• Aucun résultat trouvé

8.2 Croissance libre et formation des bˆ atonnets

8.2.4 Croissance rapide dendritique

Nous discuterons tout d’abord de la croissance rapide, ce qui va nous permettre ensuite de comprendre les ph´enom`enes se d´eroulant dans les r´egimes interm´ediaires.

Lorsque les sauts de temp´erature δT sont de l’ordre plusieurs degr´es (∆ > 0,1 ∼ 0,15), la croissance de la phase Lα est simple `a d´ecrire. Elle se fait sous la forme des bˆatonnets repr´esent´es Fig. 4.3 (p.56) et 8.6 et dont la texture est rappel´ee Fig. 8.6. Ces structures, form´ees d’un empilement de couches planes et dont la surface ext´erieure est bien d´ecrite par une succession de troncs coniques, peuvent atteindre une longueur typique de 1 `a 2 mm pour un diam`etre d’une centaine de microns. Le taux de nucl´eation des germes ´etant ´elev´e, ils ne sont v´eritablement isol´es que sur une courte plage temporelle inf´erieure `a une minute (dur´ee caract´eristique de la croissance). Pendant cette courte dur´ee, leur vitesse de croissance apparaˆıt quasi-constante (de l’ordre de plusieurs dizaines de microns par seconde), elle diminue ensuite brutalement `

a l’approche d’un autre bˆatonnet. Les effets de taille finie du syst`eme se font donc rapidement ressentir.

Rappelons que la solidification d’une substance aux sursaturations importantes, en croissance libre, n’est g´en´eralement pas observ´ee dans le r´egime diffusif (que produirait par exemple la croissance homoth´etique d’un germe `a la forme d’´equilibre). Lorsque des

9. Ce n’est plus vrai pour un contact tangentiel des couches `a l’interface pour lequel ~np= ~0. Ainsi un empilement de couches sph´eriques permet le contact sans singularit´es de surface.

Fig. 8.6 – La croissance de la phase Lα se fait sous la forme de dendrites lorsque la sursaturation est plus grande que 0,1 ∼ 0,2. ∆ ≈ 0,25, h/c ≈ 1,12 et φw,m = 0,7, V ≈ 100µ.s−1. Barre 50µm.

anisotropies sont pr´esentes (tension interfaciale...), des germes stationnaires, appel´es dendrites, sont toujours observ´es (voir leur description et leurs propri´et´es principales rappel´ees en Annexe 8A). Dans les cristaux liquides, ces structures et leur croissance ont ´et´e ´etudi´ees en d´etail dans de nombreuses phases : phases colonnaires en croissance libre [111, 112, 113], lors des transitions Sm-A /Sm-B en croissance directionnelle [114] ou encore lors de la transition n´ematique-Smectique B [115, 116, 117] ...

Il n’a pas ´et´e possible d’´etudier soigneusement la croissance de ces structures pour les raisons suivantes :

– l’´etude en 2D est empˆech´ee par l’orientation hom´eotrope spontan´ee;

– le ((facettage volumique)) (voir ci-dessous) d´eforme la pointe dendritique aux faibles sursaturations;

– aux grandes sursaturations, le((facettage volumique)) est moins important mais le taux important de nucl´eation des germes limite la croissance `a quelques dizaines de secondes : les effets de confinement sont donc in´evitablement pr´esents (d’autant plus que la longueur de diffusion est voisine de l’´epaisseur des capillaires). Nous v´erifions n´eanmoins en Annexe B que l’ensemble des caract´eristiques g´eom´etriques principales (forme g´en´erale, ordre de grandeur des distances typiques, direction cristal-line de croissance) sont bien donn´ees par la th´eorie standard de la croissance dendriti-que.

Ce n’est donc pas l’existence de tels germes stationnaires qui est surprenante, mais plutˆot leurs propri´et´es originales. En effet, il est constat´e :

– une absence des branches lat´erales secondaires (((side-branching))) habituellement observ´ees;

– la surface lat´erale, n´eanmoins instable, pr´esente des arˆetes prononc´ees, alors que la plupart des dendrites pr´esentent des instabilit´es de surface plus ((douces)); – seules deux branches, croissant dans des directions oppos´ees, sont pr´esentes dans

les germes quasi orient´es qui apparaissent spontan´ement lors du saut de temp´erature δT .

En fait ces propri´et´es sont ´egalement attendues puisque la forme d’´equilibre des gouttes (Chap. 5) donne pour seule direction de croissance des dendrites la direction perpen-diculaire aux couches, direction dans laquelle ˜σ(0) est minimale et σ(0) maximale. Cela implique l’apparition de deux branches uniques sur un petit germe (peu d´eform´e) et l’absence de branches lat´erales secondaires (Fig. 8.7). D’autre part, la forme al-long´ee des dendrites conduit naturellement `a une orientation lat´erale globale proche de θ = π/2. Or cette plage d’orientation ´etant interdite (Chap. 5), l’´equilibre thermo-dynamique local se traduit donc par une instabilit´e d’Herring ainsi que nous l’avons expliqu´e Chap. 5.

Fig. 8.7 – La sym´etrie particuli`ere du cristal Lα, la raideur de surface (minimale en θ = 0) et la plage d’orientations interdites au voisinage de θ = π/2 conduisent `a des dendrites sans branches secondaires pr´esentant une instabilit´e d’Herring sur sa surface lat´erale.

Par contre, l’approche minimale pr´esent´ee en Annexe A ne permet pas d’obtenir la longueur d’onde de l’instabilit´e d’Herring10. En fait, assez curieusement, le mod`ele mi-nimal de la croissance dendritique d’un germe poss´edant une forme de la tension inter-faciale comparable `a celle de l’interface Lα-L3n’a pas du tout ´et´e abord´e th´eoriquement [118] : si les mod`eles de dendrites rugueuses (non-facett´ees) sont bien ´etablis, ce n’est pas le cas des dendrites facett´ees. Signalons toutefois l’approche d’un probl`eme voisin dans [119] correspondant `a des dendrites 2D pr´esentant deux facettes `a la place de la

10. Notons qu’un tel calcul a ´et´e fait pour une interface Sm-A/Sm-B, lorsqu’une orientation interdite est impos´ee au repos dans un gradient de temp´erature (voir [50]).

pointe parabolique (les observations exp´erimentales correspondantes sont d´ecrites dans [120]). Ce mod`ele n’est pas applicable ici puisque c’est la surface en arri`ere de la pointe qui est facett´ee dans les bˆatonnets Lα. L’´etude rigoureuse de ce mode de croissance est donc un probl`eme ouvert que je n’ai pas abord´e. D’un point de vue exp´erimental, il serait ´egalement souhaitable de trouver un meilleur syst`eme d’´etude avec un taux de nucl´eation des germes bien plus faible, des dendrites moins effil´ees (des mesures classiques comme celle du rayon de courbure de la pointe sont en effet ici impossibles) et permettant une ´etude en ´echantillons minces 2D.

8.2.5 Relaxation des dendrites : le rˆole-cl´e des parois