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Les critères de la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE)

Dans le document Les prestations financières en ligne (Page 59-63)

CHAPITRE I : LE SITE INTERNET MODE D’ÉTABLISSEMENT OU DE LIBRE PRESTATION DE

Paragraphe 1 Les critères de la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE)

Critères. Constatant l’enchevêtrement des frontières entre la liberté d’établissement et celle de prestation de services, la CJUE a établi deux guides de jurisprudence concernant ces deux libertés européennes149. Le recueil de jurisprudence de la libre prestation de services ne reprend pas les arrêts en intégralité, mais seulement les passages qui définissent la libre prestation de services, servant de référence150 dans le droit européen. Ainsi, selon une jurisprudence européenne constante151, une activité est exercée en libre prestation de services par un prestataire ou un établissement de crédit au sein de l’Union européenne se

caractérise par l’exercice de services transfrontaliers152 (A) ayant un caractère temporaire153 (B).

149

Le guide de la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union européenne relatif au principe de la liberté d’établissement est disponible sur : http://ec.europa.eu/internal_market/services/docs/infringements/art43_fr.pdf , celui de la libre prestation de services est disponible sur : http://ec.europa.eu/internal_market/services/docs/infringements/art49_fr.pdf , tous deux datent du 01/01/2001.

150

Sur ce point, la définition de la libre prestation de services de la jurisprudence européenne a servi de base à la directive ‘’services’’ n°2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur. JO L 376 du 27 décembre 2006 qui reprend les mêmes critères que la CJUE.

151

Du fait du grand nombre d’arrêts qui ont été rendus en la matière, nous nous contenterons de se référer à seulement quelques uns.

152 Arrêt CJUE du 04 mai 1993 Federación de Distribuidores Cinematográficos C/ Estado Español et Unión de Productores de Cine y

Televisión, n° C-17-92, Rec. 1993, p I, 02239.

153

Arrêt CJUE du 30 novembre 1995, Reinhard Gebhard/Consiglio dell'Ordine degli Avvocati e Procuratori di Milano, Affaire n°C-55/94, Rec. p. I-4165, point 25.

A. L’exercice de services transfrontaliers

Notion. L’exercice de services transfrontaliers et l’absence d’une installation fixe vont de pair. En effet, un service transfrontalier est un service qui est fourni dans un Etat en l’absence de toute installation stable par un prestataire établi dans un autre pays membre. L’absence de rattachement géographique est un élément important pour qualifier une libre prestation de services. Sur le plan européen, on estime que le prestataire agit en libre prestation de services si le centre principal de son activité se situe dans un Etat membre autre que celui où se trouve le destinataire du service, contrairement au prestataire qui agit en libre établissement dont le centre principal d’activité se trouve dans le même Etat membre où se trouve la majorité de ses clients154. Ainsi, la libre prestation de services repose, comme son nom l’indique sur deux critères : l’exercice transfrontalier (b) des services (a).

a) La notion de "service" couvre toute activité économique non salariée visée à l’article 50 du TFUE qui consiste à fournir une prestation qui fait l’objet d’une rémunération155. Ainsi, ‘’….sont considérés comme services au sens du Traité, les prestations fournies normalement

contre rémunération, dans la mesure où elles ne sont pas régies par les dispositions relatives à la libre circulation des marchandises, des capitaux et des personnes156’’.

b) L’exercice transfrontalier d’un service implique que ce dernier est exercé dans minimum deux Etats membres (du fait de l’établissement des parties), ce qui induit qu’un même service peut être presté dans une multitude d’Etats. Ceci était possible avant même l’avènement et le développement d’Internet, qui, avec son interface virtuelle n’a fait qu’accentuer ce phénomène. Ainsi, le moyen transfrontalier peut certes varier (téléphone157 et Internet) mais l’établissement dans des pays différents des parties au contrat est une constante pour qualifier un service de transfrontalier et partant, une libre prestation de

154 Arrêt CJUE du 3 décembre 1974, ‘’Van Binsbergen’’, affaire n° 33/74. 155

Elle est considérée comme étant ‘’ la contrepartie économique de la prestation en cause, contrepartie qui est normalement définie entre

le prestataire et le destinataire du service’’ arrêt de la CJUE du 27 septembre 1988, affaire n° 263/86.

156 Arrêt CJUE du 04 octobre 1991, Affaire ‘’ The society for the protection of the unborn children/Grogan’’ C-159-90, Rec., I, P 4685. 157 Dans un arrêt, il a été considéré que le caractère transfrontalier pouvait être apprécié également lorsqu’ ‘’un prestataire offre par

téléphone à des destinataires potentiels établis dans d’autres Etats membres et qu’il fournit sans se déplacer à partir de l’Etat membre à partir duquel il est établi’’. Arrêt de la CJUE du 10 mai 1995 ‘’Alpine Investments’’ Affaire n° 384/93.

services158. A contrario, si les parties se trouvent établies sur le territoire d’un même Etat membre, le contrat relèvera dans ce cas de la liberté d’établissement : ‘’….ce n’est que

lorsque tous les éléments pertinents de l’activité en cause se cantonnent à l’intérieur d’un seul Etat membre, que les dispositions du Traité relatives à la libre prestation de services ne s’appliquent pas159’’. En conséquence, précise la Cour, ‘’les dispositions de l’article 59 doivent s’appliquer dans tous les cas où un prestataire de services offre des services sur le territoire d’un Etat membre autre que celui dans lequel il est établi’’160.

B. Le caractère temporaire

Caractéristiques. Les services exercés de façon temporaire161 s’opposent à ceux exercés de façon habituelle et continue du fait qu’ils se rapportent principalement à des activités ‘’limitées dans le temps162’’ et ayant ‘’un caractère purement occasionnel’’163.Toutefois, et

afin d’éviter toute fraude ou détournement, la CJUE a précisé à plusieurs reprises que le caractère temporaire ‘’est à apprécier en fonction de sa durée, de sa fréquence, de sa

périodicité et de sa continuité’’164. Mais toute la difficulté réside dans l’harmonisation des

critères relatifs à la périodicité ou de la fréquence d’un service temporaire. Ici encore, on tombe dans la casuistique étant donné que la périodicité et la fréquence dépendent en pratique de la nature des services et de l’activité de l’entreprise. A la lumière de ces éléments, l’exercice d’un service transfrontalier ‘’occasionnel’’ épargne son prestataire de se soumettre aux règles nationales de l’Etat où il preste ses services du fait de son agrément et de son contrôle par les autorités de son pays d’établissement. Cet allégement de procédure a pour but d’encourager et de faciliter la libre prestation de services à l’intérieur de l’Union

158 C’est le cas notamment des services d’assurance. Ainsi, on considère que le service d’assurance est presté en libre prestation de services

lorsque le risque objet du contrat se situe dans un Etat membre différent de celui où est établi l’assureur qui s’engage à le couvrir.

159 Arrêt CJUE du 18 mars 1980, Affaire ‘’Procureur du Roi c/Marc J.V.C Debauve et autres, n° C- 52-79, Rec. 1980, p 833. 160

Arrêt CJUE du 26 février 1991, Affaire ‘’Commission/République Hellénique’’ n° 198-89, Rec. 1991, P I, 00727.

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Le caractère temporaire du service ne doit pas être confondu avec l’activité de l’entreprise qui agit en libre prestation de services. En effet, cette dernière peut agir de façon continue en LPS mais en fournissant des services transfrontaliers, limités dans le temps.

162

Arrêt CJUE du 26 février 1991, Affaire ‘’Commission/Grèce’’ n° 198-89, Rec. 1991, P I, 00727 ; arrêt CJUE du 26 février 1991, affaire ‘’Commission/ Italie’’ n° 180-89, Rec. 1991, p. I, 00709.

163Arrêt CJUE du 04 décembre 1986, Affaire Commission/Allemagne n° C- 205/84, Rec. 1986, p 03755.

164Arrêt CJUE du 30 novembre 1995, Reinhard Gebhard/Consiglio de l'Ordine degli Avvocati e Procuratori di Milano, Affaire n°C-55/94,

Rec. p. I-4165, point 25. V article de J-R. FARTHOUAT ‘’Arrêt « Gebhard » : la clarification de la distinction entre établissement et prestation de services’’, Gaz. Pal. 6 janvier 1996, p 18.

européenne et de ne pas entraver son exercice par un obstacle quelconque. C’est ce qu’a défendu la CJUE à travers sa jurisprudence. Elle s’oppose en effet à toute mesure de nature à restreindre la libre prestation de service, telle par exemple, l’exigence d’établir un établissement dans l’Etat membre d’exercice.

Jurisprudence européenne. A l’occasion de deux célèbres arrêts165 rendus dans le secteur des assurances, la Cour de justice européenne a considéré que le fait d’exiger d’une entreprise d’assurance dûment agréée et établie dans un autre Etat membre voulant seulement exercer des activités à caractère occasionnel, d’établir un établissement dans ce pays constitue ‘‘une restriction sérieuse à la libre prestation de services166’’.Ce qui rend

ainsi la prestation dans ce pays plus onéreuse et plus compliquée. Dans le même ordre d’idées mais dans le secteur des travaux publics, la CJUE167a considéré qu’ ‘’une entreprise

établie au Portugal, qui fournit des prestations de services dans le secteur de la construction et des travaux publics dans un autre État membre peut se déplacer avec son propre personnel qu'elle fait venir du Portugal pour la durée des travaux concernés. Dans un tel cas,

les autorités de l'État membre, sur le territoire duquel les travaux doivent être réalisés, ne sauraient imposer des conditions au prestataire de services qui concernent l'embauche de main-d'œuvre sur place ou l'obtention d'une autorisation de travail pour le personnel portugais’’.

Analyse. A la lumière de tous ces éléments, peut-on affirmer qu’un site Internet, à partir du moment où il est le support de commercialisation d’un service transfrontalier temporaire, constitue une forme de libre prestation de services ? Si on répond par l’affirmative, cela impliquerait que le prestataire étranger doit solliciter l’agrément (ou toute autorisation équivalente), et respecter les règles de bonne conduite dans tous les pays du monde où son site est accessible. Sur le plan européen, le problème ne se pose pas pour les prestataires qui disposent déjà d’un agrément ‘’unique’’ mais se pose plutôt pour les prestataires non européens dont le site est accessible sur le territoire de l’Union européenne ciblant sa

165Arrêt CJUE du 04 décembre 1986, Affaire Commission/Allemagne, opt.cit.; Arrêt CJUE du 04 décembre 1986, Affaire

Commission/Danemark n° 252/83, Rec. 1986, p 03713.

166

Arrêt CJUE du 04 décembre 1986, Affaire Commission/Danemark n° 252/83, opt.cit.

clientèle. A priori, si on s’attacherait uniquement aux critères classiques, la procédure se trouverait ainsi lourde et onéreuse pour le prestataire qui se trouverait obligé de respecter et de se conformer à la réglementation d’une dizaine pour ne pas dire une centaine d’Etats (du fait de l’accessibilité mondiale du site Internet) dans lesquels il ne souhaitait même pas prester ses services. Force est ainsi de déduire que le site Internet quoiqu’il soit un support de commercialisation mais sa spécificité et sa technicité le différencie nettement des autres supports. Certes les règles classiques lui sont applicables, mais pas tout à fait adaptées.

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