédagogisation et le choix de sites Internet trouvent également leur inspiration dans les remarques faites à propos des usages anciens des TIC : importance de veiller à ce que le texte ne soit pas surchargé, que l'image soit utilisée efficacement et non pas de façon arbitraire ou décorative, souplesse de l'écran, correction propre (sans ratures) et rapide avec un traitement de texte, etc.

2.1.2. Le guidage

D'après nous, les apports anciens de l'utilisation des TIC fournissent également "un précis du bon usage du guidage" (Demaizière, 2004). Selon F. Demaizière, le guidage se définit par

toutes les formes que peut prendre l'intervention pédagogique facilitatrice.

À la variété des ressources répond la variété des formes et des moments du

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guidage : consignes ou conseils préalables à une activité, intervention du tutorat pendant un parcours, évaluation formative, etc. (Demaizière, 2004).

Le guidage a suscité, dans le domaine des TIC, une réflexion sur les différents éléments disponibles pour l'enseignement / apprentissage. Il existe trois types de ressources : les ressources brutes, pédagogisées et pédagogiques (nous reviendrons sur ce point dans les chapitres suivants). Grâce à cette variété, l'enseignant et l'apprenant se trouvent face à une diversité de choix et de pratiques et le rôle du formateur connaît une évolution (Demaizière &

Dubuisson, 1992 : 212-220).

Selon les cas, le rôle de l'enseignant se modifie et il encourage désormais l'initiative ainsi que la prise de responsabilité de l'apprenant. L'enseignant peut intervenir également pour vérifier l'adéquation et la rigueur des ressources, analyser l'information transmise par l'écrit, l'image et le son (Tardif, 2002). Il doit également parfois vérifier que les informations éparpillées sont faciles à retrouver et à hiérarchiser (Tardif, 2002). Le scénario pédagogique peut varier, allant d'un fort guidage (contenu dans le document, provenant du formateur) à un guidage plus modéré. Dans ces conditions, l'enseignant est, semble-t-il, amené à ne plus être le "meneur"

du scénario pédagogique et son rôle diffère. Il essaie :

 d'établir un contact individualisé avec l'apprenant (en mettant en avant la parole de celui-ci) ;

 de l'aider à se situer dans de nouveaux systèmes de représentation ;

 d'adopter un nouvel état d'esprit ;

 d'offrir des commentaires ou des questions plutôt que des réponses.

Ce changement tient au fait qu'il n'est plus le détenteur de la connaissance mais un formateur

"qui opère comme tuteur" (Demaizière & Dubuisson, 1992 : 212-220 ; Annoot, 1996 : 64-67).

Certains pourraient penser qu'avec l'intégration de l'ordinateur le formateur aurait tendance à s'effacer or, au contraire,

l'introduction des nouvelles technologies dans ses pratiques pédagogiques entraîne la reconnaissance de son statut de 'praticien' aussi bien dans le domaine de l'animation d'actions pédagogiques que dans celui de la conception de didacticiels (Annoot, 1996 : 160).

Nous reviendrons sur le rôle de l'enseignant auprès d'adultes dans le chapitre 6.

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2.1.3. L'apprenant

Cette sous-partie s'attachera davantage aux apports anciens de l'utilisation des TIC concernant le travail en groupe et la flexibilité des parcours.

F. Demaizière et C. Dubuisson (1992 : 197) remarquent que, avec l'utilisation de l'ordinateur, l'apprenant va connaître de nouvelles formes d'échanges et de rapports interpersonnels. Cela notamment lors d'un travail en dyade face à l'écran. L'ordinateur comme support pédagogique peut permettre des discussions productives pour l'apprentissage (négociation, aide mutuelle).

Cependant, il convient de rappeler qu'un tel travail de groupe a le désavantage de voir apparaître des meneurs et des exécutants. C'est alors au formateur de veiller à éviter ces situations.

Le recours à l'ordinateur peut répondre à l'hétérogénéité du public car un travail individuel semble favoriser le respect du rythme, des acquis et des choix de l'apprenant. Certes, ces différents aspects seront d'autant mieux exploités que la séance n'est pas limitée dans le temps. Un scénario "classique" de cours ne s'adapte donc pas automatiquement à une formation intégrant l'outil informatique.

La flexibilité des parcours c'est aussi la navigation ou des activités exploratoires. L'apprenant a la possibilité de découvrir différents types de cheminements et il peut disposer d'une liberté de parcours (telle que celle préconisée par la théorie liée à l'hypertexte). Selon les cas, l'étudiant dirige sa propre recherche, il est au centre de son apprentissage et de la situation pédagogique. Quant au formateur et à la ressource, ils sont prêts à aider et à inciter à l'apprentissage (Demaizière, 2004 ; Annoot, 1996 : 64). D'après F. Demaizière, le travail individuel est apprécié de l'apprenant qui se sent maître de son apprentissage. Il peut lui-même intervenir sur ses difficultés (interrompre un document, etc.).

En conclusion, un enseignant qui souhaite, de nos jours, intégrer les TIC à son enseignement, ne peut pas se passer des recherches relevant de l'utilisation ancienne des TIC. Elles permettent de réfléchir aux pratiques, aux dispositifs à mettre en œuvre et aux erreurs à ne pas commettre. Se documenter sur les apports anciens de l'utilisation des TIC est une étape recommandée pour toute démarche pédagogique intégrant TIC ou Internet.

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