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Partie III. Des propriétés optiques nouvelles par le couplage de nanoparticules au sein d’un auto-assemblage au sein d’un auto-assemblage

B. Couplages hybrides exciton—plasmon

Nous décrivons ici d’autres interactions, qui résultent de complexes hybrides entre des NP semi-conductrices et des NP métalliques. D’un point de vue général, positionner un fluorophore à proximité d’une nanostructure métallique peut avoir deux effets sur son émission, à savoir une augmentation ou une diminution du rendement quantique de fluorescence[42,135]. En effet, comme il a été rappelé dans la partie précédente, l’environnement proche des NP métalliques se caractérise par l’exaltation localisée et le

confinement des champs électromagnétiques. Cela peut alors augmenter de façon significative la fluorescence de fluorophores placés à proximité de ces NP. On parle alors de fluorescence exaltée par un métal (en anglais metal-enhanced fluorescence, MEF). Aussi, le rapprochement entre fluorophore et NP métallique peut conduire à l’extinction de l’énergie du fluorophore excité causé par un transfert non radiatif vers le métal.

D’abord démontrées avec des fluorophores organiques, ces interactions exclusives ont été, depuis le début des années 2000, mises à profit avec des NP métalliques et des QD. En effet, ces mécanismes sont très dépendants de la forme des NP métalliques, de l’orientation du fluorophore et de la distance entre la NP métallique et le fluorophore[136–139]. Ces propriétés de couplage exciton—plasmon sont donc très prometteuses pour des applications dans le domaine biomédical ou en microscopie[135].

B.1 Extinction de fluorescence

À l’échelle d’un chromophore moléculaire, Parak et al. se sont intéressés à l’évolution du rendement quantique de la fluorescence d’une cyanine attachée à des AuNP et maintenue à des distances fixes bien définies à l’aide d’espaceurs ADN rigides[140] (Figure 23a). Cette étude révèle que le rendement quantique dépend de la distance entre les cyanines et les AuNP car elle modifie leur taux d’émission. Une étude comparable a été menée par l’équipe de Strouse : celle-ci met en évidence le transfert d’énergie entre fluorescéine et AuNP à des distances plus grandes que celles d’un FRET traditionnel mais qui est lui aussi dépendant de la distance entre émetteur et accepteur d’énergie[141].

Figure 23. (a) Représentation schématique du couplage entre les AuNP et la cyanine réalisé avec des brins d'ADN de différentes longueurs qui induisent une extinction progressive de leur fluorescence à 666 nm (extrait de [140]). (b) Évolution de l’intensité de fluorescence de QD suivant leur couplage ou non à des AuNP par de l’ADN double brin (extrait de [142]).

Cette relation entre rendement quantique de l’émetteur et sa distance avec une NP métallique a aussi été démontrée pour des NP semi-conductrices[42,142,143]. Par leurs travaux de 2004, Libchaber et al. ont mis en évidence un processus de type FRET entre QD et AuNP à travers un couplage par des brins d’ADN rigides (Figure 23b). L’étude théorique réalisée en 2006 par Naik et al. a montré que, dans des complexes QD—AuNP, le taux de dissipation d’énergie de l’exciton des QD dépend fortement de l’interdistance ainsi que de l’énergie et du moment dipolaire de l’exciton.

En 2006, Naik et al. sont aussi parvenus à étudier une extinction similaire en couplant ces deux types de particules à l’aide d’une paire anticorps/antigène ou grâce à la paire biotine/streptavidine. Ces travaux ont montré que l’extinction dépend notamment du nombre de AuNP attachées par QD. Finalement, les auteurs formulent l’hypothèse selon laquelle le même couplage pourrait permettre l’exaltation de la fluorescence des QD par les AuNP en faisant varier le nombre de AuNP par QD et la distance moyenne entre ces deux entités.

B.2 Fluorescence exaltée par un métal

Des NP métalliques peuvent exalter la fluorescence de QD placés dans leur environnement proche. En effet, le taux d’excitation d’un QD est proportionnel à l’intensité du champ électrique. Sous l’effet de l’exaltation du champ local par les NP plasmoniques, la fluorescence de QD se retrouve « dopée » car ces QD, au contact de ces points chauds (ou

hot spots en anglais) absorbent plus de lumière qu’en l’absence de NP métalliques[135,144]. De plus, les NP métalliques peuvent modifier les taux de recombinaison radiative et non radiative des fluorophores auxquels elles sont couplées, et donc modifier leur rendement quantique et le temps de demi-vie des excitons.

Pour expliquer le phénomène de fluorescence exaltée par un métal, il faut considérer le taux d’excitation et le rendement quantique du fluorophore. Ces deux paramètres sont sensibles à la fréquence d’excitation mais également à la distance qui les sépare des NP métalliques et finalement à l’orientation du fluorophore par rapport à la NP métallique. L’intensité du champ électrique étant très augmentée à proximité de la surface des NP métalliques, le taux d’excitation d’un fluorophore sera maximal lorsque ce dernier sera placé à proximité d’une surface de NP métallique[135].

Figure 24. Évolution de l'intensité de fluorescence en fonction de la position de la bande plasmon de nanoprismes d’Ag fonctionnalisés avec (A) l’Alexa Fluor 488, (B) l’Alexa Fluor 532 et (C) le Rhodamine Red. Les spectres d’absorption et d’émission de chaque fluorophore organique sont également présentés. Extrait de [145].

En plus de la distance entre émetteur et accepteur, l’efficacité du MEF est aussi très dépendante du recouvrement spectral entre la position de la bande plasmon et la bande d’émission de fluorescence. En 2007, les travaux de l’équipe de Ginger ont montré que le facteur d’exaltation de la fluorescence de différents fluorophores organiques varie en fonction de la position de la bande plasmon de nanoprismes d’Ag[145] (Figure 24). Ici, il est montré que le MEF est maximal lorsque la bande d’émission du fluorophore correspond à des énergies plus faibles (soit des longueurs d’onde plus grandes de 10 à 40 nm) que la bande plasmon des nanoprismes. Les auteurs concluent que, pour la mise au point d’un système de MEF, les effets de la distance NP—fluorophore peuvent être minimisés en ajustant les propriétés optiques des entités utilisées.

Dans leur publication de 2006, Naik et al. observent que le facteur d’exaltation de fluorescence dépend beaucoup de la nature du métal[42]. Ils indiquent également que l’exaltation induite par des AuNP n’est possible que pour des émetteurs à faible rendement quantique (de l’ordre de 1 %). La résonance plasmon des NP d’argent étant particulièrement forte, ces particules seraient plus prometteuses pour des applications optiques et la détection basée sur le MEF.

Figure 25. (a) Coupe transversale d'un modèle d’assemblage des AuNP autour d’un nanofil de CdTe et évolution de la fluorescence du complexe au cours de sa formation (extraits de [146]). (b) Évolution de la fluorescence E de QD CdTe couplé à des AuNP par un polymère thermosensible en fonction de la température du milieu (extraits de [147]).

Finalement, les travaux de l’équipe de Kotov sont particulièrement passionnants car ils illustrent le phénomène de MEF avec des systèmes colloïdaux. Ils sont parvenus à mettre en place le MEF en utilisant des nanofils de CdTe et des AuNP assemblés grâce au couple streptavidine—biotine[146] (Figure 25a). Dans une autre étude, ils ont mis au point un « nanothermomètre » construit à partir de AuNP et de QD CdTe connectés par un polymère thermosensible[147] (Figure 25b). Les fluctuations thermiques induisent un changement de conformation du polymère et donc de l’interdistance entre QD et AuNP. Ainsi il est possible de relier la modulation optique à la fluctuation de température. Le couplage exciton— plasmon est ici mis en évidence par l’exaltation de la fluorescence des QD causée par MEF. L’équipe de Bawendi a également publié des travaux montrant l’exaltation de la fluorescence de QD CdSe/ZnS au contact d’une surface d’or rugueuse[148]. De telles structures peuvent permettre, à terme, de parvenir à contrôler l’exaltation de fluorescence de QD adjacents à

des nanostructures métalliques. Il s’agit là d’un objectif majeur pour réussir à appliquer le phénomène de MEF dans des dispositifs.

C. Conclusion partielle

Cette partie a été l’occasion de passer en revue les propriétés optiques uniques émergeant du couplage de particules semi-conductrices (couplages exciton—exciton) et du couplage hybride de NP semi-conductrices et métalliques (couplages plasmon—exciton). Dans tous les type de couplages mis en jeu, l’interdistance séparant les particules est le paramètre clé à maîtriser si l’on souhaite ajuster les couplages de NP[149]. Parvenir à ce niveau de contrôle permettrait d’optimiser la réponse optique d’un système en définissant une interdistance sur mesure.