• Aucun résultat trouvé

Partie III. Étude des interactions protéine—protéine après bioconjugaison

B.1 Affinité entre les protéines A3 et α2 libres

B.1.i. Mesure d’affinité

Afin de valider l’expérience, la spécificité de l’affinité entre les protéines seules est testée dans un premier temps. À cet effet, une mesure d’affinité est réalisée par SPR dans laquelle α2 est injectée sur 4 surfaces différentes (Figure 22). Tandis que la surface sur laquelle la protéine A3 a été immobilisée montre un signal d’association important (40 RU) lors de l’injection de α2 à 2 nM, les deux surfaces fonctionnalisées avec des protéines non spécifiques (BSA et α2 elle-même) ne donnent aucun signal. Ce résultat indique très clairement la spécificité de l’affinité α2•A3. D’autre part, l’allure exponentielle de la phase d’association démontre le mécanisme d’association 1:1 entre α2 et A3 (c’est-à-dire α2 + A3 = α2•A3)[67]. Cette observation confirme les résultats obtenus lors de la caractérisation de la paire α2/A3 par titration calorimétrique isotherme (ITC) à travers laquelle un coefficient de stœchiométrie expérimental valant 0,81 ± 0,01 a été déduit[1].

Figure 22. Sensorgrammes montrant la mesure d'affinité de α2 avec A3 (courbe verte), la BSA (courbe bleue), α2 (courbe rose) et la surface nue (courbe rouge).

B.1.ii. Cinétique de l’interaction entre protéines libres

La suite de cette étude consiste à analyser la cinétique de l’affinité entre les deux protéines libres. Pour cela, des solutions de α2 à différentes concentrations sont injectées sur une surface fonctionnalisée avec A3 (Figure 23). Pour la détermination de la constante d’affinité KD caractérisant l’interaction entre ces protéines, nous nous basons sur les bases du travail réalisé par J. Prasad et S. Viollet qui s’appuie sur trois méthodes différentes[68]. Elles sont toutes les trois basées sur un modèle d’interaction de Langmuir de type 1:1. La première

méthode consiste à utiliser le logiciel BIAevaluation qui effectue un ajustement des courbes en association et en dissociation et qui détermine une constante d’affinité KD(Biacore). Ainsi, la mesure de cinétique effectuée avec α2 injectée sur la surface A3 permet de calculer une constante de dissociation à l’équilibre KD(Biacore) qui vaut 4,4 ± 0,9 nM (Figure 23).

Figure 23. Analyse cinétique de l’association entre α2 et A3. Des solutions en protéines à différentes concentrations de α2 sont mises en contact avec une surface fonctionnalisée avec A3. Les concentrations en α2 sont (de bas en haut) 0 nM ; 0,4 nM ; 0,8 nM ; 1,2 nM ; 1,6 nM ; 2,0 nM et 2,4 nM.

La seconde méthode utilisée pour la détermination du KD est basée sur des ajustements de courbe manuels utilisant le modèle d’association décrit par l’équation suivante (pour 0 ≤ t ≤ t1) :

𝑅(𝑡) = 𝑅𝑒𝑞(1 − 𝑒−(𝑘𝑎[𝑎𝑛𝑎𝑙𝑦𝑡𝑒]+𝑘𝑑).𝑡) Eq. 1

En dissociation, le modèle utilisé est décrit par l’équation suivante (pour t ≥ t1) :

𝑅(𝑡) = 𝑅+ (𝑅1− 𝑅)𝑒−𝑘𝑑.(𝑡−𝑡1) Eq. 2

Req et Rdéfinissent respectivement les valeurs asymptotiques du signal mesuré à l’équilibre des phases d’association et de dissociation. t1 et R1 sont le temps et le signal SPR au début de la phase de dissociation. [analyte] désigne la concentration molaire de la solution d’analyte injectée sur la surface de la puce.

Figure 24. Ajustements de courbes effectués manuellement pour les phases d'association et de dissociation (courbes noires) de la mesure de cinétique effectuée avec des solutions de α2 injectées sur une surface A3. Les concentrations en α2 sont (de bas en haut) 0 nM ; 0,4 nM ; 0,8 nM ; 1,2 nM ; 1,6 nM et 2,4 nM.

Pour la mesure de cinétique effectuée avec α2 injectée sur une surface A3, des ajustements de courbes ainsi réalisés en association et en dissociation (Figure 24) permettent d’établir une seconde méthode de détermination des paramètres cinétiques. Pour la phase d’association, l’Eq. 1 nous permet de tracer une droite de type y = ax + b avec a = ka ; x = [analyte] et b = kd. Le coefficient directeur de la droite ainsi tracée vaut ka. D’autre part, le calcul de kd est effectué à partir de la phase de dissociation à l’aide de l’Eq. 2 : à l’aide des différentes concentrations nous calculons une valeur moyenne de 1/t1

qui vaut kd. La constante d’affinité est alors calculée à l’aide de KD(fit) = kd/ka. En appliquant cette méthode à la mesure effectuée par injection de α2 sur une surface A3, nous obtenons un kd compris entre 6,3.10-3 s-1 et 4,9.10-3 s-1 et un ka de 4,3.105 M-1.s-1. Ainsi, nous déterminons un KD(fit) qui vaut 12,95 ± 2,25 nM.

Figure 25. (a) Prolongement des ajustements de courbes opérés pour la phase d’association. (b) Relation linéaire entre Req et [α2]. (c) Scatchard plot permettant de déterminer KD(Scatchard) à partir de la pente de la droite de régression linéaire effectuée (courbe rouge).

Finalement, la qualité des ajustements de courbes de la phase d’association nous permet de déterminer une valeur asymptotique du signal mesuré à l’équilibre des phases d’association, Req. La prolongation de ces ajustements de courbe (Figure 25a) permet de vérifier qu’elles ne se croisent pas. Ces valeurs de Req déterminées pour différentes concentrations en analyte montrent que nous nous situons dans le domaine quasi-linéaire du modèle d’isotherme de Langmuir (Figure 25b) et elles sont ensuite traitées à l’aide de la méthode de Scatchard. Cette méthode présente l’avantage d’éviter de déterminer les constantes kd et ka et l’on trace alors le Scatchard plot (Figure 25c) selon l’équation suivante :

𝑅𝑒𝑞 = 𝑅𝑒𝑞

[𝑎𝑛𝑎𝑙𝑦𝑡𝑒]× (−𝐾𝐷) + 𝑅𝑚𝑎𝑥 Eq. 3 La linéarité du graphe obtenu valide cette approche (Figure 25c). Alors, ce graphe permet d’extraire la valeur de KD de l’interaction étudiée directement à partir du coefficient directeur de la droite obtenue lorsque l’on trace Req en fonction de Req/[analyte]. Pour la mesure de cinétique effectuée avec α2 injectée sur une surface A3 (Figure 25c), nous déterminons une pente KD(Scatchard) qui vaut 10,7 nM.

À partir des mesures de cinétiques effectuées en injectant α2 sur une surface A3, nous obtenons des valeurs expérimentales KD(Biacore), KD(fit) et KD(Scatchard) déterminées par les trois méthodes présentées ici. Celles-ci sont comprises entre 4,4 nM et 12,95 nM et sont en accord avec la valeur de KD = 4,2 ± 3,8 nM déterminée par ITC pour l’interaction α2— A3[1]. D’autre part, la mesure symétrique, c’est-à-dire A3 injectée sur la surface α2 donne des ajustements de courbe moins satisfaisants et un KD(Biacore) de 31 ± 7,0 nM (Figure 26). L’asymétrie observée dans l’interaction entre α2 et A3 est attribuée à l’oligomérisation possible (en particulier la dimérisation de A3) qui peut partiellement limiter la réaction par le transport de masse lors de son injection sur la surface α2. Pour réduire cette limitation, des mesures complémentaires pourraient être envisagées avec une faible concentration surfacique de protéines α2 immobilisées[69] qui reste cependant difficile à contrôler.

Figure 26. Analyse cinétique de l’association entre α2 et A3. Des solutions en protéines à différentes concentrations de A3 sont mises en contact avec une surface fonctionnalisée avec α2. Les concentrations en A3 sont (de bas en haut) 0 nM ; 0,5 nM ; 1,0 nM ; 1,5 nM ; 2,0 nM ; 2,5 nM ; 3,0 nM ; 3,5 nM ; 4,0 nM ; 4,5 nM et 5,0 nM.