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Partie I. Objectifs et présentation de la stratégie adoptée

B. Affinité pour la surface des nanoparticules

Comme expliqué au chapitre I, fixer ou greffer des protéines sur une surface peut être réalisé efficacement via un greffage de type covalent. Cette méthode bien établie nécessite de greffer des fonctions acides carboxyliques de façon non covalente sur la surface de ZnS ou CdS, en deux étapes suivies d’une purification au minimum. De plus et surtout, son caractère non spécifique induit un manque de contrôle dans la bioconjugaison en termes de stœchiométrie et d’orientation. Lors d’un couplage peptidique, réalisé par exemple avec le 1-éthyl-3-(3-diméthylaminopropyl)carbodiimide (EDC) et le N-hydroxysuccinimide (NHS) en tant qu’agents d’activation des acides carboxyliques, les très nombreux

groupements amines portés par la protéine sont capables de se coupler avec les COOH activés. Ce caractère incontrôlable peut induire de l’hétérogénéité dans l’orientation de la biomolécule fixée sur les nanoparticules. Plusieurs liaisons peptidiques pour une seule protéine sont envisageables, ce qui peut détruire la conformation tridimensionnelle de la protéine et donc altérer ses propriétés de reconnaissance. Cette méthode de bioconjugaison peut même aller jusqu’à la formation d’oligomères de nanoparticule—protéine qui peut résulter en la précipitation des objets[8]. Afin de contrôler le plus précisément possible le greffage des protéines sur la surfaces des nanoparticules semi-conductrices et métalliques, des tags (ou étiquettes) d’affinité pour l’échange des ligands PEGylés par les protéines ont donc été introduits dans la séquence des protéines. Il s’agit de courtes séquences d’acides aminés ajoutées par recombinaison génétique à la structure d’une protéine. Ici, nous avons utilisé le tag poly-histidine et le tag poly-cystéine qui ont déjà été identifiés et validés au laboratoire comme de très bons ligands des surfaces ZnS et CdS[9–11].

B.1 Le tag poly-histidine

L’étiquette poly-histidine est constituée de 6 histidines (un « Histag ») et a, historiquement, été développé pour la purification des protéines. Ce tag a été développé par D. Stüber en 1988 pour l’ingénierie des protéines recombinantes afin de mettre à profit les propriétés chélatantes de l’histidine grâce au doublet libre donneur d’électrons des atomes d’azote[12]. Celle-ci présente en effet une forte affinité pour les cations divalents Ni2+, Cu2+, Co2+, Zn2+, Cd2+ et dans une moindre mesure Fe3+ par liaison de coordination et permet de purifier à grande échelle les protéines à l’aide d’une chromatographie d’affinité. De cette façon, l’utilisation de protéines fusionnées avec un Histag ont pu être greffées sur des nanoparticules à l’aide d’agents chélatant tels que l’acide aspartique (qui fixe le Ni2+ pour exalter la fixation des protéines étiquetées Histag) ou encore par la chélation des ions Zn2+

directement disponibles à la surface de QD CdSe/ZnS[13–15] comme schématisé en Figure 3. La constante d’équilibre de la fixation de protéines Histag sur des QD CdSe/ZnS est par ailleurs de l’ordre du nanomolaire[16].

Figure 3. Greffage d'une protéine A3 sur un QD CdSe/ZnS : représentation schématique de la chélation d’un ion Zn2+ par le Histag de A3.

Un Histag HHHHHH a été ajouté par recombinaison à l’extrémité N-terminale de α2 et A3 et est observable dans leur séquence en Figure 1a et Figure 1b. Ce tag doit ainsi fournir aux deux protéines une affinité pour la surface des nanoparticules semi-conductrices (QD CdSe/ZnS et QR CdSe/CdS) car ces deux types d’objets sont recouverts par soit une couche de sulfure de zinc ZnS ou soit une couche de sulfure de cadmium CdS.

B.2 Le tag poly-cystéine

Une autre stratégie employée pour mettre au point des ligands et des biomolécules présentant une haute affinité pour la surface cristalline des QD est celle du tag poly-cystéine. Cette stratégie repose sur l’affinité du groupement thiol de la cystéine pour les surfaces de ZnS à travers une liaison de coordination établie avec l’ion Zn2+[17]. Cette stratégie trouve son origine dans les travaux publiés en 2002 par Belcher et al. qui ont utilisé un peptide de reconnaissance. Ce dernier contenait une séquence d’affinité composée de 2 cystéines qui a permis l’assemblage et l’organisation de QD ZnS et de virus bactériophages[18]. Par la suite, en 2004, les travaux de Pinaud et al. ont montré l’utilisation de peptides construits avec un motif d’affinité constitué d’une répétition de cystéines pour la fonctionnalisation et la bio-activation de QD CdSe/ZnS[19]. Au laboratoire, en 2008, les travaux de A. Dif ont montré l’utilisation de peptides poly-cystéine pour le ciblage et le marquage de membranes de vésicules lipidiques[10].

Dans la continuité de ces travaux, l’insertion à l’extrémité C-terminale d’un tag poly-cystéine CGCGCGS (Cystag, voir Figure 1) a été utilisée sur α2 et A3 en tant que second point d’accroche pour la surface de QD CdSe/ZnS et les QR CdSe/CdS pour renforcer le greffage sur ces nanoparticules semi-conductrices. D’autre part, cette approche a déjà été utilisée pour le greffage des protéines α-Repeat sur des nanoparticules d’or via la

chemisorption du soufre de la cystéine sur la surface d’or (protéine-SH + Au → protéine-S-Au + e- + H+).

Figure 4. Représentation schématique du greffage d'une protéine A3 sur une nanoparticule par liaison de coordination entre Cd2+, Zn2+ ou Au et les fonctions thiols du Cystag.

Comme montré en Figure 4, la présence du Cystag à l’extrémité C-terminale de A3 ne modifie pas sa structure et permet son greffage sur des QD et AuNP. Cette stratégie a pu faire ses preuves lors des travaux sur l’auto-assemblage de AuNP et a démontré que l’affinité au sein du couple α2—A3 n’est pas altérée par la présence de ce tag poly-cystéine[1]. B.3 Conclusion

Dans le but de réaliser des auto-assemblages de nanoparticules semi-conductrices et métalliques les séquences en acides aminés des protéines α-Repeat α2 et A3 ont été modifiées pour introduire des tags spécifiques à la surface des QD et des QR qui peuvent aussi fonctionner pour les nanoparticules d’or. La présence d’un Histag est nécessaire à la purification des protéines mais aussi afin de renforcer l’affinité pour les QD CdSe/ZnS et les QR CdSe/CdS, un Cystag composé de trois cystéines (CGCGCG) a été introduit. Nous disposons donc de protéines α-Repeat α2 et A3 toutes possédant un Histag et éventuellement les mêmes protéines avec un Cystag en plus du Histag pour effectuer les greffages sur les nanoparticules.