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Si les déplacements « doux » sont favorisés, il faut tenir compte du fait que les terminaux passagers sont tous situés au centre-ville et qu’un flux d’automobiles important circule quotidiennement en centre-ville uniquement pour accéder aux ferries. En 2004, plus de 500'000 véhicules ont transité jusqu’au port65, (cela représente plus de 1'300 véhicules par jour). Selon Rachel Rodrigues-Malta (entretien), l’option de maintenir l’arrivée des ferries au centre est en contradiction avec la politique des transports actuelle, qui cherche à réduire l’impact de l’automobile au centre-ville. De surcroît, les croisiéristes, dont le potentiel d’impact économique sur la ville est important, débarquent à environ 6 km au nord de la ville. Etant donné la distance au centre, ils n’ont alors pas envie de s’y déplacer lorsqu’ils sont en escale. Il aurait donc fallu procéder à un échange : les passagers des ferries au nord et les croisiéristes au centre-ville. Michel Drain va dans le même sens en proposant par contre l’arrivée des ferries à Fos, soit dans les bassins Ouest, et l’arrivée des croisières au centre-ville. Selon lui, « du point de vue commercial, il n’y a pas grand-chose à attendre d’automobilistes de passage, pressés de partir et qui ont chargés leurs véhicules sur le lieu de départ » (il oublie peut-être en passant les passagers piétons) (Drain, 2000, p. 185).

Néanmoins, contrairement aux ferries dont le fond est plat, les bateaux de croisières de 350m de long ne peuvent accoster qu’en eaux très profondes. Et pour l’instant, le seul endroit du port pouvant supporter de forts tirants d’eau est au nord, où un nouveau terminal croisières a d’ailleurs vu le jour récemment (le Marseille Provence Cruise Center sur le môle Léon Gouret). Comme Régine Vinson le précise (entretien), faire accoster des bateaux de croisière au centre-ville impliquerait des travaux très importants pour augmenter la profondeur de l’eau, travaux démesurés par rapport au véritable impact économique des croisiéristes. Selon elle, les acteurs de la ville ont

« beaucoup d’idées fausses sur les croisières ». Etant donné que Marseille n’est pas une destination longue pour les croisiéristes, ceux-ci sont alors pris en charge : ils montent dans un bus qui

65 PAM, rapport statistiques 2004

propose un tour commenté de la ville avant de retourner au bateau. Ils ne consommeraient donc pas autant que l’on imagine, par simple manque de temps. Toujours est-il que la ville et le port déploient aujourd’hui ensemble une stratégie de développement fortement axée sur l’augmentation du nombre de croisiéristes, de manière à faire se déplacer et se divertir ces derniers au centre.

Régine Vinson m’a également confié que, lorsque le PAM et la SNCF ont appris qu’un paquebot de croisières Disney allait faire des escales à Marseille, ils avaient même projeté à l’époque de créer une ligne ferroviaire afin que la gare de croisière rejoigne la gare TGV, pour ensuite diriger les croisiéristes vers Eurodisney66 ! Lors d’un séminaire de l’AIVP à Rijeka (Croatie), « l'attention des participants a été attirée sur la taille croissante des navires accueillant aujourd'hui jusqu'à 2’500 passagers. D'une part l'afflux des croisiéristes dans la ville d'escale n'est pas sans générer de nombreux problèmes d'accueil et de cohabitation temporaire avec un tissu urbain souvent peu adapté, d'autre part, les logiques actuelles s'orientent vers des stratégies visant à retenir le touriste

"captif" à bord. Les retombées touristiques sur la ville et la région sont donc à envisager avec prudence et dans le cadre de négociations suivies avec les opérateurs maritimes » (site AIVP).

1.2 La gare maritime de la Major

Suivant donc le principe de garder le trafic des passagers ferries à la Joliette, mais également celui d’une nécessaire modernisation des infrastructures offertes aux passagers, une nouvelle gare maritime a été inaugurée cette année : la gare de la Major. Elle se trouve en face de la Cathédrale éponyme. A terme, une passerelle devrait rejoindre les deux éléments, de l’esplanade de la Major au toit de la gare de plus de 3'900 m2.

Figure 18 La nouvelle gare maritime en face de la Major

Le toit sera accessible par une passerelle passant par-dessus le futur Boulevard du Littoral depuis la Major

Selon les propos du journal Batiactu,

Le PAM, financeur du projet à hauteur de 5,4 millions d’euros, a indiqué que la gare de la Major constituait « un signe fort de l’engagement du PAM à contribuer à l’opération de requalification du littoral réalisée dans le cadre d’Euroméditerranée, avec comme objectif majeur, l’ouverture du Port sur la Ville ».

Batiactu 09/06/2006

66 Il y aura effectivement des croisières « Disney Cruise » organisées autour de la Méditerranée. Huit escales à Marseille sont prévues pour l’instant, de juin à août 2007.

1.3 Le Parvis des Escales – Cathédrale de la Major

La Cathédrale de la Major, en face du J4, verra son pourtour, aujourd’hui saturé par la circulation automobile, débarrassé de ce mode de transport. Après avoir percé « un nouveau tunnel qui la délivre de la circulation routière depuis décembre 2002 » (fiche Cité de la Méditerranée, Euroméditerranée), le chantier de l’esplanade de la Major – renommée « Parvis des Escales » – actuellement en cours vise à rendre le lieu entièrement accessible aux piétons et à y installer diverses activités récréatives. « Les Marseillais pourront alors se réapproprier l’endroit, contempler la mer dans les meilleures conditions (ce qui n’est pas le cas actuellement !), flâner, jouer aux boules… » (Marseille Infos, 2004, p. 34). Les images ci-dessous illustrent l’état actuel (routes déviées) et le Parvis des Escales tel qu’il devrait être aménagé.

Figure 19 La Cathédrale de la Major pendant et après réaménagement Source : à droite, Euroméditerranée

1.4 Le J4/Esplanade St-Jean

Le môle J4 se situe juste au nord du Vieux-Port, au pied du Fort St-Jean. Seule véritable friche portuaire à Marseille, le J4 tient son nom d’un des deux hangars qui ont été démolis pour les besoins d’Euroméditerranée en 1997. Auparavant en effet, le môle du J4 était dédié au trafic des voyageurs entre France et Algérie. Dans un souci de modernisation et de collaboration avec Euroméditerranée, le port a restructuré ses bassins et a pu détruire les hangars J3 et J4. Les cinq hectares du môle J4 ont fait l’objet d’un transfert de gestion du port à Euroméditerranée, ce qui constitue un recul du système d’exploitation portuaire, ou une « déprise portuaire » pour reprendre les termes d’Anne Castanet (bureau d’architectes Kern, entretien). Tandis que le terre-plein fait l’objet d’un déclassement, les bords à quai appartiennent cependant toujours au PAM, l’idée actuelle

étant d’y faire accoster des bateaux de croisières de petite taille (croisières de luxe par exemple) dans les prochaines années.

Figure 20 Le J4 réaménagé, étude de définition

Source : Euroméditerranée

Le J4 est aujourd’hui, en termes plus urbains, une esplanade sur la mer. Il fait actuellement l’objet d’un aménagement de préfiguration censé « initier la pratique publique » (PAM) du site en attendant la concrétisation des projets de la Cité de la Méditerranée. Des espaces verts, des bancs, une promenade le long de la mer sont proposés. De plus, des expositions temporaires ayant lieu au Fort St-Jean préfigurent celles du Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée qui se situera sur le J4. L’esplanade est un lieu très prisé accueillant divers événements (concerts, cirques, jeux, etc.) tout au long de l’année. Les Marseillais apprécient de pouvoir s’y promener et s’y délasser tout en bénéficiant d’une vue panoramique, du Vieux-Port jusqu’à la Digue du large du Port Autonome de Marseille. Depuis l’activation du plan Vigipirate, la Digue du Large n’est plus ouverte au public, ce que ce dernier regrette. Néanmoins, une décision prise récemment entre la ville, la Communauté Urbaine et le port permet aux membres de l’association des pêcheurs de bord de mer d’y accéder. Peu à peu cet accès devrait à nouveau être étendu à un plus large public.

La libération du J4 des emprises du port en fait un espace public majeur au centre-ville que les habitants ont immédiatement adopté, comme l’ont confirmé les entretiens informels sur place.

Soulignons par ailleurs qu’entre le Vieux-Port et le Fort-St-Jean se trouve un bout de promenade baptisé les Pierres Plates depuis des décennies.

Les Pierres Plates sont investies par les Marseillais pour venir y nager, entre deux ports, malgré les panneaux d’interdiction de se baigner.

Ce lieu à forte résonance identitaire, autrefois objet de cartes postales, sera normalement préservé des nouveaux aménagements. De plus, les différentes temporalités du projet sont prises en compte dans la stratégie d’aménagement urbain.

La ville et le port profitent en effet de la durée des travaux pour inviter les habitants à venir découvrir un espace conquis sur la mer, jusqu’alors interdit d’accès. Ce type d’aménagements temporaires a été expérimenté à Hambourg avec succès. En effet, il semble important de laisser le temps aux usagers de se réapproprier un endroit longtemps demeuré inaccessible, non seulement pour eux-mêmes, mais aussi pour les urbanistes qui peuvent alors décider des choix d’aménagements possibles en fonction du succès des lieux.

Figure 22 : le J4

Source : photo de gauche, www.skycrapercity.com Figure 21 Le J4 en 2006, lieu de détente et de loisirs