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Chapitre 2 Effet de la polarité sur la croissance et les propriétés des nanofils de

2.3 Propriétés électriques et optiques des nanofils de polarité oxygène et zinc

2.3.2 Caractérisations électriques sur nanofil unique

2.3.2.1 Élaboration des nanofils

Les nanofils de ZnO des deux polarités sont d’abord élaborés par dépôt en bain chimique

sur des monocristaux de ZnO de polarité O et Zn recouverts d’un motif carré avec un

diamètre de trous de 143 ± 8 nm et une période de trous de 1004 ± 6 nm, tel que présenté

Figure 2.4a. La croissance est effectuée selon la procédure présentée en section 2.1, en même

temps et de façon identique pour les monocristaux de chaque polarité dans des conditions

standard (concentration de 30 mM, température de 90°C, durée de 3 h). Des images MEB

des nanofils utilisés pour cette étude sont présentés Figure 2.5. Les réseaux de nanofils ainsi

obtenus sont d’une très bonne uniformité avec une longueur moyenne de 3242 ± 85 nm pour

les nanofils de polarité O et de 3963 ± 60 nm pour les nanofils de polarité Zn. On retrouve

une différence de vitesse de croissance entre les deux polarités telle qu’étudiée dans la partie

précédente.

Les réseaux ordonnés de nanofils de ZnO verticaux à polarité contrôlée ainsi préparés

sont ensuite dispersés mécaniquement sur la surface plane d’un wafer de silicium recouvert

d’une couche de SiO

2

d’une épaisseur de 100 nm obtenue par oxydation thermique. Les

nanofils de polarité O et Zn sont dispersés sur un substrat différent. Des images MEB en vue

de dessus des nanofils reposant sur leurs parois verticales sur la couche de SiO

2

sont

montrées Figure 2.19.

Figure 2.19 Images MEB en vue de dessus des nanofils de ZnO de polarité (a) O et (b) Zn

2.3.2.2 Mesures de résistivité par la méthode des quatre pointes

Les caractérisations électriques sur nanofil unique sont effectuées selon deux types de

configurations : i) par la méthode des quatre pointes utilisant des contacts métalliques

déposés aux extrémités des nanofils selon une méthode développée à l’Institut Néel par

Fabrice Donatini et Julien Pernot ; et ii) par la méthode des quatre pointes en utilisant un

nano-manipulateur muni de pointes STM directement en contact avec les nanofils, selon une

méthode développée à l’Université de Swansea par Alex Lord.

Contact métallique

Les quatre contacts métalliques Ti/Au sont déposés aux extrémités des nanofils de ZnO

par une méthode hybride combinant la lithographie assistée par faisceau d’électrons et

l’imagerie de cathodoluminescence à basse température. Il s’agit de repérer la position des

nanofils de ZnO recouverts d’une résine photosensible avec le signal de

cathodoluminescence émis par le ZnO, ce qui permet ensuite de former les motifs par

lithographie assistée par faisceau d’électrons à la position désirée avec une haute résolution

spatiale. Cette technique permet de s’affranchir de la fabrication de marques d’alignement

et d’imagerie MEB qui sont des étapes couteuses en temps. Cette procédure est présentée

plus en détail dans une publication de Donatini et al.[530].

Les nanofils de ZnO sont d’abord entièrement recouverts par une couche de planarisation

d’une épaisseur de 1,96 µm avec la résine LOR7A par enduction centrifuge. L’épaisseur de

cette couche est réduite à 375 nm (e.g. inférieure au diamètre des nanofils) par une gravure

ionique réactive de 5 min en utilisant un plasma O

2

. Une bicouche PMMA/MMA (500/200

nm) est étalée suivant deux étapes successives d’enduction centrifuge. La lithographie

assistée par faisceau d’électrons suivie d’une étape de développement dans une solution de

MIKB est ensuite utilisée pour former des ouvertures dans la résine au niveau des extrémités

des nanofils. La position des nanofils est repérée à l’aide de leur signal de

cathodoluminescence. Les contacts ohmiques Ti/Au (175 nm/50 nm) sont déposés par

évaporation thermique. La résine PMMA/MMA restante sur le substrat est enfin retirée dans

un bain d’acétone.

L’accès électrique aux quatre contacts métalliques est effectué à l’intérieur d’un MEB FEI

Inspect F50 grâce à un nano-manipulateur muni de quatre pointes. Une image MEB de la

configuration correspondante est présentée Figure 2.20b. Le courant est injecté entre les

deux pointes externes tandis que la tension est mesurée entre les deux pointes internes. Le

courant est ainsi varié sur une gamme de quelques µA, ce qui permet de tracer la tension en

fonction du courant.

Un exemple d’une telle mesure est présentée Figure 2.20a. La pente de l’ajustement

linéaire (

𝑑𝑉𝑑𝐼

) donne la résistance du nanofil ( 𝑅 [Ω]). La résistivité correspondante est ensuite

déterminée par la formule :

𝜌 =𝑅 × 𝐴

Avec 𝜌 la résistivité [Ω.cm], A la section transverse du nanofil [cm

2

], calculée à partir du

diamètre du nanofil également mesurée à l’aide des images MEB, et L, la distance séparant

les deux contacts internes [cm], mesurée également à l’aide des images MEB.

Figure 2.20(a) Mesure de la résistivité d’un nanofil de ZnO par la méthode des quatre pointes en

utilisant quatre contacts métalliques déposés aux extrémités du nanofil. Le courant est injecté par les deux contacts externes tandis que la tension est mesurée entre les deux contacts internes. La ligne bleue en pointillés correspond à un ajustement linéaire des points rouges expérimentaux. (b) Image MEB en vue de dessus illustrant la configuration de la mesure.

Contact direct des pointes

Des mesures additionnelles de résistivité électrique des nanofils de ZnO des deux

polarités sont effectuées à l’aide d’un nano-manipulateur muni de pointes STM directement

en contact avec les nanofils afin de comparer et confirmer les résultats obtenus à l’aide de la

première méthode. Les échantillons de nanofils de ZnO dispersés sur un substrat de SiO

2

/Si

sont placés dans une chambre sous ultravide avec une faible pression de 1 x 10

-11

mbar. Les

premières mesures sont effectuées après un délai d’attente minimal de 24 heures. Les

mesures quatre pointes sont accomplies in situ à l’intérieur d’un MEB à l’aide d’un système

Omicron LT Nanoprobe et d’un ampèremètre Keithley 2636B. L’oxyde de surface et les

contaminations potentielles présentes sur les pointes STM en tungstène sont en grande

partie retirés par un recuit par courant direct sous ultravide d’après la méthode proposée par

Cobley et al.[563]. Les pointes sont ensuite manuellement guidées vers un nanofil de ZnO

avec un pas de 1 nm jusqu’à ce qu’un courant électrique distinct du bruit soit observé, afin

de ne pas introduire de contraintes à la surface des nanofils, qui peuvent affecter les mesures

de résistance électrique [535].

Une image MEB des quatre pointes STM en contact avec les parois verticales d’un nanofil

de ZnO est présentée Figure 2.21b. La résistance (R) du nanofil est ensuite mesurée pour

différentes distances séparant les deux pointes internes (L) (Figure 2.21a). La pente (

𝑑𝑅

𝑑𝐿

)

donnée par l’ajustement linéaire des points expérimentaux permet de calculer la résistivité

du nanofil suivant la formule :

𝜌 =𝑑𝑅

Figure 2.21 (a) Mesure de la résistivité d’un nanofil de ZnO par la méthode des quatre pointes en utilisant un nano-manipulateur avec des pointes STM directement en contact avec le nanofil. Le courant est injecté par les deux pointes externes tandis que la tension et la résistance correspondante mesurées pour différentes distances entre les pointes internes. La ligne bleue en pointillés correspond à un ajustement linéaire des points rouges expérimentaux. (b) Image MEB en vue de dessus illustrant la configuration de la mesure.

2.3.2.3 Résistivité électrique des nanofils de polarité O et Zn

Photoconductivité persistante

Des mesures de résistivité électrique sont d’abord effectuées avec la configuration

utilisant les contacts métalliques sur des nanofils de ZnO des deux polarités pour évaluer

l’effet de l’exposition du nanofil mesuré au faisceau d’électrons. Les nanofils de polarité O et

de polarité Zn sont exposés à un faisceau d’électron d’une dose de 10

6

µC.cm

-2

à t=0 seconde

et leur résistance électrique est mesurée régulièrement après extinction du faisceau pendant

environ 1500 secondes. La mesure de

𝑅

𝐿

en fonction du temps est présentée Figure 2.22.

Figure 2.22 Variation de R/L dans le temps après exposition au faisceau d’électrons d’un nanofil de

ZnO de polarité O et d’un nanofil de polarité Zn. Mesures effectuées avec la méthode des quatre pointes utilisant quatre contacts métalliques.

0 500 1000 1500 2000 0 200 400 600 800 1000 1200 1400 Polarité Zn Polarité O

R/L

(

.µm

-1

)

Temps (s)

On observe d’abord une diminution de

𝑅

𝐿

pour les nanofils des deux polarités, puis une

stabilisation. Ce phénomène de photoconductivité persistante est liée à la désorption de

l’oxygène en surface, provoqué par la formation de trous au sein du ZnO résultant des

électrons incidents [325]. Les molécules d’oxygène sont ensuite évacuées par le système de

pompage ou bien réadsorbées à la surface des nanofils. Afin de s’affranchir de ce phénomène,

les mesures de résistivité électrique présentées par la suite sont toujours effectuées après

avoir exposé les nanofils un certain temps au faisceau d’électrons.

Mesure statistique

Un nombre total de 23 nanofils de polarité O et de 20 nanofils de polarité Zn dont les

rayons varient entre 210 nm et 310 nm ont été mesurés par ces deux approches afin de

permettre une analyse statistique de leur résistivité électrique. Ces mesures sont présentées

Figure 2.23.

Pour la configuration utilisant des contacts métalliques, la résistivité électrique varie de

7,4 x 10

-3

Ω.cm à 4,8 x 10

-1

Ω.cm pour les nanofils de polarité O et de 4,0 x 10

-3

Ω.cm à 1,98 x

10

-2

Ω.cm pour les nanofils de polarité Zn. La résistivité électrique moyenne correspondante

est d’environ 9,8 x 10

-2

Ω.cm et de 1,1 x 10

-2

Ω.cm pour les nanofils de polarité O et Zn,

respectivement. La conductivité électrique moyenne déduite de ces mesures montre que les

nanofils de polarité Zn sont en moyenne 9 fois plus conducteurs que les nanofils de polarité

O avec une valeur de 91 S.cm

-1

et 10 S.cm

-1

, respectivement. La distribution des valeurs de

résistivité est également largement dépendante de la polarité avec un écart type de 15 x 10

-2

Ω.cm pour la polarité O contre seulement 0,4 x 10

-2

Ω.cm pour la polarité Zn.

Figure 2.23 Mesure de la résistivité des nanofils de polarité O et de polarité Zn par la méthode des

quatre pointes en fonction de leur rayon pour deux configurations de mesure différentes.

200 225 250 275 300 325 350

10-3 10-2 10-1 100

Polarité Zn - contacts métalliques Polarité O - contacts métalliques Polarité Zn - contact direct Polarité O - contact direct

Rés istivit é (.cm ) Rayon du nanofil (nm)

Les résistivités électriques mesurées par la configuration utilisant les pointes STM

confirment la haute conductivité électrique des nanofils de ZnO des deux polarités,

particulièrement en faveur de la polarité Zn. Finalement, la résistivité électrique moyenne

comprenant les deux types de mesure donne une valeur moyenne de 9,1 x 10

-3

Ω.cm pour les

nanofils de polarité O et 5,6 x 10

-3

Ω.cm pour les nanofils de polarité Zn.

On note également en observant la Figure 2.23 que la résistivité électrique des nanofils

de ZnO ne dépend pas de leur rayon. Cela suggère que les phénomènes d’accumulation ou

de déplétion d’électrons à la surface, modulés par l’adsorption d’espèces environnantes,

n’affectent pas la conductivité des nanofils [325]. Le rayon des nanofils mesurés ainsi que

leur conductivité apparaissent dans le cas présent trop élevés pour que les effet de surfaces

soient significatifs [323, 325, 533], et les propriétés de transport sont alors dominées par une

conduction en volume au sein du cœur du nanofil.

Effet de la température

L’effet de la température sur la mesure de

𝑅𝐿

d’un nanofil de polarité O et d’un nanofil de

polarité Zn est présenté Figure 2.24. Le rapport

𝑅𝐿

augmente significativement entre 5 K et

300 K, ce qui suggère un comportement proche du métal, avec une mobilité des électrons

limitée par la diffusion des phonons. Cela implique des niveaux de dopage élevés, avec des

densités de porteurs au moins de l’ordre de 10

18

cm

-3

[325].

Figure 2.24 Variation de 𝑅

𝐿 entre 5 K et 300 K pour un nanofil de polarité O et un nanofil de polarité Zn. Mesure effectuée avec la méthode des quatre pointes utilisant quatre contacts métalliques.

Type de conduction

En supposant que la mobilité des électrons (𝜇

𝑒

) dans le cœur des nanofils de polarité O

et Zn est situé entre 50 cm

2

.V

-1

.s

-1

et 100 cm

2

.V

-1

.s

-1

[68], la densité de porteur de charges (𝑛)

peut être estimée par la formule 𝜌 = 1 𝑞𝑛𝜇⁄

𝑒

(2.21) entre 6,4 x 10

17

cm

-3

et 1,3 x 10

18

cm

-3

pour

1 10 100 1000 300 350 400 450 500 550 600 Polarité Zn Polarité O

R/L

(

.µm

-1

)

Température (K)

les nanofils de polarité O et entre 5,4 x 10

18

cm

-3

et 1,1 x 10

19

cm

-3

pour les nanofils de polarité

Zn. Ces valeurs se révèlent en accord avec les mesures de capacité à balayage effectuées par

AFM, à l’Institut des Nanotechnologies de Lyon par le groupe de Georges Brémond, sur des

nanofils de ZnO de polarité inconnue, élaborées au LMGP dans des conditions similaires

(voir Tableau 2.2) [547]. Par comparaison avec les mesures présentées dans le Tableau 2.2,

les nanofils de ZnO élaborés par dépôt en bain chimique révèlent une densité de porteurs de

charges plus élevée que les nanofils élaborés par dépôt en phase vapeur [134, 325, 544, 546],

et plus faible que ceux élaborés par dépôt électrochimique

[543]

.

La densité de porteurs de charge critique caractérisant la transition d’une conductivité

électrique de type non-métallique ou isolante vers un comportement métallique, suivant la

description de Mott [564], est estimée à 4,2 x 10

18

cm

-3

par Brochen et al.[565]. Dès lors, il

est intéressant de noter qu’une conductivité électrique de type métallique est attendue pour

tous les nanofils de ZnO de polarité Zn, alors les nanofils de polarité O présentent une

conductivité métallique ou non-métallique suivant le nanofil considéré.

Ces mesures révèlent donc la haute conductivité électrique des nanofils de ZnO élaborés

par dépôt en bien chimique, avec des variations significatives observées en fonction de la

polarité. Les niveaux importants de densité de porteurs de charges attendus, et les niveaux

de dopage non-intentionnel de type n associés, suggèrent une incorporation massive de

défauts natifs ou d’impuretés résiduelles de type donneurs pendant la croissance des nanofils

déposés en bain chimique, qui est également susceptible de dépendre de la direction de

croissance du nanofil (i.e. de la polarité).