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L’étude révèle un faible niveau de connaissances des conséquences du mariage des enfants.

Elles ont été surtout évoquées par des personnes qui ont reçu des informations sur les risques liés à la pratique. La nature des conséquences est variée.

Sur le plan sanitaire

De l’avis des personnes rencontrées lors de l’enquête, le mariage des enfants pourrait engendrer des problèmes durant la nuit de noces et des complications au cours de la grossesse et de l’accouchement de la jeune mariée, (l’ouverture du col de l’utérus, la fistule obstétricale, la déchirure vaginale, la mort de la mère ou du nouveau-né…) parce que le corps n’est pas prêt pour porter une grossesse. Ce sont surtout des femmes et hommes qui ont été exposés aux messages véhiculés par les ONG WILDAF et AMSOPT et les conseillères nuptiales qui ont évoqué les conséquences sur la santé.

Encadré N°8: Récit sur les conséquences du mariage des enfants sur la santé

Encadré N°9: Récit d’une conseillère nuptiale sur les conséquences négatives du ME J’ai été marraine pour le mariage de la fille d’un de mes cousins qui est un peulh originaire de la localité de Nioro du Sahel.

Comme le veut la coutume, avant la célébration du mariage, je me suis rendue dans la famille de la future mariée pour la connaître. Les parents de cette dernière ont refusé de me la présenter mais j’ai exigé de la voir. Finalement ils m’ont dit d’aller la voir dans la chambre. Lorsque j’ai vu la fille, j’étais très déconcertée car elle n’avait même pas poussé de sein et elle était vraiment une enfant toute innocente.

J’ai ouvertement manifesté mon désaccord mais je n’ai pas été écoutée. C’est ainsi qu’ils ont célébré le mariage.

Le lendemain du mariage, la conseillère nuptiale est venue me voir dès l’aube pour me dire que la nouvelle mariée s’est évanouie. Je ne savais pas où mettre la tête et j’avais tout simplement dit que si jamais cette dernière avait des problèmes de santé nous allons tous être en prison.

Je suis allée dans la famille qui n’a pas voulu que je voye la fille. J’ai proposé qu’on l’amène au centre de santé, mais les parents ont catégoriquement refusé. Au lieu de se préoccuper de la santé de la fille, ses parents m’ont demandé de donner des cadeaux à la fille car son mari l’a trouvé vierge. J’ai protesté. Les parents m’ont dit que j’avais tort de juger en mal leur acte parce qu’on ne doit pas attendre qu’une fille atteigne l’âge de 17 à 18 ans pour la donner en mariage. Ils pensent même que si une fille atteint 17 ou 18 ans sans se marier, elle n’aura pas peur de son mari et qu’elle risque de contracter une grossesse hors mariage. Je leur ai dit que cela vaut mieux que de mettre la vie de la fille en danger pour des futilités.

Marraine de mariage _Kayes_Quartier Kayes N’di

Dans ma vie de conseillère nuptiale, j’ai encadré une centaine de jeunes filles mariées ; mais il faut reconnaitre que j’ai rencontré toute sorte de problèmes. Des filles de 16 ans j’en ai beaucoup reçues. Une fois, j’ai reçu une fille de 15 ans qui était infibulée. L’homme n’ayant pas été avisé et étant physiquement plus fort que la fille, il l’a blessée en voulant la pénétrer.

J’avais sensibilisé l’homme sur le fait que la fille était trop jeune, mais il a fait ce qui ne devait pas être fait. Cette nuit là on n’a pas dormi à cause de l’hémorragie et la douleur. Le sang coulait ; nous avons utilisé des médicaments traditionnels et la fille s’en est sortie. Mais un an plus tard, elle a eu des difficultés à l’accouchement. Aujourd’hui, elle haie les hommes.

Moi-même j’ai donné ma propre fille à 16 ans car elle n’était pas à l’école. La première nuit de noces, elle aussi a été traumatisée et a elle a aussi eu des difficultés à l’accouchement. Le mari a été obligé de la laisser à mes côtés un an avant de reprendre les rapports sexuels. Tous les parents qui ont donné leur fille en mariage précocement devraient le regretter et demander pardon. Conseillère nuptiale_Kayes_Quartier Lafiabougou

« Les filles mariées tôt qui ont eu des complications suite à une grossesse et accouchement précoces sont dévalorisées au sein de leurs familles. J’ai vu une fille qui est toujours mouillée. On m’a dit qu’elle est tombée dans cet état lors de l’accouchement quand elle avait 14 ans. Elle est rejetée et on m’a dit que c’est la conséquence du mariage des enfants » Conseillère nuptiale _Quartier Lafiabougou, Kayes

Les récits de conseillères nuptiales montrent que les mariages des enfants entrainent souvent des violences et abus sexuels de la part du mari, parce que les relations sexuelles sont souvent forcées (surtout la nuit de noces) et à la longue la peur de l’acte sexuel.

Conséquences psychologiques/émotionnelles

Selon certains enquêtés, le mariage des enfants entraine dans certains cas la dépression, le traumatisme et le dégoût du rapport sexuel.

« Le traumatisme peut venir du fait que la fille n’a jamais eu de rapport sexuels avant la nuit de noces. La violence de l’acte cette nuit-là affecte les jeunes femmes. Il est très fréquent qu’à la tombée du crépuscule que la fille aura peur lorsqu’elle voit le mari venir dans la chambre » FGD_Hommes adultes, Kamadanpé, Nioro_

Conséquences sociales

La lourdeur des travaux ménagers

Le mariage des enfants est souvent à la base de conflit entre la fille mariée et les parents du mari. La nouvelle mariée, très jeune, doit travailler comme les autres femmes adultes de la famille (travaux domestiques, corvée d’eau et de bois).

« Dès le mariage de la fille, elle fait tous les travaux ménagers (préparer à manger, aller chercher de l’eau, du bois, piler le mil) même si elle n’a pas la force physique, c’est une obligation conjugale. Souvent les coépouses l’insultent parce qu’elle ne sait pas faire le travail domestique. Le mariage est très compliqué chez moi car certains parents sont pressés que la fille se marie car la mère a été mariée à bas âge. Il y a trop de travail pour nous les filles dans le ménage » FGD jeunes filles et garçons _ village de Kamandapé, Nioro Certaines filles mariées n’ayant pas assez de force physique pour réaliser ces travaux subissent des critiques des belles-mères, et des autres femmes de la famille. Face à l’ampleur du travail qu’elle doit réaliser, certaines filles mariées abandonnent le domicile conjugal.

Le refus des rapports sexuels

Certaines filles malgré leur jeune âge refusaient les rapports sexuels avec le mari à cause souvent du mauvais souvenir de la première; ce qui entraine parfois un comportement violent du mari (Coups et blessures, rapports sexuels forcés). Parfois on assiste à des tentatives d’empoissonnent du mari, et l’infidélité de la part de la jeune mariée qui n’arrive plus à supporter un mari qui lui a été imposé.

L’abandon de la jeune mariée

Il a parfois été mentionné que les filles se marient à des jeunes hommes qui souvent émigrent pendant de nombreuses années, laissant la fille seule et sans soutien émotionnel. Cela entraine une frustration de la jeune mariée et souvent des relations difficiles avec la belle-famille en général et la belle-mère en particulier. L’absence du mari peut durer 5 à 10 ans. Les cas de divorce liés à cette situation sont fréquents et décidés par les parents qui ont imposé le mari à la fille.

Conséquences sur la scolarisation

Le mariage des enfants est une entrave à l'éducation des filles qui sont retirées de l'école pour être mariées ; cela est très fréquent chez les peulhs, les sarakolés et les kashonkés et les maures très conservateurs.

A cause de l’ampleur des travaux domestiques, certaines filles mariées, abandonnent l’école sous la pression de la belle famille.

Certains maris, de peur que la fille mariée soit instruite et intelligente plus qu’eux, préfèrent la déscolariser dès que le mariage est célébré. La déscolarisation de la jeune fille mariée devient une « stratégie de domination » de l’homme sur la femme.

« Personnellement, je regrette beaucoup d’avoir abandonné mes études car si j’avais continué mes études, je mènerai une vie meilleure à celle que je mène actuellement. Je trouve que la réussite scolaire d’une fille lui permet une vie meilleure et aussi à ses parents et frères ». FGD_femmes agées de 50 et plus

Mais il faut reconnaitre que le système scolaire au Mali favorise le mariage des enfants.

L’école est souvent éloignée du village et les parents ne sont pas très favorables à l’envoi des filles à cause de la distance à parcourir qui expose la fille à des violences. Aussi après avoir fait une classe trois fois, la fille renvoyée de l’école n’a plus la possibilité de continuer les études. Déscolarisée, les parents n’ont d’autre choix que de la marier quelque soit son âge.