Chapitre 1 Nanofils de ZnO : synthèse, propriétés, et hétérostructures
1.3 Hétérostructures à nanofils de ZnO pour l’opto-électronique
1.3.3 Cellules solaires à absorbeur extrêmement mince
1.3.3.1 Contexte applicatif
Les performances d’une cellule solaire sont évaluées en mesurant la caractéristique
courant-tension sous une illumination de type AM 1,5G (air mass 1.5 global, 100 mW.cm
-2)
avec un simulateur solaire.
La capacité d’une cellule solaire à convertir la puissance lumineuse incidente (𝑃
𝑖) en
puissance électrique est caractérisée par son rendement de conversion (𝜂) définie par le
rapport entre la puissance maximale délivrée par la cellule (𝑃
𝑚𝑎𝑥) et 𝑃
𝑖. 𝑃
𝑚𝑎𝑥est obtenue
pour un point de fonctionnement optimal de la cellule correspondant à une certaine valeur
du courant 𝐽
𝑝et de la tension aux bornes de la cellule 𝑉
𝑝. On définit également la densité de
courant de court-circuit (𝐽
𝑠𝑐) correspondant au courant délivré par la cellule pour une surface
donnée lorsque la tension est nulle, et la tension en circuit ouvert 𝑉
𝑜𝑐correspondant à la
tension aux bornes de la cellule pour un courant photo-généré nul. Dans le cas d’une cellule
idéale, on aura 𝐽
𝑝= 𝐽
𝑠𝑐et 𝑉
𝑝= 𝑉
𝑜𝑐. Ce n’est cependant en général pas le cas en raison des
divers types de pertes (résistives, …). On définit ainsi le facteur de forme (𝐹𝐹) qui mesure
l’écart par rapport au cas idéal, et dépend notamment du facteur d’idéalité de la diode :
𝐹𝐹 = 𝑃
𝑚𝑎𝑥𝐽
𝑠𝑐× 𝑉
𝑜𝑐(1.25)
Le rendement de conversion s’écrit alors :
𝜂 =𝐹𝐹 × 𝐽
𝑠𝑐× 𝑉
𝑜𝑐𝑃
𝑖(1.26)
Comme nous l’avons vu dans la partie Contexte général, le secteur du photovoltaïque fait
face à de nombreux challenges pour développer des technologies qui soient performantes
avec une utilisation de matériaux réduite et des procédés de fabrication à la fois bas coût et
extensibles en surface. Les architectures radiales à nanofils de ZnO ont naturellement été
considérées pour répondre à ces objectifs en raison des avantages qu’elles offrent au niveau
de la gestion de la lumière, de la gestion des porteurs de charges ainsi que des coûts de
fabrication réduits. Les nanofils de ZnO ont ainsi été intégrés au sein de cellules à colorant
et de cellules à absorbeur extrêmement mince dans le cadre de la troisième génération de
cellules solaires.
S’inspirant de la photosynthèse, O’Regan et Grätzel ont proposé en 1991 pour la première
fois une cellule à colorant basée sur une photoanode composée de nanoparticules de TiO
2avec un rendement de conversion allant de 7,1 % à 7,9 % [479]. Dans ces cellules, un
semiconducteur à large bande d’énergie interdite, tel que TiO
2ou ZnO, formant une couche
poreuse constituée de nanoparticules déposée sur une couche d’oxyde transparent
conducteur est recouvert par une monocouche de pigments photosensible adsorbé à la
surface [480]. Le colorant, en général un composé complexe à base de ruthénium, est excité
par l’absorption des photons incidents, ce qui conduit à l’injection d’un électron dans la
bande de conduction de l’oxyde. L’état original du colorant est ensuite restauré par la
réception d’un électron de la part du conducteur de trou, typiquement composé d’un
électrolyte liquide tel que le couple redox Iodure/Triiodure (I
3-/I
-) [481]. Depuis 1991, le
rendement de conversion des cellules à colorant utilisant le TiO
2mésoporeux a atteint
quasiment 13 % [482]. Parmi les autres oxydes envisagés [86], le ZnO est apparu très
prometteur en raison de sa haute mobilité électronique et de la grande variété de
nanostructures accessibles [86, 119, 483]. Le meilleur rendement a atteint 7,5 % avec des
nanoparticules de ZnO [484], ce qui reste significativement plus faible que pour le TiO
2,
probablement en raison de problèmes de stabilité chimique du ZnO avec le colorant, qui
détériore l’injection des électrons [483].
En dépit des avantages de ces cellules, en matière de transparence, avec des temps de
récupération d’énergie courts, et des faibles coûts de fabrication [119], cette technologie ne
représente qu’une très petite part du marché du solaire photovoltaïque [485],
principalement en raison de l’utilisation de l’électrolyte liquide qui dégrade progressivement
les performances en raison de leur volatilité [486].
Par conséquent, d’importants efforts ont été engagés pour remplacer l’électrolyte par un
conducteur de trous à l’état solide [487]. C’est dans ce cadre que les cellules à absorbeur
extrêmement mince, initialement proposés par Könenkamp et al. en 1996 [488], ont été
développées. Il s’agit ici d’introduire une fine couche (<50 nm) d’un semiconducteur avec
une faible bande d’énergie interdite, entre 1,1 eV et 2 eV, jouant le rôle d’absorbeur, entre
deux semiconducteurs à large bande d’énergie interdite (>3 eV) de type n et de type p qui
jouent le rôle de matériaux transporteur d’électrons et de trous, respectivement [487]. Le
TiO
2-mésoporeux ou les nanofils de ZnO sont typiquement utilisés pour le transport des
électrons. Dans le cas des nanofils, cela revient à former des architectures radiales
cœurs-coquilles telles que représentées Figure 1.24a, dans lesquelles la coquille joue le rôle de
couche absorbante.
1.3.3.2 Les coquilles absorbantes
Différents semiconducteurs de type p ont été considérés pour la coquille absorbante. Le
choix de ces derniers est d’abord effectué en fonction de critères indispensables tels que :
une bande d’énergie directe, un fort coefficient d’absorption dans le visible, et un alignement
de bandes approprié avec le ZnO et le conducteur de trous (i.e. hétérojonctions de type II).
La première cellule à absorbeur extrêmement mince à base de nanofils de ZnO a ainsi été
présentée par Lévy-Clément et al. en 2005 avec une coquille de CdSe et CuSCN comme
transporteur de trous, pour un rendement prometteur de 2,3 % [113]. Des dispositifs
similaires ont depuis été fabriqués avec CdTe [489], CdSe [490, 491], CdS [492] ou encore
avec une double coquille CdS/CdTe [493]. Le meilleur rendement de conversion pour une
cellule à absorbeur extrêmement mince à base de nanofils de ZnO est à ce jour de 4,74 %
pour une coquille de CdSe [490]. La structure de la cellule, avec une image MEB de
l’hétérostructure ainsi que la caractéristique courant-tension sous illumination
correspondante sont présentées Figure 1.27.
Toutefois, la toxicité du cadmium et la tolérance offerte par les hétérostructures
cœurs-coquilles aux matériaux de moins bonne qualité ont poussé les recherches vers des
absorbeurs alternatifs plus originaux. Un tableau regroupant les performances des cellules à
absorbeur extrêmement mince à base de nanofils de ZnO et de diverses coquilles absorbantes
est présenté Tableau 1.3. Des cellules à absorbeur extrêmement mince ont d’abord été
intégrées avec des absorbeurs tel que TiO
2/CuInS
2(CIS) [494, 495], et In
2S
3/CIS [496].
Figure 1.27 (a) Représentation schématique du procédé de formation d’hétérostructures
cœurs-coquilles à nanofils de ZnO/CdSe et de ZnO/ZnxCd1-xSe. (b) Image MEB d’une hétérostructure cœur-coquille à nanofil de ZnO/CdSe. (c) Courbes J-V sous illumination des cellules solaires correspondantes. D’après Xu etal. [361].
Absorbeur V
oc[mV] J
sc[mA.cm
-2] η [%] Année
CdTe [489] 200 0,03 0,17 2006
CdS [492] 155 7,23 3,53 2009
CdSe [490] 650 18,05 4,74 2011
CdS/CdTe [493] 485 15,9 4,2 2018
TiO
2/CIS [495] 425 12 2,20 2008
In
2S
3/CIS [496] 441 15,7 4,17 2010
CuS [497] 391 4,9 1,02 2013
Cu
2O [443] 420 9,89 1,52 2015
CuSbS
2[498] 491 5,87 1,61 2016
ZnS/Sb
2S
3[499] 440 5,57 1,32 2014
TiO
2/Sb
2S
3[120] 656 7,5 2,3 2017
SnS [442] 520 4,6 1,2 2017
Tableau 1.3 Comparaison des caractéristiques des cellules solaires à absorbeur extrêmement mince
intégrant des nanofils de ZnO.
Plus récemment, les efforts se sont dirigés vers le développement d’absorbeurs intégrant
des oxydes métalliques et des métaux soufrés composés d’éléments abondants, en évitant le
recours aux matériaux rares ou critiques comme le tellure, l’indium, et le gallium et pouvant
être synthétisés par des méthodes d’élaboration bas coût, et à faible température,
typiquement par dépôt chimique en phase vapeur et en solution [348, 500]. Des cellules à
absorbeur extrêmement mince combinant les nanofils de ZnO à des absorbeurs tels que CuS
[497], Cu
2O [443, 501–503], CuSbS
2[498], ZnS/Sb
2S
3[499], TiO
2/Sb
2S
3[120], et SnS [442]
dont les rendements de conversion varient entre 1 % et 2,3 % ont ainsi été démontrés (voir
Tableau 1.3).
L’intérêt d’utiliser des architectures radiales pour des matériaux présentant une qualité
cristalline relativement faible a par exemple été montré dans le cas du Cu
2O déposé par dépôt
électrochimique. Cui et al. ont en effet observé une augmentation de rendement de
conversion de 60 % par l’utilisation de nanofils de ZnO comparée à une configuration en
couche mince [501]. L’avantage de contrôler précisément les propriétés des réseaux de
nanofils par croissance localisée a ensuite été mis en évidence par Chen et al. avec une
augmentation significative du rendement de conversion de 0,67 % à 1,52 % en passant
d’hétérostructures ZnO/Cu
2O à base de nanofils de ZnO par croissance spontanée à des
hétérostructures ZnO/Cu
2O à base de nanofils de ZnO par croissance localisée,
respectivement [349]. Des images MEB des nanofils de ZnO localisés obtenus en combinant
le dépôt en bain chimique avec la lithographie à interférences laser sont présentées Figure
1.28(a,b). On remarque sur ces images MEB que le contrôle des propriétés structurales du
réseau de nanofils de ZnO n’est pas optimisé, avec la présence de multiples nanofils par trous.
Les hétérostructures ZnO/Cu
2O formés sur ce type de réseaux de nanofils sont présentées
Figure 1.28c, et les caractéristiques courant-tension correspondantes sont présentées Figure
1.28d.
Figure 1.28(a, b) Images MEB en vue de dessus et en coupe transverse, respectivement, des nanofils
de ZnO obtenus par croissance localisée pour un motif carré. (c) Image MEB en coupe transverse des hétérostructures ZnO/Cu2O à base de nanofils localisés pour un motif carré. (d) Caractéristiques courant-tension sous illumination (AM 1,5G) d’une cellule solaire intégrant des hétérostructures à nanofils de ZnO/Cu2O pour une croissance spontanée (courbe rouge) ou pour une croissance localisée avec un motif sous forme de ligne (courbe verte) et avec un motif carré (courbe bleue). D’après Chen etal. [349].
Des composés soufrés comme Sb
2S
3ont également fait l’objet de nombreuses études
[437, 504–507] pour ses bonnes propriétés absorbantes dans le visible ainsi que la possibilité
de le synthétiser en solution par dépôt en bain chimique [504, 508] ou par dépôt de couches
successives par adsorption et réaction (SILAR pour successive ionic layer adsorption and
reaction) [509]. Un très bon rendement de conversion de 7,5 % est obtenu en le combinant
avec une couche de TiO
2mésoporeux [510]. En revanche, son intégration est plus complexe
avec les nanofils de ZnO en raison de l’instabilité chimique du ZnO dans les solutions acides.
Une stratégie prometteuse proposée par Parize etal. consiste à recouvrir les nanofils d’une
fine couche de TiO
2par ALD de façon à bénéficier de la stabilité chimique du TiO
2tout en
gardant l’avantage de l’architecture radiale et de la haute mobilité électronique des nanofils
de ZnO [120]. Un effet passivant du TiO
2a également été mis en évidence et un rendement
de conversion de 2,3 % est atteint pour la cellule à absorbeur extrêmement mince avec une
très faible épaisseur de Sb
2S
3(~10 nm) [120]. Un schéma illustratif de la structure de la cellule
à absorbeur extrêmement mince, des images MEB des hétérostructures cœurs-coquilles,
ainsi que des courbes J-V mesurées sous obscurité et sous illumination AM 1,5G de la cellule
à absorbeur extrêmement mince correspondante sont présentés Figure 1.29.
Figure 1.29 (a) Représentation schématique d’une cellule solaire à absorbeur extrêmement mince
intégrant des hétérostructures cœurs-coquilles à nanofils de ZnO/TiO2/Sb2S3. (b) Images MEB en vue de dessus et en coupe transverse de ces hétérostructures. (c) Caractéristiques J-V sous obscurité et sous illumination (AM 1,5G) des cellules solaires correspondantes avec ou sans la coquille de Sb2S3. D’après Parize etal. [120].