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Chapitre 4 Hétérostructures cœurs-coquilles à nanofils de ZnO/CuCrO 2 pour la

4.1 Le CuCrO 2 pour l’opto-électronique

Les semiconducteurs de la famille délafossite, de type CuAO

2

avec A= Al, Cr, Fe, Co, Ga,

Y, In, La, Nd ou Eu [615–617], sont l’objet d’un fort intérêt pour des applications en

opto-électronique, tels que les oxydes transparents conducteurs, en raison de leur bonne

conductivité électrique de type p associée à une bonne transparence dans le visible [618, 619].

Le potentiel applicatif de ce type de semiconducteurs a été popularisé par Kawazoe et al. en

1997 par l’étude du CuAlO

2

, révélant une conductivité électrique allant jusqu’à 1 S.cm

-1

avec

une bonne mobilité des trous de 10 cm

2

.V

-1

.s

-1

[620]. Parmi les phases délafossites, le CuCrO

2

apparait également comme un candidat prometteur pour la fabrication d’hétérostructures

transparentes dans le domaine visible en raison de sa conductivité électrique élevée [618,

621]. Dans cette section, nous décrivons brièvement les propriétés du CuCrO

2

ainsi que la

littérature existante concernant la formation et la caractérisation d’hétérostructures

ZnO/CuCrO

2

.

4.1.1 Propriétés structurales et électro-optiques

La structure cristalline délafossite du CuCrO

2

est représentée Figure 4.1a. Celle-ci est

constituée d’un empilement alternatif dans le plan a-b de couches de cations Cu

+

et de

couches de CrO

2

[619]. Les atomes de cuivre sont associés linéairement à deux atomes

d’oxygène parallèlement à l’axe c, tandis que chaque atome d’oxygène est liée à trois atomes

de chrome, formant ainsi un octaèdre centré sur ce dernier. Différents polytypes sont

obtenus en fonction de la séquence d’empilement, une structure hexagonale de groupe

d’espace P63/mmc, ou une structure rhombohédrale de groupe d’espace R-3mh[619]. Les

paramètres de maille de cette dernière, qui nous intéresse dans le cas présent, sont

a=b=2,9734 Å et c=17,100 Å [622].

Figure 4.1(a) Représentation schématique de la structure cristalline rhombohédrale délafossite du

CuCrO2. Les sphères bleues, vertes et rouges correspondent aux atomes de Cu, Cr et O, respectivement. (b) Diagramme de bande théorique du CuCrO2 en structure rhombohédrale délafossite calculé par DFT. Les lignes noires pleines et les lignes pointillées vertes correspondent aux électrons de spin positif et négatif, respectivement. D’après Gillen et Robertson [623].

D’après Kawazoe et al., cette structure bidimensionnelle en couches est à l’origine de la

plus large bande d’énergie interdite observée chez les phases délafossites par rapport à un

autre semiconducteur de type p, le Cu

2

O [620]. La structure de bandes électronique

théorique du CuCrO

2

, présentée Figure 4.1b, révèle une bande d’énergie interdite indirecte

de 2,9 eV, entre les points F et L, et directe de 3,1 eV au point L. Expérimentalement, les

caractérisations optiques révèlent une bande d’énergie interdite directe, typiquement située

entre 2,8 eV et 3,3 eV [616, 618, 624, 625], ce qui favorise sa relative transparence dans le

domaine visible avec une transmittance optique de l’ordre de 40 % à 60 % [626].

La conductivité de type p observée dans les phases délafossites est associée aux lacunes

de cuivre et aux interstitiels d’oxygène [620, 627] et est favorisée par la délocalisation des

trous au bord de la bande de valence, qui est due aux niveaux d’énergie comparables des

orbitales d de Cu

+

et 2p de l’oxygène [628–630]. Le CuCrO

2

présente à ce jour la conductivité

électrique la plus haute parmi les phases délafossites, avec un maximum de 220 S.cm

-1

par

dopage avec le magnésium [618, 621]. La conductivité électrique du CuCrO

2

intrinsèque varie

typiquement entre 10

-4

S.cm

-1

et 10 S.cm

-1

suivant la méthode d’élaboration employée [626].

Les propriétés de transport électrique avantageuses du CuCrO

2

par rapport aux autres phases

délafossite ont été attribuée à une configuration favorable des orbitales 3d de Cr(III),

entrainant leur combinaison avec les orbitales 2p de l’oxygène [628–630]. Des mesures

effectuées sur des monocristaux de CuCrO

2

ont par ailleurs montées qu’il existe une forte

anisotropie ente la résistivité électrique parallèle au plan a-b, d’environ 3,4 x 10

2

Ω.cm, et la

résistivité électrique dans la direction parallèle à l’axe c, d’environ 1,25 x 10

4

Ω.cm [631]. Cette

anisotropie est associée à la structure bidimensionnelle en couches du CuCrO

2

favorisant le

transport des trous à travers la couche formée par Cu

+

ou par CrO

2

dans le plan a-b par

rapport à Cr-O-Cu dans la direction c[631].

Des couches minces de CuCrO

2

ont été synthétisées par diverses techniques de dépôt

physique et chimique, telles que la pulvérisation cathodique [618, 630, 632], la PI-MOCVD

[626], la AA-CVD [633], la pyrolyse d’aérosol [633–635], le procédé sol-gel [636], et la torche

plasma à pression atmosphérique [637]. Farrell et al. ont notamment rapporté la formation

de CuCrO

2

nanocristallin par spray pyrolyse d’aérosol à une température modérée, inférieure

à 400°C, en utilisant des précurseurs organo-métalliques typiquement compatibles avec

d’autres techniques comme la AA-MOCVD [634]. Ces couches présentent une haute

conductivité électrique de 12 S.cm

-1

et une transmittance optique de plus de 55 %.

4.1.2 Hétérostructures transparentes ZnO/CuCrO

2

Avec sa bonne conductivité électrique de type p et sa bande d’énergie interdite supérieure

à 2,8 eV, le CuCrO

2

se révèle attractif pour former des hétérojonctions p-n transparentes

dans le domaine visible par combinaison avec un semiconducteur de type n à large bande

d’énergie interdite tel que ZnO. Ces hétérostructures peuvent typiquement être utilisées

comme photo-détecteur UV autoalimenté.

Minami et al. ont rapporté pour la première fois, en 2004, la fabrication d’une

hétérostructure bicouches ZnO/CuCrO

2

[638]. L’hétérojonction p-n ZnO/CuCrO

2

formée

par pulvérisation cathodique se caractérise notamment par un facteur de rectification de 25

entre les courants mesurés à +1 V et -1 V sous obscurité, et également par la photo-génération

d’une tension de l’ordre du millivolt lorsque l’hétérostructure est éclairée avec une lumière

UV entre 280 nm et 390 nm [638]. D’autres groupes ont depuis réalisé de telles

hétérostructures par pulvérisation cathodique [639] et par PLD [640–642]. Tonooka et

Kikuchi ont notamment mesuré un facteur de rectification de 70 entre les courants mesurés

sous obscurité à +1,5 V et -1,5 V avec une transmittance de plus de 80 % dans le domaine

visible [640], tandis que Chiu et al. ont obtenu un facteur de rectification de 120 entre les

courants mesurés sous obscurité à +5 V et -5 V et une tension photo-générée de 184 mV sous

illumination UV à 375 nm [641].

Ces exemples illustrent bien le potentiel des hétérostructures ZnO/CuCrO

2

pour la

fabrication de diodes p-n transparentes dans le domaine visible et capables de détecter des

signaux UV sans apport d’énergie externe. Les performances restent néanmoins relativement

limitées et pourraient typiquement bénéficier de la nanostructuration de la couche de ZnO,

en utilisant par exemple des nanofils de ZnO permettant une configuration de type

hétérostructures cœurs-coquilles. De telles hétérostructures n’ont cependant pas été

rapportées dans la littérature. Les nanofils de ZnO ont en revanche été combinés par Bu et

al. à un autre semiconducteur de la famille des délafossites, CuAlO

2

, révélant un

comportement photovoltaïque avec une V

oc

de 250 mV sous illumination AM 1,5G [643].