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4.8.1. Critères de définition d’une fille remplissant les conditions pour être femme Les avis des personnes interrogées sont divergents. Les entretiens individuels et focus group de discussion réalisés avec les différents acteurs ont permis d’identifier les critères ci-après présentés dans le tableau ci-dessous:

Critères remplissant les conditions pour être femme à marier

Description des critères Signes biologiques, physiques - Apparition des menstrues,

- Poussée des seins,

- Apparition des poils sous les aisselles, et sur le pubis,

- Corpulence.

Facteurs sociaux - Age,

- Capacités à exécuter des travaux domestiques, entretenir le mari et aussi un enfant.

Facteurs psychologiques - Capacités de discernement, - Capacités à donner son opinion,

- Capacité à faire partie du monde des femmes adultes.

Source : Enquête pour la présente étude

Selon plusieurs personnes interrogées, certains signes physiques de puberté précoce (la taille et la forme de la fille, des seins bien développés, des règles menstruelles, etc.) correspondant à la transformation physique de la jeune fille favorisent le mariage des enfants.

« Dans certaines familles d’ici, lorsque la fille promise voit ses règles menstruelles, elle est autorisée à passer la nuit avec homme ; donc on la marie. Mais dans d’autres familles, c’est lorsque la fille a poussé les seins qu’elle est autorisée à partager le lit conjugal avec son mari. Moi en tant que conseillère nuptiale je conseille aux hommes d’attendre que la fille soit physiquement et psychologiquement apte pour les rapports sexuels » Conseillère nuptiale_Village Diakelel, Kayes

4.8.2. Facteurs culturels et sociaux

En plus des raisons citées, il y a d’autres facteurs qui favorisent la pratique du mariage des enfants.

La sauvegarde de la virginité de la fille

Elle est une motivation pour certains parents à pratiquer le mariage des enfants. L’honneur d’une famille passe par la virginité féminine, considérée comme un élément symbolique dans le cadre du mariage traditionnel.

Dans le passé, toutes les filles d’une communauté devaient arriver vierges au mariage. Les filles étaient en ce temps là confiées à des jeunes hommes célibataires qui les protégeaient contre toute violence et humiliation. Le jeune qui se hasardait à avoir des rapports sexuels avec la fille qui lui était confiée était soumis à une punition. Il quittait le village pour ne plus y revenir de peur de la stigmatisation dont il fera l’objet. Le mari renonçait à la fille qui n’était pas vierge et sa mère pouvait parfois connaître le divorce.

« Des parents marient leurs filles bien avant qu’elles ne soient prêtes à avoir des relations sexuelles afin d’éviter qu’elles ne les déshonorent en perdant sa virginité ou en tombant enceintes ; ce qui est une honte et un déshonneur pour la famille. Chez les peulh, Cela peut rendre son mariage difficile dans la communauté » FGD hommes Diakalel, Kayes.

La virginité signifie le déni de plaisir sexuel chez la fille qui doit rester chaste jusqu’à son mariage. D’ailleurs une des raisons avancée pour la pratique de l’excision est de diminuer le désir sexuel de la fille/femme ; c’est pourquoi elle était pratiquée à 14-15 ans, juste avant la célébration du mariage. La virginité de la fille au mariage est la preuve de la bonne éducation des parents qui ont été assez responsables en veillant sur elle. L’honneur de la famille prime sur le besoin de la fille qui doit se « retenir de tout désir sexuel » par respect pour ses parents.

« Je demande à mon mari de donner tôt nos filles en mariage ; c’est une fierté pour moi en tant que mère responsable des filles de dire que ma fille à son mariage était vierge. Je me sens honorée parmi mes pairs » Femme FGD Nioro.

Un moyen de sécurisation de la fille

Le mariage des enfants perçu comme un moyen pour sécuriser les filles. Beaucoup de personnes marient leurs filles parce que leur séjour dans la belle-famille permet de la sécuriser en la protégeant contre les garçons. Souvent, il arrive que les parents de la fille l’autorisent à séjourner dans la famille des beaux-parents sous la supervision du mari sans la consommation de l’acte sexuel par son mari vu son jeune âge.

« Lorsque la fille est très jeune (8 à11 ans) par exemple, elle passe la nuit chez sa belle-mère. Celle-ci veille sur la fille et l’autorise à passer les nuits définitivement avec son mari au moment voulu c’est-à-dire qu’elle ait vu ses règles. Cette stratégie permet de la protéger contre d’autres jeunes garçons ou hommes adultes qui rôdent autour d’elle » Démarcheur_Nioro.

4.8.3. Facteurs économiques

Les principaux facteurs économiques évoqués sont :

- la pauvreté des parents qui n’hésitent pas à donner la fillette en mariage contre une dot pouvant leurs permettre de résoudre un problème urgent (nourriture, bœuf de labour, charrue, etc.) surtout en milieu peulh, soninké et bambara où la dot est payée en bœuf, vaches et en espèces;

- la recherche de la main d’œuvre surtout chez les bambaras où la femme cultive le champ familial ;

- la sauvegarde de la richesse familiale ; le mariage de la fillette fait une bouche de moins à nourrir. La dot que sa belle-famille amène est utilisée pour payer celle de la fiancée de son frère.

Dans le contexte de cette étude, les parents et même parfois les filles elles-mêmes sont tentés par l’attrait de l’argent et souhaitent le mariage d’enfant si jamais l’occasion se présente.

« Il y’a des parents qui donnent leur fille en mariage d’enfant par attrait de l’argent rapide.

L’année dernière, ma première fille de 13 ans a été demandée en mariage ; mais j’ai catégoriquement refusé de donner mon accord à cause de son jeune âge. Certains parents donnent leur fille en mariage d’enfant car ils ont des difficultés financières pour les nourrir, les soigner en cas de maladie ou s’ils n’arrivent pas à assurer leur habillement ».

Belle sœur de mariage quartier Kayes N’di, Kayes

« La pauvreté des familles est un des facteurs favorisant le mariage des enfants. Face à une proposition alléchante de dot, certains parents acceptent la demande de mariage même si la fille est mineure » Leader communautaire_Kayes

4.8.4. Facteurs comportementaux

Les comportements que les filles adoptent (sexualité précoce, sorties nocturnes avec des garçons, tenues indécentes, l’insuffisance d’éducation sexuelle et de communication entre parents et adolescents sur la sexualité ; l’influence négative des médias modernes, etc.) poussent les parents à pratiquer le mariage des enfants pour éviter le déshonneur si jamais la fille a un enfant hors mariage.

« Avant, c’est-à-dire quand nous on était jeunes, les parents donnaient tôt leurs filles en mariage par ignorance et aussi à cause de la tradition. Mais de nos jours, ce sont les mauvais comportements des filles (Qui sortent avec les garçons) qui sont une cause du mariage des enfants. Aucune femme ne veut que sa fille ait des rapports sexuels avant le mariage » FGD_Femmes âgées de 50 et plus.

4.8.5. Facteurs religieux

Selon la religion musulmane, la pratique de la sexualité avant le mariage est jugée anormale.

Cette attitude chez les jeunes filles si elle est constatée, obligent certains parents à les donner en mariage de façon précoce par respect de certains préceptes de l’Islam.

Le fait d’avoir un enfant naturel est un déshonneur qui rompt avec les principes musulmans.

L’influence de la religion musulmane dont une certaine interprétation encourage le mariage de la fille dès l’apparition des premières règles à cause des péchés relatifs aux comportements sexuels éventuels de la fille et qui seraient imputés aux parents.

4.8.6. Facteurs juridiques

La majorité des personnes rencontrées ignore l’âge légal du mariage du garçon (18 ans) et de la fille (16 ans) selon la législation Malienne. C’est pourquoi la majorité des filles sont mariées avant 15 ans surtout dans les communautés peulh, sarakolé et maure... Le cadre de référence des parents est basé sur les facteurs biologiques et physiques.

La variable âge est moins prise en compte, seulement certains parents prennent le soin de faire recourir à l’acte de naissance de la fille pour prendre la décision si le mariage doit être célébré à la mairie.

Selon des hommes et femmes rencontrés, les autorités administratives locales adoptent des comportements et pratiques pour délivrer des actes de naissance complaisants aux filles n’ayant pas l’âge légal de mariage et cela moyennant le paiement d’une forte somme.

« De nos jours la loi n’a pas une grande influence sur le mariage des enfants car les parents arrivent à la contourner à travers la falsification d’acte de naissance avec la complicité des agents communaux qui font des faux actes de naissance pour permettre aux familles de marier leurs filles devant un officier d’état civil » Démarcheur_Nioro

Les personnes (femmes et hommes) qui ont une meilleure connaissance de l’âge légal du mariage sont celles qui ont bénéficié de formation auprès des ONG WILDAF, AMSOPT, Unicef, associations locales... La participation aux séances de formation leur a permis de prendre conscience des conséquences liées au mariage des enfants et connaître les mesures à adopter en matière de protection des droits des jeunes (filles et garçons).

« Lors des formations, on nous parle des aspects juridiques du mariage. La loi nationale fixe l’âge de mariage de la fille à 16 ans » FGD Femmes âgées de 50 ans et plus.