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Chapitre 4 : Penser, concrétiser et préparer sa cohabitation intergénérationnelle

4.3 Préparer le ou les logement(s)

4.3.2 Améliorer son espace de vie

Au-delà de l’adaptation de l’espace aux besoins propres à chaque famille, on peut vouloir rénover son espace de vie simplement pour améliorer son confort général. Ce type de rénovations n’est pas nécessairement motivé par une demande accrue d’indépendance, mais plutôt par un désir d’embellir son logement ou de se simplifier la vie.

Jocelyne et Jacques Fournier ont acheté leur duplex en fonction du budget limité dont ils disposaient à l’époque, en se disant qu’ils pourraient éventuellement ajouter de l’espace en creusant un sous-sol ou en fusionnant les deux logements. C’est au fil de l’avancée en âge de leurs deux enfants que les Fournier ont progressivement commencé à « étouffer » dans leur duplex. En effet, ils manquaient « tellement d’espace que dès le mois de mars [ils ouvraient] les portes et [mangeaient] dehors. […] [Ils avaient] un parasol assez grand que même s’il pleuvait [ils mangeaient] dehors » (Jocelyne Fournier, entrevue 102). Un agrandissement vers l’arrière, qui leur a permis d’ajouter un salon et de dégager la salle à manger, sera une

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première tentative pour récupérer de l’espace « pour respirer ». Quelques autres adaptations au logement ont été effectuées, surtout en jouant avec le salon double, qui a d’abord été fermé, puis ouvert, pour finir par être fermé à nouveau, afin d’essayer différentes configurations permettant à chacun de disposer d’un peu d’espace. Ces diverses tentatives ont plus ou moins fonctionné pendant quelques années, mais la solution finale a été d’inciter les enfants à emménager dans le logement du haut. De cette façon, tout le monde développe davantage d’indépendance et la vie familiale devient plus agréable.

Mario et Germaine Tremblay, au moment où ils partageaient leur duplex avec le frère de Mario et la sœur de Germaine, n’ont pas réalisé beaucoup de rénovations, le plex leur convenant comme il était, à une exception notable. En effet, pour faciliter le quotidien de tout le monde, un escalier intérieur a été installé pour relier les deux logements, évitant de devoir passer par l’extérieur pour monter ou descendre. Cette modification, qui peut sembler anodine à première vue, est symboliquement lourde de conséquences, surtout positives, comme nous pourrons le constater dans le prochain chapitre.

Dans la famille Moreau, l’amélioration de l’espace de vie étant un travail continu, ils ont toujours des projets de rénovations. Lorsqu’on demande à Clémence si des travaux ont été effectués depuis leur emménagement dans le plex, elle répond « Ah mon Dieu oui! On n’a pas arrêté nous autres! (rires) » (Clémence Moreau, entrevue 103). Son enthousiasme est manifeste et témoigne du penchant de sa famille pour les améliorations constantes de leur espace de vie, ce qui n’est certainement pas étranger au fait que Robert ait œuvré dans le domaine de la construction et de la rénovation toute sa vie. Ainsi, presque tout le triplex y est passé : les salles de bain, la cuisine (deux fois plutôt qu’une), le terrassement à l'avant comme à l’arrière, l’installation d’une porte-patio et d’une fenêtre en saillie (bay-window), et l’ouverture de divisions.

Dans ce chapitre, nous avons vu qu’un projet de cohabitation intergénérationnelle en plex demande une certaine préparation, ce n’est pas quelque chose qui s’improvise aisément. Les familles qui ont opté pour un tel mode d’habiter sont passées à travers une série d’étapes, certaines de façon très explicite, d’autres de façon plus floue. La préparation d’un tel projet se

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subdivise en trois grandes étapes : l’élaboration du projet, sa concrétisation et, si nécessaire, la préparation de l’immeuble et des logements. La première étape demeure dans l’ordre du théorique : on énonce l’idée une première fois, on tâte le terrain, on en discute informellement au départ, puis de plus en plus formellement au fil de l’avancement du projet. Par contre, ce ne sont pas toutes les familles qui parviennent à un haut de degré de formalité; il est tout à fait possible de faire confiance à la bonne entente entre les futurs corésidents pour négocier les modalités de la cohabitation au quotidien. C’est durant la deuxième étape du projet que la cohabitation se concrétise vraiment. En effet, c’est maintenant le temps de se mettre à la recherche du cadre de vie idéal, en magasinant son plex. Toute recherche commence par la sélection du quartier, pour ensuite sélectionner une série de plex correspondant aux critères que l’on s’est fixés. La dernière étape n’est pas obligatoire pour chacune des familles : il s’agit d’adapter l’immeuble aux besoins de chaque famille, notamment par le biais de rénovations.

Lors de l’élaboration d’un projet de cohabitation intergénérationnelle, l’enjeu principal s’exprime en termes d’indépendance, que chacun désire conserver au maximum. En effet, le fait de déménager très près les uns des autres, et d’impliquer des questions de copropriété dans plusieurs cas, peut être perçu comme la plus grande menace au bon déroulement du projet. Si les futurs corésidents ne mentionnent pas explicitement l’idée d’indépendance, c’est de leurs réticences et de leurs hésitations qu’il est possible de dégager des idées s’en rapprochant. Comme le projet est encore en quelque sorte théorique, la perte d’indépendance reste, elle aussi, théorique. Ce n’est qu’à l’épreuve du quotidien que les corésidents pourront constater si la menace était réelle, et à quel point. En d’autres termes, le quotidien est l’occasion de revoir constamment les modalités de la cohabitation, afin de s’assurer que tout le monde est à l’aise avec le niveau d’indépendance qu’il retire de celle-ci.