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CRITERES ZOOTECHNIQUES 165 3.4.1 C HEZ LE PORC ET LES RUMINANTS

Comment évaluer la douleur chez les animaux d’élevage ?

3.4.  CRITERES ZOOTECHNIQUES 165 3.4.1 C HEZ LE PORC ET LES RUMINANTS

3.4.2. CHEZ LES OISEAUX...167 3.4.3. CHEZ LES POISSONS...167 3.5. ECHELLES MULTIPARAMETRIQUES ...167 3.5.1. CHEZ LE PORC ET LES RUMINANTS...168 3.5.2. CHEZ LES OISEAUX...170 3.5.3. ECHELLES MULTIPARAMETRIQUES EXISTANTES...170 3.6. CONCLUSION ...174 3.7. REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES ...175

Introduction

Bien que la douleur soit une sensation désagréable, elle a une forte « valeur biologique » puisqu’elle favorise la survie de l’individu (revue bibliographique : Bateson, 1991). En effet, la douleur informe un individu qu’un dommage tissulaire a lieu, va avoir lieu ou a déjà eu lieu ce qui va lui lieu permettre de réagir pour arrêter, éviter ou réduire ce dommage qui risquerait de compromettre sa santé. Pour lutter contre la douleur, il est essentiel de pouvoir l’identifier et, si possible, de mesurer son intensité. Chez l’homme, la douleur est une expérience personnelle qu’il est bien difficile de communiquer et d’évaluer et il est admis que la meilleure évaluation est l’auto-évaluation qui repose sur la communication verbale ou écrite. Chez l’animal, cette auto-évaluation n’est évidemment pas possible et il faut utiliser des critères comportementaux ou physiologiques (hétéro-évaluation) comme cela se fait chez le bébé, le jeune enfant ou les personnes en état de démence avancée (Herr et al., 2006a; Herr et al., 2006b; Mathew & Mathew, 2003; Ranger et al., 2007). Le problème est évidemment complexe et de très nombreuses revues bibliographiques ou guides d’évaluation ont été consacrés à la douleur chez l’animal en s’appuyant essentiellement sur des exemples pris chez les mammifères (Bateson, 1991; Brugère et al., 1992; Flecknell & Karas, 2004; Holton et al., 2001; Mellor et al., 2000; Molony & Kent, 1997; par exemple : Morton & Griffiths, 1985; Prunier et al., 2002; Weary et al., 2006). Les critères retenus présentent de fortes analogies avec ceux utilisés chez l’homme et évoluent de la même façon en réponse à l’emploi de substances anesthésiques ou antalgiques. Le rat et la souris sont d’ailleurs très souvent utilisés pour tester les médicaments destinés à soulager ou à supprimer la douleur chez l’homme. Chez l’homme, il semble y avoir consensus pour dire qu’il n’est pas possible de le faire en dehors de l’auto-évaluation et de l’utilisation d’échelles graduées (Herr et al., 2006a; Ranger et al., 2007). Le problème se pose de la même façon chez l’animal. Malgré ces difficultés, il existe quelques tentatives de mesure de l’intensité après des interventions douloureuses.

Tableau 1. Liste des paramètres physiologiques et comportementaux susceptibles d’être

modifiés par la douleur chez les mammifères (adapté de Mellor et al., 2000; Prunier et al., 2002)

Critères physiologiques Critères comportementaux Concentrations hormonales (sang, urine ou salive)

Axe corticotrope* : ACTH, glucocorticoïdes Système orthosympathique : adrénaline, noradrénaline

Métabolites sanguins

Glucose, lactate Acides gras libres

Réponses neurovégétatives

Rythme cardiaque Rythme respiratoire Pression artérielle

Température interne, cutanée ou oculaire Dilatation de la pupille

Sudation

Réponse inflammatoire (sang)

Haptoglobine, fibrinogène…

Activité cérébrale

Electroencéphalogramme (EEG)

Vocalisations

Nombre et durée des cris Intensité des cris

Composante spectrale des cris

Postures, déplacements Posture antalgique Immobilité tonique Locomotion Fuite Comportement général Perte d'appétit Agitation Prostration Isolement Agressivité

La plupart des critères d’évaluation de la douleur correspondent à des modifications physiologiques ou comportementales visant à arrêter la cause et/ou diminuer les conséquences du stimulus nociceptif qui menace son intégrité (Matteri et al., 2000, Tableau 1; Molony et al., 1997) (Tableau 1).

Ces modifications sont très souvent retrouvées dans des états de stress, d’anxiété ou d’inconfort qui n’impliquent pas nécessairement une composante nociceptive* si bien qu’il est difficile d’identifier des critères qui indiquent spécifiquement la douleur.

L’application d’un stimulus nociceptif induit généralement une activation de l’axe corticotrope et de la branche orthosympathique (ou système sympathique* par simplification de langage) du système nerveux autonome (Anand, 1990; Mathew & Mathew, 2003; Mellor et al., 2000). Celle-ci stimule la mobilisation des réserves corporelles (glycogène musculaire et hépatique, réserves adipeuses) et l’augmentation des teneurs plasmatiques de glucose, lactate et acides gras libres ce qui va permettre à l’animal de réagir au plan comportemental (Matteri et al., 2000; Mormede et al., 2007). Les principaux outils d’évaluation de l’activation de l’axe corticotrope* sont la mesure (i) des concentrations plasmatiques de l’ACTH* et du cortisol*, (ii) des concentrations salivaires de cortisol et (iii) des concentrations urinaires du cortisol et de leurs métabolites (Matteri et al., 2000; Mormede et al., 2007). On peut y ajouter la mesure des concentrations plasmatiques de glucose et de lactate puisque le cortisol favorise la mobilisation du glycogène et donc la libération principalement de glucose par le foie et de lactate par les muscles. L’activation du système sympathique a des répercussions multiples sur l’organisme. Ce sont par exemple l’accélération du rythme respiratoire, celle du rythme cardiaque et la réduction de sa variabilité, la dilatation de la pupille de l’œil, l’augmentation de la résistivité de la peau, de la pression artérielle, de la température du corps ou de l’œil et des concentrations plasmatiques de très nombreux métabolites énergétiques (glucose, lactate et acides gras libres). Il est à noter que certaines de ces modifications, par exemple la variabilité du rythme cardiaque, résultent en fait de la modification de la balance entre le tonus du système sympathique et celui du système parasympathique (c’est à dire du tonus vagal). Pour évaluer l’activation du système sympathique, les principales techniques disponibles reposent donc sur la mesure : (i) des concentrations plasmatiques des catécholamines, (ii) des concentrations plasmatiques du glucose, du lactate et des acides gras libres, (iii) des concentrations urinaires des catécholamines et de leurs métabolites, (iv) du rythme cardiaque et respiratoire et, (v) de la température corporelle (Mathew & Mathew, 2003; Mellor et al., 2000; Prunier et al., 2002) . D’une façon générale, le système sympathique est très sensible à l’action des stimulations nociceptives et les délais de réponse sont très courts mais ce système est aussi très sensible à l’activité des animaux (e.g. l’alimentation ou la locomotion) et aux perturbations de l’environnement (e.g. le bruit). Encore plus que pour l’axe corticotrope, les mesures relatives à l’activation de ce système sont donc souvent difficiles à interpréter et à exploiter pour évaluer la douleur (Matteri et al., 2000; Molony et al., 1997).

A ces marqueurs de l’activation de l’axe corticotrope et du système sympathique, on peut adjoindre des marqueurs de l’activation des structures du système nerveux impliquées directement dans la détection et la perception de la douleur. Il peut s’agir par exemple de l’expression de gènes d’activation précoce tel que le gène c-fos dans la corne dorsale de la moelle épinière (Harris, 1998) .

La mesure des réponses comportementales (vocalisations, changement du langage corporel : activité et posture, expression faciale) est l’une des techniques les plus fréquemment utilisées, aussi bien par les scientifiques que par les vétérinaires, pour mettre en évidence la douleur animale (Rutherford, 2002). L’évaluation comportementale de la douleur, bien que parfois subjective, a des atouts considérables car elle est en général non invasive et assez sensible. Les réponses comportementales de l’animal à la douleur peuvent être classées en quatre catégories en fonction du « but » poursuivi (Matteri et al., 2000; Molony et al., 1997) : (i) les comportements automatiques qui permettent à l’animal d’échapper au stimulus nociceptif (e.g. retrait réflexe d’un membre…), (ii) les comportements qui permettent à l’animal d’éviter de stimuler la zone douloureuse (e.g. repos, posture antalgique telle que le boitillement …), (iii) les comportements destinés à signaler aux

congénères (e.g. vocalisations) l’existence d’une douleur et à les inciter soit à éviter de stimuler la zone douloureuse (e.g. isolement, vigilance, agressivité…) soit, au contraire, à lécher cette zone afin de soulager la douleur (e.g. certaines postures), (iv) les comportements qui facilitent l’apprentissage et, par là, permettent à l’animal d’éviter ultérieurement la stimulation nociceptive.

Les altérations comportementales et physiologiques dues à la douleur peuvent être à l’origine de baisses des performances zootechniques ; ceci permet de considérer également les critères zootechniques comme indicateurs de la douleur. Ces critères sont par contre très peu spécifiques et relativement peu sensibles. A ces critères, on peut adjoindre des critères lésionnels car les lésions tissulaires sont généralement sources de douleurs.

Ces quatre types de critères seront décrits chez les espèces cibles de cette expertise d’abord chez les ruminants (bovins et ovins essentiellement) et le porc, puis séparément chez les oiseaux et les poissons. La douleur sera décrite chez les mammifères et les oiseaux, mais il est clair que la composante émotionnelle de la douleur ne recouvre pas le même degré de complexité dans toutes les espèces étudiées (cf. Chapitre 2). Par ailleurs, cette composante émotionnelle suppose que l’animal soit conscient si bien qu’il est admis qu’il n’y a pas douleur sous anesthésie générale*. Chez les poissons, nous parlerons de nociception* car le caractère douloureux des phénomènes nociceptifs reste controversé (cf. Chapitre 2).

Très souvent, les critères d’évaluation de la douleur sont été mis en évidence dans des situations où la douleur est induite par une intervention qui se pratique couramment dans les élevages comme par exemple la castration des mâles. Dans ce chapitre, nous ne décrirons pas comment sont réalisées ces interventions, ni pourquoi elles le sont, car cela fera l’objet du Chapitre 4.

Dans le contexte particulier de l’abattage où la douleur est potentiellement aiguë et intense, trois types de critères seront distingués. Avant l’abattage, il s’agira essentiellement de repérer les situations qui peuvent provoquer des douleurs (e.g. combats entre animaux, décharges électriques sur les animaux par le personnel de l’abattoir). Pendant l’abattage où l’on distingue la phase de l’étourdissement et celle de la saignée, la mesure portera sur l’état de conscience de l’animal qui conditionne sa capacité à ressentir des douleurs, et sur son comportement qui permet de détecter d’éventuels signes de douleur. Après l’abattage, l’approche sera lésionnelle pour identifier la présence de lésions corporelles qui peuvent être à l’origine de douleurs avant la mort.

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