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L’article 1316 du code civil : socle d’admission ad probationem de l’écrit électronique

Dans le document Les prestations financières en ligne (Page 172-174)

CHAPITRE II : LA NAISSANCE DU FORMALISME PROBATOIRE ÉLECTRONIQUE ET LA PREUVE DES

SOUS SECTION 1 : L’ÉCRIT ÉLECTRONIQUE

A. L’article 1316 du code civil : socle d’admission ad probationem de l’écrit électronique

La consécration d’une réelle équivalence fonctionnelle. Les dispositions qui règlementent l’écrit électronique sont contenues désormais dans les articles 1316, 1316-1 à 1316-3 nouveaux du code civil (section I consacrée à la preuve littérale, du chapitre VI, du Titre III, du Livre troisième du code civil). Ainsi, l’article 1316 avec ses différents alinéas, constitue l’article phare qui réglemente désormais l’écrit électronique. L’article 1316 du code civil commence par énumérer les bases de la preuve littérale. Cette dernière ne résulte plus que d’une suite de lettres, de caractères, de chiffres, mais également -et c’est là l’innovation de la loi du 13 mars 2000 - « de tous autres signes ou symboles dotés d’une signification

intelligible, quels que soient leur support689 et leurs modalités de transmission ».

L’intelligibilité de l’écrit électronique se conçoit différemment de l’écrit papier : « (…) car les

inscriptions ne sont pas saisissables à main nue ni même intelligibles sans l’aide d’une machine »690.

Conditions. Sous réserve de quelques conditions, l’alinéa 1 de l’article 1316 consacre l’équivalence probatoire entre l’écrit électronique et l’écrit sur support papier: « L’écrit sous

forme électronique est admis en preuve au même titre que l’écrit sur support papier, sous réserve que puissent être dûment identifiée la personne dont il émane et qu’il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité ». Le législateur a emprunté

une formulation proche de celle qui a été utilisée par la jurisprudence pour admettre la validité probante d’un écrit dématérialisé: « (…) peut être établi et conservé sur tout support,

y compris par télécopie dès lors que son intégrité et l’imputabilité du contenu à son auteur désigné ont été vérifiées ou ne sont pas contestées » et valoir ainsi «preuve écrite»691. Cette équivalence probatoire est de nature à renforcer davantage la dématérialisation de l’activité

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Le droit québécois de la preuve prévoit une équivalence similaire entre ces différents supports de l’écrit. L’article 2837 du code civil québécois prévoit à ce titre qu’ « à moins que la loi n'exige l'emploi d'un support ou d'une technologie spécifique », « L'écrit est un

moyen de preuve quel que soit le support du document ».

690 RAYNOUARD A., La dématérialisation des titres, étude sur la forme scripturale, th. Paris II, 1998, n° 70. 691

Cass. com , 2 déc. 1997, Voir comm. CATALA P. & GAUTIER P.-Y., « L’audace technologique à la Cour de cassation, vers la libération de la preuve contractuelle» JCP 1998, I, n°23 p 884-885.

financière étant donné que les établissements bancaires recourent à la transmission électronique de données et la gestion électronique des moyens de paiement.

Force probante égale. L’article 1316-3 du code civil consacre quant à lui l’équivalence de la force probante entre ces différentes formes de preuve : « l’écrit sur support électronique a la

même force probante que l’écrit sur support papier ». Par cette disposition, le législateur a

placé sur un pied d’égalité des règles probatoires vieilles et solides de quelques siècles et des règles probatoires jeunes et modernes.

Consécration jurisprudentielle. L’étude de la jurisprudence récente de la Cour de cassation démontre que la Cour réserve un accueil mitigé aux modes électroniques en preuve. Si à l’occasion de certains arrêts, la haute Cour considère la page Facebook692 ou un sms693 comme des écrits électroniques constituant un parfait mode de preuve. Dans d’autres cas d’espèce, concernant les courriers électroniques694, elle n’y voit qu’un commencement de preuve par écrit695, qui, comme son nom l’indique, ne peut se suffire à lui-même et nécessite d’autres éléments pour le corroborer pour emporter la conviction des juges.

Conséquence de l’absence de l’hiérarchie entre différentes formes d’écrit. L’absence d’hiérarchie entre les supports de l’écrit « papier » et électronique, et l’assise d’une réelle équivalence sur le terrain probatoire de ces supports, a conduit à une concurrence accrue en cas de conflit tranchée par une appréciation souveraine du juge si certaines conditions font défaut. Tel est le principe posé par l’article 1316-2 du code civil: « lorsque la loi n’a pas fixé

d’autres principes, et à défaut de convention valable entre les parties, le juge règle les

692 Dans un cas d’espèce, le Conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt a validé le licenciement de deux employées pour avoir

échangé sur le réseau social ‘’Facebook’’, des propos dénigrants envers leur employeur (Cons. Prud. Boulogne-Billancourt, 19 nov. 2010 n°09-00343). Dans une autre affaire similaire, le TGI de Béthune a retenu la condamnation d’un salarié pour avoir tenu des propos négatifs sur son blog internet à l’égard de son employeur (TGI Béthune, 14 déc. 2010).

693

Dans un arrêt rendu le 30 septembre 2009, la Cour de cassation a décidé qu’ « un prévenu coupable du délit prévu et réprimé par l'article

222-16 du code pénal pour avoir adressé à la partie civile des textos ou SMS malveillants et réitérés de jour comme de nuit en vue de troubler sa tranquillité dès lors que la réception desdits messages se traduit par l'émission d'un signal sonore par le téléphone portable de son destinataire ». Cass. crim. 30.09.2009, pourvoi n°09-80373.

694 Si dans une autre affaire la haute Cour refuse l’attribution de la qualité d’écrit électronique à un e-mail en cas de dénégation par son

titulaire (Cass, 1ère civ., 30 sept. 2010, n° 09-68.555), la Cour de cassation diminue la valeur probante de ce denier, en le considérant uniquement comme un commencement de preuve par écrit qui nécessite un élément extérieur pour le corroborer.

695 A l’occasion d’un arrêt rendu le 1er juillet 2010 par la 2ème chambre civile de la Cour de cassation, il a été considéré qu’un accusé de

réception signé et la copie informatique du courrier envoyé constituent un commencement de preuve par écrit même si l’en-tête et le pied figurant sur la lettre ne sont pas ceux usuellement utilisés par la caisse d’assurance maladie (pourvoi n°09-14685, F-D ; RLDI 2010/63 n°2089, pp 71-72.

conflits de preuve littérale en déterminant par tous moyens le titre le plus vraisemblable, quel qu’en soit le support ». Toutefois, la teneur de cet article mérite une précision. L’article

accorde certes au juge un réel pouvoir d’appréciation, mais ce pouvoir, il faut le préciser, n’arrive qu’en troisième position, précise l’article 1316-2. En effet, si la loi fixe des principes sur le terrain probatoire, ou si les parties ont conclu une convention de preuve valable, favorisant une forme de preuve en particulier, le juge s’y trouvera lié, et sa libre appréciation sera écartée dans ces cas. Si, au contraire, ces conditions font défaut, le juge reprend son plein pouvoir, et jugera parmi les titres qui lui sont présentés, lequel est « le plus

vraisemblable ».

Le titre le plus vraisemblable. En prévoyant que c’est le titre le plus vraisemblable qui sera retenu, « quel qu’en soit le support », le législateur a placé sur un pied d’égalité les documents établis sur support papier et ceux établis sur un support électronique, ôtant toute prééminence d’une forme d’un écrit sur un autre. Le juge, en examinant les éléments qui lui sont fournis par les parties au conflit, apprécie lequel de ces supports présente le plus de garanties de fiabilité et d’authenticité.

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