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Chapitre 4 : Penser, concrétiser et préparer sa cohabitation intergénérationnelle

4.2 Concrétiser le projet

4.2.3 Les critères de sélection du plex

Dans les grandes lignes, la sélection d’un plex ressemble au choix d’une maison unifamiliale. Les critères de sélection ne diffèrent donc pas significativement : on réfléchit aux aspects financiers, à l’espace disponible, à la cour, et parfois en fonction des rénovations à faire pour adapter le logement à ses besoins.

Le budget disponible pour l’achat du plex est le critère le plus souvent mentionné et vient souvent en premier lorsque l’on aborde le choix de l’immeuble. En effet, on essaie d’acheter selon ses moyens, comme la famille Fournier, quitte à garder la possibilité d’entreprendre des travaux d’agrandissement ultérieurement en fusionnant les deux logements ou en creusant une cave par exemple. Quand plusieurs propriétaires sont engagés dans l’achat, on cherche à amalgamer les moyens financiers de chacun :

On a fait des projections financières, de loyer, à partir des revenus de chacun, en disant faudrait pas que ça dépasse à peu près 1000 ou 1100 dollars par mois de capacité de remboursement. Eux en bas [Véronique et Bastien] commencent à avoir des jobs intéressantes, c’est pas encore des très gros salaires, en haut [Clément et Gabrielle] non plus… Ma femme et moi on est en fin de carrière, on n’a pas les mêmes empêchements financiers, mais on avait ciblé un range au niveau du budget d’achat et on a commencé à faire une évaluation des travaux nécessaires. On s’est donné un range de 700 000, 750 000 piastres, incluant l’achat et les rénovations (Benoit Girouard, entrevue 104).

En ce qui a trait à l’aspect financier, les projets des familles Girouard et Martel montrent sensiblement les mêmes préoccupations. C’est l’un des premiers critères de sélection qu’ils ont abordés, entre autres à cause du fait qu’il s’agissait d’un achat collectif avec leurs enfants adultes qui, même s’ils comptaient payer un loyer le temps d’avoir les moyens de posséder leur part du bâtiment, faisaient tout de même partie intégrante de la décision. Aussi, le fait de devoir intégrer plusieurs individus au processus de décision force à expliciter davantage les critères de sélection et à mettre toutes les cartes sur table lorsqu’il est question du budget à consacrer à l’achat.

Comme nous l’avons vu précédemment, le critère financier a beaucoup influencé la décision de la famille Tremblay pour la cohabitation en plex, avec le frère de Mario et la sœur de Germaine, qui forment aussi un couple. Si ces derniers ont servi en quelque sorte

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d’assurance à Mario et Germaine, ils se gardaient le choix final du plex, puisqu’ils mettaient la majeure partie de l’argent :

R : C’était entendu vu que c’est nous qui mettions le cash sur la maison… que nous autres on était pour prendre le bas et mon frère prenait le haut.

Q : Qui avait la priorité sur le choix?

R : On s’était entendus là-dessus, mon frère n’avait pas d’argent à cette époque. On donnait l’argent, on prenait le bas et eux autres prenaient le haut. C’était correct comme ça aussi.

Q : Si le duplex ici n’avait pas fait leur affaire?

R : Non moi j’aurais acheté ma maison unifamiliale. C’était ça que je voulais au départ (Mario Tremblay, entrevue 107).

Dans ce cas, il est évident que le fait de disposer de la mise de fonds pour contracter l’hypothèque sur le duplex a donné un certain pouvoir à Mario et Germaine, qui avaient ainsi accès à la fois au meilleur logement (car il y a souvent un accès direct à la cour) et le dernier mot sur la sélection du duplex.

Une fois le budget disponible décidé, il est possible de passer à la recherche en tant que telle. En premier lieu, on cherche un plex où l’espace sera suffisant pour accueillir toutes les familles. Toutefois, à la différence notable d’avec l’argent, les critères ne sont pas nécessairement précis, ou même énoncés ou discutés en famille : « on n’avait pas de critères très très précis, mais c’est quand tu visites que tes critères se précisent aussi » (Colette Martel, entrevue 106). Ainsi, outre certains éléments bien précis, comme pour Clémence Moreau, pour qui « [il] fallait qu’on soit capables d’aménager quatre chambres pour les enfants. » (Clémence Moreau, entrevue 103), le reste est élaboré au fur et à mesure des visites.

Outre le nombre de chambres, la présence d’une cour s’impose fréquemment comme critère de sélection. Pour Jocelyne Fournier, cet élément était tellement essentiel qu’elle se promenait dans les ruelles de son quartier pour visiter les plex par les cours plutôt que par les façades. Colette Martel a eu une réaction similaire lors de la visite d’un plex : « Ah non je ne veux pas vivre là, y’a pas de cour! Une cour pour les enfants, c’est un critère » (Colette Martel, entrevue 106). Pour plusieurs répondants, leur cour devient une source de fierté, de

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sorte que deux entrevues ont eu lieu directement dans le jardin, et qu’une autre répondante a insisté pour me montrer le gigantesque terrain, dans des proportions montréalaises bien sûr, qui borde l’arrière de son plex. Toutes ces cours étaient d’ailleurs aménagées pour permettre à la famille d’en profiter : présence d’une table, de fleurs, de jeux pour les enfants, etc.

Comme les plex montréalais sont souvent assez anciens, surtout dans les quartiers centraux, les rénovations font parfois partie intégrante du projet de cohabitation intergénérationnelle. De cette façon, les rénovations ont fait partie de la réflexion des familles Moreau, Girouard et Martel. Si la famille Girouard a fait appel à un entrepreneur pour réaliser l’ensemble des travaux, les Moreau et les Martel ont effectué les travaux eux-mêmes, ayant la chance d’avoir des travailleurs de la construction dans la famille. C’est ainsi que Colette Martel voulait un appartement qu’ils pourraient rénover eux-mêmes, et que le sous-sol du triplex acheté par Clémence Moreau était « complètement au béton, mais […] suffisamment haut pour aménager des pièces en bas » (Clémence Moreau, entrevue 103). Ce critère de sélection du plex est plus présent lorsque la cohabitation intergénérationnelle est envisagée comme un projet familial plutôt que comme un simple déménagement. Les rénovations deviennent alors l’une des étapes incontournables de la réalisation du projet, ce dont il sera d’ailleurs question dans la prochaine section, consacrée à la préparation des logements.