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Comment évaluer la douleur chez les animaux d’élevage ?

De 0 à 8 heures après la procédure douloureuse

3.4. Critères zootechniques

Sachant que la douleur peut avoir des conséquences négatives sur l’appétit et sur un certain nombre de comportements des animaux, ainsi que sur la sécrétion des hormones du stress qui ont elles-mêmes des effets importants sur le métabolisme des animaux, on peut s’attendre à une baisse des performances zootechniques en particulier de la vitesse de croissance, de la production laitière, de la ponte des œufs ou de la conversion alimentaire. Cependant, ces modifications étant les conséquences des altérations comportementales et physiologiques, elles apparaissent a priori dans un second temps et seulement si ces altérations se maintiennent suffisamment longtemps. Elles peuvent malgré tout constituer un critère d’alerte notamment lorsque l’observation individuelle des animaux n’est pas possible. Par ailleurs, la mortalité* des animaux peut être considérée comme un indicateur de la douleur au niveau de l’élevage car il est très probable que la mort des animaux est précédée de phénomènes douloureux.

3.4.1. Chez le porc et les ruminants

L’effet de la douleur par elle-même sur les performances des bovins n'a fait l'objet que d'un faible nombre d'études. Ses conséquences néfastes sont suggérées ou extrapolées par nombre de travaux portant sur l'impact zootechnique et économique du stress ou des troubles de santé chez les bovins.

Le stress exerce un effet négatif sur les performances de reproduction des bovins, et ce aussi bien chez les mâles que les femelles (revue bibliographique : von Borell et al., 2007a). L'effet observé résulte d'interférences avec les sécrétions hormonales impliquées dans la régulation de la fonction de reproduction (Tilbrook et al., 2000). Chez le taureau, l'électro- éjaculation est reconnue douloureuse et stressante (Bath, 1998). Chez des taureaux soumis à cette procédure, on constate une augmentation des concentrations plasmatiques de cortisol et de progestérone mais une diminution marquée des teneurs sanguines en LH (luteinizing hormone) et en testostérone (Welsh & Johnson, 1981). Ces anomalies sont associées à une altération de la qualité et une moindre quantité de sperme produite par ces animaux en comparaison de taureaux témoins.

Chez les femelles, l'effet néfaste du stress engendré par la douleur est démontré sur l'expression des chaleurs. Ainsi, au sein d’un lot de génisses, 28,5% des animaux soumis à des chocs électriques répétés ne manifestent pas de comportement de chaleur en rapport avec une insuffisance hormonale (Stoebel & Moberg, 1982). De plus, après stimulation électrique, les concentrations de cortisol sont nettement augmentées.

Les troubles locomoteurs sont particulièrement intéressants pour souligner l'effet négatif de la douleur sur les performances zootechniques des bovins. Il s'exerce non seulement sur les performances de reproduction dans les deux sexes, mais également sur la production de lait des vaches laitières. Une étude menée sur 34 taureaux réformés pour cause d'hypofertilité révèle que 30 d'entre eux présentaient au moins une lésion articulaire (Persson et al., 2007). L'impact des troubles locomoteurs sur les performances de reproduction des femelles est bien documenté. Une étude effectuée sur environ 1800 femelles Prim' Holstein conclue ainsi que les vaches qui boitent au cours des 70 premiers jours postpartum ont significativement moins de chances d'être gestantes que les non- boiteuses (Bicalho et al., 2007). De même, une étude menée en France démontre que les troubles locomoteurs en début de lactation allongent de 6 à 30 jours l'intervalle entre deux vêlages* successifs (Fourichon et al., 2000). Par ailleurs, la fréquence des kystes ovariens 30 jours après le vêlage est supérieure chez les vaches boiteuses (25,0% contre 11,1% pour

les vaches saines) et le taux de réussite en première insémination artificielle est inférieur (17,5% contre 42,6%) (Melendez et al., 2003). Les troubles locomoteurs pénalisent également la production de lait. Ainsi, selon la gravité des signes cliniques et la rapidité d'intervention de l'éleveur, ils peuvent occasionner des pertes de lait allant de 80 à 350 kg sur une lactation (Fourichon et al., 1999). Enfin, le risque qu'une vache laitière soit réformée est multiplié entre 1,2 et 8,4 selon les études si elle a boité pendant la lactation (revue bibliographique (Beaudeau et al., 2000).

L’impact économique d’autres maladies (par exemple les infections intra-mammaires) a été quantifié chez les bovins laitiers sans qu’on puisse déterminer la part attribuable à la maladie elle-même ou à la douleur. Néanmoins, sur la base d’études comparant des animaux malades traités ou non avec des analgésiques, on en déduit que la composante douloureuse intervient dans les pertes économiques engendrées par les troubles de santé (Eshraghi et al., 1999; Fitzpatrick et al., 1999).

Chez les bovins du troupeau allaitant, on ne dispose de quasiment aucune étude. Une étude menée en 2002 a décrit les pertes de GMQ* (gain moyen quotidien) associées à la castration, en comparant les résultats obtenus sur des bovins castrés avec ou sans anesthésie et/ou analgésie (Earley & Crowe, 2002). Cette étude montre que réduire la douleur due à la castration par une anesthésie locale permet de limiter la perte de poids consécutive à cette intervention (Figure 5).

Figure 5. Influence d’une anesthésie locale ou d’un traitement anti-inflammatoire non

stéroïdien (analgésie = AINS) sur la variation de la croissance (GMQ*) pendant les 7 premiers jours suivant la castration chirurgicale chez le veau (Earley & Crowe, 2002).

Chez le porc, plusieurs auteurs ont recherché l’impact de la castration et de l’épointage des dents sur la croissance des porcelets. Les conclusions concernant l'effet de l'épointage des dents de tous les porcelets d'une portée sur leur croissance en phase d'allaitement sont divergentes (cf. chapitre 4). Cependant, en cas d’épointage sélectif des dents (seuls les porcelets les plus lourds d’une portée ont les dents épointés), les travaux montrent clairement un effet négatif de la coupe des dents à la pince sur la croissance des porcelets la subissant (Bataille et al., 2002b; Fraser & Thompson, 1991; Robert et al., 1995; Weary & Fraser, 1999). La coupe de la queue le lendemain de la naissance ne semble pas avoir d’effet sur la vitesse de croissance des porcelets pendant la première semaine de vie (Prunier et al., 2001; Torrey et al., 2009). La castration n’a pas non plus d’impact sur la

-600 -500 -400 -300 -200 -100 0 100 200 300 400 500 témoin non castré Castré Castré + anesthésie locale Castré + AINS GMQ moyen de J-1 à J7 (g)

vitesse de croissance des porcelets, sauf peut-être lorsqu’elle est effectuée sur de très jeunes animaux. En effet, il a été montré une réduction significative de la vitesse de croissance lorsque la castration est réalisée le lendemain de la naissance (Kielly et al., 1999; McGlone & Hellman, 1988) qui pourrait s’expliquer par une pénalisation des porcelets castrés pour obtenir les meilleures mamelles au moment où se met en place l’ordre de tétée.

3.4.2. Chez les oiseaux

Le picage chez les poules pondeuses peut entraîner des chutes de ponte liées probablement au fait que les victimes de coups de bec répétés ont un comportement apathique et réduisent leur prise alimentaire. Pour pallier ce problème, les volailles sont épointées (ablation de l’extrémité supérieure du bec). Cet épointage peut lui aussi conduire à des baisses de performances car il est suivi dans certains cas d’une baisse d’ingestion qui peut retentir sur la croissance. Chez le dindon, les mâles débecqués à l’éclosion ont une croissance supérieure aux mâles non débecqués, alors que chez les femelles l’effet est variable (Cunningham et al., 1992).

Les boiteries peuvent engendrer des baisses de croissance, voire de la mortalité (Bizeray et al., 2004). Chez le dindon, les lésions dégénératives de la hanche entraînent une chute de l’activité sexuelle et donc de la fertilité (Duncan et al., 1991).

Globalement, il existe peu de données sur les conséquences zootechniques de la douleur en dehors de ces deux cas car la mise en relation de la douleur avec les performances reste difficile. Par ailleurs, il n’est pas possible d’évaluer les performances individuelles des animaux en aviculture, ce qui rend difficile l’utilisation de critères zootechniques lorsqu’un faible pourcentage d’animaux est concerné.

3.4.3. Chez les poissons

Comme chez les autres vertébrés, l’exposition à des situations de stress a des conséquences négatives sur des fonctions comme la croissance, la reproduction, l’immunité, ou l’adaptation des poissons et donc sur les performances des animaux en élevage (Barton & Iwama, 1991). Cependant, aucune étude n’a été réalisée sur les effets de stimuli nociceptifs sur les performances zootechniques des poissons.

En conclusion, peu d’études permettent d’évaluer l’impact de la douleur per se sur les performances zootechniques des animaux d’élevage. Les critères zootechniques sont donc peu pertinents pour évaluer la douleur et seront le plus souvent utilisés en critères complémentaires ou en critères d’alerte, notamment lorsque l’observation individuelle des animaux est impossible.

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