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2 Introduction : La datation par le bois

2.2 Croissance secondaire en milieu tropical

Malgré l’absence de conditions hivernales, considérées comme étant une condition défavorable à la xylogénèse (Lieberman et al., 1985), la présence de cernes de croissance annuel a été reportée par Coster dès 1927 en Indonésie et depuis les études se sont étendues à d’autres pays et d’autres espèces (Détienne, 1995, Worbes, 2002, Nath et al., 2012, Zuidema

et al., 2012). Des auteurs ont également mis en évidence la présence de cerne non annuel ou

irrégulier (Jacoby, 1989, Gourlay, 1995, Sass et al., 1995, Wils et al., 2009) ce qui peut conduire à des résultats controversés de l’âge des arbres tropicaux (Martinez Ramos & Alvarez Buylla, 1998, Chambers & Trumbore, 1999) ou nécessiter des estimations indirectes de la croissance (Lieberman et al., 1985, Laurance et al., 2004).

En milieu tropical, la formation de cerne de croissance annuel peut être causée par des périodes d’inondations annuelles (Callado et al., 2001, Schöngart et al., 2002, Dezzeo et al., 2003, Schöngart et al., 2005), des variations de la durée du jour (Borchert & Rivera, 2001), des variations saisonnières des précipitations (Borchert, 1999, Worbes, 1999, Fichtler et al., 2004, Gebrekirstos et al., 2008) ou bien encore par des rythmes internes non identifiés (Alvim & Alvim, 1978). Dans le cas de variations du régime des précipitations importantes, c’est très probablement la présence d’une saison sèche de plusieurs mois qui induit la formation d’un cerne annuel. En effet, les faibles précipitations observées durant cette saison entraînent un déficit en eau. Ce stress hydrique peut induire chez les arbres un fort ralentissement cambial responsable de la formation d’une limite d’accroissement distincte (Worbes, 1999). Des études rapportent que bien souvent, les espèces connues pour former des cernes sont également connues pour être des espèces décidues ou renouvelant leur feuillage durant la saison sèche (Borchert, 1999, Worbes, 1999). Coster (1927) illustre bien cette relation entre la formation d’un cerne annuel et les précipitations saisonnières. Il a montré que les arbres d’une même espèce formaient des cernes annuels bien distincts sous un régime de précipitations saisonnier variable. A l’inverse, ces mêmes espèces formaient des cernes moins distincts ou irréguliers sous des conditions presque toujours humides. Worbes (1999) suggère qu’une période sèche d’au moins deux mois avec moins de 50 mm de précipitations serait une condition nécessaire pour la formation de cerne annuel pour les arbres de forêts tropicales. Cependant, Fichtler et al., 2003 ont mis en évidence au Costa Rica chez cinq espèces de feuillus (Balizia elegans, Dipteryx panamensis, Hymenolobium mesoamericanum, Minquartia

guianensis et Simarouba amara) la présence de cerne annuel sous un climat très humide (i.e.

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même en présence de faibles variations des précipitations, il puisse y avoir la formation de cernes annuels.

2.2.1 Marquage anatomique des zones de croissance

Très tôt les études se sont portées sur la description et la classification des différents types de marquage anatomique des zones de croissance (Coster, 1927, Boninsegna et al., 1989, Worbes, 1995, Alves & Angyalossy-Alfonso, 2000, Roig et al., 2005, Westbrook et al., 2006, Chowdhury et al., 2008). Le marquage des zones de croissance le long de rayons dans un axe ligneux suppose que lors de l’élaboration du bois un contraste apparaisse entre la fin d’une zone et le début de la suivante, ou qu’une ligne (ou une bande) continue (ou presque) de faciès anatomique ou chimique particulier soit mise en place, de façon répétée dans le temps, de façon à délimiter des zones de croissance. Cela peut se faire via les principaux types cellulaires présents dans le plan ligneux, fibres ou trachéides, vaisseaux et parenchymes (Mariaux, 1967, Fichtler & Worbes, 2012).

Dans la grande majorité des cas où le pilotage se fait via un gradient sévère de ressource en eau (été/printemps, saison sèche/saison des pluies), c’est la porosité de conduction de la sève brute qui « marque » le mieux via le diamètre des lumens de trachéides, la fréquence et le diamètre des vaisseaux (Alves & Angyalossy-Alfonso, 2000). Elle peut se traduire en variations de densité et la microdensitométrie est alors un outil performant pour la dendrochronologie. L’analyse d’image sur la trace des vaisseaux en plan transversal est un autre outil permettant une certaine automatisation de lecture. Par ailleurs, les variations fortes d’accès à l’eau se traduisent aussi par une variation de la composition isotopique du carbone ou de l’oxygène, fixés dans les macromolécules de la paroi, qui peut être suivie par des mesures isotopiques.

Dans d’autres cas, c’est une bande étroite (ou une ligne) purement constituée de fibres ou de parenchymes qui va séparer sans ambiguïté les zones de croissance, c’est un cas fréquent chez les bois tropicaux (Worbes, 1989, Gourlay, 1995, Marcati et al., 2006), sans que le lien fonctionnel entre cet évènement anatomique et le fonctionnement général de l’arbre soit explicite. Il y a souvent proximité temporelle entre ce marquage anatomique et d’autres phases phénologiques comme des flushs de croissance primaire du bois (Delavault, 1994), de défeuillaison, voire de floraison. Il faut noter que le marquage peut-être assez net dans les axes secondaires proches de l’événement phénologique, mais devenir évanescent dans l’axe d’ordre 1 qui intègre tous les évènements se produisant dans le houppier en amont.

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Un cas particulier intéressant pour la détection de limites de zone de croissance est la présence de minéraux dans la bande de parenchymes marginaux qui marque la limite, comme les cristaux d’oxalate de calcium (Gourlay & Grime, 1994, Poussart et al., 2006). En parallèle, d’autres études ont été menées sur la mise au point de méthodes permettant de valider ou non le caractère annuel d’un cerne (Mariaux, 1967 (Jul-Aug), Vetter & Botosso, 1989, Lisi et al., 2008).

2.2.2 Déterminants des marquages anatomiques

Le ou les facteur(s) impliqué(s) dans la rythmicité saisonnière et annuelle de la croissance secondaire des arbres présents dans ce type de forêt ont d’abord été recherchés parmi les facteurs environnementaux. Il s’agissait de déterminer quels paramètres climatiques pouvaient, dans ce type de milieu, réguler l’activité cambiale comme le fait l’hiver en milieu tempéré.

L’utilisation des cernes de croissance pour l’étude des relations entre climat et croissance est très active (Jacoby & D’arrigo, 1990, Buckley et al., 1995, Pumijumnong et al., 1995, Stahle et al., 1999, Enquist & Leffler, 2001, Schöngart et al., 2006, Oliveira et al., 2011, Volland-Voigt et al., 2011, Grogan & Schulze, 2012). Plusieurs études visent à étudier l’activité cambiale saisonnière chez des espèces tropicales (Marcati et al., 2006, Venugopal & Liangkuwang, 2007, Yàñez-Espinosa et al., 2010, Volland-Voigt et al., 2011, Die et al., 2012).

Par ailleurs de nombreuses études, notamment sur des bois tempérés ont montré que les variations climatiques saisonnières, en affectant la physiologie des arbres ou les conditions édaphiques, pouvaient induire des variations des compositions isotopiques du bois. Plusieurs auteurs ont utilisé ces variations des compositions isotopiques du carbone et de l’oxygène dans le bois d’arbres tropicaux ne présentant pas de limites anatomiques bien visibles, pour reconstruire la croissance annuelle des arbres (Verheyden et al., 2004, Poussart & Schrag, 2005, Anchukaitis et al., 2008, Pons & Helle, 2011). Ainsi, l’utilisation des isotopes stables pour l’étude de la croissance et la datation des forêts tropicales semble offrir de nouvelles perspectives.

D’autres études s’intéressent au rôle des facteurs intrinsèques dans cette régulation. Cela est abordé notamment dans l’étude du lien entre feuillaison/défeuillaison et marquage de l’activité cambiale (Callado et al., 2001, Lisi et al., 2008, Yàñez-Espinosa et al., 2010, Cardoso et al., 2012, Singh & Venugopal, 2011). Mais, la phénologie de la feuillaison est elle-même souvent associée aux facteurs climatiques.

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2.2.3 Dendrochronologie en zone tropicale

Les cernes de croissance en milieu tropical ont été utilisés afin d’obtenir des informations sur l’âge des arbres, la dynamique forestière ou bien encore l’histoire passée des forêts (Dezzeo et al., 2003, Fichtler et al., 2003, Worbes et al., 2003, Baker et al., 2005, Therrell et al., 2007). De nombreuses études ont concerné, pour diverses espèces et dans différents milieux tropicaux, l’influence des paramètres climatiques sur la croissance cambiale. Certaines ont mis en évidence l’influence des paramètres climatiques sur la croissance (Rozendaal & Zuidema, 2011, Tableau 1).

Espèces Régions Précipitations annuelles (mm) Saison sèche (mois) Références Pinus kesiya

Pinus merkusii Thaïlande 800 7-8 Buckley et al. (1995)

Hopea odorata

Shorea henryana Thaïlande 800 7-8 Nobuchi et al. (1995)

Cochlospermum vitifolium

Cnidoscolus spinosus Mexique 707 7 Bullock (1997)

23 espèces Brésil

(Manaus) 2100* 6 Schöngart et al. (2002)

Piranhea trifoliata Brésil

(Manaus) 2100-2500* 6 Schöngart et al. (2004)

Pinus merkusii Laos 1600 7 Buckley et al. (2007)

Pterocarpus angolensis Afrique du Sud 550-1000 7 Therrell et al. (2007)

Cedrela montana Equateur 2176 3 Brauning et al. (2009)

Eucalyptus grandis Brésil

(Rio de Janeiro) 1500-2200 5-6 Volland-Voigt et al. (2011)

Parkinsonia praecox Colombie 397 11 Ramirez & del Valle (2012)

Tableau 1 : Etudes ayant mis en évidence l’influence des paramètres climatiques sur la croissance

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Dans d’autres une absence de relation a été trouvée (Tableau 2).

Espèces Régions Précipitations annuelles (mm) Saison sèche (mois) Références

Parkia pendula Brési

(Para) 1859 3-4 Grogan & Schulze (2012)

Minquartia guianensis Lecythis ampla Hymenolobium mesoamericanum Dipteryx panamensis Pithecellobium elegans Hyeronima alchorneoides

Costa Rica 3859 0 Clark & Clark (1994)

Dryobalanops sumatrensis

Shorea leprosula Malaisie 2500 2x2 Sass et al. (1995)

Tableau 2 : Etudes ayant mis en évidence une absence de relation entre les paramètres climatiques et la

croissance secondaire en milieu tropical.

A ma connaissance, il n’y a pas encore eu de mise au point de courbes maîtresses utilisables en dendrochronologie pour la Guyane française.

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