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Les courants de de Rham sont un outil fondamental en analyse, en g´eom´etrie et en dynamique complexes. Nous allons les introduire et donner des int´epr´etations plus conceptuelles de certains r´esultats pr´esent´es aux paragraphes pr´ec´edents.

SoitXune vari´et´er´eellelisse orient´ee de dimensionn. NotonsDp(X) l’espace des p-formes lisses `a support compact dansX.

D´efinition 1.5.1. Un courant de degr´e p (on dit aussi de dimension n−p ou encore unp-courant) sur X est une forme lin´eaire continue sur l’espace Dn−p(X) muni de la topologie canonique. Une distribution au sens de Schwartz est un courant de degr´e maximal n et de dimension 0.

1.5. COURANTS DE DE RHAM 33 Si T est un p-courant sur X, sa valeur en ϕ∈ Dn−p(X) est not´ee par hT, ϕi ou par T(ϕ). Cette valeur d´epend lin´eairement de ϕ. La continuit´e de T est

´equivalente `a la propri´et´e suivante :

siϕk→ϕ dans Dn−p(X) alors hT, ϕki → hT, ϕi.

Rappelons que ϕk → ϕ dans Dn−p(X) si et seulement si ces formes sont sup-port´ees par un mˆeme compact et kϕk−ϕkCr →0 pour tout 0≤r <∞.

On utilise souvent sur l’espace des courants la topologie faible donn´ee par la d´efinition suivante.

D´efinition 1.5.2. On dit que la suite des p-courants Tk sur X converge faible-ment vers un p-courant T si

hTk, ϕi → hT, ϕi pour toute forme test ϕ∈Dn−p(X).

Si U est un ouvert de X, on peut consid´erer la restriction de T `a l’espace Dn−p(U) qui est consid´er´e comme un sous espace deDn−p(X). C’est la restriction du courant T `a l’ouvert U.

Proposition 1.5.3. Soit T un p-courant sur X.

1. Il existe un ferm´e F qui est le plus petit ferm´e tel que la restriction deT sur X\F soit nul. Ce ferm´e s’appelle le support de T et est not´e par supp(T); 2. Le courantT se prolonge de mani`ere unique en une forme lin´eaire continue, encore not´ee parT, sur les (n−p)-formes lisses ϕ avec supp(ϕ)∩supp(T) compact tel que hT, ϕi=hT, ϕ0i si ϕ=ϕ0 sur un voisinage de supp(T).

D´emonstration. 1. Soit F la famille de tous les ouverts deX sur lesquels T est nul. Soit U la r´eunion de ces ouverts. Pour la premi`ere assertion, il suffit de montrer queU est un ´el´ement de F et de poser F =X\U.

Soitϕune forme lisse `a support dans un compactK deU. Il faut montrer que hT, ϕi = 0. Comme K est compact, il existe une famille finie d’ouverts Uj ∈ F telle que K ⊂ ∪jUj. Soit (χj) une famille de fonctions lisses `a support compact dans Uj telle que P

χj = 1 sur K. On a hT, ϕi=

T,X χjϕ

=X

hT, χjϕi.

Commeχjϕest support´e parUj, la derni`ere expression est nulle. D’o`u le r´esultat.

2. Soit ϕ une (n−p)-forme lisse telle que supp(ϕ)∩supp(T) est compact.

Soit χ une fonction lisse `a support compact qui est ´egale `a 1 au voisinage de supp(ϕ)∩supp(T). Posons

hT , ϕie =hT, χϕi.

Par d´efinition de supp(T), on voit que cette formule ne d´epend pas du choix de χ. En particulier, on a hT , φie = hT, ϕi si ϕ est `a support compacte. On v´erifie sans peine que Te v´erifie la proposition. L’unicit´e est aussi claire car la derni`ere

identit´e dans la proposition impose que l’extension soit d´efinie par la formule ci-dessus.

Notons qu’on montre avec des arguments similaires qu’un courant sur un ouvert U de X `a support compact d´efinit aussi un courant sur X.

D´efinition 1.5.4. On dit que T est un courant d’ordre s si pour tout compact K ⊂X, il existe une constante cK >0 telle que

|hT, ϕi| ≤cKkϕkCs pour toute forme test ϕ `a support dansK.

Si un tel s n’existe pas, on dit que T est d’ordre infini. Les mesures de Radon sont les distributions d’ordre 0.

Proposition 1.5.5. La restriction d’un p-courant T de X `a un ouvert relative-ment compact dans X est d’ordre fini. Si T est d’ordre s, il s’´etend de mani`ere unique en forme lin´eaire continue sur l’espace des(n−p)-formes de classe Cs `a support compact dans X.

D´emonstration. Soit U un ouvert relativement compact dans X. Supposons que la restriction de T `aU n’est pas d’ordre fini. Alors pour tout s∈N il existe une (n−p)-forme ϕs lisse `a support compact dans U telle que

skCs = 1 et hT, ϕsi ≥2s. Posons

Φs=

s

X

j=0

2−jϕj et Φ =

X

j=0

2−jϕj.

Comme U b X, on a Φs → Φ dans Dn−p(X). La continuit´e de T implique que

hT,Φi= lim

s→∞hT,Φsi=∞.

C’est une contradiction. Donc la restriction de T `a U est d’ordre fini.

Supposons maintenant queT est d’ordressurX. L’in´egalit´e dans la d´efinition 1.5.4 permet d’´etendre T de mani`ere unique en forme lin´eaire continue sur la compl´etude de Dn−p(X) pour la norme Cs. Cette compl´etude est l’espace des (n−p)-formes de classe Cs `a support compact dans X.

Nous donnons maintenant deux autres exemples fondamentaux de courants d’ordre 0 qui justifient les terminologies ”degr´e” et ”dimension” pour les courants.

Exemple 1.5.6. Si α est une p-forme diff´erentielle `a coefficients localement int´egrables, alors α d´efinit un p-courant d’ordre 0 par la formule

hα, ϕi= Z

X

α∧ϕpour ϕ∈Dn−p(X).

1.5. COURANTS DE DE RHAM 35 Exemple 1.5.7. Soit Y une sous-vari´et´e r´eelle orient´ee de dimension n−p de X. Alors Y d´efinit un p-courant d’ordre 0, not´e [Y], avec

h[Y], ϕi= Z

Y

ϕ pourϕ∈Dn−p(X).

C’est le courant d’int´egration sur Y. La d´efinition s’´etend aux vari´et´es r´eelles orient´ees non n´ecessairement ferm´ees mais qui ont un volume (n−p)-dimensionnel fini dans chaque compact deX.

Les deux exemples pr´ec´edents sont tr`es importants pour les applications mais aussi pour tester les propri´et´es qu’on veut v´erifier pour une classe plus grande de courants.

D´efinition 1.5.8. Soit T un p-courant sur X. On d´efinit le (p+ 1)-courant dT surX par

hdT, ψi= (−1)p+1hT, dψi pour toutψ ∈Dn−p−1(X).

Par convention, on adT = 0 sip=n et plus g´en´eralement tout courant de degr´e strictement plus grand quen est nul.

Si T est d’ordre s et si α est une q-forme de classe Cs, on d´efinit le produit T ∧α par

hT ∧α, ψi=hT, α∧ψi pour tout ψ ∈Dn−p−q(X).

Le courantdT est d’ordres+1 siT est d’ordres. SiT est donn´ee par une forme diff´erentielle α de classe C1, d’apr`es la formule de Stokes sur X, dT est donn´ee par la forme dα. Si Y est une sous-vari´et´e orient´ee `a bord lisse de dimension n−p deX, la formule de Stokes sur Y s’´ecrit dans le langage des courants sous la forme

d[Y] = (−1)n−p+1[bY].

L’identit´e d◦d= 0 sur les formes diff´erentielles implique la mˆeme identit´e pour les courants.

Introduisons maintenant deux autres op´erations importantes sur les courants.

Soit π : X →Y une application lisse entre deux vari´et´es r´eelles lisses orient´ees.

Soit T un courant de dimension k sur X. Supposons que la restriction de π `a supp(T) est propre. Alors on peut d´efinir l’image directe de T par π. C’est un courant de dimension k surY, not´e par π(T), d´efini par

(T), ψi=hT, π(ψ)i pour toute k-forme lisseψ `a support compact dans X.

La propret´e de π sur supp(T) assure que la derni`ere expression est bien d´efinie.

Consid´erons maintenant unesubmersionπ :X →Y. On a le lemme suivant.

Lemme 1.5.9. Si α est une forme lisse `a support compact dans X, alors le courant π(α) est d´efini par une forme lisse sur Y.

D´emonstration. Observons que si (χj)j∈J est une partition de l’unit´e deX, alors π(α) =X

j∈J

πjα).

Par cons´equent, commeπest une submersion, en utilisant une partition de l’unit´e adapt´ee, on se ram`ene au cas o`u X est le produit Y ×Z de Y avec une autre vari´et´e et π est la projection canonique sur Y. De plus, on peut supposer que Y et Z sont des ouverts d’espace euclidien.

Notons (y, z) les coordonn´ees standard sur Y et Z. Soit ψ une forme lisse `a support compact dans Y de degr´e convenable. Alors on a d’apr`es le th´eor`eme de Fubini

(α), ψi= Z

Y×Z

α(y, z)∧ψ(y) = Z

y∈Y

Z

z∈Z

α(y, z) ψ(y).

Donc

π(α) = Z

z∈Z

α(y, z).

La derni`ere expression est une forme dont les coefficients sont obtenus en int´egrant les coefficients de αlelong les fibres de π. On voit queπ(α) est ´egale donc `a une forme lisse.

SoitSunp-courant surY. Le lemme dernier permet de d´efinir l’image r´eciproque de S par π. C’est un p-courant sur X not´e par π(S) et donn´e par

(S), ϕi=hS, π(ϕ)i pour toutϕ∈Dn−p(X).

La proposition suivante est une cons´equence directe des d´efinitions ci-dessus.

Proposition 1.5.10. Les op´erateurs image directe et image r´eciproque sur les courants, lorsqu’ils sont bien d´efinis, commutent avec l’op´erateur d.

Nous allons utiliser les courants sur les vari´et´es complexes. Soit maintenant X une vari´et´ecomplexe de dimensionn (et donc de dimension r´eelle 2n).

D´efinition 1.5.11. Unp-courantT surX estde bidegr´e(r, s)et de bidimension (n−r, n−s) avec r+s=ps’il annulle les formes de bidegr´e (n−r0, n−s0) dans D2n−p(X) lorsque (r0, s0)6= (r, s). On d´efinit aussi les op´erateurs∂ et ∂ par

h∂T, ψi= (−1)p+1hT, ∂ψi et h∂T, ψi= (−1)p+1hT, ∂ψi pourψ ∈D2n−p−1(X).

On v´erifie facilement que siT est un (r, s)-courant,∂T et∂T sont de bidegr´es (r+ 1, s) et (r, s+ 1) respectivement. De plus, les identit´es suivantes sont vraies sur les courants comme c’est le cas pour les formes lisses :

d=∂ +∂, ∂◦∂ = 0, ∂◦∂ = 0 et ∂◦∂+∂◦∂ = 0.

1.5. COURANTS DE DE RHAM 37 Ces op´erateurs commutent avec les op´erateurs image directe et image r´eciproque par une application holomorphelorsque ces derniers sont bien d´efinis.

Nous allons maintenant interpr´eter quelques r´esultats connus en langage de courants ce qui donne un point de vue plus conceptuel.

Formule de Cauchy-Pompeiu. Soit Ω un domaine dans C `a bord lisse par morceaux. Il d´efinit par int´egration un (0,0)-courant sur C not´e par [Ω]. On a d’apr`es la formule de Stokes

d[Ω] =−[bΩ].

C’est pour d´efinir [bΩ] qu’on utilise l’hypoth`ese lisse par morceaux. Fixons un pointa ∈C\bΩ et consid´erons le (1,0)-courant

T = dz

2iπ(z−a)∧[Ω].

Ce courant est bien d´efini car avec les coordonn´ees polaires, on v´erifie facilement que la forme diff´erentielle intervenue ici est localement int´egrable. Le support de T est ´egal `a Ω.

Lemme 1.5.12. On a

∂T =dT =

( dz

2iπ(z−a)∧[bΩ]−δa sia ∈Ω

dz

2iπ(z−a)∧[bΩ] sia 6∈Ω o`u δa est la masse de Dirac en a.

D´emonstration. La premi`ere identit´e est claire en raison de bidegr´e. Sur C\ {a}, la forme diff´erentielle intervenue dans la d´efinition de T est lisse et ferm´ee. Par cons´equent, la d´efinition de l’op´erateurd implique

dT =− dz

2iπ(z−a) ∧d[Ω] = dz

2iπ(z−a) ∧[bΩ] sur C\ {a}.

Lorsquean’est pas dans Ω, il n’appartient pas au support deT et par cons´equent, la derni`ere identit´e est valable surC.

Il reste `a v´erifier que dT = −δa au voisinage de a en supposant que a ∈ Ω.

Pour ceci, afin de simplifier les notations, on peut supposer que Ω =C et a= 0.

On a alors

T = dz 2iπz· On doit montrer que∂T =−δ0.

CommeT est invariant par les rotations en 0, il suffit de consid´erer les fonc-tions test radiales lisses `a support compact h(r) avec r = |z|. En utilisant les coordonn´ees polaires (r, θ) on a

h∂T, hi= Z

C

dz

2iπz ∧∂h = Z

R+×[0,2π]

1

2πh0(r)dr∧dθ =−h(0).

Ceci termine la preuve du lemme.

Notons qu’avec des calculs similaires on obtient i

π∂∂log|z−a|=δa.

On utilisera syst´ematiquement les identit´es analogues pour les fonctions pluri-sousharmoniques et les courants positifs ferm´es.

On en d´eduit le r´esultat suivant.

Th´eor`eme 1.5.13 (Cauchy-Pompeiu 1912). Soit Ω un domaine born´e `a bord lisse par morceaux. Soit f une fonction sur Ω lisse jusqu’au bord. Alors on a

1

D´emonstration. On prolonge f en une fonction lisse sur C. Cet ´etape n’est pas n´ecessaire si on est habitu´e avec les calculs sur les courants. Consid´erons le cas a∈Ω. L’autre cas sera trait´e de la mˆeme mani`ere.

Le r´esultat s’en d´eduit.

Lorsque f est une fonction holomorphe sur Ω, lisse jusqu’au bord, on obtient la formule de Cauchy

La formule est valable si f est holomorphe sur Ω et continue jusqu’au bord. En effet, on peut r´eduire Ω pour se ram`ene au cas pr´ec´edent.

Formules de Bochner-Martinelli. La formule de Bochner-Martinelli donn´ee dans le th´eor`eme 1.4.1 peut ˆetre interpr´et´ee de la mˆeme mani`ere. Soit Ω un domaine `a bord lisse par morceaux dans Cn. Consid´erons le (n, n−1)-courant

T = (−1)n(n−1)2 (n−1)!

(2iπ)n ·ω0(z−a)∧ω(z) kz−ak2n ∧[Ω].

Avec les calculs comme dans le th´eor`eme 1.4.1 et le lemme 1.5.12, on a le r´esultat suivant qui implique la formule de Bochner-Martinelli.

1.5. COURANTS DE DE RHAM 39 Lemme 1.5.14. Avec les notations ci-dessus, on a

∂T =dT = (−1)n(n−1)2 (n−1)!

(2iπ)n · ω0(z−a)∧ω(z)

kz−ak2n ∧[bΩ]−cδa avec c= 1 si a∈Ω et c= 0 si a6∈Ω.

Notons aussi qu’on a (n−1)!ω0(z−a)∧ω(z)

kz−ak2n = (−1)n(n+1)2 (∂logkz−ak2)∧(i∂∂logkz−ak2)n−1 sur Cn \ {a}. Pour v´erifier cette identit´e, on peut supposer a = 0 et utiliser l’invariance des formes par le groupe unitaire et par homog´en´eit´e. Il reste ensuite

`

a v´erifier l’identit´e en un point, e.g. (1,0. . . ,0). Les calculs sont alors simples.

Equation ∂. Nous allons construire ici la solution pour l’´equation ∂. L’id´ee directrice est tr`es g´en´erale. Elle peut ˆetre utilis´ee pour d’autres ´equations comme

∂∂, d ou∂.

Consid´erons l’application π : Cn ×Cn → Cn donn´ee par π(z, a) = z −a.

Le param`etre a dans les paragraphes pr´ec´edents deviennent ici une variable. La diagonale ∆ deCn×Cn est ´egale `a π−1(0). Cette propri´et´e s’´ecrit en terme des courants sous la formule

[∆] =π0).

Notons que l’op´erateurπ est bien d´efini car π est une submersion.

On d´eduit du lemme 1.5.14, appliqu´e au cas o`u Ω =Cn, que [∆] =∂π(T) =∂n(−1)n(n−1)2 (n−1)!

(2iπ)n ·ω0(z−a)∧ω(z−a) kz−ak2n

o

surCn×Cn. On dit que π(T) est un noyau pour la r´esolution de ∂ sur Cn.

D´emonstration du th´eor`eme 1.4.6.Soitgcomme dans ce th´eor`eme. Consid´erons le courant

S= (−1)p+q−1g(z)∧π(T) = (−1)p+q−1g(z)∧(−1)n(n−1)2 (n−1)!

(2iπ)n ·ω0(z−a)∧ω(z−a) kz−ak2n surCn×Cn.Comme g est lisse et ∂-ferm´ee, on a

∂S =g(z)∧[∆] =g(a)∧[∆].

Observons que comme g est `a support compact, la projection Π2 deCn×Cn sur le deuxi`eme facteur est propre sur le support deS. De plus, la formef d´efinie dans le th´eor`eme est exactement ´egale `a (Π2)(S). D’o`u

∂f(a) =∂(Π2)(S) = (Π2)(∂S) = (Π2)(g(a)∧[∆]) =g(a).

Ceci termine la preuve du th´eor`eme.

Chapitre 2

M´ ethode L 2 , vari´ et´ es de Stein et th´ eorie du pluripotentiel

Ce chapitre contient une introduction `a la m´ethode L2. Nous allons donner plusieurs propri´et´es des vari´et´es de Stein et des domaines pseudoconvexes dansCn qui montrent une efficacit´e remarquable de cette m´ethode. Les courants positifs ferm´es sont des objets centraux de cette th´eorie. Ils seront introduits avec leur propri´et´es de base. On verra au dernier chapitre le rˆole important de ces courants en dynamique complexe.

2.1 Fonctions sous-harmoniques sur R

n

Les fonctions plurisouharmoniques que nous allons utiliser plus tard sont sous-harmoniques dans tout syst`eme de coordonn´ees complexes locales. Nous rappe-lons dans ce paragraphe la notion de fonctions sous-harmoniques sur Rn et les propri´et´es fondamentales de ces fonctions.

Notons x = (x1, . . . , xn) les coordonn´ees standard de Rn. Rappelons que l’op´erateur de Laplace sur les fonctions est d´efini par

∆ = ∂2

∂x21 +· · ·+ ∂2

∂x2n·

D´efinition 2.1.1. Soit Ω un domaine dansRn. Une fonctionv : Ω→Rde classe C2 estharmonique si

∆v = 0 sur Ω.

Notons que cette notion d´epend du syst`eme de coordonn´ees qu’on utilise sur Rn. Le th´eor`eme suivant implique que les fonctions harmoniques sont lisses.

Th´eor`eme 2.1.2 (formule de Poisson). Soit v une fonction harmonique sur une boule B de centre 0 et de rayon r qui est continue jusqu’au bord. Alors pour tout

41

y∈B on a

v(y) = Z

x∈bB

v(x) r2− kyk2

πnrkx−ykndvoln−1(x),

o`u πn est le volume (n−1)-dimensionnel de la sph`ere unit´e dansRnet dvoln−1(·) est la forme volume sur bB. En particulier, u est de classe C sur B.

Lorsque y est le centre de B, on d´eduit que v(0) est la moyenne des valeurs de v sur la sph`ere bB.

On va d’abord montrer le r´esultat suivant qui donne la solution pour le probl`eme de Dirichlet sur une boule. Il s’agit de trouver une fonction harmo-nique sur cette boule en connaissant ses valeurs au bord.

Th´eor`eme 2.1.3. Soit v une fonction continue sur bB, alors l’int´egrale de Pois-son comme dans le th´eor`eme ci-dessus

ev(y) = Z

x∈bB

v(x) r2− kyk2

πnrkx−ykndvoln−1(x),

d´efinit une fonction harmonique sur B qui est continue jusqu’au bord et est ´egale sur bB `a la fonction v.

D´emonstration. Par homog´en´eit´e, afin de simplifier les notations, on peut sup-poserr = 1. Pour montrer queev est harmonique, il suffit de v´erifier que le noyau de Poisson est harmonique en y, i.e.

y 1− kyk2 πnkx−ykn

= 0.

Ceci se fait par un calcul direct qui est laiss´e au lecteur. On peut pour simplicit´e supposer ici que x= (1,0, . . . ,0).

Il reste `a montrer que ev se prolonge continˆument jusqu’au bord de B et est

´

egale `av surbB. Quandv = 1, la fonction ev est harmonique et radiale. Comme ev est lisse en 0, on a ∂ρev(0) = 0. Un calcul direct donne v(0) = 1. Sur les fonctions lisses radiales on a

∆ = ∂2

∂ρ2 + n−1 ρ

∂ρ avec ρ=kyk.

On montre que ev est constante. Si ce n’´etait pas le cas, en consid´erant un point extr´emal pour ∂ρev, on d´eduit de l’´equation ∆ev = 0 que ev est monotone en ρ ∈ [0,1]. La mˆeme ´equation montre que ev est soit concave croissante, soit convexe d´ecroissante en ρ. Ceci contredit le fait que sa d´eriv´ee en 0 est nulle. On constate que ev = 1 et que le th´eor`eme est vrai dans ce cas.

Pour le cas g´en´eral, posons y0 =ykyk−1. Il suffit de prouver que ev(y)−v(y0) tend vers 0 uniform´ement quand y tend vers bB. Fixons une constante > 0.

2.1. FONCTIONS SOUS-HARMONIQUES SURRN 43

D´emonstration du th´eor`eme 2.1.2. En utilisant le th´eor`eme 2.1.3, il suffit de prouver que si une fonction harmoniquev surB est continue jusqu’au bord et nulle surbB, alors elle est nulle. Supposons que ce n’est pas le cas. En multipliant v par une constante, on peut supposer que maxv = 3.

Soit χ une fonction lisse convexe croissante sur R telle que χ(t) = 0 si t <1 et et χ(t) = t2 −3 si t ≥ 2. Alors la fonction χ(v) est nulle pr`es du bord de B. o`u la derni`ere ´egalit´e est une cons´equence de la formule de Stokes.

La fonction χ´etant convexe, on d´eduit que χ00 ≥0 et ∇v~ = 0 l`a o`uχ00(v) est strictement positif. En particulier, ∇v~ = 0 quand v > 2. Ceci signifie que u est localement constante sur l’ouvert{v >2}. Cette propri´et´e contredit la condition

maxv = 3 et la continuit´e de v.

Rappel. On a utilis´e la version suivante de la formule de Stokes qui est valable pour les fonctionsC2 `a support compact dans Rn

Z Elle se d´emontre avec une int´egration par partie.

Corollaire 2.1.4. Soit (vm) une suite de fonctions harmoniques sur Ω. Suppo-sons que vm converge dans L1loc vers une fonction v. Alors v est ´egale presque partout `a une fonction harmonique.

D´emonstration. Soient B1 etB2 deux boules de mˆeme centre aet de rayon r1, r2

respectivement qui sont contenues dans Ω avecr1 < r2. On montre quev est ´egale presque partout sur B1 `a une fonction harmonique. Pour simplifier les notations, on peut supposer que a= 0.

On peut appliquer la formule de Poisson pour la boule de centre 0 et de rayon r pour tout x∈B1 et tout r1 ≤r≤r2. En consid´erant la moyenne de l’int´egrale de Poisson en r ∈[r1, r2], on obtient

vm(y) = Z

x∈B2\B1

vm(x)kxk2− kyk2 kx−ykn η(x),

o`u η est une forme lisse ind´ependante de v et de x qu’on n’a pas besoin de pr´eciser ici. La formule dit que les valeurs de vm sur B1 peuvent ˆetre calcul´ees comme valeurs moyennes de vm sur B2 \B1.

Comme la suite (vm) converge dans L1loc, on d´eduit de cette formule que vm converge localement uniform´ement sur B1 vers une fonction v0. De plus, toute d´eriv´ee de vm converge vers la d´eriv´ee correspondante de v0. On a en particulier

∆v0 = lim ∆vm = 0 et doncv0 est harmonique. La fonctionv´etant la limite devm dans L1loc, elle est donc ´egale `a v0 dans L1loc. Par cons´equent,v est ´egale presque partout `a une fonction harmonique.

Corollaire 2.1.5. Soit (vm) une suite de fonctions harmoniques sur Ω. Suppo-sons que cette suite est born´ee dans L1loc. Alors elle admet une sous-suite qui converge locallement uniform´ement avec toutes les d´eriv´ees vers une fonction harmonique sur Ω.

D´emonstration. La formule obtenue dans la preuve du dernier corollaire implique que vm est localement born´ee uniform´ement en m. En consid´erant les d´eriv´ees par rapport `a y des deux membres de cette formule, on voit que les d´eriv´ees de vm sont aussi localement born´ees uniform´ement en m. Par cons´equent, la suite (vm) est localement ´equicontinues. Ceci est ´egalement vrai pour toute suite de d´eriv´ees devm. Le corollaire se d´eduit alors du th´eor`eme d’Ascoli et le th´eor`eme ci-dessus.

D´efinition 2.1.6. Une fonctionu: Ω→R∪ {−∞}, non identiquement−∞, est sous-harmonique si elle est semi-continue sup´erieurement (s.c.s.) et si elle v´erifie l’in´egalit´e de sous-moyenne suivante : pour toute boule ferm´ee B de centre a contenue dans Ω, on a

u(a)≤ 1

|bB| Z

bB

u(x)dvoln−1(x) o`u |bB| est le volume (n−1)-dimensionnel de la sph`ere bB.

2.1. FONCTIONS SOUS-HARMONIQUES SURRN 45 Notons que cette in´egalit´e combin´ee avec la semi-continuit´e sup´erieure en-traˆıne que

u(a) = lim

r→0

1

|bB| Z

bB

u(x)dvoln−1(x), o`u r est le rayon de B.

La proposition suivante est une cons´equence de la d´efinition ci-dessus.

Proposition 2.1.7. Toute fonction sous-harmonique est localement born´ee sup´erieurement et localement int´egrable. De plus, elle v´erifie le principe du

Proposition 2.1.7. Toute fonction sous-harmonique est localement born´ee sup´erieurement et localement int´egrable. De plus, elle v´erifie le principe du